Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2015

 

Article

Ramón Lorenzo 1 / Fabio Vignoletti 1 / Mariano Sanz 2  

1- Professeur invité
2- Professeur

Département de parodontologie
Faculté d'odontologie
Université Complutense de Madrid
Plaza Ramon y Cajal s/n
28040 Madrid, Espagne

Résumé

Résumé

L'insuffisance de muqueuse kératinisée peut entraîner une inflammation gingivale qui fait obstacle aux gestes d'hygiène appropriés et qui peut par conséquent influer à long terme sur la santé des tissus péri-implantaires. Différentes techniques ont été décrites pour traiter ce manque de tissu kératinisé, allant des vestibuloplasties à la greffe conjonctive libre ou à la greffe gingivale libre, les deux étant prélevées au palais. Les études précliniques et cliniques ont montré que la greffe de tissu conjonctif permet d'augmenter la quantité de tissu kératinisé et de maintenir les résultats dans le temps de façon stable et prévisible. Cependant, cette approche présente des inconvénients comme la nécessité d'un second site chirurgical ou une cicatrisation inesthétique « en rustine ». Pour éviter d'utiliser des greffes de tissu conjonctif, différents types d'allogreffes et de xénogreffes ont été étudiés et leur utilisation clinique montre des résultats prometteurs. Le but de cette revue est d'évaluer l'efficacité clinique de ces substituts de tissus mous en termes de résultats cliniques et de ressenti par les patients.

Summary

Abstract

The lack of keratinized mucosa may lead to the presence of gingival inflammation that prevents to perform adequate oral hygiene measures and thus may influence peri-implant long-term health. Several techniques have been described to solve the lack of keratinized tissue ranging from vestibuloplasties to the free connective tissue graft or the free gingival tissue graft both harvested from the palate. Preclinical and clinical studies demonstrated that the use of a connective tissue graft is able to augment the quantity of keratinized tissue and predictably maintain stable results over time. However, this method is not free of drawbacks such as the need of a second surgical bed and an unsuitable patch-like healing. To avoid the use of connective tissue grafts, different type of allografts and xenografts have been introduced into research and clinical practice demonstrating promising results. The aim of this narrative review is to evaluate the clinical efficacy of these soft tissue substitutes in terms of clinical and patient centered outcomes.

Key words

Keratinized tissue, soft tissue augmentation, xenograft, collagen matrix, recession.

Introduction

La gencive est une muqueuse spécialisée qui inclut la gencive libre et la gencive attachée et qui s'étend de la gencive marginale à la jonction muco-gingivale. Lorsque les dents sont extraites, le tissu gingival diminue et la crête osseuse résiduelle est recouverte d'une quantité moins importante de muqueuse kératinisée (MK) qui se comportera comme une muqueuse bordante lorsqu'on posera les implants. On admet que l'absence de gencive kératinisée puisse être compatible avec un état de santé parodontale (Dorfman et al., 1980 ; Kennedy et al., 1985). Certaines situations cliniques cependant, essentiellement lorsque la gencive marginale souffre d'inflammation ou de traumatisme chronique, montrent, en l'absence de gencive kératinisée, une tendance à la perte d'attache clinique et à l'augmentation des récessions. La situation de la muqueuse marginale autour des implants dentaires est similaire. Plusieurs études de cas prospectives et rétrospectives ont montré une inflammation et une récession augmentées au niveau de la muqueuse marginale autour d'implants dentaires lorsque ce tissu n'est pas kératinisé (Chung et al., 2006 ; Zigdon et Machtei, 2008).

De plus, des études cliniques récentes ont conclu qu'une zone plus large de muqueuse kératinisée :

– apportait une meilleure stabilité des tissus mous et durs (Bouri et al., 2008) ;

– favorisait une maintenance à long terme des implants dentaires (Kim et al., 2009) (fig. 1).

En cas de manque de tissu kératinisé autour des dents ou des implants dentaires ou lorsque le patient est dans l'incapacité d'entretenir correctement ces tissus pour qu'ils soient dépourvus de toute inflammation, on peut éviter ces effets défavorables par différentes techniques d'augmentation chirurgicale des tissus mous, et bien que de nombreuses techniques chirurgicales et différents matériaux de greffe aient été proposés, aucun consensus n'a encore émergé sur l'approche chirurgicale la plus appropriée et le substitut de tissu mou le plus efficace. L'objet de cette revue est d'évaluer le niveau de preuve scientifique des techniques chirurgicales et des substituts de tissus mous utililisés dans les procédures d'augmentation de tissus mous autour des dents et des implants.

Techniques d'augmentation des tissus mous

Les procédures régénératrices des tissus mous faisant appel à différentes techniques chirurgicales et à des techniques régénératrices ont été regroupées par l'American Academy of Periodontology sous la dénomination « chirurgie plastique parodontale » (AAP, 1996). Bien qu'elles aient eu initialement pour but de « corriger ou éliminer des déformations anatomiques, de développement ou traumatiques ayant influé sur la morphologie, la position et/ou la quantité de gencive autour des dents », leur dénomination a plus tard été étendue pour englober les thérapeutiques d'augmentation des tissus mous au niveau des crêtes édentées et autour des implants dentaires.

Une récente revue systématique a évalué l'efficacité des différentes techniques chirurgicales utilisées pour l'augmentation des tissus mous autour des dents naturelles et des implants dentaires (Thoma et al., 2014). Elle a analysé 9 articles, répartis en études de cas cliniques randomisés, en études de cas cliniques contrôlés et en séries de cas, regroupant 283 patients et 375 sites présentant un manque ou une largeur insuffisante de tissu kératinisé attaché. Les méthodes et les techniques utilisées pour l'augmentation des tissus mous incluaient l'absence de traitement, le lambeau positionné apicalement/vestibuloplastie (LPA/V) ou ces techniques associées à des tissus autogènes, ou une greffe gingivale libre (GGL) ou une greffe de tissu conjonctif et lambeau positionné apicalement/vestibuloplastie associée à une greffe allogénique ou à une matrice collagénique. La période de suivi était de 16,2 mois.

Greffes de tissu mou autogène

L'approche chirurgicale classique est la combinaison du lambeau positionné apicalement/vestibuloplastie et de l'utilisation d'une autogreffe (AG) afin d'augmenter les dimensions gingivales/muqueuses et de créer une bande de tissu kératinisée autour des dents ou des implants. Cette technique porte le nom de greffe gingivale libre (GGL) (Sullivan et Atkins, 1969), si l'on considère que l'autogreffe est appliquée directement sur un lit périosté avasculaire et s'accompagne d'une cicatrisation dans un environnement non enfoui. Les études longitudinales ont montré que les greffes gingivales libres ont des résultats prévisibles et permettent d'obtenir la création, au bout de 4 ans, d'un tissu kératinisé (Dorfman et al., 1982). La comparaison avec la technique de dénudation périostée (LPA/V + GGL ou LPA/V seul) dans un essai clinique réalisé auprès de 64 patients et portant sur 64 sites avec une faible hauteur de gencive kératinisée (< 1,5 mm) montre que l'utilisation d'une greffe gingivale libre (groupe GGL) permet un gain de largeur plus important de muqueuse attachée que celui obtenu dans le groupe LPA/V (Basegmez et al., 2012).

Thoma et al., étudiant l'efficacité de cette technique par rapport au lambeau positionné apicalement seul, ont montré une différence moyenne significative de 4,49 mm en faveur du lambeau positionné apicalement/vestibuloplastie associé à l'utilisation d'une autogreffe (Thoma et al., 2009). Leur étude conclut que l'association d'un lambeau repositionné apicalement et d'une greffe gingivale libre est le gold standard permettant d'obtenir une bande stable de nouveau tissu kératinisé.

Une autre controverse se manifeste avec la question du timing idéal de réalisation de l'autogreffe en cas de pose d'implant. Stimmelmayr et al. se sont penchés sur cette question et n'ont pas trouvé de différence significative en termes de largeur de tissu kératinisé selon que la greffe gingivale libre était réalisée au moment de la pose de l'implant ou lors de sa découverte (le gain moyen de tissu kératinisé pour LPA/V + GGL varie de 2,2 à 3,3 mm) (Stimmelmayr et al., 2011).

Cependant, la greffe gingivale autogène, même si elle apporte des résultats significatifs au niveau de l'augmentation de la largeur et de l'épaisseur des tissus kératinisés, ne conduit pas à de bons résultats esthétiques (aspect de « rustine ») et l'importante morbidité consécutive à la cicatrisation du palais incite à rechercher une solution de remplacement au greffon palatin (fig. 2 à 6).

Une telle solution a été proposée par Edel avec les greffes libres de tissu conjonctif (GLTC) (Edel, 1974). Ces greffes, même si elles ont montré un pourcentage plus important de contraction pendant la cicatrisation, sont hautement prévisibles et donnent d'excellents résultats en termes d'esthétique et d'intégration colorimétrique (Roccuzzo et al., 2002). En effet, chez les patients présentant une denture naturelle avec une faible quantité de tissu kératinisé (< 1 mm), leur utilisation permet, par rapport au site non greffé, une augmentation gingivale significative ; cette dernière favorise le contrôle de plaque et réduit l'inflammation gingivale ainsi que la perte d'attachement (Orsini et al., 2004). Les deux techniques de greffe sont malgré tout associées à une morbidité significative due à la nécessité d'un second site opératoire, généralement au niveau de la muqueuse palatine. L'importante morbidité associée à l'autogreffe a conduit à rechercher un substitut des tissus mous autorisant des résultats cliniques similaires mais avec une morbidité réduite pour le patient.

Substituts des tissus mous

Les premiers substituts de tissus mous évalués en recherche clinique ont été les matériaux allogéniques, principalement les matrices dermiques acellulaires. L'origine de ce matériau est la peau prélevée sur des cadavres humains donneurs ; l'épiderme ainsi que tous les composants cellulaires en ont été retirés, préservant ainsi seulement la trame fibreuse du derme. Afin de tester la capacité de ces matériaux à augmenter la largeur des tissus kératinisés autour des implants dentaires (Park et al., 2006), ces greffons ont été placés en association avec un lambeau positionné apicalement et une approche non enfouie ; les résultats montrent une légère augmentation de la bande de tissu kératinisé, essentiellement due à la contraction de la zone greffée (58 %). Lorsque l'on compare la greffe de matrice dermique acellulaire et la greffe gingivale libre, le gain en muqueuse kératinisée est significativement plus important pour la seconde (5,5 contre 2,5 mm). Ces résultats sont principalement dus à une contraction significativement moindre dans le groupe greffe gingivale libre (71 contre 16 %) (Wei et al., 2000).

Une nouvelle matrice collagénique d'origine porcine (Mucograft®) a été récemment proposée par Geistlich Pharma AG (Wolhusen, Suisse) pour son utilisation comme alternative aux greffes gingivales libres en chirurgie plastique parodontale pour l'indication de l'augmentation clinique des tissus mous (fig. 7 à 11). Son innocuité et ses effets ont été évalués au cours d'études précliniques (Thoma et al., 2012 ; Vignoletti et al., 2011). Elle a été testée pour l'augmentation des tissus kératinisés autour des dents et des implants dentaires supports de restaurations prothétiques fixées (Sanz et al., 2009 ; Lorenzo et al., 2012) et a permis d'obtenir une bande limitée mais constante de tissu gingival/muqueux kératinisé. Dans ces deux études cliniques randomisées, l'application d'une matrice collagénique conduit, par rapport à une greffe conjonctive, à des gains presque identiques de largeur de tissu kératinisé (autour de 2,5 mm).

Lee et al. ont évalué le changement de largeur de la gencive kératinisée après LPA/V, après LPA/V + matrice collagénique et, enfin, après LPA/V +GGL (Lee et al., 2010). Au bout de 3 à 4 semaines, le groupe associé aux greffes gingivales libres montre une augmentation de gencive kératinisée la plus importante (2,5 mm) alors que le lambeau positionné apicalement/vestibuloplastie associé à la matrice collagénique (1,8 mm) conduit à une morphologie plus physiologique et plus favorable que le lambeau positionné apicalement/vestibuloplastie seul (1,6 mm).

De la même manière, McGuire et al. ont comparé la même matrice collagénique (site test) à la greffe gingivale libre (site contrôle) dans un essai clinique randomisé en bouche divisée visant à augmenter la largeur de tissu kératinisé autour des dents. Les résultats au bout de 6 mois sont proches, avec certes une largeur moyenne de gencive kératinisée supérieure de 1,5 mm dans le groupe contrôle mais avec une nouvelle création de hauteur de gencive kératinisée en moyenne de 2 mm pour chacun des deux groupes (fig. 12).

Une autre étude portant sur une membrane de matrice extracellulaire dérivée de sous-muqueuse de l'intestin grêle de cochon (Dynamatrix®) a été conduite. Ce biomatériau est constitué de molécules de matrice extracellulaire similaires à celles des tissus gingivaux, comme les collagènes (types I, III, IV et VI), les glycosaminoglycanes, les glycoprotéines, les protéoglycanes et les facteurs de croissance. L'innocuité, la faisabilité et l'efficacité de cette membrane de matrice extracellulaire dans l'augmentation gingivale ont été étudiées dans une étude randomisée contrôlée par quadrant comparant la membrane test + LPA et le LPA + GGL. Les résultats montrent, pour la GGL, que la quantité de gencive kératinisée avait approximativement doublé à la fin de l'étude (Nevins et al., 2011).

Un biomatériau issu de la peau par ingénierie tissulaire (thérapie cellulaire bicouche, TCB) a été testé pour sa capacité à favoriser la présence de tissu kératinisé et la cicatrisation autour des dents. Le biomatériau TCB est constitué de collagène de type I (extraits de tendons de bovins purifiés par la suite), de fibroblastes allogéniques humains et de kératinocytes isolés de prépuces humains. Il ne doit pas être considéré comme une greffe de remplacement tissulaire mais comme un traitement permettant une libération cellulaire qui favorise la cicatrisation avec les tissus propres du sujet. McGuire et al. ont évalué l'innocuité et l'efficacité de ce biomatériau et l'ont comparé à une greffe gingivale libre (McGuire et al., 2008). Le TCB a démontré une augmentation significative de gencive kératinisée même si ses résultats ont été inférieurs à ceux de la greffe gingivale libre. Cette dernière permet en effet d'obtenir significativement plus de gencive kératinisée (p < 0,001) que le matériau test (TCB) (respectivement 4,5 þ 0,80 mm et 2,4 þ 1,02 mm). Ces résultats ont été confirmés par la suite dans une étude multicentrique contrôlée randomisée sur 96 patients comparant le TCB avec le traitement classique de greffe gingivale libre. De manière identique, la greffe gingivale libre conduit à davantage de gencive kératinisée que le TCB (4,57 þ 1,0 mm et 3,2 þ 1,1 mm respectivement). L'effet de ces techniques sur l'augmentation de gencive/muqueuse kératinisée n'a malheureusement fait l'objet que de rares analyses histologiques (tableau I).

Contraction tissulaire

L'augmentation de tissu gingival kératinisé était classiquement réalisée par la technique de la greffe gingivale libre. Dans une étude longitudinale de 4 ans, Rateichak et al. ont montré une contraction moyenne de 25 % tandis que la gencive marginale restait stable durant la période d'observation (Rateitschak et al., 1979). Afin de limiter les problèmes liés à la morbidité pour le patient lors du prélèvement du greffon, Edel a montré que l'utilisation de greffes libres de tissu conjonctif pouvait être une possibilité permettant d'éviter une plaie ouverte au palais et, de la sorte, aider à améliorer l'intégration colorimétrique avec les tissus adjacents (Edel, 1974). Cette approche a permis à Orsini et al. d'objectiver une contraction de la greffe de 40 % au bout de 1 an, conduisant à une large bande de gencive kératinisée (d'environ 5 mm) et à un excellent fondu colorimétrique avec la gencive environnante (Orsini et al., 2004).

Concernant la comparaison de la greffe gingivale libre à la greffe conjonctive avec des substituts de tissus mous afin d'augmenter les tissus kératinisés autour des implants dentaires, deux essais cliniques randomisés (Sanz et al., 2009 ; Basegmez et al., 2012) et une série de cas (Park, 2006) ont montré une rétraction postopératoire ou une contraction des tissus augmentés. Toutes les études ont mis en évidence une contraction du tissu greffé, mais une seule étude a rapporté des résultats comparatifs sur la contraction moyenne de la greffe avec, au bout de 30 jours, un score plus favorable pour les greffes autogènes (greffe conjonctive : 59,7 %) que pour les matrices collagéniques (67,2 %) (Sanz et al., 2009).

Les premiers stades de la cicatrisation de la greffe gingivale libre et de la matrice collagénique ont été étudiés 10 jours après la chirurgie ; une discrète contraction initiale dans la largeur de la gencive kératinisée peut être observée dans les deux groupes (6,65 % pour la greffe gingivale libre et 7,17 % pour la matrice collagénique). Trente jours après la chirurgie, le groupe matrice collagénique montre une contraction du greffon plus importante que celle observée dans le groupe greffe gingivale libre, avec pour conséquence une réduction significative de la largeur de la muqueuse kératinisée, de 18,46 % avec la matrice collagénique et de 14,59 % dans le groupe greffe gingivale libre. Entre le retrait de la fixation vestibulaire au bout de 30 jours et le contrôle au bout de 90 jours, de légères réductions se manifestent : de 7,11 et 7,35 % dans les groupes greffe gingivale libre et matrice collagénique respectivement. La perte totale de muqueuse kératinisée est de 28,35 et 32,98 % dans les groupes greffe gingivale libre et matrice collagénique respectivement.

Récession

Sanz et al. ont évalué les modifications de la position de la gencive (muqueuse) marginale (récession) (Sanz et al., 2009). Bien qu'une récession postopératoire plus importante ait été observée avec la greffe conjonctive, la comparaison avec le groupe matrice collagénique à 6 mois ne montre pas de différence significative. Ces changements de la position de la muqueuse marginale autour des implants dentaires traités par greffe conjonctive ou matrice collagénique ont été évalués par Lorenzo et al. : une augmentation moyenne d'environ 0,5 mm de récession muqueuse a été observée dans les deux groupes, mais ces différences n'étaient pas significatives par rapport à la situation de départ ou entre les deux groupes (Lorenzo et al., 2012). En ce qui concerne l'augmentation de la profondeur vestibulaire, les deux groupes montrent une augmentation significative au bout de 6 mois. Dans le groupe greffe conjonctive, la profondeur vestibulaire évolue de 4,17 (3,3) au départ à 6,00 (2,9) au bout de 6 mois. L'évolution correspondante dans le groupe matrice collagénique est de 2,20 (3,2) au départ et de 5,1 (2,5) au bout de 6 mois. Les différences entre les deux groupes ne sont pas significatives (fig. 13 et 14).

Résultats rapportés par les patients

La perception subjective du patient qui subit ces approches chirurgicales est un point important à considérer. Les patients éprouvent généralement un rejet psychologique des greffes tissulaires car ils ont la conviction que ces techniques sont douloureuses et peuvent conduirent à des complications comme les hémorragies.

Deux essais randomisés contrôlés ont évalué la douleur postopératoire lors de la comparaison des techniques greffe conjonctive et matrice collagénique (Sanz et al., 2009 ; Lorenzo et al., 2012). Dans chacune de ces études, la perception de la douleur était évaluée à l'aide d'une échelle visuelle analogique (EVA), avec une graduation de 1 à 10, et d'un questionnaire, tandis que la douleur était mesurée par la prise postopératoire d'anti-inflammatoires (ibuprofène). Des résultats comparables avec une moindre morbidité ont été observés dans les groupes matrice collagénique dans les deux études. Au bout de 10 jours, les patients du groupe greffe conjonctive présentaient des scores de douleur moyenne significativement plus importants que ceux du groupe matrice collagénique, respectivement de 4,01 (8,5) et de 2,30 (2,39, ces différences étant statistiquement significatives. Au bout de 30 jours, aucun patient du groupe matrice collagénique ne décrivait plus de douleurs, alors que, avec un score moyen de douleur de 1,30 (Sanz et al., 2009), des patients du groupe greffe conjonctive avaient encore cette doléance. En termes de prise de médicaments, la dose d'ibuprofène prise par les patients en postopératoire était statistiquement significativement supérieure dans le groupe greffe conjonctive par rapport au groupe matrice collagénique (Sanz et al., 2009 ; Lorenzo et al., 2012).

McGuire et al. ont évalué la douleur rapportée par le patient, l'inconfort ainsi que la satisfaction esthétique. Bien qu'aucune différence significative n'ait été mise en évidence entre la greffe gingivale libre et la matrice collagénique en ce qui concerne les deux derniers points, les sites avec matrice collagénique ont conduit à de meilleurs résultats au niveau de la texture et de la couleur, et plus des deux tiers des patients ont préféré l'aspect des sites greffés avec les matrices collagéniques.

Durée de l'intervention

La durée de l'intervention lorsque des substituts de tissus mous sont utilisés est un autre facteur à prendre en considération ; éviter d'avoir à réaliser le prélèvement palatin nécessaire à l'autogreffe explique ce gain de temps. Dans chacun des essais contrôlés randomisés ayant comparé la greffe conjonctive et la matrice collagénique, le temps nécessaire à la réalisation de la chirurgie a été moins important dans le groupe matrice collagénique que dans le groupe greffe conjonctive avec une différence de 15 minutes. Ces différences sont statistiquement significatives (Sanz et al., 2009 ; Lorenzo et al., 2012).

Conclusion

Des tissus d'origine allogène, xénogène ou issus de l'ingénierie allogénique ont été testés pour une utilisation clinique. Les résultats les plus prometteurs viennent des tissus issus de l'ingénierie allogénique et des matrices collagéniques xénogènes. Ces dernières favorisent la kératinisation ; elles présentent de bonnes qualités de biocompatibilité et les analyses histologiques ne montrent pas d'image inflammatoire. Bien que les études précliniques soient favorables, les résultats des essais cliniques évaluant le gain de tissu kératinisé autour des dents sont encore en faveur de la greffe gingivale libre. La comparaison des greffes conjonctives aux matrices collagéniques dans l'augmentation de la largeur du tissu kératinisé autour des implants conduit à des résultats semblables, avec un gain moyen proche de 2,5 mm de tissu kératinisé, et ce bien que le niveau de preuve se résume à une étude.

Par ailleurs, lorsque sont évalués les résultats rapportés par les patients, il apparaît que les substituts de tissus mous conduisent :

– à une diminution de la morbidité en termes de réduction de l'inconfort postopératoire et de moindre recours à la prise d'antalgiques ;

– à une diminution de la durée opératoire (deux études) ;

– à de meilleurs résultats au niveau de la texture et de la couleur.

Ces conclusions fondées sur un nombre restreint d'études cliniques doivent cependant, malgré leur intérêt prometteur, être complétées par d'autres recherches cliniques évaluant l'efficacité de ces substituts de tissus mous dans les indications parodontales et péri-implantaires.

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