Article
Adam SECK-DIALLO * Abdoulaye DIOUF ** Henri-Michel BENOIST *** Imane KHARBOUCHE **** Malick SEMBÈNE ***** Papa Demba DIALLO ******
*MCU-PH
**Maître assistant
***Professeur
****Chirurgien-dentiste (Maroc)
Service de parodontologie, Département d'odontologie, Université Cheikh-Anta-Diop, Dakar, Sénégal
Les maladies parodontales sont des infections bactériennes qui affectent et détruisent les tissus de soutien de la dent. Les méthodes traditionnelles de mesure de la santé parodontale utilisent essentiellement des indices cliniques et se focalisent sur la présence ou l'absence de pathologie, omettant toute information sur le bien-être oral des patients. L'objectif de cette étude était d'évaluer la qualité de vie de patients atteints de maladie parodontale. Deux cent huit adultes sénégalais ont répondu à un questionnaire de qualité de vie après un examen parodontal. La qualité de vie liée à la santé orale a été mesurée en utilisant un questionnaire conçu à partir du Geriatric Oral Health Assessment Index (GOHAI) et de l'Oral Health Impact Profile (OHIP49). Cinq domaines ont été étudiés (limitation fonctionnelle, incapacité sociale, handicap, santé perçue, douleurs/inconfort). Les résultats ont montré que 63 % des adultes avaient une mauvaise qualité de vie en rapport avec leur maladie parodontale. Le score moyen global de qualité de vie était de 90 points et les scores moyens des différents domaines concernaient, par ordre décroissant, l'incapacité sociale (32,5 ± 1,5 points), la limitation fonctionnelle (28,7 ± 4,4 points), les douleurs/inconfort (28,5 ± 1,1 points), la santé perçue (10,9 ± 0,6 points) et le handicap (7,7 ± 0,4 points). L'analyse univariée a montré des corrélations significatives entre les scores moyens des différents domaines et quatre variables dont l'âge, l'indice d'inflammation (IG), l'indice de saignement au sondage (ISS) et la perte d'attache clinique (PAC). Parmi ces variables, l'analyse discriminante du type régression linéaire multiple n'en a retenu que trois. En fonction du nombre de domaines touchés, il s'agit du saignement au sondage lié à deux domaines (incapacité sociale, p = 0,043 ; santé perçue, p = 0,025), de la PAC liée à un domaine (limitation fonctionnelle, p = 0,026) et de l'âge lié à quatre domaines (limitation fonctionnelle, p = 0,006 ; incapacité sociale, p = 0,015 ; handicap p = 0,023 ; douleurs physiques/inconfort, p = 0,01). Les résultats de cette étude montrent que les sujets atteints de maladie parodontale ont une qualité de vie altérée. Une meilleure compréhension de l'impact de la maladie sur la qualité de vie permettrait de mieux cibler les soins et les attentes du patient.
The periodontal diseases are bacterial infections which affect and destroy dental tissues supporting the tooth. The classical methods of measuring periodontal health use essentially clinical indications and focus on the presence or the absence of pathology, neglecting any information about the oral well-being of the patients. The evaluation of life quality (LoQ) allows therefore addressing areas that are little covered by clinical indicators as pain or discomfort. The objective of this study was to evaluate patients' life quality affected by periodontal disease. Two hundred and eight Senegalese adults answered a questionnaire of quality of life conceived from the Geriatric Oral Health Assessment Index (GOHAI) and the Oral Health Impact Profile (OHIP). Five subscales were studied (functional limitation, social disability, handicap, perceived health, physical pain/discomfort). Sixty-three percent (63 %) of the investigated subjects had a bad quality of life related to their periodontal disease. The average scores of the various subscales were low and concerned in decreasing order social disability (32.5 ± 1.5), functional limitation (28.7 ± 4.4), physical pain/discomfort (28.5 ± 1.1), perceived health (10.9 ± 0.6), handicap (7.7 ± 0.4) areas. The univaried analysis showed conversely significant correlations between the average scores of the various subscales and four variables: age, inflammation index (GI), bleeding of probing (BOP) and periodontal attachment loss. The discriminating analysis of multiple linear regression type has only retained three. In relation with the number of touched subscales, it is about the bleeding on probing connected to two subscales (social disability, p = 0.043; perceived health, p = 0.025), clinical attachment loss (CAL) connected to one subscale (functional limitation, p = 0.026) and age connected to four subscales (functional limitation, p = 0,006; social disability, p = 0,015; handicap, p = 0,023, physical pain/discomfort, p = 0,01). The results of this study show that the affected subjects of periodontal disease can have an altered quality of life. A better understanding of the impact of the disease on the daily life would allow targeting better the care and the patient's expectations.
Les maladies parodontales sont des pathologies infectieuses qui affectent et détruisent les tissus de soutien de la dent. La majorité des études à travers le monde indiquent une prévalence de 10 à 15 % pour les parodontites sévères définies par une perte d'attache de 6 mm et plus sur un ou plusieurs sites tandis que les formes légères à modérées peuvent toucher 60 % de la population mondiale (Bourgeois et Baehni, 2002 ; Lambert et al., 2003 ; Pihlstrom et al., 2005). En 2007, une étude épidémiologique a montré que 46,7 % de la population française adulte avait au moins une perte d'attache comprise entre 3,5 et 5,5 mm (Bourgeois et al., 2007). En Afrique, il existe très peu d'informations sur la prévalence des maladies parodontales. Cependant, quelques travaux réalisés à travers le continent montrent que la plupart des enfants d'âge scolaire sont atteints de gingivite et qu'une proportion importante d'adultes présentent une parodontite débutante (Cutress, 1986 ; Petersen et al., 2005 ; Thorpe, 2006). Ces affections, qui regroupent des pathologies aiguës ou chroniques, peuvent s'accompagner d'une symptomatologie fonctionnelle invalidante et d'altérations esthétiques importantes. Le patient se trouve alors confronté aux modifications que subit sa denture et qui retentissent sur sa vie personnelle, familiale et socioprofessionnelle. Le concept de qualité de vie est récemment apparu et se fonde largement sur la définition de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui ne définit plus la santé comme l'absence de maladie mais comme un état complet de bien-être physique, psychologique et social quotidien. Dolan a proposé une définition de la santé bucco-dentaire ayant l'originalité d'être centrée sur le patient : « Une denture confortable et fonctionnelle qui permet à l'individu de mener une vie sociale normale » (Dolan, 1993). Les méthodes traditionnelles d'évaluation de la santé parodontale utilisent essentiellement des mesures normatives et se focalisent sur la présence ou l'absence de pathologie, omettant toute information sur le bien-être oral des patients en termes de sentiments ou d'impressions au sujet de leur maladie (Nuttall et al., 2001 ; Bagewitz et al., 2005). La mesure de la qualité de vie (QdV) permet non seulement d'aborder des domaines peu couverts par les indicateurs cliniques comme la douleur ou l'inconfort mais aussi d'apporter des informations sur l'état de bien-être psychosocial de chaque patient (Lovatt, 1992 ; Gotay et Moore, 1992). Cette inadéquation de l'approche normative dans l'évaluation de la santé bucco-dentaire a conduit à l'élaboration de mesures de qualité de vie en relation avec la santé bucco-dentaire (oral health related quality of life : OHQRoL) (Allen, 2003 ; Gift, 1997). Ces mesures sont réalisées à partir de questionnaires où la part des manifestations liées à la pathologie est pondérée par des informations d'environnement social et relationnel (Kressin, 1997 ; Slade et Spencer, 1994 ; Atchison et Dolan, 1990 ; Adulyanon et Sheiham, 1997 ; Locker et Slade, 1993). Les études disponibles ont montré une forte corrélation entre une mauvaise qualité de vie et une auto-évaluation négative de la santé parodontale (Cunha-Cruz et al., 2007 ; O'Dowd et al., 2010). Si les traitements parodontaux permettent de stabiliser les lésions, d'améliorer la fonction et l'esthétique et, dans certains cas, de régénérer le parodonte, les données sur l'impact des maladies parodontales et des traitements parodontaux sur la qualité de vie perçue sont encore peu nombreuses (Tonetti et al., 2004 ; D'Avila et al., 2005 ; Saito et al., 2010 ; Nagarajan et Chandra, 2010 ; Tsakos et al., 2010). L'objectif de cette étude était d'évaluer la qualité de vie d'un échantillon d'adultes sénégalais atteints d'une maladie parodontale.
Il s'agit d'une étude transversale constituée d'un échantillon de patients adressés à la clinique de Parodontie de l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar et au centre de santé de Ouakam entre janvier et avril 2011. Les critères d'inclusion dans l'étude étaient un âge supérieur ou égal à 15 ans, la présence d'une gingivite et/ou d'une parodontite (diagnostiquées cliniquement), la présence d'au moins 15 dents en bouche et l'absence de traitement parodontal au cours des 6 mois précédant l'étude. Chaque personne participant à l'étude a été soumise à un examen clinique comprenant l'évaluation de l'hygiène bucco-dentaire – indice de plaque (Silness et Loë, 1964) –, de l'inflammation – indice gingival (Loë et Silness, 1963) –, de l'indice de saignement au sondage (ISS) (Ainamo et Bay, 1975), de la sévérité de la maladie parodontale – mesure de la profondeur de poche (PP) et de la perte d'attache clinique (PAC). La profondeur de poche et la perte d'attache ont été mesurées au niveau de toutes les dents présentes en bouche excepté les dents de sagesse. Six sites ont été mesurés (mésio-vestibulaire, médio-vestibulaire, disto-vestibulaire, mésio-lingual, médio-lingual, disto-lingual). Le diagnostic de parodontite était posé lorsque plusieurs dents présentaient un ou plusieurs sites avec une PP ≥ 4 mm et une PAC ≥ 3 mm. Un score global moyen de l'indice de plaque, de l'indice gingival, des profondeurs de poche et de la perte d'attache clinique a été calculé ainsi que le pourcentage moyen de sites avec PP ≥ 4 mm et PAC ≥ 3 mm. Une fiche d'enquête standard a permis de recueillir les caractéristiques socioprofessionnelles de la population de l'étude (âge, sexe, profession, niveau de scolarisation). Un questionnaire conçu à partir du Geriatric Oral Health Assessment Index (GOHAI) (Atchison et Dolan, 1990) et de l'Oral Health Impact Profile (OHIP49) (Slade et Spencer, 1994) a été réalisé. Ce questionnaire comprend 30 questions. À chacune d'elles correspond 1 réponse cotée de 1 à 5: 1 = jamais ; 2 = rarement ; 3 = parfois ; 4 = souvent ; 5 = toujours. Le score total est la somme des notes obtenues à chaque question. Plus il est élevé, moins la qualité de vie reliée à la santé parodontale est bonne. Les items ont été regroupés en 5 domaines classés suivant les domaines du schéma de Locker (Locker, 1988, 1997) : limitation fonctionnelle (7 items) ; incapacité sociale (9 items) ; handicap (2 items) ; santé perçue (4 items) et douleurs physiques/inconfort (8 items). Le questionnaire a été considéré comme exploitable si les données manquantes ne concernaient pas plus de 2 items. Pour chaque domaine, un score moyen a été calculé, permettant d'identifier les domaines les plus touchés. Le questionnaire était rempli lors d'une interview par l'examinateur après l'examen parodontal. Un formulaire de consentement éclairé a été signé par tous les patients après information sur les modalités de l'étude.
Les analyses statistiques ont été effectuées en utilisant le logiciel SPSS 17.0 pour Windows. Les résultats de l'étude descriptive sont exprimés sous forme de fréquence, de moyenne et d'écart type. Les scores moyens pour chaque domaine (SMD) ont fait l'objet d'une analyse univariée du type régression par croisement avec les variables numériques et en pratiquant chaque fois, pour les comparaisons statistiques, une analyse de variance Anova et un test de Student lorsque les variables à comparer étaient qualitatives. Une analyse multivariée du type régression linéaire multiple a également été effectuée afin de préciser les corrélations entre les SMD et différentes variables de l'étude (variables parodontales, sexe, âge, niveau d'études). Un coefficient de détermination descriptif de la linéarité r2 ainsi que les significations statistiques correspondantes ont déterminé les facteurs les plus incriminés dans l'altération de la qualité de vie des sujets atteints de maladie parodontale. Un coefficient de corrélation linéaire α a été calculé. L'intervalle de confiance accepté est de 95 % et le seuil de p < 0,05 a été considéré comme significatif. Le coefficient de corrélation linéaire α varie entre –1 et + 1 (entre –1 et 0 : corrélation négative, entre 0 et + 1 : corrélation positive).
Les résultats obtenus concernaient un échantillon de 208 sujets (100 hommes et 108 femmes) âgés de 15 à 77 ans, avec un âge moyen de 37 ± 2 ans. Le tiers des participants étaient sans profession (32,3 %), les artisans et/ou ouvriers représentaient 29,8 % de l'échantillon. Un quart des sujets (24,5 %) n'avait jamais été scolarisé. Une notion de tabagisme était retrouvée chez 21 sujets (13,4 %). Elle était chiffrée en moyenne à 4,8 paquets-années. Le nombre de brossages était en moyenne de 2 par jour (tableau 1).
Parmi les 208 patients, 21,1 % présentaient une gingivite chronique, 65,3 % une parodontite chronique et 13,6 % une parodontite agressive. La majorité des sujets de l'échantillon présentait une inflammation gingivale modérée (scores IG compris entre 1 et 1,9). Le score moyen de l'indice de saignement au sondage (ISS) était de 33,5%. Chez les patients atteints de parodontite, on notait en moyenne des profondeurs de poche d'environ 3 mm avec un maximum allant jusqu'à 8 mm. La perte d'attache moyenne était de 3,64 ± 0,17 mm. Le pourcentage moyen de sites avec une profondeur de poche ≥ 4 mm et une perte d'attache (PA) ≥ 3 mm était respectivement de 14,1 et 80,8 %. Le nombre moyen de dents perdues était de 15,6 ± 3,6 chez les patients atteints de parodontite ( tableau 2 ).
Le score moyen de qualité de vie était de 90 points. Soixante-trois pour cent des patients (63 %) avaient une mauvaise qualité de vie en rapport avec leur maladie parodontale. Les scores moyens des différents domaines concernaient, par ordre décroissant, l'incapacité sociale, la limitation fonctionnelle, les douleurs physiques/inconfort, la santé perçue et le handicap (tableau 3). Le score moyen de qualité de vie était significativement plus élevé chez les patients atteints de parodontite (agressive ou chronique) que chez ceux atteints de gingivite (p < 0,001) (tableau 4). La comparaison des scores de QdV entre les patients atteints de parodontite chronique et ceux atteints de parodontite agressive a également montré une différence statistiquement significative (p < 0,001). La régression linéaire (Anova) ne montre aucune corrélation entre les scores de QdV, le sexe et le niveau d'études des participants (tableau 5). En revanche, des corrélations significatives ont été retrouvées entre les scores moyens des différents domaines et quatre variables dont l'âge, l'indice gingival (IG), l'indice de saignement au sondage (ISS) et la perte d'attache clinique (PAC) ( tableau 6 ). Parmi ces variables, l'analyse discriminante du type régression linéaire multiple n'en a retenu que trois. En fonction du nombre de domaines touchés, il s'agit du saignement au sondage lié à l'incapacité sociale (p = 0,043) et à la santé perçue (p = 0,025), de la PAC liée à un domaine (limitation fonctionnelle, p = 0,026) et de l'âge lié à quatre domaines (limitation fonctionnelle, p = 0,006 ; incapacité sociale, p = 0,015 ; handicap, p = 0,023 ; douleurs physiques/inconfort p = 0,01) (tableau 7).
Cette étude avait pour but d'évaluer la qualité de vie de patients atteints d'une maladie parodontale à l'aide d'un questionnaire préalablement éprouvé en conditions réelles quant à la compréhension des différents items. L'administration du questionnaire lors d'une interview a permis d'inclure des patients qui ne lisaient pas le français. Toutefois, cela a pu influer sur leur attitude et par conséquent sur les réponses apportées. En effet, des études ont montré qu'il existe plusieurs types de déformations possibles aux réponses fournies lors d'une interview utilisant des questionnaires (Dussaix et Grosbras, 1996 ; Dussaix, 2009). L'évaluation de la qualité de vie est une mesure instantanée qui ne permet pas d'assurer une vision longitudinale en matière d'impact des séquelles de la maladie sur la qualité de vie, point important concernant l'identification des facteurs de risque susceptibles d'être responsables d'une altération de cette dernière. En effet, les maladies parodontales sont des affections caractérisées par des périodes de repos et d'activité dont les symptômes peuvent fluctuer dans le temps. Malgré ces limites, les résultats ont permis de montrer que l'altération de la santé parodontale a une influence sur la qualité de vie des patients. Une consommation de tabac a été recensée chez seulement 13,4 % des sujets. Albandar et Rams ont montré que le tabagisme est fortement corrélé à la prévalence et à la sévérité de la parodontite chez l'adulte (Albandar et Rams, 2002). Les données épidémiologiques sur le tabagisme en Afrique sont hétérogènes. La prévalence du tabagisme au Sénégal chez les adultes est estimée à 19,9 % chez les hommes et à 1,3 % chez les femmes (Petersen et al., 2005 ; Hamdi Cherif, 2005 ; Towsend et al., 2006 ; Ministère de la Santé et de la Prévention, 2007). Ces chiffres, qui peuvent paraître bas, doivent être pondérés par le fait que la consommation de tabac dans notre société est souvent dissimulée du fait des interdits religieux et du poids de la tradition. Plus de la moitié des patients (63 %) ont présenté une altération de la qualité de vie en rapport avec une détérioration de leur santé parodontale. L'accessibilité aux soins bucco-dentaires, qui est encore limitée, les conditions socio-économiques, le déficit de spécialistes en parodontologie et le manque de sensibilisation des patients sont autant de facteurs qui peuvent expliquer cette proportion élevée de patients ayant une mauvaise qualité de vie.
Plusieurs études ont rapporté des résultats similaires (Ng et Leung, 2006 ; Cunha-Cruz et al., 2007 ; Brennan et al., 2007 ; López et Baelum, 2007 ; Herenia et al., 2008 ; Araújo et al., 2010). Al Habashneh et al. ont montré que 63,9 % des sujets atteints de parodontite sévère et 53,8 % de ceux atteints de parodontite modérée avaient répondu « souvent ou très souvent » à un ou plusieurs items du questionnaire OHIP 14 (Al Habashneh et al., 2012). La douleur et la limitation fonctionnelle ont été les plaintes le plus fréquemment rapportées par les patients. Des symptômes fonctionnels comme les difficultés à mordre ou à mastiquer les aliments et la sensibilité aux variations thermiques ont un retentissement important sur la vie des patients atteints de parodontite. Dans une étude réalisée auprès de 2 280 personnes interrogées par courriel à partir du questionnaire OHRQoL, Kressin a montré une forte corrélation entre les différents items qui composent le domaine « limitation fonctionnelle » et les scores de l'OHRQoL (Kressin, 1996). Les scores élevés obtenus pour les différents items composant le domaine « incapacité sociale » montrent que de nombreux patients ont des difficultés à avoir une vie sociale du fait de leur maladie parodontale. Des auteurs ont montré que deux préoccupations étaient exprimées lors des entrevues avec les patients atteints de maladie parodontale : les stigmates et les regrets (O'Dowd et al., 2010 ; Jowett et al., 2009). En effet, pour de nombreux patients, être atteints d'une maladie parodontale pourrait signifier, pour ceux qui stigmatisent, un manque d'hygiène. L'impact de la maladie parodontale était plus modéré pour certains domaines comme le handicap et la santé perçue. En effet, la qualité de vie liée à la santé exprimée par un individu n'est pas uniquement déterminée par la nature et la sévérité de la maladie mais peut être fonction de la personnalité de l'individu et de son environnement physique et social. Dans cette étude, le niveau d'études n'est pas lié à une mauvaise qualité de vie mais les résultats font apparaître des corrélations statistiquement significatives entre les scores des différents domaines et l'âge. Les manifestations parodontales, en altérant la fonction et en provoquant des sensibilités thermiques, constituent des obstacles majeurs à la communication et à la vie sociale (Locker, 1992). Les corrélations entre qualité de vie et état de santé parodontale ont montré une différence statistiquement significative entre les scores de qualité de vie des patients atteints de gingivite et ceux des patients atteints de parodontite, et ce dans tous les domaines du questionnaire. De même, les scores de qualité de vie étaient plus élevés quand la parodontite était agressive. Des signes tels une mobilité dentaire accrue et des migrations dentaires inesthétiques pourraient être des facteurs impliqués dans la dégradation de la qualité de vie de ces patients. De plus, la perte dentaire précoce qui caractérise les formes agressives favorise les modifications du régime alimentaire avec un impact sur les apports nutritionnels qualitatifs et quantitatifs, le confort et le bien-être du patient. Aucune corrélation n'a été retrouvée entre les valeurs de profondeur de poche et les scores moyens des différents domaines de la qualité de vie. Les données de la littérature scientifique montrent que la relation entre les mesures objectives de l'état de santé parodontale d'un patient et sa qualité de vie n'apparaît que dans les cas les plus sévères. Needleman et al. ont mesuré la qualité de vie de 205 patients atteints de parodontite et le nombre de poches supérieures ou égales à 5 mm en utilisant l'OHRQoL (Needleman et al., 2004). Ils ont montré que l'association entre un mauvais score OHRQoL et un nombre de poches supérieures ou égales à 5 mm n'était pas significative. Cunha-Cruz et al. ont corrélé les scores de l'OHRQoL et l'état de santé parodontale cliniquement mesuré (nombre de poches supérieures à 5 mm) sur une cohorte de 1 497 patients (Cunha-Cruz et al., 2007). Les résultats ne montrent une association entre la dégradation de la qualité de vie et le critère « nombre de poches supérieures à 5 mm » que lorsque leur nombre est supérieur à 2. Ils concluent qu'il existe une valeur seuil au-delà de laquelle la valeur de ces deux variables se dégrade de manière significative. En revanche, il existe une corrélation significative entre la variable PAC ≥ 3 mm et une évaluation négative de la santé parodontale. Cette corrélation indiquait que plus le pourcentage de sites avec perte d'attache ≥ 3 mm était important, plus les scores des items du domaine fonctionnel étaient élevés. Il est probable que des facteurs comme les douleurs ressenties au niveau des dénudations radiculaires aient pu augmenter les scores de qualité de vie. Ng et Leung ont mené une étude portant sur 727 personnes en prenant comme indice de qualité de vie l'OHIP 14 (Ng et Leung, 2006). Leurs résultats ont montré une corrélation statistiquement significative entre la présence de maladie parodontale (PA ≥ 3 mm) et le score OHIP 14 dans les domaines « limitation fonctionnelle », « douleurs/inconfort » et « incapacité sociale ».
Les maladies parodontales altèrent la qualité de vie des patients et plus les formes en sont sévères, plus la qualité de vie semble altérée. Les résultats font apparaître des corrélations significatives entre la mesure clinique de la destruction parodontale en termes de perte d'attache clinique et les mesures de qualité de vie. Bien que les concepts de santé et de qualité de vie soient abstraits et difficiles à définir, l'utilisation seule de l'approche traditionnelle d'évaluation de la santé parodontale des patients ne permet d'appréhender qu'une partie de leurs besoins réels en soins. Les modèles utilisés pour mesurer leur qualité de vie sont aujourd'hui fiables et permettent de mieux cibler leurs soins et leurs attentes.
Les auteurs ont indiqué n'avoir aucun conflit d'intérêts concernant cet article.