Article
Paul MATTOUT* Cristina VAIDA** Brice HOUVENAEGHEL*** Hessam NOWZARI****
* GEPI (Groupe d'étude en parodontologie et implantologie)
224, avenue du Prado
13008 Marseille
Parodontologie et implantologie exclusives
** 120, South spalding drive
Suite 201
Beverly Hills California 90212
États-Unis
Parodontologie et implantologie exclusives
Les études sur l'échec et la survie implantaires font appel à de nombreux paramètres. Le but de notre travail et d'évaluer l'échec et la survie des implants lisses selon le sexe des patients, leur âge, l'arcade, le site ainsi qu'en fonction du recul.
Le travail porte sur 700 implants chez 136 patients au parodonte sain ou assaini qui ont été sélectionnés par ordre alphabétique dans un cabinet de parodontologie et d'implantologie exclusives. Tous les implants (à surface lisse, MK2 et MK3 du système Brånemark) ont été posés par le même praticien pendant une période de 16 ans, selon le protocole original décrit par Brånemark en 1977.
Résultats : 95,9 % des implants posés étaient en survie avec un recul de 5 à 16 ans. La moyenne d'âge des patients traités était de 63,1 ans avec 97 femmes et 39 hommes. Chez les femmes, un nombre plus important d'implants (482) a été posé que chez les hommes (218). En revanche, en moyenne, le nombre d'implants posés par homme (5,9) était sensiblement le même que par femme (5). Les échecs ont été plus nombreux, d'une part, chez les femmes que chez les hommes, essentiellement pour les patients de plus de 65 ans, et, d'autre part, dans les sites maxillaires postérieurs que dans les sites mandibulaires postérieurs ou que dans les sites maxillaires antérieurs.
Conclusion : cette étude a permis d'observer un faible taux d'échec implantaire (4,1 %) pour des implants à surface lisse placés en 2 stades chirurgicaux avec un recul de 5 à 16 ans. Le taux d'échec implantaire était plus important chez les femmes de plus de 65 ans, alors que chez les hommes, l'âge ne semblait pas influencer ce taux. Les sites maxillaires postérieurs montrent plus d'échecs implantaires que les autres sites.
Background and aim: Studies of implant failure and survival involve many parameters. The aim of the present retrospective study was to evaluate the clinical outcome of 700 machined surface implants over a 16 year period in relation to gender, age, arcade, site and follow-up time.
Materials and Methods: This retrospective study evaluated 136 consecutive patients who were treated in a periodontal clinic. A total of 700 implants were inserted by one periodontist for a 16-year period according to the original protocol suggested by Brånemark in 1977.
Results: 95.9% of the 700 implants were functional with a follow-up period of 5-16 years. The average age of patients was 63.1 years. The number of females treated (n = 97 and 482 implants) was greater than the number of males (n = 39 and 218 implants). The average number of implants placed was 5.9 in males versus 5 in females. Failures increased with age for women, particularly for those over 65 years of age. Failures were more in maxillary posterior sites than in mandibular posterior sites or in the anterior maxilla.
Conclusion: A low failure rate (4,1%) with machined surface implants, placed with 2-stage surgical protocol, was evidenced in this study at 5–16 year post-insertion. The implant failure rate was higher among females over 65 years, while the age of male patients did not seem to influence the failure rate. Maxillary posterior sites howed more implant failures than other sites.
Depuis que le concept de l'ostéo-intégration a été proposé par Brånemark (Brånemark et al., 1977), le traitement implantaire est devenu une option thérapeutique incontournable.
Les taux de succès à long terme ont rassuré les praticiens et ont incité à une utilisation plus intense de l'implantologie.
Dans le même temps, quelques nouveautés techniques tant sur la géométrie et la surface implantaires que sur les plans chirurgical et prothétique ont contribué à modifier des protocoles qui avaient fait leur preuve. Il semble important d'analyser la pérennité des traitements en répertoriant les taux de survie et d'échec.
En 1994, lors du premier Workshop européen de parodontologie, un groupe d'experts s'est fondé sur les définitions d'Albrektsson et Isidor pour établir les bases des résultats à long terme de l'ostéo-intégration (Albrektsson et Isidor, 1994), les critères de succès étant une absence de mobilité, une absence d'image radio-claire péri-implantaire, une résorption osseuse marginale visible radiographiquement d'un maximum de 1,5 mm la première année de mise en charge, puis de 0,2 mm par an. Depuis ce Workshop, de nombreux paramètres parodontaux ont été pris en compte dans les études des facteurs de risque des échecs implantaires.
Le but de cette étude était d'évaluer les résultats sur 700 implants à surface lisse avec un recul allant jusqu'à 16 ans en fonction du sexe, de l'âge, de l'arcade et du site.
Cette étude rétrospective a été réalisée chez 136 patients sélectionnés par ordre alphabétique parmi les patients traités dans un cabinet de parodontologie et d'implantologie exclusives. L'étude a été volontairement limitée à 700 implants. Tous les implants ont été posés par un même praticien, selon le protocole de Brånemark (Brånemark et al., 1977) décrit à nouveau par Adell et al. (Adell et al., 1981) pendant une période de 16 années.
Les patients ont répondu à un questionnaire de santé afin de vérifier qu'ils ne présentaient aucune contre-indication d'ordre systémique. Un patient, monsieur JD, de 64 ans, dont le questionnaire n'avait révélé aucune pathologie, a subi de nombreux échecs répétitifs qui ont incité les auteurs de l'étude à des investigations médicales. Celles-ci ont permis de déceler une pathologie parathyroïdienne non connue du patient jusqu'alors.
Le parodonte de tous les patients était sain ou préalablement assaini et les patients suivaient un programme classique d'hygiène et de maintenance.
L'examen clinique et radiographique a permis d'étudier de manière rétrospective la survie ou l'échec. La survie a été répertoriée selon trois périodes : moins de 5 ans de recul, entre 5 et 10 ans ou plus de 10 ans. Le moment de l'échec a été noté selon qu'il survenait avant 6 mois (avant ou au moment du deuxième stade chirurgical), entre 6 mois et 5 ans, entre 5 et 10 ans ou au-delà de 10 ans.
Le succès implantaire est caractérisé par :
– l'absence de mobilité après dépose de la prothèse ;
– l'absence d'image radio-claire péri-implantaire ;
– la stabilité du niveau osseux ;
– l'absence de douleur, de neuropathie, de paresthésie ou d'effraction du canal du nerf alvéolaire inférieur ;
– l'absence d'infection.
Un échec implantaire a lieu quand un ou plusieurs des critères de succès ne sont pas retrouvés et aboutissent dans tous les cas à la dépose de l'implant.
L'implant en survie est un implant en fonction au moment de son observation. Il obéit aux mêmes critères que l'implant en succès excepté l'absence de mobilité qui ne peut être testée que si la prothèse est déposée. Dans ce travail, le taux de survie (et non de succès) a été répertorié car les prothèses n'ont pas été déposées pour évaluer l'absence de mobilité.
Les variables suivantes ont été évaluées : l'arcade maxillaire ou mandibulaire, le site antérieur (incisive-canine) ou postérieur (prémolaire-molaire), le sexe (masculin ou féminin), l'âge soit en variable continue, soit en trois sous-groupes (moins de 50 ans, entre 50 et 65 ans et plus de 65 ans) et le recul par rapport à la pose de l'implant (moins de 5 ans, de 5 à 10 ans et plus de 10 ans).
Aucun des patients ne présentait de signes infectieux. S'ils étaient porteurs d'une parodontite, elle était préalablement traitée. La chirurgie implantaire n'était prévue qu'après un minimum de 6 mois postopératoire et un contrôle assurant la stabilité des résultats.
Les implants étaient à surface lisse MK2 et MK3, Brånemark System® (Nobel Biocare), posés en deux stades chirurgicaux espacés de 6 mois. La mise en charge prothétique a donc été effectuée de manière différée en respectant une morphologie prothétique permettant le passage des instruments d'hygiène. Des implants unitaires ou multiples ont été inclus dans l'étude.
La maintenance prévoyait des visites tous les 4 à 6 mois selon la méthodologie habituelle des cabinets de parodontologie avec relevé de l'indice de plaque, de l'indice gingival et de la profondeur des poches.
Les sites implantaires étaient radiographiés à 1 an postopératoire puis tous les 2 ans.
L'analyse a été réalisée sur le nombre d'implants et sur le nombre de patients. Quand 2 ou plusieurs implants ont été posés sur le même patient, ceux-ci ont été considérés comme indépendants dans l'analyse statistique.
L'âge au moment de la pose du premier implant a été retenu pour chaque patient.
Pour chaque site implantaire, il a été noté le numéro de la dent remplacée par l'implant.
Les facteurs prédictifs de survie ou d'échec ont été analysés pour chaque paramètre ou pour des paramètres associés en utilisant le test de chi carré avec une significativité en dessous de 0,05.
Les variables quantitatives ont été exprimées par la moyenne, la médiane et les extrêmes.
Les calculs ont été réalisés en utilisant le programme SPSS version 16.0.2
L'échec a été observé pour 42 implants (6 %) chez 18 patients (13,2 %) et 658 implants (94 %) étaient en survie lors du relevé chez 134 patients (98,5 %).
Sur les 42 échecs, 14 sont survenus chez le même patient (M. JD, 62 ans) ayant reçu 17 implants. Il s'agit du patient porteur d'une pathologie parathyroïdienne non connue jusqu'alors. En excluant ce patient de l'effectif, le nombre d'échecs a été de 28 (4,1 %) sur 683 implants posés et le taux de survie de 95,9 %.
Le nombre de femmes (97) était plus élevé que le nombre d'hommes (39) et 47,2 % des implants ont été posés chez des patients de plus de 65 ans.
Sur 90 maxillaires et 80 mandibules ont été posés respectivement 375 et 325 implants.
Sur 68 sites antérieurs et 112 sites postérieurs ont été posés respectivement 213 et 487 implants(tableau 1).
La moyenne d'âge était de 63,1 ans (extrêmes : 22-92 ans) ; pour les 42 échecs, elle était de 69,1 ans contre 64,2 pour la survie (tableau 2).
La majorité des implants posés appartiennent aux groupes de patients âgés de 60 à 74 ans. Jusqu'à 64 ans, le nombre d'échecs est faible si l'on ne tient pas compte du patient JD. Le taux d'échec implantaire augmente pour les patients entre 65 et 74 ans puis entre 80 et 84 ans. Pour les patients appartenant aux groupes 75-79 ans et 85-92 ans, le nombre d'implants posés est trop faible pour pouvoir en tirer une conclusion (fig. 1).
Le taux d'échec par patient varie peu pour la tranche d'âge 55-74 ans ; en revanche, il est plus élevé pour les patients âgés de 80 à 84 ans. Pour les tranches d'âge 75-79 ans et 85-92 ans, le nombre de patients et surtout le nombre d'implants sont insuffisants pour établir une conclusion (fig. 2).
En excluant le patient JD, le taux d'échec semble augmenter avec l'âge. Pour les patients âgés de 75 à 79 ans et de 85 à 92 ans, les effectifs ne sont pas suffisants pour établir une conclusion. Le taux d'échec par patient est similaire dans la tranche d'âge 55-74 ans et apparaît plus important entre 80 et 84 ans (fig. 3 et 4).
Sur les 700 implants posés, 63,3 % ont plus de 5 ans de recul. Les échecs sont au nombre de 42 (6 %) : 16 avant 6 mois (2,3 %) et 26 après 6 mois (3,7 %), dont 24 à moins de 5 ans, 1 entre 5 et 10 ans et 1 à plus de 10 ans (tableau 3).
Sur les 42 échecs, 40 (95,2 %) ont été observés avant 5 ans.
Le nombre d'échecs est significativement plus important entre 6 mois et 5 ans de recul par rapport au nombre d'échecs entre 5 et 10 ans puis à plus de 10 ans (p = 0,001).
Il a été posé 213 implants antérieurs (30,4 %) et 487 implants postérieurs (69,6 %).
Ont été répertoriés (tableau 4) :
– 15 échecs (6,2 %) dans les sites maxillaires postérieurs dont 10 avant 6 mois et 5 après 6 mois ;
– en excluant le patient JD, 4 échecs (5,1 %) dans les sites mandibulaires antérieurs ;
– sans exclure le patient JD, 8 échecs (10,1 %), dont 3 avant 6 mois et 5 après 6 mois.
Les taux d'échecs dans les sites maxillaires antérieurs et mandibulaires postérieurs (3 et 2 %) étaient plus faibles.
Le taux d'échec survenant avant 6 mois au maxillaire antérieur était significativement plus faible que le taux d'échec des implants maxillaires postérieurs (p = 0,02).
En excluant le patient JD :
– les taux d'échecs des 4 sites (antéro-maxillaire, antéro-mandibulaire, postéro-maxillaire et postéro-mandibulaire) se répartissaient de manière significativement différente (p = 0,02) ;
– le nombre d'échecs dans les sites maxillaires postérieurs était plus important que dans les sites mandibulaires postérieurs (p = 0,05).
Le nombre de patients de plus de 65 ans – 44,3 % d'hommes et 48,7 % de femmes, était élevé, alors que celui de patients de moins de 50 ans (respectivement 17,6 et 12,8 %) était faible (tableau 5).
Aucun échec n'est survenu chez les patients de moins de 50 ans. Onze (25,6 %) des patientes de plus de 65 ans ont présenté au moins un échec. Chez les femmes, le taux d'échecs diffère significativement en fonction de la tranche d'âge (p = 0,05).
Aucun échec n'est observé chez les patients de moins de 50 ans (tableau 6). En excluant le patient JD, les patients âgés de plus de 65 ans ont présenté plus d'échecs avant et après le 6e mois que ceux entre 50 et 65 ans.
Chez la femme, le taux d'échec diffère significativement avec les tranches d'âge (p = 0,001).
Il n'y a pas de corrélation entre le taux d'échec et la tranche d'âge chez l'homme.
Le taux d'échec était plus important chez la femme que chez l'homme dans la tranche d'âge de plus de 65 ans (p = 0,01). En excluant le patient JD, le taux d'échec global était plus important chez la femme que chez l'homme (p = 0,01).
Sur les 136 patients, 90 maxillaires (62 chez les femmes et 28 chez les hommes) ont été implantés ainsi que 80 mandibules (58 chez les femmes et 22 chez les hommes). Le taux de femmes présentant au moins un échec au maxillaire est deux fois plus important que pour la mandibule (tableau 7).
La répartition par arcade implantée montre que 375 implants (254 chez les femmes et 121 chez les hommes) ont été posés au maxillaire et 325 implants (228 chez les femmes et 97 chez les hommes) l'ont été à la mandibule. Dix-huit implants (7,1 %) des 254 implants posés au maxillaire chez les femmes étaient en échec (tableau 8).
Il n'y a pas de corrélation significative entre le taux d'échec au maxillaire et à la mandibule.
Le taux d'échec au maxillaire est plus important chez les femmes que chez les hommes (p = 0,02).
Après avoir exclu le patient JD, il n'y a pas de différence significative entre les taux d'échec chez la femme et chez l'homme ; en revanche, le taux d'échec au maxillaire est plus important chez les femmes que chez les hommes (p = 0,01).
Sur les 136 patients, 68 sites antérieurs (44 chez les femmes et 24 chez les hommes) ont été implantés contre 112 sites postérieurs (83 chez les femmes et 29 chez les hommes). Douze femmes (14,5 %) et 4 hommes (13,8 %) ont eu au moins un échec sur un site postérieur. Le taux de survie par patient ne laisse pas apparaître de différence notable entre les sites antérieurs et postérieurs (tableau 9).
La répartition par sites implantés montre que 213 implants ont été posés en antérieur et 487 implants en postérieur. On ne trouve pas de corrélation entre les taux d'échec des sites antérieurs et postérieurs en excluant le patient JD (p = 0,05) (tableau 10).
Sur 26 patients sur lesquels un seul implant a été posé, aucun échec n'a été noté.
Pour les patients sur lesquels 2 ou 3 implants ont été posés, 11 implants étaient en échec (6 dans les sites maxillaires postérieurs et 5 dans les sites mandibulaires postérieurs).
Pour les patients sur lesquels 4 ou 5 implants ont été posés, sur les 17 implants en échec, aucun n'avait été posé dans un site mandibulaire postérieur.
Pour les patients sur lesquels 6 implants ou plus ont été posés, les 14 implants en échec avaient été posés sur le patient JD.
Il n'y a pas de corrélation entre le taux d'échec et la localisation (antéro-postérieure et maxillo-mandibulaire) (p = 0,05). En revanche, le taux d'échec est significativement plus élevé dans les secteurs mandibulaires antérieurs que postérieurs dans les cas où 4 ou 5 implants ont été posés (p = 0,001).
Le nombre d'implants posés par cas n'a pas d'incidence sur le taux d'échec (tableau 11).
Sur 18 cas d'édentement complet maxillaire, soit un total de 96 implants, aucun échec n'a été répertorié.
Sur 17 cas d'édentement complet mandibulaire, soit un total de 101 implants, 18 implants chez 3 patients ont été déposés.
Il est à noter que 14 des implants en échec à la mandibule en édentement complet ont été répertoriés sur le même patient.
Dans les cas d'édentement complet, il n'y a pas de différence significative entre le taux d'échec à la mandibule et au maxillaire (p = 0,05) (tableau 12).
Le but initial de cette étude rétrospective était de déterminer les taux d'échec et de survie de 700 implants lisses (Brånemark System®) posés chez 136 patients dans un cabinet de parodontologie et d'implantologie exclusives.
Dans ce cabinet, la règle générale est que seuls les patients non fumeurs ou ayant cessé de fumer peuvent être implantés. Cependant, 3 patients sur lesquels 11 implants ont été posés n'avaient pas renoncé au tabac. Plusieurs auteurs ont montré que le tabac est un facteur important d'échec et de complications implantaires (Liddelow et Klineberg, 2011 ; Chen et al., 2013). Dans la présente étude, ce facteur n'a pas été étudié en raison d'un nombre trop faible de patients fumeurs.
Les échecs précoces et tardifs ont été répertoriés et l'influence relative de certains paramètres, tels que le sexe (masculin ou féminin), l'âge des patients (moins de 50 ans, de 50 à 65 ans et de plus de 65 ans), le site de l'implantation (maxillaire ou mandibulaire et antérieur ou postérieur), a été recherchée.
Enfin, l'ensemble de ces résultats a été classé selon le recul : moins de 6 mois (échec avant le deuxième stade chirurgical), moins de 5 ans, entre 5 et 10 ans et de 10 à 16 ans. Une étude rapporte le même type de recul (de 3 à 16 ans) pour 453 implants (Mendonça et al., 2014).
Le protocole chirurgical était conforme à la technique proposée initialement par Brånemark (Brånemark et al., 1977) puis décrite par Adell (Adell et al., 1981). Cette technique est réalisée en 2 stades chirurgicaux avec pose d'implants lisses.
Une méta-analyse (Sağirkaya et al., 2013) nous conforte dans ce protocole. En effet ces auteurs rapportent que le contact os-implant, donc l'ostéo-intégration, est favorablement influencé par la période de cicatrisation après le premier stade chirurgical et par un long délai pour la mise en charge prothétique différée de 4 à 6 mois. Cette mise en charge conventionnelle montre de manière significative un contact os-implant supérieur par rapport à une mise en charge immédiate ou à une absence de mise en charge. Certains contredisent cette idée, ainsi Kim et al., prétendent que le taux de succès n'est pas affecté par une mise en charge précoce à 1 ou 2 semaines postopératoires (Kim et al., 2013) ; le taux de succès serait de 97 % avec un recul moyen de 3,1 années.
Nos résultats, parfois non conformes aux données de la littérature scientifique, s'expliquent par la présence dans cette étude d'un patient (nommé « patient JD ») porteur d'une pathologie parathyroïdienne. Chez ce patient, les échecs nous ont amenés à réaliser deux poses successives d'implants à la mandibule, soit un total de 17 implants posés. Entre 1998 ; et 2000, 14 échecs ont été répertoriés, dont 4 en antérieur et 10 en postérieur. Il faut noter que ce sont ces nombreux échecs qui nous ont fait suspecter une atteinte systémique. Une recherche clinique et biologique a donc été entreprise et a permis de détecter une atteinte parathyroïdienne jusque-là ignorée par le patient JD ainsi que par son médecin traitant.
Zahid et al. suggèrent qu'une atteinte thyroïdienne peut influencer l'état parodontal surtout chez les patients atteints d'hypothyroïdie (Zahid et al., 2011). La période entre l'apparition du désordre thyroïdien et le traitement peut être critique ; en effet, une maladie thyroïdienne non contrôlée pourrait engendrer une destruction des tissus parodontaux.
Après traitement de la pathologie parathyroïdienne une nouvelle pose d'implants a été réalisée avec succès.
Dans notre étude, le taux de survie implantaire à long terme était de 94 % et de 95,9 % en excluant le patient JD. Ce taux satisfaisant n'incite à changer ni le protocole chirurgical ni l'état de surface des implants. En effet, bien que les surfaces lisses aient été abandonnées par nombre de praticiens, il semble que les idées reçues sur les surfaces rugueuses soient discutables. Ainsi, selon Bolind et al., l'état de surface n'influence pas le contact os-implant (Bolind et al., 2005). Leur étude, réalisée comme la nôtre avec des implants lisses, contredit les qualités prêtées aux surfaces rugueuses.
De même, d'autres auteurs notent également que les surfaces lisses permettent de faciliter l'élimination du biofilm (Lin et al., 2013).
Dans une autre étude, 593 patients ont reçu 2 182 implants lisses, alors que 905 patients ont reçu 2 425 implants rugueux (Balshe et al., 2009). Avec 5 ans de recul, ses auteurs ne notent pas de différence significative entre les taux de survie des implants à surface lisse (94 %) et celui des implants à surface rugueuse (94,5 %).
Par contre, les conclusions de certains auteurs sont à prendre avec précaution. Ainsi, Buddula et al. ont posé 62 implants maxillaires (32 rugueux et 30 lisses) et 209 implants à la mandibule (107 rugueux et 102 lisses) (Buddula et al., 2011). Ces auteurs rapportent un taux de survie à 5 ans des implants maxillaires de 72,6 % pour les implants lisses et de 87,5 % pour les implants rugueux. Dans notre étude, le taux de survie des implants lisses maxillaires était de 94,9 %. On explique difficilement le faible taux de survie qu'ils ont rapporté.
Dans la population de notre étude, nous avons répertorié 482 implants posés chez 97 femmes (soit une moyenne de 5 implants par femme) et 218 chez 39 hommes (soit une moyenne de 5,6 implants par homme ou 5,3 en excluant le patient JD).
La patientèle dans notre étude est composée d'une forte majorité de femmes (2,5 fois plus de femmes que d'hommes). La littérature scientifique rapporte des chiffres quelquefois différents pour le même type d'étude. Dans l'étude de García-Bellosta et al., portant sur 323 patients, 57,3 % étaient des femmes contre 71,3 % dans notre étude (García-Bellosta et al., 2010). Dans l'étude de Balshe et al., le sex-ratio était de 1,3 en faveur des femmes (Balshe et al., 2009).
L'âge de nos patients semble plus élevé que dans la plupart des études puisque la moyenne est de 63,1 ans avec 84 % de plus de 50 ans dont 47,2 % de plus de 65 ans et 16 % de moins de 50 ans. La moyenne d'âge pour les femmes est de 62,5 ans et de 64,7 ans pour les hommes.
L'âge moyen des patients rapporté par García-Bellosta et al. était de 55,4 ± 15,2 ans (García-Bellosta et al., 2010). Dans l'étude de Balshe et al., 593 patients avec une moyenne d'âge de 51,3 ± 18,5 ans ont été étudiés, ainsi que 905 patients avec une moyenne d'âge de 48,2 ± 17,8 ans (Balshe et al., 2009).
Dans notre étude, le taux d'échec par implant était très faible avant 65 ans puis il augmentait avec la tranche d'âge.
Le taux d'échec implantaire chez les femmes augmentait selon leur appartenance au groupe moins de 50 ans, de 50 à 65 ans ou de plus de 65 ans. Chen et al. n'ont pas observé de corrélation entre l'échec et la moyenne d'âge (Chen et al., 2013).
Le taux d'échec dans notre étude est faible. En effet, sur les 700 implants posés, 42 ont subi un échec chez 18 patients (13,2 %), dont 16 (2,3 %) avant ou au moment du deuxième stade chirurgical (à 6 mois), 24 (3,5 %) avant 5 ans de recul et 2 (0,2 %) après 5 ans de recul. Le taux d'échec était significativement plus élevé durant les 5 années suivant la mise en charge (p = 0,001).
Mendonça et al. rapportent des résultats similaires : 71,4 % de leurs échecs arrivent moins d'une année après la mise en charge (Mendonça et al., 2014).
Dans une étude sur 376 patients ayant reçu un total de 1 320 implants, Vervaeke et al. montre que 21 implants (1,6 %) ont été perdus chez 19 (5,1 %) patients avec un recul moyen de 32 mois (Vervaeke et al., 2015).
Certains auteurs (García-Bellosta et al., 2010) rapportent un taux d'échec sensiblement équivalent à ceux rapportés dans notre étude (en excluant le patient JD) avant la mise en charge (2,5 %) et légèrement plus faible après la mise en charge (1,8 %), soit un taux d'échec global de 4,3 % contre 4,1 % dans notre étude.
Contrairement à d'autres auteurs, nous observons un taux d'échec chez la femme plus élevé que chez l'homme (5,4 % contre 0,9 % en excluant le patient JD). Cette différence s'explique par le taux d'échec implantaire significativement plus élevé chez la femme de plus de 65 ans (p = 0,01). En effet, 1 femme sur 4 de plus de 65 ans avait au moins un échec implantaire. Cela peut être expliqué par le contexte osseux chez la femme dont la moyenne d'âge est élevée (62,5 ans), donc en phase de ménopause.
Nous avons noté une différence significative du taux d'échec en fonction du site : les échecs étaient plus nombreux au maxillaire postérieur qu'à la mandibule postérieure.
Buddula et al. rapportent, pour les implants lisses placés à la mandibule, un taux de survie à 5 ans de 91,7 % (contre 92,9 % dans notre étude), avec plus d'échecs au maxillaire qu'à la mandibule et davantage dans les régions postérieures que dans les régions antérieures (Buddula et al., 2011).
La méta-analyse de Sağirkaya et al. fait état d'un contact os-implant supérieur d'environ 25 % à la mandibule par rapport au maxillaire et supérieur dans les zones antérieures par rapport aux zones postérieures (Sağirkaya et al., 2013). Nos résultats s'opposent à ceux de Geckili et al. pour qui le taux d'échec des implants maxillaires était plus élevé que celui des implants mandibulaires ; le taux d'échec des implants placés dans la région maxillaire antérieure était significativement plus important que dans les autres régions (Geckili et al., 2014). Inversement, les implants placés dans la région mandibulaire antérieure montraient un succès plus élevé que dans les autres régions.
Le taux de survie implantaire élevé (95,9 %) avec un recul important (16 années) nous conforte dans notre protocole chirurgical en deux stades chirurgicaux avec des implants lisses. Le taux d'échec est plus important chez les femmes de plus de 65 ans ; en revanche, chez les hommes, l'âge ne semble pas influencer ce taux. Les sites maxillaires postérieurs montrent plus d'échecs implantaires que les autres sites.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêts concernant cet article.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr Najla Ketala pour son aide dans le classement des dossiers et la recherche bibliographique.