Article
Julie MINMEISTER * Patrick TAVITIAN ** Marion SWITAJSKI ***
*Chirurgien-dentiste
**MCU-PH
***AHU-PH
Service d'odontologie
Hôpital Nord, Marseille.
Faculté d'odontologie
Université de la Méditerranée
Marseille
La prise de décision prothétique sur parodonte réduit n'est pas une évidence. Malgré l'aménagement préalable du contexte tissulaire, qui a fait l'objet d'un précédent article, la fragilité du terrain peut compromettre l'intégralité du traitement si ses spécificités ne sont pas prises en compte. La prothèse doit permettre de maintenir les résultats obtenus sur le plan tissulaire, son impact parodontal doit être le moins négatif possible. La réflexion du praticien tient plus que jamais compte du rapport bénéfice/risque. Il doit connaître les conséquences de ses choix prothétiques et optimiser autant que possible leur innocuité parodontale.
À partir d'une revue de la littérature, nous avons cherché à savoir quel type de prothèse est le mieux adapté sur parodonte réduit. Un certain nombre de principes de conception seront décrits pour chacun. À l'issue de cette étude, un organigramme décisionnel a pu être dégagé. Il met en avant les bénéfices de la prothèse fixée conventionnelle ainsi que les réserves concernant l'implantologie et proscrit autant que possible la prothèse amovible.
It can be difficult to take a decision about a prosthetic rehabilitation in case of reduced periodontium. Despite the preliminary treatment planning, described in the first part of this article, the fragility of the ground is able to compromise the all treatment if specificities are not taken in consideration.
Prostheses have to maintain surgical results and their periodontal impact has to be as harmless as possible. Practitioners must assess the risk to benefit ratio. They must understand the consequences of their prosthetic choice and optimise the periodontal innocuity as much as possible. In this review of literature, we try to determine which type of prostheses are the most adapted to a reduced periodontium.
Several conception principles will be described for each of them. Finally, a choice chart is proposed in which the benefits of fixed prostheses are praised. Implantology should be considered with caution and mobile prostheses should be avoided as often as possible.
La restauration prothétique sur parodonte réduit est un acte délicat. Le contexte tissulaire, bien qu'aménagé au préalable par différentes chirurgies préprothétiques décrites lors d'un précédent article, reste fragile et implique de prendre un certain nombre de précautions lors de la réalisation de la prothèse.
Sans intégration parodontale, un traitement prothétique ne peut pas être considéré comme réussi. Son succès s'apprécie sur les plans fonctionnel, esthétique et biologique. Il doit permettre de maintenir les résultats obtenus par les thérapeutiques parodontales, notamment en créant un environnement sain propice aux manœuvres d'hygiène. Cet impératif est primordial lors du choix du type de prothèse. Celle-ci doit être la moins invasive possible, la plus conservatrice et son impact parodontal doit être faible. À chaque type de prothèse correspond un certain nombre d'impératifs à respecter et d'écueils à éviter. Ainsi, une prothèse implique de nombreux compromis sur les plans esthétique et fonctionnel. Sa conception s'adapte à la perte tissulaire subie et à la résistance moindre du terrain qui en résulte. Ces compromis et cette conception doivent être évalués cliniquement par la prothèse transitoire. Le projet est reconsidéré à l'issue des thérapeutiques parodontales et des chirurgies préprothétiques afin de confirmer sa faisabilité et son acceptation par le patient.
Nous avons souhaité, par le biais d'une revue de la littérature médicale, déterminer l'impact parodontal des différents types de prothèses afin d'éclairer ce choix.
Pour chacun d'eux, nous avons également cherché à dégager des principes de réalisation qui permettraient d'optimiser l'intégration du traitement. Ces principes tiennent compte des particularités cliniques liées à la perte tissulaire. Ils permettent d'adapter la fonction à un terrain où la résistance aux forces est diminuée, de gérer les compromis hygiène-esthétique-fonction et de prévoir l'évolution de la situation clinique. Leur objectif est de réduire au maximum les conséquences de la présence d'une prothèse sur le parodonte, c'est-à-dire de limiter au mieux les phénomènes inflammatoires et la rétention de plaque. Il s'agit de favoriser l'innocuité du dispositif prothétique.
À l'issue de cette étude, différentes lignes directrices ont pu être mises en avant qui nous ont permis d'élaborer l'organigramme décisionnel proposé.
Nous étudierons successivement les restaurations fixes conventionnelles collées, scellées, la prothèse amovible et l'implantologie.
Il existe plusieurs types de restaurations collées en fonction de la situation clinique (Ainamo et al., 1996a ; Camilleri, 2007) :
– les attelles de contention en composite fibré ;
– les attelles de contention coulées ou métalliques ;
– les bridges collés, dont le seul rôle est le remplacement de dents absentes ;
– les bridges attelles, dont le rôle est la contention et le remplacement de dents absentes.
La contention est l'intérêt principal de ce type de prothèse sur parodonte réduit. Elle est ici à visée permanente. Le remplacement des dents absentes est limité. Il ne peut concerner qu'un petit édentement de 1 ou 2 dents.
La contention des dents mobiles ne doit pas être systématique. Elle ne constitue pas un traitement de la mobilité et permet uniquement de stabiliser une situation défavorable en répartissant les forces exercées sur les dents (Ainamo et al., 1996b). L'ensemble des auteurs (Ainamo et al., 1996b ; Kumbuloglu et al., 2008 ; Sture et al., 1994 ; Viargues et al., 2004) s'accorde sur le fait de ne recourir à la contention que lorsque la mobilité :
– est irréversible et non traitable, c'est-à-dire en rapport direct avec la perte de support parodontal. Il faut alors distinguer les mobilités accrues, non évolutives, des mobilités croissantes, au pronostic défavorable ;
– constitue une gêne fonctionnelle ou un inconfort pour le patient ;
– est susceptible de s'aggraver et de mettre en péril la pérennité des dents sur l'arcade.
Parmi les différents types de restaurations collées citées précédemment, lesquelles préférer sur parodonte réduit ?
Pour Rappelli et al., les restaurations en composite fibré ont pour avantage une « économie extrême » de tissus dentaires sains (Rappelli et al., 2002). La facilité de réalisation et l'utilisation d'un matériau d'assemblage du même type que celui qui constitue la prothèse sont également appréciables. Le manque de recul clinique des bridges en composite fibré est leur principal inconvénient.
D'après Meiers et al., les techniques directes en composite fibré sont plus économiques et rapides. Pour eux, elles sont particulièrement intéressantes lorsque les dents ont un pronostic réservé à long terme (Meiers et al., 1998). De ce fait, elles ne semblent pas constituer une solution prothétique pérenne. Les auteurs reconnaissent en effet que cette procédure est « potentiellement durable » et doit être évaluée.
Pour Kumbuloglu et al., les techniques indirectes en composite fibré permettent d'obtenir une intégration occlusale optimale, une précision d'adaptation supérieure aux techniques directes et des finitions soignées (Kumbuloglu et al., 2008). Ces avantages sont également relevés par Danan (Camilleri, 2007) (tableau 1) qui souligne un bénéfice technique supplémentaire. Pour lui, le traitement thermique réalisé au laboratoire augmenterait le taux de polymérisation du composite et permettrait une meilleure appréhension du problème de rétractation du matériau lors de la prise. Cela, associé à une imprégnation contrôlée des fibres avec le composite, permettrait d'augmenter la résistance.
Kumbuloglu et al. rapportent un taux de succès, en 2 ans d'observation, de 93 % pour les restaurations en composite fibré (Kumbuloglu et al., 2008). Ce taux serait de 76 % pour les restaurations métalliques collées.
Lin et al. considèrent les attelles métalliques comme la technique la plus pointue pour assurer une contention rigide des dents (Rappelli et al., 2002). Elle est particulièrement utile lorsqu'il faut remplacer 1 ou 2 dents et assurer la stabilisation mécanique de piliers mobiles. Ces protocoles se révèlent toutefois particulièrement difficiles à réaliser face à une mobilité 3 ou 4 de Mülheman.
Deux études portant respectivement sur les attelles en composite fibré (Romberg et al., 1995) et en métal (Corrente et al., 2000) montrent un recul clinique de 10 ans. Elles considèrent ces deux techniques comme fiables et présentant d'intéressants taux de succès.
En conclusion on préférera recourir à des dispositifs élaborés en techniques indirectes. Plus précises, ces dernières permettent d'optimiser l'adaptation et la résistance de l'attelle (métal ou composite fibré traité au laboratoire). Le choix du matériau sera fonction de la situation clinique. En cas de bridge attelle, on préférera une reconstruction coulée plus rigide (Camilleri, 2007 ; Corrente et al., 2000 ; Kumbuloglu et al., 2008 ; Meiers et al., 1998 ; Rappelli et al., 2002 ; Romberg et al., 1995).
En présence de mobilité résiduelle, les forces engendrées lors de la fonction peuvent entraîner des déplacements dentaires importants soumettant l'interface de collage à des contraintes intenses qui tendent à désolidariser la prothèse de l'organe dentaire (Ainamo et al., 1996a ; Degrange et Bouter, 1995). Chaque élément devra donc concourir à limiter les risques de décollement en permettant d'optimiser le collage, la rigidité et la stabilité primaire de l'attelle (Ainamo et al., 1996a ; Degrange et Bouter, 1995 ; Renault et Crosnier, 1998).
Dans ce but, on cherchera à accroître la surface de collage en élargissant la préparation dentaire, notamment par l'intermédiaire d'éléments de rétention secondaires (puits dentinaires, appuis occlusaux, rainures proximales…). Plus les dents sont mobiles et plus ces éléments de rétention annexe doivent être importants.
L'augmentation du nombre de piliers accroît la surface de collage. Cependant, un nombre de dents support accru n'entraîne pas une réduction proportionnelle des contraintes sur le parodonte. Au contraire, l'augmentation du nombre de piliers sous prétexte d'améliorer la rétention aboutira en fait à un nombre d'échecs plus grand dû aux effets de levier (Ainamo et al., 1996a ; Degrange et Bouter, 1995).
Les limites cervicales sont supra-gingivales, impératif lié au collage, ce qui constitue une situation particulièrement favorable sur parodonte réduit (Ainamo et al., 1996a ; Degrange et Bouter, 1995). C'est l'atout majeur de la prothèse collée qui s'avère être particulièrement respectueuse du parodonte et sans impact négatif en présence d'une hygiène rigoureuse. La possibilité d'évolution vers une prothèse conventionnelle en cas de besoin est un autre avantage. Ses indications restent toutefois limitées et les difficultés rencontrées lors de la préparation en font une technique très opérateur dépendante. L'aménagement des embrasures est le point critique : leur rigidité doit être suffisante sans porter atteinte à l'esthétique et au contrôle de plaque. Le point de contact doit alors être transformé en surface de contact qui présente l'avantage de réduire l'ouverture des embrasures et l'aspect de « trou noir ». Cela impose la correction préalable des diastèmes et malpositions secondaires.
La prothèse collée est une solution de remplacement à la prothèse scellée intéressante car moins agressive pour le parodonte. Cependant, elle ne pourra être indiquée que dans un nombre réduit de situations cliniques. Dans les cas d'édentements de plus grande étendue, le recours à la prothèse scellée s'avère incontournable et souhaitable.
La meilleure attitude à adopter sur parodonte réduit est d'éviter la prothèse, surtout plurale (Viargues et al., 2004). Elle peut s'avérer incontournable s'il s'agit de remplacer des dents absentes, de restaurer des dents délabrées, leur fonction, leur esthétique et/ou d'assurer leur contention.
Nyman et Lindhe comparent deux groupes de patients traités avec succès pour parodontite (Nyman et Lindhe, 1979). Le premier groupe n'a pas reçu de restauration prothétique (48 patients), les patients du second groupe (251 patients) sont quant à eux porteurs de bridges. La période d'observation s'étend de 5 à 8 ans. Aucune différence significative n'a pu être notée entre les deux groupes concernant la profondeur de poche, le niveau d'attache ou la hauteur d'os alvéolaire.
Dans leur étude clinique et radiographique menée pendant 15 ans et portant sur 102 patients, Valderhaug et al. comparent, pour une même arcade, dents piliers et dents indemnes de restauration (Valderhaug et al., 1993). Ils enregistrent les constatations suivantes :
– aucune différence de l'indice de plaque n'a pu être relevée entre dents couronnées et dents témoins ;
– des valeurs de l'indice gingival de 2 ou 3 ont été plus fréquemment retrouvées en présence d'une restauration et, notamment, lorsque les limites étaient sous-gingivales ;
– une légère augmentation de la profondeur de poche a été plus fréquemment retrouvée en présence d'une restauration aux limites infragingivales ;
– malgré ces tendances conformes à la littérature, aucune différence statistiquement significative n'a été mise en évidence ;
– aucune différence significative du niveau osseux n'a été relevée entre dents tests et dents témoins.
Ainsi, en présence d'une maintenance et d'une hygiène rigoureuse, la prothèse scellée sur parodonte réduit mais sain n'entraîne pas d'altération significative de la santé parodontale (Hämmerle, 1994 ; Lang et Siegrist Guldener, 1996 ; Valderhaug et al., 1993 ; Rignon-Bret et al., 2005).
Cela n'est vrai que si un certain nombre d'impératifs biologiques sont respectés au niveau de la préparation des dents piliers et de la conception de l'élément prothétique.
Les éléments à prendre en compte lors de la préparation des dents piliers sont :
– la position des limites. L'ensemble des auteurs insiste sur la nécessité de positionner la limite cervicale dans une situation supra-gingivale chaque fois que cela est possible (Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Camilleri, 2007 ; Crespi et Grossi, 1993 ; Hämmerle, 1994 ; Marzouk, 2001 ; Reeves, 1991 ; Valderhaug et al., 1993). Dans le cas contraire, la limite devra être positionnée en situation sous-gingivale. Son impact est alors controversé. Pour de nombreux auteurs, une limite infragingivale bien réalisée, sans agression des tissus marginaux, associée à une adaptation et à une hygiène rigoureuses ne remet pas en cause la santé parodontale (Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Crespi et Grossi, 1993 ; Hämmerle, 1994 ; Reeves, 1991 ; Shillingburg, 1998) ;
– les formes de contour de la préparation. Elles doivent favoriser la rétention primaire de la prothèse notamment lorsque les dents piliers présentent une mobilité résiduelle. La réduction de la dent ne doit pas laisser persister un surplomb qui induirait un surcontour de l'élément prothétique et une zone de rétention de plaque difficile d'accès lors des manœuvres d'hygiène. Ainsi, les sillons et gouttières, notamment au niveau de la zone de furcation, doivent être marqués depuis la limite cervicale jusqu'à la face occlusale. Ils permettront de créer à ce niveau un sillon d'échappement vertical favorisant l'hygiène (Ache et al., 1991 ; Ainamo et al., 1996c ; Mora et al., 2003 ; Shillingburg, 1998). La dénudation radiculaire réduit le diamètre cervical de la préparation. Le profil de la limite retenu devra donc être le moins mutilant possible tout en permettant d'aménager suffisamment d'espace pour le joint dento-prothétique. Trois profils de limite sont à retenir sur parodonte réduit : les congés, les épaulements à angle interne arrondi et les finitions triangulaires de Kuwata dans les secteurs esthétiques (fig. 1) (Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Camilleri, 2007 ; Crespi et Grossi, 1993 ; Estrabaud, 1994 ; Fleiter et Launois, 1996 ; Marzouk, 2001) ;
– la surface radiculaire efficace. Elle est définie comme la surface recouverte par le ligament parodontal.
En cas de parodonte réduit, la perte du tissu de soutien et l'augmentation de la longueur de la couronne clinique augmentent la valeur du rapport couronne/racine clinique. Il devra être au minimum égal à 1 (Ainamo et al., 1996b ; Camilleri, 2007 ; Shillingburg, 1998 ; Tarounine et Tarounine, 2004).
La loi d'Ante selon laquelle la surface radiculaire globale des piliers doit être supérieure ou égale à celle présumée des dents remplacées est remise en question par de nombreux auteurs (Nyman et Lindhe, 1979 ; Nyman et Ericsson, 1982 ; Ainamo et al., 1996b ; Nyman et Ericsson, 1982). Ils ont montré qu'en présence d'une bonne répartition des piliers, il est possible de réaliser des restaurations fiables avec une surface ligamentaire inférieure d'au moins 50 % à la surface recommandée par cette loi. La position et l'anatomie des racines des dents piliers peuvent pallier le manque de surface radiculaire efficace.
Nyman et Ericsson proposent une étude rétrospective sur la fiabilité à long terme de bridges impliquant des piliers au support parodontal fortement réduit (Nyman et Ericsson, 1982). Les résultats montrent que plus de 50 % de ces bridges ne respectent pas la loi d'Ante avec une surface radiculaire efficace inférieure d'au moins 50 % à celle recommandée. Après une période d'observation de 8 à 11 ans, ces bridges sont toujours en fonction et aucun des piliers n'a présenté de perte de tissu de soutien.
Fayyed et Al-Rafee en 1997 (Camilleri, 2007) ont évalué 156 bridges parmi lesquels 76,9 % ne répondent pas aux critères de la loi d'Ante. Sur l'ensemble des bridges observés, 56 se sont révélés être des échecs dont seulement 2 ne répondaient pas la loi d'Ante. Les auteurs concluent que la réussite à long terme des restaurations par bridges sur des dents au parodonte réduit n'est pas la conséquence de l'application de cette loi mais d'un traitement parodontal consciencieux, d'une maintenance rigoureuse et d'une occlusion adéquate.
L'augmentation du nombre de piliers en présence d'un parodonte réduit n'est donc plus souhaitable. Pour de nombreux auteurs, elle aggraverait le risque d'échec (Ainamo et al., 1996b ; Camilleri, 2007 ; Nyman et Ericsson, 1982 ; Shillingburg, 1998). Pour Foster en 1991 (Shillingburg, 1998), la durée de vie d'un bridge peut être prolongée si l'on utilise seulement des piliers stratégiques.
La conception de l'élément prothétique s'adapte à la perte de support parodontal et tente de résoudre les problèmes esthétiques et fonctionnels. L'adaptation doit être parfaite afin de ne pas induire de surcontour, de surplomb ou de sous-contour particulièrement délétères sur parodonte réduit.
Le profil d'émergence doit s'inscrire rigoureusement dans le prolongement radiculaire (Ainamo et al., 1996c ; Crespi et Grossi, 1993 ; Estrabaud, 1994 ; Fleiter et Launois, 1996).
Le contour axial des restaurations prothétiques doit être dans le prolongement de la surface dentaire non préparée. Ainsi, on retrouvera marquées sur la prothèse les gouttières aménagées lors de la préparation. Les formes de contour seront donc de moins en moins anatomiques avec la perte de support parodontal. Si l'esthétique et l'aspect naturel priment dans les secteurs antérieurs, l'hygiène doit être favorisée dans les secteurs postérieurs (Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Shillingburg, 1998 ; Viargues et al., 2004).
La morphologie de la face gingivale des intermédiaires de bridge revêt une importance particulière sur parodonte réduit. Elle doit être accessible à l'hygiène, ne pas constituer une zone de rétention de plaque et être en rapport avec la crête édentée, notamment dans les zones accessibles à l'esthétique. Les selles modifiées présentent un excellent compromis esthétique-prophylaxie (fig. 2) (Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Camilleri, 2007 ; Lang et Siegrist Guldener, 1996 ; Shillingburg, 1998 ; Vest et Morin, 1998).
D'après les conclusions de l'étude d'Augerau et Pierrisnard de 1996 (Camilleri, 2007), la portée des travées aurait une faible incidence sur parodonte réduit. Des travées longues ne sont toutefois pas recommandées. La rigidité des connexions doit être particulièrement assurée afin de garantir la répartition des forces. Cette nécessité ne doit cependant pas entraver l'accès à l'hygiène et le passage des instruments (Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Camilleri, 2007 ; Shillingburg, 1998).
Les embrasures pourront être largement ouvertes dans les secteurs postérieurs afin de faciliter le passage des instruments d'hygiène (Ache et al., 1991 ; Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Mora et al., 2003). Dans les secteurs esthétiques, elles seront aménagées de façon à compenser l'impression de « trous noirs ». Ces aménagements consistent à transformer le point de contact en surface de contact et à réaliser une double courbure permettant de s'inscrire dans le profil d'émergence au niveau cervical. Le profil de la face proximale est donc vertical ou concave au niveau cervical puis devient convexe pour réaliser la surface de contact (Ainamo et al., 1996c ; Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Estrabaud, 1994).
Différents artifices prothétiques permettent de réduire l'impression de dents longues, parmi lesquels la réalisation d'une fausse racine ou l'utilisation de céramique rose imitant la gencive (Ainamo et al., 1996c ; Bercy et Tenenbaum, 2003 ; Borghetti et Monnet-Corti, 2008 ; Brunsvold, 2005 ; Capri et al., 2005 ; Estrabaud, 1994 ; Palmer et al., 2003).
La prothèse scellée est donc une solution adaptée et fiable sur parodonte réduit. Elle permet de répondre aux besoins esthétiques et fonctionnels tout en consolidant et maintenant au mieux la position des dents présentes sur l'arcade.
L'évolutivité de la situation clinique peut toutefois s'avérer problématique avec ce type de prothèse. La perte d'un pilier n'est pas rare dans notre contexte et peut remettre en question l'ensemble du traitement. Il faudra anticiper autant que possible cette éventualité. L'aménagement préalable de glissières ou d'éléments de prothèse composite (fraisages) est une solution possible.
Les limites de la prothèse scellée conventionnelle sont atteintes en l'absence de piliers postérieurs. Si le recours à la solution implantaire est souhaitable dans ce cas de figure, la prothèse amovible peut malheureusement, parfois, s'avérer la seule option possible.
L'ensemble des auteurs s'accorde sur le fait que la prothèse amovible constitue un facteur de rétention de plaque. Elle complique le maintien d'une hygiène dentaire optimale compatible avec la santé parodontale. Elle constitue donc un facteur de risque de progression de la maladie parodontale (Mchenry et al., 1992 ; Orr et al., 1992 ; Vanzeveren et al., 2002 ; Wöstmann et al., 2005 ; Yeung et al., 2000 ; Zlataric et al., 2002).
Si elle s'avère incontournable, une attention particulière devra être portée au choix des composants et au dessin du châssis. Le recouvrement de la gencive marginale et des surfaces radiculaires exposées sont à éviter autant que possible (Mchenry et al., 1992 ; Orr et al., 1992 ; Santoni, 2004 ; Yeung et al., 2000 ; Zlataric et al., 2002).
Les crochets des prothèses amovibles à plaque base métallique constituent un facteur de risque pour les dents résiduelles en exerçant potentiellement un bras de levier délétère. Chaque élément du crochet doit ainsi concourir à l'éviter. Rigidité, sustentation et transmission axiale des forces constituent le cahier des charges à respecter en présence d'un parodonte réduit (Joly et Joly, 1992 ; Rignon-Bret et al., 2005 ; Santoni, 2004).
La prothèse à base résine n'est pas suffisamment rigide et les crochets façonnés n'assurent pas suffisamment de sustentation pour que cette solution soit envisageable à long terme. Son indication doit se limiter à la prothèse provisoire de courte durée (Camilleri, 2007 ; Joachim et al., 2001 ; Rignon-Bret et al., 2005 ; Schittly, 1998 ; Zlataric et al., 2002).
La prothèse composite soutenue par fraisages et attachements semble apporter de meilleures rétention, stabilisation et sustentation que les prothèses soutenues par des crochets. Sa partie fixe permet la contention des dents résiduelles et améliore leur résistance. Un certain bénéfice peut en être retiré au niveau de la préservation des structures parodontales. Cependant, il semble que les dents soient plus sollicitées et soumises à des contraintes accrues par l'utilisation des fraisages et attachements. Leur solidarisation est impérative. La multiplication du nombre de fraisages principaux permet de réduire leur dimension et d'être moins délabrant lors de la préparation du pilier dentaire. Les attachements devront être rigides ; un dispositif activable pourra permettre d'adapter la force de rétention au support parodontal (Begin, 2000 ; Joly et Joly, 1992 ; Rignon-Bret et al., 2005 ; Santoni, 2004 ; Studer et al., 1998 ; Zlataric et al., 2002). Le prérequis d'une « valeur parodontale correcte » reste cependant déterminant pour le succès de ces restaurations (Begin, 2000 ; Rignon-Bret et al., 2005 ; Santoni, 2004).
Malgré une gestion du cas potentiellement plus aisée, évolutive ou rapide, la prothèse amovible est à proscrire sur parodonte réduit et ne doit être envisagée qu'en dernier recours. Les restaurations fixées sont la meilleure attitude à adopter. L'implantologie permet d'en élargir les indications lorsque les limites de la prothèse conventionnelle sont atteintes.
Malgré les particularités du site et les antécédents de maladie parodontale, l'implantologie est tout à fait envisageable sur parodonte réduit. Les taux de survie implantaire semblent comparables à ceux obtenus sur parodonte sain, pour autant que les techniques soient adaptées et l'atteinte parodontale maîtrisée. Cependant, le contexte de parodonte réduit constitue un terrain à risque pour le succès global des traitements implantaires. Si l'implantation proprement dite est possible, la restauration prothétique peut être plus délicate à intégrer.
Les particularités du site implantaire sont doubles et concernent l'environnement tissulaire et l'environnement bactérien.
La perte tissulaire engendrée par la maladie parodontale cause de nombreux défauts anatomiques que nous avons évoqués dans l'article précédent. Le déficit en tissu osseux est l'obstacle principal à la chirurgie implantaire. Outre les défauts osseux proprement dits, la maladie parodontale et la perte des organes dentaires entraînent une perte quantitative et potentiellement qualitative d'os.
La résorption osseuse provoque des problèmes particuliers au traitement implantaire. Centripète au maxillaire, centrifuge à la mandibule, elle contribue à exposer certains obstacles anatomiques que sont les sinus et le nerf alvéolaire inférieur. De fait, les secteurs postérieurs offrent généralement peu de volume osseux utilisable d'emblée. Notons également que la direction opposée de la résorption peut aboutir à des rapports occlusaux pratiquement inversés. Se pose alors le problème délicat de la concordance des axes implantaires et prothétiques (Brocard et Laluque, 2004). L'axe idéal de l'implant sur le plan anatomique peut être en totale contradiction avec l'axe prothétique idéal et inversement. Un compromis s'impose qui doit être déterminé avant la mise en place de l'implant.
L'étude du cas est donc particulièrement importante et doit, de même que le projet prothétique global, intervenir très tôt dans le plan de traitement. Elle permettra d'anticiper et de gérer cette concordance des axes et de prévoir les chirurgies pré-implantaires d'aménagement du site. Le guide radio-chirurgical revêt une importance capitale dans ce contexte (Ambrosini et al., 2002 ; Leclercq et al., 2008 ; Missika et al., 1998 ; Seban, 2008). Il permet :
– la superposition des coupes obtenues à partir du scanner ;
– une analyse précise de la concordance entre axe prothétique souhaité et anatomie du site ;
– la validation de la faisabilité du projet prothétique ;
– le transfert clinique des données radiographiques ;
– le positionnement précis des implants (situation, axe, émergence) ;
– l'exploitation optimale du volume osseux reconstruit en cas de greffe osseuse préalable.
Les antécédents de maladie parodontale créent également un contexte microbiologique particulier. La question de savoir s'ils constituent un facteur de risque de péri-implantite peut se poser.
Malgré un traitement rigoureux de l'atteinte parodontale et une maintenance assidue, les poches résiduelles, les muqueuses buccales, la langue et les amygdales constituent des réservoirs potentiels de pathogènes parodontaux. Or, l'ensemble des études (Ainamo et al., 1996d ; De Boever et De Boever, 2006 ; Joachim et al., 2001 ; Mengel et Flores-De-Jacoby, 2005 ; Quirynen et Teughels, 2003 ; Van Winkelhoff et al., 2000) montre que le statut parodontal de la denture résiduelle détermine la composition microbienne des sites péri-implantaires. Ces études montrent également une similitude des flores bactériennes impliquées dans les parodontites et les péri-implantites (notamment Prevotella intermedia, Porphyromonas gingivalis et Actinobacillus actinomycetemcomitans). En dépit de cette constatation, la plupart des auteurs n'enregistrent pas pour autant une augmentation des échecs implantaires et concluent souvent à un environnement péri-implantaire sain (De Boever et De Boever, 2006 ; Mengel et Flores-De-Jacoby, 2005 ; Van Winkelhoff et al., 2000). Le traitement de la parodontite pourrait même constituer un facteur protecteur (Joachim et al., 2001). Il nécessite toutefois une stabilisation parfaite de l'atteinte et sa maîtrise dans le temps dont on sait qu'elles imposent une grande rigueur aux patients et sont particulièrement difficiles à obtenir. Il s'agit donc d'être prudent et de relativiser ces résultats en fonction de la réalité clinique en pratique quotidienne.
Tenant compte de ces différents aspects, un certain nombre de précautions doit être pris lors du choix des procédures chirurgicales, du positionnement et du choix du pilier implantaire. L'objectif est d'optimiser la stabilisation primaire de l'implant et de favoriser l'ostéo-intégration.
Afin d'optimiser cette stabilisation primaire tout en s'adaptant aux conditions anatomiques et au projet prothétique, notre étude nous conduit à préconiser un certain nombre de règles de conduite (tableau 2) (Aouate, 2008 ; Baelum et Ellegaard, 2004 ; Leclercq et al., 2008 ; Martinez et Renault, 2008 ; Missika et al., 1998 ; Seban, 2008).
Deux approches sont possibles en chirurgie implantaire (Leclercq et al., 2008 ; Martinez et Renault, 2008) :
– une chirurgie en deux temps chirurgicaux. Elle représente la procédure conventionnelle où l'implant est d'abord enfoui sous la gencive (premier temps chirurgical), laissé en nourrice le temps nécessaire à l'obtention de l'ostéo-intégration puis découvert. Ce second temps chirurgical est suivi d'une période de cicatrisation gingivale dont l'objectif est de donner une émergence intrabuccale aux implants ;
– une chirurgie en un temps chirurgical où les implants ne sont pas enfouis sans pour autant être mis en fonction. De nombreux avantages sont avancés parmi lesquelles la formation précoce de l'attache conjonctive.
Baelum et Ellegaard étudient les taux de survie implantaire à 5 et 10 ans chez des patients édentés partiels ayant présenté une atteinte parodontale (Baelum et Ellegaard, 2004). Ces deux procédures chirurgicales y sont comparées. Les résultats montrent :
– des taux de survie à 5 ans de 97 % pour la procédure en deux temps, de 94 % pour la procédure en un temps ;
– des taux de survie à 10 ans de 97 % pour la procédure en deux temps, de 78 % pour la procédure en un temps.
Nous recommandons donc de préférer les procédures en deux temps chirurgicaux. L'évolution des techniques et la mise au point d'implants spécifiques à l'anatomie adaptée (col et corps) tendent à optimiser les résultats et à fiabiliser les procédures en un temps (Aouate, 2008). De nouvelles études restent cependant à mener quant à leur application sur parodonte réduit.
La sélection du pilier implantaire doit tenir compte de la forme, de la longueur, du diamètre et de l'état de surface. De même que les racines des dents naturelles, ils doivent assurer une assise intra-osseuse maximale. Le choix se portera donc préférentiellement sur des implants coniques ou à col évasé, long avec une surface rugueuse (Martinez et Renault, 2008 ; Seban, 2008). Selon Seban, en cas de greffes d'apposition ou de comblements sinusiens, un implant de forme cylindro-conique vissé, doté de doubles spires et d'un état de surface rugueux, semble actuellement présenter la meilleure configuration (Seban, 2008).
Toutefois, sur parodonte réduit, une hauteur d'os insuffisante et la proximité d'obstacles anatomiques peuvent rendre impossible l'utilisation d'implants longs. Le recours à des implants courts, parfois inférieurs à 8 mm, peut alors s'avérer nécessaire (Martinez et Renault, 2008). Les résultats obtenus avec ce type de pilier sont controversés. De nombreux auteurs rapportent des taux d'échecs supérieurs (Bahat, 1993 ; Bahat, 2000 ; Weng et al., 2003 ; Hermann et al., 2005 ; Martinez et Renault, 2008 ; Renouard et Nisand, 2006). Actuellement, un certain nombre d'auteurs considère qu'avec une procédure chirurgicale adéquate et une anatomie implantaire adaptée (état de surface rugueux et diamètre large), ils offrent des résultats et une prévisibilité comparables à ceux des implants longs (Martinez et Renault, 2008 ; Renouard et Nisand, 2006).
En revanche, en cas de greffe osseuse, les implants courts sont contre-indiqués. Pour Seban, une longueur minimum de 10 mm est préconisée (Seban, 2008).
Le positionnement supra-crestal de l'implant peut permettre d'élargir les possibilités d'utilisation de piliers longs. Cette position peut également permettre de compenser un écart entre l'os alvéolaire des dents adjacentes et le sommet de la crête osseuse édentée. Rappelons qu'il est couramment considéré que le placement de la tête implantaire 3 mm apicalement à la jonction émail-cément des dents naturelles permet d'aménager un profil d'émergence adéquat (Palmer et al., 2003). En cas de résorption verticale, cette distance peut être augmentée. De par ses avantages (tableau 3), la position supra-crestale peut donc s'avérer souhaitable, voire nécessaire sur parodonte réduit (Ambrosini et al., 2002 ; Leclercq et al., 2008 ; Missika et al., 1998 ; Seban, 2008).
Les protocoles d'extraction-implantation immédiate ne sont pas appropriés sur parodonte réduit. En effet, la présence de lyse osseuse importante est un facteur de risque majeur d'instabilité de l'implant (Missika et al., 1998).
Une mise en fonction immédiate ou précoce n'est pas souhaitable en présence d'un os greffé, d'un os de type 4, lorsque la stabilité primaire n'est pas obtenue ou insuffisante ou encore lorsque la quantité de gencive est inférieure à 4 mm (Aouate, 2008). Ces procédures semblent donc déconseillées, voire inapplicables, dans un contexte de parodonte réduit. La temporisation reste la technique la plus sûre (Leclercq et al., 2008 ; Tavitian et al., 2009a, 2009b).
Une mise en nourrice de 3 à 4 mois à la mandibule et de 6 mois au maxillaire est conseillée (Leclercq et al., 2008 ; Martinez et Renault, 2008). Ce délai peut être augmenté dans les cas défavorables. À long terme, aucune différence significative d'ostéo-intégration ne sera trouvée quelle que soit la densité osseuse initiale (Leclercq et al., 2008).
Le positionnement de l'implant résulte du compromis axe anatomique possible/axe prothétique fonctionnel déterminé lors de l'étude du cas. Le projet prothétique, de même qu'en prothèse conventionnelle, doit pallier le déficit fonctionnel et esthétique et contribuer à la préservation des structures parodontales et dentaires résiduelles. Le respect de ces objectifs et le succès du traitement prothétique implanto-porté sont essentiels sur parodonte réduit, d'où son statut de « terrain à risque » en implantologie.
La difficulté majeure est l'intégration des dents résiduelles et leur rôle au sein de la restauration prothétique. La problématique vient du différentiel de mobilité clinique existant entre les dents naturelles et les implants. Ce différentiel est particulièrement marqué sur parodonte réduit où la perte de support parodontal peut entraîner une augmentation de la mobilité dentaire. L'application de forces, même légères, peut provoquer un déplacement très important de ces dents pouvant conduire à une surcharge de l'organe dentaire et/ou de la prothèse implanto-portée.
Deux approches sont possibles (Le Gall et Saadoun, 2004 ; Viargues et al., 2004) :
– soit les implants sont insérés pour compléter le nombre de points d'appui sans se substituer aux dents mobiles qu'ils doivent soulager des contraintes occlusales qu'elles ne peuvent plus assurer ;
– soit les implants sont insérés en nombre plus important entre les dents au parodonte affaibli de telle sorte que la prothèse se comporte comme une reconstitution implanto-portée pure. Les dents n'ont plus qu'un rôle secondaire de pontique vivant.
Cette dernière option implique de sélectionner un certain nombre de sites implantaires stratégiques qui, s'ils sont occupés par une dent, conduiront à son extraction (Viargues et al., 2004). Malgré le confort et la sécurité qu'elle semble apporter, cette solution ne doit pas aboutir à un surtraitement implantaire.
Il semble donc préférable de s'orienter vers le premier concept, les dents naturelles pouvant elles-mêmes faire l'objet d'une restauration prothétique indépendante afin de renforcer leur capacité fonctionnelle ou d'assurer leur contention si nécessaire.
Certains auteurs (Arnoux, 1992 ; Le Gall et Saadoun, 2004) considèrent qu'une prothèse fixée de grande portée, englobant dents naturelles et implants, serait la seule solution permettant d'éviter les risques de surcharge lorsque les dents naturelles sont mobiles. Selon eux, la connexion dents-implants aurait pour avantage (Arnoux, 1992 ; Cordaro et al., 2005 ; Le Gall et Saadoun, 2004) :
– une amélioration de la régulation des forces occlusales sur les implants grâce à la participation de la proprioception desmodontale des dents ;
– l'augmentation de la surface portante lorsque les limitations anatomiques n'autorisent pas la pose d'un nombre suffisant d'implants ;
– la contention des dents au parodonte réduit ;
– une meilleure répartition des forces transversales postérieures ;
– une diminution du risque de fracture des composants implantaires lorsque le rapport couronne/implant est défavorable ;
– une équilibration occlusale facilitée et stabilisée ;
– une stabilisation de la restauration dans les trois plans de l'espace grâce à l'intégration des dents antérieures et postérieures sous la même restauration ;
– la réduction des risques d'ingression des piliers dentaires, des contraintes et du moment de flexion appliqués à la prothèse.
Cette conception suscite la controverse sur parodonte sain, il en va de même sur parodonte réduit où des réserves sont mises en avant par différents auteurs : Cordaro et al. citent 2 rapports portant sur une étude rétrospective à 15 ans montrant une augmentation du nombre de complications dentaires lorsque dents et implants sont connectés (Cordaro et al., 2005). Arnoux contre-indique de relier des implants à une ou plusieurs dents conservant une mobilité pathologique (Arnoux, 1992). Genon et Genon-Romagna précisent que la limite et la contre-indication à l'utilisation de prothèses mixtes sont constituées par une mobilité clinique élevée de l'arc réunissant les dents restantes (Genon et Genon-Romagna, 1997). Pour Le Gall et Saadoun ; il n'est pas souhaitable, lorsqu'on envisage des restaurations mixtes, d'utiliser des dents fragiles susceptibles de se fracturer ou dont le pronostic parodontal est réservé à moyen terme (Le Gall et Saadoun, 2004).
Force est de constater que ces situations limites sont fréquentes sur parodonte réduit. D'où une certaine contradiction à les recommander dans ce contexte ! Ainsi, il nous paraît raisonnable d'éviter la prothèse dento-implanto-portée.
Dans le souci de préservation osseuse qui est le nôtre en présence d'un parodonte réduit, le concept du platform switching peut présenter un intérêt particulier.
Après mise en charge d'un implant, une résorption osseuse est couramment observée au niveau de la jonction implant-pilier. Elle peut atteindre de 1,5 à 2 mm. Elle s'explique par la formation d'une entité biologique comparable à l'espace biologique autour des dents naturelles. Un élément a été mis en cause dans la formation de ce cratère cervical : un micro-hiatus existant entre la tête de l'implant et la prothèse. Il serait associé à une contamination bactérienne qui déterminerait la formation d'un infiltrat inflammatoire chronique à l'origine de la résorption osseuse.
Le principe du platform switching consiste à utiliser des composants prothétiques sous-dimensionnés par rapport au diamètre du col de l'implant. La jonction implant-pilier est alors déplacée en dedans de l'épaulement de l'implant et à distance de l'os. Les premières études rapportent des résultats satisfaisants qui devront être confirmés (Cappiello et al., 2008 ; Lazzara et Porter, 2006).
La conception générale de la prothèse supra-implantaire est comparable à celle de la prothèse conventionnelle. De la même façon, elle devra intégrer les particularités de la situation clinique, les principes prophylactiques et répondre aux impératifs esthétiques et fonctionnels selon les mêmes compromis.
Le choix d'un dispositif scellé ou transvissé dépendra de la situation clinique (Aouate, 2008 ; Goldberg et al., 2001 ; Martinez et Renault, 2008 ; Palmer et al., 2003) (tableau 4).
L'absence d'étude sur les résultats à long terme des prothèses implanto-portées sur parodonte réduit nous incite à être particulièrement prudents quant à ce type de restauration. Une attention particulière devra être apportée à la sélection du cas, à la conception prothétique, à l'occlusion et à la maintenance.
L'évolution de la situation clinique et la perte éventuelle d'un pilier dentaire devront là encore être anticipées. De même qu'en prothèse scellée conventionnelle, l'utilisation de glissières évite de compromettre l'ensemble de la restauration. Ces aménagements devront être intégrés lors de la conception de la prothèse.
Du fait de la fragilité des dents résiduelles et de leur mobilité parfois accrue, le contexte de parodonte réduit peut raisonnablement être considéré comme une situation à risque en implantologie. Le risque de surcharge fonctionnelle d'un ou de plusieurs organes dentaires et/ou implants isolés est important.
La prothèse implantaire ne peut donc plus être considérée comme une solution de choix dans le traitement d'édentements de petite ou moyenne étendue. Il convient au contraire de l'envisager au sein d'une restauration prothétique globale, comparable au bridge conventionnel de grande portée, impliquant l'ensemble de l'arcade et la denture résiduelle.
Ces considérations faites, l'intérêt du traitement implantaire semble alors se limiter à une situation où le bridge conventionnel est impossible faute d'appui dentaire et lorsque le recours à la prothèse amovible doit être évité.
À la question « Quelle solution prothétique envisager sur parodonte réduit ? » ne correspond aucune réponse formelle. Aucun consensus n'a pu être établi concernant le type de restauration le plus approprié face à une telle situation. Les études cliniques manquent pour orienter la décision du praticien. Il convient donc de rester prudent dans le choix et la conception de la prothèse. Toutefois, un certain nombre de lignes directrices peuvent se dégager de notre étude qui nous conduisent à proposer l'organigramme décisionnel suivant (fig. 3).
Partant du principe que :
– la prothèse amovible doit être évitée autant que possible ;
– la solution retenue devra être la plus conservatrice et la moins invasive possible ;
– l'évolutivité de la situation clinique devra être présente à l'esprit du praticien, expliquée au patient et prise en compte dans la conception de la prothèse ;
nous proposons de privilégier :
– pour les édentements de petite étendue, la prothèse collée avant d'envisager, si elle n'est pas réalisable, une solution de prothèse scellée et, en dernier recours, une prothèse implanto-portée. Le contexte de parodonte réduit reste un facteur de risque pour ce type de traitement. Il nous semble plus prudent de ne plus le considérer dans ce cas comme le traitement de référence ;
– pour les édentements de moyenne ou de grande étendue, la prothèse scellée avant d'envisager, si elle n'est pas réalisable, une solution de prothèse implanto-portée. La prothèse amovible ne devra être évoquée qu'en dernier recours. On préférera dans ce cas réaliser un traitement par prothèse composite plutôt qu'une prothèse à plaque base métallique soutenue par des crochets.
Les auteurs ont déclaré n'avoir aucun conflit d'intérêts concernant cet article