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Frédéric DE BEULE * Ghada ALSAADI **
*MDS, Titulaire du titre professionnel particulier de dentiste spécialiste en parodontologie (Université catholique de Louvain), Waterloo, Belgique
**MDS, PhD, titulaire du titre professionnel particulier de dentiste spécialiste en parodontologie (Katholiek Univesiteit Leuven), Waterloo, Belgique
Les molaires atteintes de parodontite, même sévère, peuvent être maintenues grâce à des traitements mécaniques non chirurgicaux et chirurgicaux accompagnés d'un contrôle de plaque efficace et d'une maintenance parodontale régulière. Toutefois, les molaires avec atteintes de furcation répondent moins bien au traitement parodontal que les autres. Néanmoins, un bon taux de survie de dents pluriradiculées avec atteintes de furcation peut être obtenu grâce à différentes approches thérapeutiques. Parmi les traitements des dents avec atteintes de furcation, l'amputation radiculaire occupe une bonne place. Il est remarquable d'observer que l'étude systématique des résultats des amputations radiculaires montre de grandes disparités. En 1998, l'un des auteurs du présent travail avait présenté une étude qui aboutissait aux conclusions suivantes : taux de survie après amputation radiculaire trop faible (64 %) et taux de succès très bas (26 %). Ces résultats étaient mis sur le compte d'un manque de clarté quant aux indications et au choix des cas. Les auteurs avaient proposé un algorithme décisionnel supposé permettre d'améliorer le taux de survie après amputation radiculaire. Il restait à vérifier que ces propositions étaient capables d'améliorer le taux de survie des molaires ayant subi une amputation radiculaire. C'est l'objet de l'étude prospective proposée ici.
Les résultats de 68 molaires traitées par amputation radiculaire ont été répartis en 3 groupes selon qu'il s'agissait de traitements parodontaux respectant l'algorithme proposé (« Perio YES »), de traitements parodontaux ne respectant pas cet algorithme (« Perio NO ») ou de traitements non parodontaux (fêlures et fractures radiculaires, caries radiculaires et/ou échecs du traitement endodontique) (« Other »). Les résultats de cette étude montrent que le taux de survie dans le groupe « Perio YES » est de 93,5 %. Dans le groupe « Perio NO », il est de 38,9 % et cette différence est significative. Dans le groupe « Other », ce taux est de 57,9 %. Ces résultats ainsi que les taux de succès sont commentés et comparés avec ceux de la littérature scientifique.
Chronic periodontitis may be successfully treated by surgical and non-surgical procedures accompanied by an effective plaque control and regular periodontal maintenance. Molars with furcation defects respond less favorably to periodontal treatment. Nevertheless, a good survival rate can be attained by different therapeutic approaches.
In the treatment of teeth with furcation defects, root amputation still occupies a place but a systematic study of the literature relating to root amputations shows a wide divergence in success.
In a study made in 1998, a survival rate of 64% after root resection was observed. This poor success rate was attributed to a lack of clarity with regard to indication and case selection. The purpose of this new prospective study was to verify that case selection based on indications and contra-indications to surgery could improve the survival rate of resected molars.
In the evaluation, 68 root amputations cases were divided up into 3 groups: “Perio YES” (perio cases with no contra-indications to surgery), “Perio NO” (perio cases with one or more contra-indications to surgery), “Other” (cases treated for non-periodontal reasons).
The period of observation was 13 years (mean 5.8). The analysis of the differences uses the χ2 test.
The survival rate in the “Perio YES” group was 93.5% and in the “Perio NO” group 38.9% – a statistically significant difference (p < 0.001). In the “Other” group, the survival rate was 57.9% and this difference was again statistically significant (p < 0.01). These results and the corresponding success rates are discussed and compared with those of the literature.
A rigorous case selection can significantly improve the survival rate of teeth treated by root amputation and periodontal therapy.
Les molaires atteintes de parodontite, même sévère, peuvent être maintenues sur l'arcade grâce à des traitements mécaniques non chirurgicaux et chirurgicaux accompagnés d'un contrôle de plaque efficace et d'une maintenance parodontale régulière (Tonetti et al., 2000 ; Axelsson et al., 2004).
Toutefois, les molaires avec atteintes de furcation répondent moins bien au traitement parodontal que les autres (Hirschfeld et Wasserman, 1978 ; McFall, 1982 ; Goldman et al., 1989). De ce fait, elles présentent un plus grand risque d'évolution de la destruction parodontale (Nordland et al., 1987 ; Loos et al., 1989 ; Claffey et Egelberg, 1994 ; Papapanou et Tonetti, 2000). Néanmoins, un bon taux de survie des dents pluriradiculées avec atteintes de furcation peut être obtenu grâce à différentes approches thérapeutiques (Huynh-Ba et al., 2009). Parmi les traitements de ces dents, l'amputation radiculaire occupe une bonne place. Il est remarquable d'observer que l'étude systématique des résultats des amputations radiculaires montre de grandes disparités. En effet, les taux de survie après amputation radiculaire s'échelonnent de moins de 60 % à près de 100 %. Le résultat le plus faible est obtenu dans l'étude de Dannewitz et al. (Dannewitz et al., 2006). Ces auteurs font remarquer que la grande différence de taux de survie entre les études pourrait être due à la situation préthérapeutique. En d'autres termes, certains praticiens pourraient avoir retenu des dents de mauvais pronostic que d'autres praticiens auraient plutôt extraites. Parfois, le praticien et son patient peuvent se retrouver « enfermés » dans une voie conservatrice. Dans d'autres cas, la préservation de piliers prothétiques stratégiques peut mener à un certain acharnement thérapeutique. Certaines amputations radiculaires sont réalisées chez des patients « réfractaires » (« downhill cases ») (Dannewitz et al., 2006). Enfin, des amputations radiculaires sont pratiquées pour d'autres raisons que des pathologies parodontales. Il peut s'agir de caries profondes, de pathologies endodontiques, de fêlures et de fractures. Dans les études analysant le résultat des amputations radiculaires, il est difficile d'écarter ces cas qui viennent, en quelque sorte, « polluer » les résultats et rendre leur analyse plus confuse. Il semble, en effet, que le taux de succès des amputations radiculaires réalisées pour cause de pathologie endodontique aboutisse à un taux de survie réduit (Park et al., 2009).
Enfin, il apparaît que les indications des amputations radiculaires ne sont pas clairement définies. Pour garantir les meilleurs résultats lors d'une amputation radiculaire, quelques lignes de conduite ont été proposées dans une étude (Park et al., 2009). Il serait, en effet, souhaitable que :
– les racines restantes disposent d'au moins 50 % d'os résiduel ;
– les problèmes parodontaux dont la dent amputée pourrait encore être victime fassent l'objet d'un suivi régulier ;
– la dent amputée soit intégrée dans une restauration prothétique adéquate afin de prévenir les risques de fractures liés aux accidents biomécaniques.
En 1998, l'un des auteurs du présent travail avait présenté une étude qui aboutissait à des conclusions semblables, à savoir : un taux de survie après amputation radiculaire trop faible (64 %) et un taux de succès très bas (26 %). Ces résultats étaient mis sur le compte d'un manque de clarté quant aux indications et au choix des cas. Les auteurs avaient dénoncé l'inutilité des classifications des atteintes de furcation et avaient proposé un algorithme décisionnel supposé permettre d'améliorer le taux de survie après amputation radiculaire (de Beule et al., 1998). Les propositions faites dans ce travail comportent une liste d'indications des amputations radiculaires (tableau 1). Certaines indications sont immédiates ou obligatoires dans la mesure où elles sont la seule alternative à l'extraction. Il s'agit, par exemple, des abcès ou de la perte osseuse complète limitée à une racine. La même étude proposait également une série de situations cliniques contre-indiquant ou réduisant très probablement les chances de réussite des amputations radiculaires (tableau 2). Il restait à vérifier que ces propositions étaient capables d'améliorer le taux de survie des molaires ayant subi une amputation radiculaire. C'est l'objet de l'étude prospective proposée ici.
Tous les patients successifs chez qui une indication d'amputation radiculaire pour des raisons parodontales ou non parodontales (y compris les fêlures et fractures radiculaires, les caries radiculaires et les échecs de traitement endodontique) a été posée, entre 1998 ; et 2011, ont été incorporés dans cette étude prospective. Il s'agit, au total, de 122 patients traités par le même praticien. L'étude a duré 13 ans. Avant chaque intervention, le type d'indication a été enregistré. La présence de l'une ou l'autre situation clinique figurant sur la liste des contre-indications a également été relevée. Les cas ont été classés en trois groupes selon qu'il s'agissait d'un traitement parodontal sans contre-indication (groupe « Perio YES »), d'un traitement parodontal présentant une ou plusieurs contre-indications (groupe « Perio NO ») ou d'un traitement non parodontal (groupe « Other »). Seuls les patients qui ont pu être revus au cours de l'année 2011 (81 cas) ont été retenus pour cette étude. Treize d'entre eux ont, en outre, été éliminés car les données récoltées à leur sujet n'étaient pas complètes. Le tableau 3 résume le choix qui a été effectué. C'est ainsi qu'en tout, 68 molaires amputées ont été observées chez 62 patients (30 femmes et 32 hommes) dont l'âge moyen était de 63,3 ans (entre 42 et 85 ans) ; 6 patients ont subi une amputation radiculaire sur 2 molaires ; 69 racines ont été amputées et 1 molaire a été amputée de ses 2 racines vestibulaires. Le recul moyen est 5,8 ± 3,5 ans.
Les patients des groupes « Perio YES » (30) et « Perio NO » (17) souffraient de parodontite et ont bénéficié du protocole classique de traitement causal de la parodontite. Ils ont été revus régulièrement pour la maintenance. Il en est allé de même pour les patients du groupe « Other » (15), sauf pour 3 d'entre eux qui ne souffraient pas de parodontite mais bénéficiaient d'une prophylaxie professionnelle lors des visites annuelles.
Les données observées (profondeur de poche, atteintes de furcation et indice gingival) ont été mesurées à l'examen initial et lors de chaque séance de maintenance.
Les mesures de profondeur de poche ont été effectuées sur 6 points de chaque dent (mésial, vestibulaire et distal par vestibulaire et mésial, lingual et distal par lingual) à l'aide d'une sonde de Williams (Hu-Friedy). Seule la mesure la plus profonde de chaque dent a été prise en compte pour apprécier le pronostic et la santé des dents de cette étude. Les dents ont été classées en trois catégories selon la sévérité de la profondeur de poche, à savoir : < 3 mm, 3-6 mm et > 6 mm.
Les atteintes de furcation ont été mesurées à l'aide d'une sonde courbe de Nabers (Hu-Friedy) et classées selon la classification s'inspirant de celle de Hamp et al. (Hamp et al., 1975) :
– type I, perte de tissus parodontaux horizontale interradiculaire de moins de 3 mm ;
– type II, perte de tissus parodontaux horizontale interradiculaire de plus de 3 mm mais ne concernant pas toute la largeur de la dent ;
– type III, perte de tissus parodontaux horizontale interradiculaire de part en part.
La classification qui a été utilisée ici est semblable, à savoir :
– type I, entrée de la furcation interradiculaire détectable à la sonde mais sans perte de tissus parodontaux horizontale ;
– type II, entrée de la furcation interradiculaire détectable à la sonde avec perte de tissus parodontaux horizontale mais ne s'étendant pas à toute la largeur de la dent ;
– type III, perte de tissus parodontaux horizontale interradiculaire de part en part.
C'est la lésion la plus sévère de chaque dent qui a été prise en considération. Toutes les molaires ne présentant aucune atteinte de furcation et celles présentant des atteintes de type I ont été rassemblées dans un même groupe.
La santé gingivale en relation avec les atteintes de furcation a été appréciée par la mesure de poche parodontale verticale et par l'observation de la présence ou de l'absence de saignement au sondage (Ainamo et Bay, 1975). De cette façon, une dent présentant une atteinte de furcation de type III, sans poche parodontale verticale et sans saignement au sondage a été considérée comme saine.
De nombreuses études montrent que la présence d'atteintes de furcation constitue un facteur de risque de perte dentaire. Toutefois, une étude systématique (Renvert et Persson, 2002), analysant l'utilisation de la persistance de poches parodontales résiduelles, du saignement au sondage et des atteintes de furcation après traitement initial comme indicateurs de progression de la maladie parodontale, a montré que, pour un patient donné, seule la persistance de poches parodontales constituait un facteur de risque. On peut donc en conclure que la guérison (c'est-à-dire une lésion ne nécessitant pas d'autre traitement) d'une atteinte de furcation peut être évaluée par la disparition de la poche parodontale et l'absence de saignement au sondage (Lorentz et al., 2009).
Afin de limiter les risques de partialité et d'assurer la présentation exhaustive des résultats, les données ont été recueillies et compilées par un praticien indépendant qui n'a pas réalisé les traitements analysés dans cette étude. Les données recueillies ont été transformées en valeurs binaires (taux de survie et taux de succès). De cette manière, la différence de réponse entre deux groupes subissant le même type de traitement se mesure de façon dichotomique. L'analyse des différences est, dès lors, simple et utilise le test du χ2.
Tous les patients en traitement pour parodontite ont reçu les instructions nécessaires pour acquérir une hygiène dentaire efficace. À chaque séance de maintenance, l'efficacité du contrôle de plaque a été appréciée et a fait l'objet, si nécessaire, de conseils afin de tenter de l'améliorer. Certains patients ont tenté d'intégrer ces remarques et d'améliorer leur contrôle de plaque. D'autres, au contraire, n'ont fait aucun progrès. Certains, enfin, ont fait des progrès limités dans le temps. Un patient ne recevant plus aucune remarque et ayant pu intégrer toutes celles qui avaient été faites était considéré comme possédant une hygiène dentaire satisfaisante.
L'insuffisance de l'hygiène dentaire peut être considérée comme une contre-indication temporaire. Néanmoins, il faut bien admettre que pour certains patients, elle a plutôt un caractère insoluble et définitif. Le tableau 4 montre que dans notre étude, cette contre-indication n'était jamais présente seule.
Ici aussi, un traitement endodontique insuffisant de l'une ou l'autre des racines à conserver n'est pas nécessairement une contre-indication définitive. Une reprise du traitement peut être envisagée. Néanmoins, le pronostic risque fort de rester incertain et l'abstention ou l'extraction peut être préférable.
Lorsque la dent présente une mobilité de degré II ou III, il est fort probable qu'après l'amputation de l'une de ses racines, cette mobilité s'accentue encore. La dent risque ainsi de devenir totalement non fonctionnelle et l'extraction est, dans ce cas, sans doute préférable.
On considère que la parodontite est évolutive lorsque, après traitement initial, le nombre de poches et/ou leur profondeur sont en augmentation. Une telle situation est souvent en relation avec la qualité de l'hygiène dentaire mais pas obligatoirement. De même, la progression de la parodontolyse autour des autres dents ne constitue pas nécessairement une contre-indication absolue dans la mesure où cette progression peut être arrêtée, laquelle constitue alors un préalable à tout traitement chirurgical complémentaire.
La persistance d'au moins 50 % d'os résiduel autour des racines restantes semble être une proportion souhaitable (Park et al., 2009). Toutefois, cette proportion est arbitraire. Ce critère est à mettre en relation avec la mobilité. Une contre-indication relevée à ce niveau est évidemment définitive.
La réattache gingivale le long du trait de section de la racine amputée est particulièrement difficile à obtenir et ne survient que dans une faible proportion des cas. Dans la majorité des cas on tendra à faire émerger ce trait de section dans une zone où le contrôle de plaque peut s'exécuter facilement ; c'est-à-dire en supra-gingival. Si la séparation entre les racines est trop proche de l'apex cela conduira à une situation impossible à gérer du fait de la persistance d'une poche profonde inaccessible à un contrôle de plaque efficace. Dans ce cas aussi il s'agit d'une situation définitive où l'abstention ou l'extraction doit être préférée.
Ce point est à mettre en rapport avec la mobilité et a, lui aussi, un caractère définitif poussant à préférer l'extraction (tableau 4).
Si une dent est amputée d'une racine et que ce qui reste de la dent n'est pas facilement accessible au contrôle de plaque (atteinte de furcation de part en part persistant entre les racines mésio-vestibulaire et palatine après amputation de la racine disto-vestibulaire, trait de section radiculaire en position sous-gingivale, élément prothétique préexistant n'ayant pas été conçu pour faciliter le contrôle de plaque…), le risque de progression de la parodontolyse, voire de l'apparition de caries est grand. L'extraction ou l'abstention est peut-être préférable.
La grande majorité des dents traitées (66,2 %) présentaient des poches de profondeur moyenne (3-6 mm) (tableau 5). Il ne s'agit pas de la profondeur de poche enregistrée à l'examen initial mais celle mesurée avant l'intervention. Un peu plus d'un quart des dents (27,9 %) présentaient des lésions profondes (> 6 mm).
Une certaine proportion de dents amputées ne présentaient pas de poche parodontale (5,9 %) ni d'atteinte de furcation (11,8 %). Ce groupe de dents se retrouve dans le tableau 6 qui présente la distribution du groupe « Perio YES » (45,6 %) et « Perio NO » (26,5 %) ainsi que les amputations radiculaires réalisées pour des raisons non parodontales (« Other ») (27,9 %). La distribution des cas au sein des groupes « Perio YES » et « Perio NO » montre qu'il n'y avait aucun cas exempt de poche parodontale. Dans le groupe « Perio YES », on observe une plus faible proportion (29 %) d'atteintes de part en part que dans le groupe « Perio NO » (55,6 %).
Dans le groupe « Other », on observe autant de cas sans atteinte de furcation, avec des atteintes de degré II et des atteintes de part en part. Près d'un cinquième des cas de ce groupe ne présentaient pas de poche parodontale ce qui est typique des amputations radiculaires réalisées, par exemple, pour des raisons endodontiques. Le tableau 7 et la figure 1 montrent que ce sont principalement les premières molaires supérieures qui sont candidates aux amputations radiculaires. À l'inverse, la deuxième molaire inférieure n'a, dans cette étude, fait l'objet d'aucune amputation radiculaire.
Au sein du groupe de cas liés à des indications parodontales, c'est surtout la racine disto-vestibulaire des molaires supérieures qui est amputée le plus fréquemment (tableau 8 et fig. 2). La distribution est plus large en ce qui concerne les racines amputées dans le cadre des indications non parodontales.
Le taux de survie pour l'ensemble des dents amputées est de près de 70 % (tableau 9 et fig. 3). Toutefois, au sein du groupe « Perio YES », il apparaît que ce taux de survie est significativement supérieur (93,5 %). C'est dans le groupe « Perio NO » que le taux de survie est le plus faible. En effet, il est inférieur à 40 % (38,9 %). Le taux de survie des dents amputées pour des indications non parodontales est, quant à lui, de 57,9 %. Cette différence est, elle aussi, statistiquement significative. Le taux de succès, estimé sur base du nombre de dents restantes pour les groupes « Perio YES », « Perio NO » et « Other » est respectivement de 48,3, 14,3 et 63,6 %.
Alors que les implants dentaires bénéficient d'une popularité grandissante et qu'ils constituent une option thérapeutique de plus en plus fiable, discuter du taux de réussite des amputations radiculaires peut apparaître comme dépassé. Toutefois, et c'est surtout vrai au maxillaire supérieur, la pose d'implants dans la région postérieure offre le taux de survie le plus bas (Becker et al., 1999 ; Sbordone et al., 2009). De plus, le volume osseux disponible dans la région des molaires supérieures est souvent insuffisant du fait de la proximité du plancher sinusal. Il subsiste donc de nombreux cas où la pose d'implants ne sera pas le premier choix thérapeutique et où la conservation de la dent, éventuellement amputée d'une racine, sera préférée à son extraction et à son remplacement par un implant. Les contre-indications aux amputations radiculaires ne constituent évidemment pas des indications automatiques à la pose d'implants. La persistance d'une parodontite progressive constituera par exemple une contre-indication commune. Néanmoins, lorsque le choix existe entre le remplacement d'une molaire par une solution implantaire et sa conservation éventuellement au prix de l'amputation de l'une ou l'autre racine, l'analyse des contre-indications de cette dernière technique peut aider le praticien dans ses choix thérapeutiques.
Les indications parodontales des amputations radiculaires proposées dans la littérature médicale sont principalement les atteintes de furcation modérées à sévères, les pertes osseuses sévères concernant une ou plusieurs racines, la récession sévère ou la déhiscence sur une racine et la proximité défavorable avec la racine d'une dent adjacente (De Sanctis et Murphy, 2000). Les indications proposées dans la présente étude font de plus appel à l'historique de la situation parodontale et à son évolution. Il est, en effet, impensable de proposer systématiquement l'amputation radiculaire comme traitement de toutes les atteintes de furcation modérées ou sévères.
Comme on pouvait s'y attendre, le groupe « Other » comporte des dents ne présentant pas de poche parodontale ou d'atteinte de furcation. Ce type de situation ne se retrouve pas dans les groupes « Perio YES » et « Perio NO » dont les dents traitées souffrent toutes de parodontite modérée à sévère.
Plus de 90 % des dents traitées dans cette étude sont des molaires supérieures. Cela est fort différent des études comparables traitant du même sujet (tableau 10). Les molaires supérieures présentant plus fréquemment des atteintes de furcation que les molaires inférieures (Lang et al., 1973), on pourrait s'attendre à être confronté à un plus grand nombre d'indications d'amputation radiculaire au maxillaire supérieur. Il n'est pas toujours possible de distinguer les indications parodontales et non parodontales dans les études antérieures. Dans la présente étude, le pourcentage de dents mandibulaires amputées pour des raisons non parodontales est clairement plus élevé. Les conclusions qui pourront être tirées de cette analyse concerneront donc principalement les molaires supérieures et, plus particulièrement, la première molaire supérieure.
Le choix de la racine amputée est également fort différent dans le groupe d'indications parodontales et dans le groupe d'indications non parodontales. Dans le premier groupe, c'est essentiellement la racine disto-vestibulaire de la première molaire supérieure qui est amputée le plus fréquemment. Cela correspond bien à la fréquence élevée d'atteintes de furcation distales de la première molaire supérieure (Svärdström et Wennström, 1996) et des situations de proximité radiculaire entre la racine disto-vestibulaire de cette première molaire et l'une ou l'autre racine de la dent voisine. Dans le groupe des amputations radiculaires réalisées pour des raisons non parodontales, c'est clairement la racine mésio-vestibulaire de la première molaire supérieure qui est amputée le plus souvent. Cela est à mettre en rapport avec la fréquence des échecs du traitement endodontique de cette racine et avec la présence très fréquente de deux canaux radiculaires difficilement accessibles à un traitement endodontique adéquat (Patanshetti et al., 2008 ; Zhang et al., 2011).
La liste de contre-indications et la proposition d'algorithme qui en découle ne sont rien d'autre qu'un ensemble de remarques de bon sens et le praticien expérimenté estimera que ces contre-indications sont évidentes. Néanmoins, le faible taux de survie rapporté dans la littérature médicale par certains auteurs (Dannewitz et al., 2006 ; Lee et al., 2012 ; Langer et al., 1981 ; Buhler 1988 ; Blomlöf et al., 1997) confirme que le choix judicieux des cas favorables n'est pas maîtrisé par tous.
Carnevale et al. attribue le taux de survie élevé des molaires amputées dans son étude à un diagnostic approprié, à une sélection rigoureuse des cas ainsi qu'à la stricte application d'un protocole thérapeutique contrôlé (Carnevale et al.,1998). On peut difficilement être plus vague ! La présence d'au moins 50 % d'os résiduel autour des racines restantes apparaît, pour d'autres auteurs (Park et al., 2009 ; Lee et al., 2012) comme le paramètre de décision principal en ajoutant que la maintenance parodontale et la phase prothétique de consolidation de la dent amputée seront des facteurs importants de réussite à long terme. D'autres encore (Svärdström et al., 2000) proposent une liste plus longue de paramètres influençant la prise de décision dans le cadre d'amputation radiculaire. Certains de ces paramètres sont liés à la dent – comme le degré de destruction parodontale, la sévérité de l'atteinte de furcation, la mobilité, l'anatomie des racines et/ou des canaux radiculaires, les conditions endodontiques, l'état de la dent, la position de la dent et l'occlusion – ou à d'autres paramètres plus généraux – comme la valeur stratégique de la dent au sein du plan de traitement, l'âge du patient et ses attentes fonctionnelles et/ou esthétiques, ses possibilités financières, sa santé et son niveau d'hygiène dentaire. Parmi les conclusions de cette étude, il apparaît que la mobilité est le principal facteur amenant à préférer l'extraction.
Le taux de survie du groupe « Other » est clairement plus faible que celui des deux autres groupes. Cela est également constaté par Park et al. (Park et al., 2009). Le taux de survie observé au sein du groupe « Perio YES » est classé en bonne place parmi les études reprises dans l'étude systématique réalisée par Huynh-Ba et al. (Huynh-Ba et al., 2009). En effet, les scores obtenus dans ce groupe (tableau 11) sont proches de ceux rapportés par Carnevale et al. (Carnevale et al., 1991, 1998) ainsi que par Svärdström et Wennström (Svärdström et Wennström, 2000) dans des études citées fréquemment pour l'excellence du choix des indications (Huynh-Ba et al., 2009). La durée moyenne d'observation est, toutefois, plus courte ici. Il apparaît néanmoins que le taux de survie des amputations radiculaires réalisées dans le cadre du traitement de la parodontite afin de freiner la progression des atteintes de furcation des molaires peut être amélioré en sélectionnant les cas selon les contre-indications proposées ici.
Très peu d'études analysent le taux de succès. Il est, en effet, difficile de définir le succès. Les critères proposés ici sont sévères puisqu'ils proposent de considérer l'absence de poche parodontale résiduelle accompagnée d'une absence de saignement au sondage comme critère de succès. Cela n'intègre pas les réparations dentaires et/ou prothétiques, les révisions du traitement endodontique ainsi que les facteurs esthétiques ou fonctionnels comme le confort masticatoire ou encore les contraintes liées à un contrôle de plaque spécifique. En outre, il faut rappeler que lorsqu'on parle de poche résiduelle, c'est la dent dans son ensemble qui est prise en compte et pas seulement le site de l'amputation radiculaire.
Le taux de succès est apprécié par rapport aux dents restantes (tableau 11). Le taux de succès au sein des dents restantes du groupe « Other » est le plus élevé (63,6 %). Cela s'explique aisément du fait de la plus faible proportion de dents parodontalement atteintes dans ce groupe.
En ce qui concerne les dents du groupe « Perio YES », le taux de succès est de près de 50 %, ce qui est faible par rapport au taux de 74 % obtenu par Carnevale et al. au bout de 10 ans (Carnevale et al., 1998) et de 89,6 % par Hamp et al. au bout de 5 ans (Hamp et al.,1975). On peut toutefois remarquer que dans ces études, le succès était accordé aux poches ≤ 3 mm, ce qui améliore le pourcentage pris en compte.
On peut se demander pourquoi des amputations radiculaires ont été réalisées sur des dents préalablement classées dans le groupe « Perio NO » du fait qu'elles présentaient une ou plusieurs contre-indications. Cela montre que l'amputation radiculaire est souvent un traitement de la dernière chance, la seule alternative à l'extraction ou une tentative héroïque de préserver un élément prothétique stratégique. Dans ce cadre, le faible taux de survie des amputations radiculaires faites dans le cadre d'indications non parodontales devrait inciter à déconseiller ce type de traitement dans ces indications.
Il apparaît néanmoins que le taux de survie des amputations radiculaires réalisées dans le cadre du traitement de la parodontite afin de freiner la progression des atteintes de furcation des molaires peut être amélioré en sélectionnant les cas selon les contre-indications proposées ici.
On peut également conclure qu'en cas d'atteintes de furcation concernant la première molaire supérieure, en présence des indications étudiées ici et en l'absence de toutes les contre-indications proposées, l'amputation radiculaire reste une solution de remplacement valable à l'extraction et au remplacement à l'aide d'un implant.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêts concernant cet article.