Article
George MANEV * Christina POPOVA ** Jean-François MICHEL ***
*Exercice libéral privé, Sofia
**Professeur Université de médecine – Sofia Faculté de médecine dentaire Chaire de parodontologie
***MCU-PH, Faculté dentaire de Rennes CES Parodontologie, CES Odontologie chirurgicale, CES Endodontie, CES Odontologie pédiatrique
Le présent article décrit une technique d'élévation sinusienne et pose simultanée d'implants dentaires impliquant une préparation modifiée et un repositionnement de la fenêtre osseuse afin d'assurer l'accès à la muqueuse sinusienne au moyen d'un instrument piézoélectrique. La modification de la technique chirurgicale utilisée dans le cas décrit consiste à découper un volet osseux au niveau de la paroi latérale du sinus et à refermer la fenêtre d'accès après avoir effectué l'élévation sinusienne et l'implantation dentaire. L'adaptation précise du volet osseux cortical retiré pour accéder au sinus maxillaire garantit la stabilité du greffon dans le sinus et laisse l'option d'éviter l'application d'une membrane.
La pose d'implants et l'augmentation du sinus maxillaire simultanées permettent de réduire considérablement le traumatisme qu'auraient causé deux procédures chirurgicales distinctes et offre l'avantage d'une durée de traitement raccourcie.
This paper describes a technique for the sinus lifting allowing the immediate placement of dental implants. It involves a modified preparation and repositioning of the bone from the lateral window which is done with a piezosurgery instrument to have access to the sinus. The modified surgical technique consists of cutting the lateral window of the sinus then replacing this lateral window after performing the sinus lift and the placement of the implant(s). The cortical bone window is readapted with precision to its original site and contributes to the stability of the grafted material in the sinus. This avoids in most cases the use of a membrane.
The sinus augmentation and immediate placement of implants reduce dramatically the surgical trauma caused by two distinct surgeries and shorten the treatment.
La pose d'implants dentaires pour restaurer la denture de patients partiellement édentés est de plus en plus considérée comme une technique aux résultats prévisibles. Elle nécessite un volume suffisant et une densité adéquate d'os alvéolaire afin d'assurer une bonne position des implants en vue d'une mise en charge immédiate. L'extraction de dents affectées par une perte d'os parodontal est souvent suivie d'une résorption de l'os alvéolaire et pourrait entraîner un défaut alvéolaire horizontal et/ou vertical (Ellegaard et al., 1997).
La quantité insuffisante d'os dans la partie postérieure du maxillaire peut rendre l'insertion des implants dentaires difficile, voire impossible. Plusieurs techniques visant à obtenir une augmentation du volume osseux alvéolaire avant la pose de l'implant ont été décrites (Boyne et James, 1980 ; Johansson et al., 2010 ; Khoury et al., 2007 ; Smiler et Holmes, 1987 ; Timmenga et al., 1997). Parmi elles, l'élévation sinusienne, décrite par deux équipes (Tatum, 1986 ; Boyne et James, 1980), est de plus en plus couramment utilisée pour recréer une hauteur d'os suffisante dans la partie postérieure du maxillaire. Caldwell et Luc ont été les premiers à avoir décrit la technique d'accès au sinus maxillaire par la fenestration de la paroi latérale (Guyot et al., 2010).
La pose de l'implant dentaire et l'augmentation simultanée du sinus en présence d'une hauteur osseuse alvéolaire de 4 mm au minimum permettent de réduire le nombre d'interventions chirurgicales et de raccourcir la période de restauration complète des patients. Une des complications les plus courantes de la technique d'élévation du sinus est la perforation de la membrane pendant la préparation du volet osseux, qui peut compromettre la procédure. Les études cliniques concernées démontrent que la perforation de la membrane survient dans 10 à 60 % des procédures d'élévation du sinus (Barone et al., 2006 ; Vlassis et Fugazzotto, 1999). Dans la majorité des cas où l'on constate une perforation de la membrane de Schneider, elle survient lors de l'utilisation d'instruments à rotation ou pendant son décollement au moyen d'instruments manuels. Les études citées rapportent que ces cas peuvent être réduits d'environ 30 % lors de l'utilisation d'instruments à rotation à 7 % en moyenne lors de l'application de la technique piézoélectrique où toutes les perforations ont été occasionnées par des instruments manuels (Wallace et al., 2007).
L'utilisation de la chirurgie piézoélectrique dans la découpe du volet osseux offre plusieurs avantages, dont la préservation des tissus mous, une visibilité optimale du champ opératoire, une réduction du saignement ainsi que des vibrations et du bruit (Barone et al., 2008 ; Pavlikova et al., 2011 ; Vercellotti, 2009).
L'application de la chirurgie piézoélectrique dans l'ostéotomie pendant l'élévation du sinus à accès latéral a été introduite par Vercellotti (Vercellotti et al., 2001). Les caractéristiques techniques et les instructions d'utilisation de l'instrument piézoélectrique ont été publiées par la suite (Vercellotti et al., 2004).
Lors d'expérimentations sur des animaux, la chirurgie piézoélectrique a confirmé son efficacité dans la préservation de la membrane du sinus pendant le découpage du volet osseux et dans l'amélioration de la prévisibilité de la procédure (Camargo Filho et al., 2010).
La modification de la technique chirurgicale utilisée dans le cas décrit ici consiste à découper un volet osseux afin d'assurer l'accès à la muqueuse sinusienne et de refermer la fenêtre d'abord après avoir effectué l'élévation sinusienne et l'implantation dentaire. L'élément novateur de cette technique chirurgicale réside dans la préparation du volet osseux avec un instrument piézoélectrique (Khoury et al., 2007 ; Michel et Michel, 2009 ; Vercellotti, 2009 ; Vercellotti et al., 2001, 2005). La séparation du volet osseux est effectuée à l'aide d'instruments manuels. La précision de la découpe osseuse rend possible l'adaptation du bloc cortical après l'application du matériel de comblement.
L'objectif de cet article est de présenter une procédure d'élévation sinusienne avec pose simultanée d'implants dentaires et une préparation modifiée avec repositionnement du bloc cortical dans la fenêtre osseuse après l'augmentation du sinus.
Il démontrera la précision de découpe du volet osseux à travers la technique piézoélectrique, ce qui donne la possibilité d'adapter le bloc cortical en évitant l'application d'une membrane biorésorbable.
Une élévation sinusienne avec implantation simultanée a été effectuée chez une patiente de 40 ans, en bon état de santé général, non fumeuse, présentant un maxillaire partiellement édenté, la perte des dents 16 et 17 ayant résulté de lésions carieuses et de complications endodontiques (fig. 1).
La hauteur de l'os alvéolaire au niveau de la dent 16 était de 5 mm environ (fig. 2). L'épaisseur osseuse horizontale mesurait 6 mm après le décollement du lambeau. L'élévation sinusienne a été effectuée par abord latéral (fig. 3). La fenêtre osseuse a été préparée avec l'instrument piézoélectrique (Piezotome™, Satelec) (fig. 3), ce qui a produit comme résultat une découpe de l'os cortical non traumatique et une perte d'os minimale (fig. 4). Pour le découpage du volet osseux l'insert BS1 a été utilisé (Piezotome™, Satelec).
L'utilisation d'une scie chirurgicale n'était pas appropriée pour la préparation de la fenêtre osseuse en raison du risque de perforation de la membrane de Schneider.
Un volet osseux cortical a été isolé de la fenêtre (fig. 5). La membrane de Schneider a été soulevée avec des instruments manuels (fig. 6 et 7 ). La membrane sinusienne a été laissée intacte. Deux implants Axiom (Anthogyr) Bone Level de 4 mm de diamètre et 10 mm de longueur ont été insérés à l'emplacement des dents 16 et 17 (fig. 8 et 9 ). Du Gen-Os (OsteoBiol®, Tecnoss) a été utilisé comme matériau de comblement (fig. 10).
Le Gen-Os (mélange à base de collagène et de matière organique d'origine porcine) est résorbable graduellement et permet la reformation. Le collagène faisant partie du produit, il facilite la coagulation du sang et le processus ultérieur de réparation et de régénération cellulaire. Sa composition cortico-spongieuse permet une résorption progressive de type ostéoclastique, avec de la formation d'os nouveau à un rythme similaire (Barone et al., 2005, 2008 ; Covani et al., 2006).
L'étude d'Orsini et al. montre que l'os cortical porcin (donc dérivé de biomatériel) peut favoriser la formation osseuse et peut être utilisé pour l'augmentation du sinus maxillaire. Il n'interfère pas avec la régénération osseuse ni l'ostéo-intégration de l'implant (Orsini et al., 2006).
Le volet osseux a été repositionné sans utiliser de membrane de collagène (fig. 11). Le bloc cortical a été adapté avec précision grâce à la finesse de la scie dans le découpage de la fenêtre osseuse. Le lambeau a été repositionné et maintenu avec une suture continue (fig. 12). La radiographie immédiatement après la pose des implants a démontré leur bon positionnement (fig. 8) ainsi que celui du matériel de comblement dans le sinus.
La technique décrite offre l'avantage de refermer la fenêtre osseuse avec de l'os autogène, ce qui est censé améliorer la cicatrisation. Cette technique d'élévation sinusienne a une bonne prévisibilité grâce au découpage relativement non traumatique du volet osseux et la probabilité très réduite de la perforation de la membrane. La finesse de la scie assure l'adaptation précise du bloc cortical dans la fenêtre osseuse et il s'ensuit une bonne cicatrisation.
Les techniques d'augmentation de l'os alvéolaire dans la région du sinus maxillaire sont présentées dans les études de manière systématique avec une série de cas cliniques. Les discussions portent sur les avantages, les inconvénients et les complications des différentes techniques chirurgicales et des matériaux employés (Farhat et al., 2008 ; Tasoulis et al., 2011).
L'emploi de l'ultrason dans les tissus durs peut être considéré comme une technique plus sophistiquée par rapport à l'utilisation des instruments rotatifs conventionnels car elle nécessite des compétences chirurgicales spécifiques (Escoda-Francolí et al., 2010). La technique de découpage du volet osseux dans la chirurgie d'élévation du sinus à accès latéral simplifie de manière radicale la procédure, tout en évitant la perforation de la membrane (Toscano et al., 2010 ; Vercellotti et al., 2001).
Le travail sur la paroi osseuse du sinus maxillaire a été étudié de manière comparative avec deux types d'inserts piézoélectriques. L'usage de scie piézoélectrique a démontré un gain net de précision par rapport au diamant rond (Sohn et al., 2010).
Dans le cas analysé ici, l'utilisation de la scie piézoélectrique rend possible la remise du bloc cortical dans la fenêtre osseuse avec une adaptation précise en évitant l'utilisation d'une membrane de collagène.
Par ailleurs, on a pu démontrer, lors d'une étude, la possibilité de préserver la vitalité de l'os à un niveau élevé lors d'un découpage non traumatique du bloc cortical (Tetè et al., 2009). Ce constat justifie la décision de fermer la fenêtre osseuse avec le bloc cortical au lieu d'appliquer la membrane par-dessus le matériau de comblement. Ainsi peut-on s'attendre à une formation rapide de l'os dans le sillon et une cicatrisation favorable, accompagnée d'un rétablissement complet de la paroi latérale du sinus maxillaire.
Après la technique chirurgicale d'élévation du sinus, des implants dentaires de 10 mm ont été insérés à une hauteur osseuse résiduelle de 9 et 5,9 mm respectivement (fig. 2). Les implants insérés au cours de la procédure d'élévation sinusienne possèdent une bonne stabilité primaire.
La période de cicatrisation s'étant déroulée sans complications, on peut constater, 4 mois après la chirurgie dans le cas étudié ici, une intégration totale du bloc cortical et une reformation de la paroi latérale du sinus maxillaire (fig. 12).
Dans les limites du cas présenté, on peut conclure que la technique d'élévation sinusienne effectuée avec précision et suivie d'une implantation immédiate peut être une méthode de traitement aux résultats prévisible et de bon pronostic. L'utilisation de la piézochirurgie réduit le risque de perforation de la membrane. Lors de la découpe du volet osseux, elle réduit la perte osseuse dans la périphérie du bloc cortical et rend possible la réadaptation de celui-ci dans la fenêtre osseuse. De cette manière, on obtient une cicatrisation réussie de la paroi latérale du sinus sans avoir besoin d'appliquer une membrane de collagène sur la fenêtre osseuse.
Les auteurs ont indiqué n'avoir aucun conflit d'intérêts concernant cet article.