Article
Waddah SABOUNI* Marjorie PONSOT** Philippe CHANAVAZ*** Georges RACHLIN****
* Orthodontie, La réserve, Bandol
** Chirurgien maxillo-facial, La Casamance, Aubagne
*** Chirurgien-dentiste, parodontie exclusive, attaché d'enseignement à l'hôpital de la Timone, Marseille
Ce rapport de cas montre un traitement pluridisciplinaire chez un patient adulte qui présente une classe II canine et molaire, un articulé inversé bilatéral, des malpositions dentaires et un sourire gingival aggravé par des problèmes parodontaux. Un traitement parodontal initial a été suivi par une distraction maxillaire assistée chirurgicalement et par un traitement d'orthodontie avec la technique des gouttières thermoformées (Invisalign®). À la fin du traitement, un sourire harmonieux, une occlusion corrigée et un bon état parodontal ont été obtenus.
This case report describe the interdisciplinary treatment of an adult patient with class II malocclusion, cross-bite, crowding teeth, gummy smile with periodontal problems. Initial periodontal treatment was followed by surgically assisted rapid palatal expansion and orthodontic therapy by aligners (Invsialign®). An esthetic smile, an appropriate occlusion and a good periodontal health outcomes.
Les traitements d'orthodontie chez l'adulte sont de plus en plus nombreux et les orthodontistes doivent prendre en considération les patients présentant des problèmes parodontaux (Nakajima et al., 2009).
Chez ces patients, on rencontre des vestibulo-versions au niveau des incisives maxillaires, des rotations, des migrations, des pertes de dents, des espaces interdentaires irréguliers, une occlusion souvent traumatique et, également, des problèmes esthétiques.
Avec un traitement combiné, on peut corriger ces phénomènes pathologiques et rétablir une denture saine, fonctionnelle et esthétique (Ong et al., 1998 ; Fukunaga et al., 2006).
Ce rapport de cas décrit le traitement d'un patient présentant un problème esthétique lié à un sourire gingival, des malpositions dentaires, une gingivite importante et un début de parodontite localisée au niveau des incisives mandibulaires, ainsi que des problèmes occlusaux.
Un patient âgé de 35 ans est venu consulter pour des raisons d'esthétique : il souhaitait améliorer son sourire. Les photos extra-orales montrent l'importance du sourire gingival, un profil convexe avec incompétence labiale (fig. 1).
Les photos intrabuccales mettent en évidence un surplomb de 8 mm, une béance antérieure, une dysharmonie dento-maxillaire sur les 2 arcades, une déviation du point interincisif supérieur de 2 mm vers la gauche, une classe II canine et molaire ainsi qu'un articulé inversé bilatéral.
On peut également noter les problèmes parodontaux dans le secteur antérieur maxillaire et mandibulaire (fig. 2). En effet, l'examen clinique montre des lésions d'environ 3 mm au niveau des incisives mandibulaires et le sourire gingival est accentué par une hyperplasie importante de la gencive de canine à canine au maxillaire (fig. 3).
L'analyse céphalométrique orthognathique de Delaire montre une classe I squelettique avec f1M/f1m de 0° (la ligne f1M représente la position du maxillaire et la ligne f1m celle de la mandibule), une vestibulo-version des incisives supérieures de 7°, une linguo-version des incisives inférieures de 13° (fig. 4).
La radiographie panoramique montre l'ensemble des dents définitives sauf 18, 28 et 38. La 48 est incluse et on note une égression des incisives mandibulaires avec une légère perte osseuse au niveau des 31 et 41 (3 mm) (fig. 5).
Les objectifs du traitement sont :
– la correction des problèmes parodontaux ;
– la correction des malpositions dentaires ;
– la correction de l'articulé inversé bilatéral ;
– l'obtention d'une occlusion fonctionnelle stable ;
– l'amélioration de l'esthétique faciale.
L'analyse occlusale, céphalométrique et faciale ainsi que l'examen clinique montrent qu'un traitement parodontal, chirurgical et orthodontique sera nécessaire. Les problèmes parodontaux initiaux nécessitent un contrôle important de l'inflammation avant tout autre traitement (Ericsson et al., 1977).
Après avis du parodontiste, de l'orthodontiste et du chirurgien maxillo-facial, il a été décidé d'entreprendre un traitement ortho-chirurgical avec distraction maxillaire assistée chirurgicalement suivi par un traitement d'orthodontie par gouttières thermoformées (Invisalign®), l'ensemble étant précédé par un contrôle et un traitement de l'inflammation des tissus parodontaux.
Le début du traitement a consisté en une motivation à l'hygiène et un détartrage afin de contrôler l'inflammation (Boyer et al., 2011 ; Pinho et al., 2012). Un surfaçage a été fait de la 33 à la 43, permettant la guérison de la parodontite débutante par un traitement non chirurgical (à la réévaluation, le sondage des poches était inférieur à 2 mm).
Après 2 mois d'observation confirmant la bonne hygiène du patient et le contrôle de l'inflammation des tissus parodontaux, l'intervention de chirurgie maxillo-faciale a eu lieu.
Il s'agit d'un Lefort 1 incomplet (sans disjonction ptérygo-maxillaire) avec la pose d'un distracteur maxillaire à appui intra-osseux TPD (transpalatal distractor de Mommaert) (fig. 6).
Un tour de clé pendant 20 jours, a permis de gagner 6 mm dans le sens transversal. Une vis de blocage a ensuite été placée pour verrouiller le distracteur.
Un mois plus tard, des empreintes optiques (intra-oral scan) ont été prises pour réaliser un set-up virtuel et simuler les objectifs du traitement à l'aide du logiciel ClinCheck® Invisalign® (fig. 7).
Vingt-six aligneurs (13 mois) ont été nécessaires pour obtenir les objectifs du traitement. L'évaluation des mouvements dentaires est résumée dans la figure 8 .
Afin de supprimer « l'espace noir » entre 11 et 21, un traitement d'orthodontie complémentaire de 6 aligneurs (3 mois) avec stripping de 0,3 mm a été réalisé (fig. 9). Une gingivoplastie a été également pratiquée pour harmoniser les collets des incisives supérieures.
Les photographies extra-orales de la fin du traitement ainsi que le sourire du patient confirment un bon résultat esthétique (fig. 10).
Les photographies intrabuccales montrent le bon rapport intra-arcades et interarcades, une bonne intercuspidation avec un surplomb et un recouvrement correct. Une classe I canine et molaire a été obtenue.
On peut également noter que les tissus parodontaux sont sains et que l'alignement dentaire permet une bonne hygiène (Silness et Roynstrand, 1985) (fig. 11 à 13). L'analyse céphalométrique orthognathique de Delaire montre un parfait équilibre squelettique et alvéolaire après traitement (fig. 14).
Le patient présentait un problème parodontal, une classe II molaire droite et gauche avec un surplomb de 8 mm, une béance antérieure et une vestibulo-version des incisives supérieures. Cette vestibulo-version créait une incompétence labiale. Il en résultait une ventilation buccale avec une prédisposition à la gingivite (Harris et al., 1997 ; Ramfjord et Ash, 1981), tout en sachant que la plaque et le tartre sont les facteurs déterminants de la maladie parodontale. Dans ce cas, le traitement parodontal était indispensable et devait se faire avant toute thérapeutique orthognathique et orthodontique (Derton et al., 2011 ; Janson et al., 2011).
Pour notre patient, la diminution de la vestibulo-version des incisives supérieures a permis d'éliminer l'incompétence labiale. Cette dernière ainsi que la correction des malpositions dentaires et l'amélioration de l'occlusion ont entraîné l'élimination d'une partie des problèmes responsables de la maladie parodontale (Corrent et al., 2003).
La distraction maxillaire assistée chirurgicalement a permis la correction de l'occlusion dans le sens transversal ainsi que l'amélioration de la ventilation nasale (Giannantoni et Calicchia, 2014).
Le distracteur maxillaire à appui intra-osseux et le traitement d'orthodontie par gouttières thermoformées (Invisalign®) étaient les techniques de choix chez cet adulte qui présentait des problèmes parodontaux. En effet, le distracteur maxillaire à appui intra-osseux permet une bonne hygiène sans rétention alimentaire entre l'appareil et les dents. Il permet, également, de raccourcir la phase de surveillance post-chirurgicale et de commencer le traitement orthodontique plus tôt qu'avec une technique traditionnelle. En effet, la dépose de l'appareil n'est pas nécessaire pour la réalisation de l'empreinte, ce qui n'est pas le cas avec un distracteur sur bagues.
La technique des gouttières thermoformées permet également une hygiène correcte, car l'appareillage s'enlève pour les séances de brossage dentaire ainsi que lors des contrôles mensuels professionnels. Ces gouttières permettent aussi de contrôler les forces s'exerçant sur les dents en fonction de la qualité du parodonte.
Les patients présentant des problèmes parodontaux, une fois l'inflammation des tissus parodontaux contrôlée (Folio et al., 1985), peuvent être traités de façon satisfaisante en corrigeant les malocclusions et en améliorant l'esthétique quand une approche thérapeutique multidisciplinaire est mise en place.
Le traitement parodontal comprendra une thérapeutique non chirurgicale (motivation à l'hygiène, détartrage, surfaçage radiculaire) et une thérapeutique chirurgicale s'il y a lieu (lésions supérieures à 3 mm). Dans le cas de ce patient, la mise en place de la thérapeutique non chirurgicale a permis de contrôler l'inflammation et de diminuer la profondeur des poches (inférieures à 3 mm). Une fois le traitement ODF terminé, la gingivoplastie sur les incisives latérales maxillaires a permis d'aligner les collets dans un but esthétique.
Dans ce type de cas, l'association de la chirurgie orthognathique et la technique des déplacements dentaires par des gouttières thermoformées permet de corriger les problèmes d'occlusion et d'esthétique en sollicitant le moins possible les tissus parodontaux fragilisés par la maladie.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêts concernant cet article