ARTICLE
Aurore BLANC * Cécile ARRIETA ** Chloé BARBANT *** Jean-Marc GLISE **** Michel DARD *****
*Ex-assistante hospitalo-universitaire, exercice privé, Boulogne
**Assistante hospitalo-universitaire Paris Descartes
***Attachée, université Paris V
****Ex-assistant hospitalo-universitaire, exercice privé, Toulon
*****Université de New York, Faculté dentaire, Département de parodontologie et d'implantologie dentaire, New York (États-Unis)
Les dérivés de la matrice amélaire (DMA), partie active d'Emdogain®, ont fait preuve, au travers d'études histologiques et cliniques, d'effets significatifs pour les traitements de régénération parodontale. En se fondant sur les interactions cellulaires lors de l'édification de la racine et du système d'attache parodontal, ils ont introduit en parodontie la notion de régénération tissulaire induite à l'échelle moléculaire. Les mécanismes cellulaires qui expliquent les résultats cliniques ont été décrits au travers de nombreuses études in vitro et revues de littérature. Le but de cet article est de reprendre les données récentes de la recherche fondamentale concernant l'action des DMA sur la régénération des composantes anatomiques parodontales détruites au cours de l'inflammation des tissus parodontaux. Pour cela, une recherche des études in vitro réalisées entre 2009 et 2012 a été entreprise avec les mots clés « dérivés de la matrice amélaire », « Emdogain » et « amélogénines ». Certains articles référencés ont également été sélectionnés.
Les résultats mettent en exergue les caractéristiques de structure, de morphologie et de conformation spatiale des DMA qui ont des incidences positives actives dès leur mise en œuvre clinique. Les études in vitro expliquent les interactions des DMA avec l'environnement immédiat – inflammation, angiogenèse – et également avec les tissus parodontaux – épithélium, ligament parodontal, cément, os alvéolaire. Les nombreux effets cellulaires décrits sont le résultat d'interactions via des récepteurs de surface des cellules cibles et l'activation des voies de signalisation spécifiques. En conclusion, toutes les données recueillies concourent à comprendre la cicatrisation induite par les DMA et la régénération de nouveaux tissus parodontaux.
Histological and clinical studies on enamel matrix derivatives (EMD), the active ingredient of Emdogain®, showed significant effects on periodontal regeneration treatments. Based on the cellular interactions during root and periodontal attachment system edification, EMD brought in periodontics the concept of tissue regeneration on a molecular level. The cellular mecanisms that explain the clinical results have been described through several in vitro clinical studies and scientific reviews. The aim of this article is to summarize the recent data of fundamental research concerning EMD and the regeneration of the periodontal anatomical structures destroyed by periodontal desease. In that purpose, we have looked for in vitro studies between 2009; and 2012 by using the key words “enamel matrix derivative”, “Emdogain” and “amelogenin”. We have also selected some referenced articles.
The results underline the structural, morphological features as well as the features of spatial conformation that have positive effects when they are used clinically. In vitro studies explain EMD interactions with its immediate environment–inflammation, angiogenesis–and also with periodontal tissues–epithelium, periodontal ligament, cementum and alvolar bone. Numerous cellular effects described are the result of interactions via the target cells surface receptors and the activation of specific signaling pathway. In conclusion, all collected data contribute to understand the healing mediated by the DMA and the regeneration of new periodontal tissues.
Le traitement des maladies parodontales a pour objectif de contrôler le processus infectieux afin d'instaurer un contrôle de plaque efficace, une réponse immunitaire positive et une réponse tissulaire orientée vers la santé parodontale. La lésion inflammatoire gingivale, chronique ou aiguë, non contrôlée ou non prise en charge, peut évoluer, selon l'environnement et les facteurs individuels, vers la destruction du système d'attache parodontal. Le traitement anti-infectieux d'interception est une priorité.
Afin de régénérer idéalement les structures altérées (le cément, le ligament parodontal et l'os alvéolaire), les études cliniques de ces deux dernières décennies ont proposé le recours aux greffes osseuses et aux comblements, à la régénération tissulaire guidée et aux dérivés de la matrice amélaire (DMA). Toutes ces techniques ont conclu à un fort potentiel de réparation ou de régénération du système d'attache parodontal (Bowers et al., 1989 ; Sculean et al., 1999, 2008a, 2008b). Les traitements radiculaires avec les dérivés de la matrice amélaire montrent des résultats cliniques significatifs, supérieurs à ceux observés après lambeau d'accès servant de témoin (Heijl, 1997 ; Venezia et al., 2004 ; Esposito et al., 2009 ; Koop et al., 2012). Les paramètres cliniques comme la profondeur des poches, le gain d'attache, le comblement osseux ou le gain osseux appréciés à la réentrée, sont améliorés et similaires pour les DMA et les techniques avec membrane de régénération dans le traitement des lésions intra-osseuses (Heden et al., 1999 ; Sculean et al., 2008a, 2008b ; Trombelli et Farina, 2008). Ces résultats sont confirmés par ceux des revues systématiques et méta-analyses (Giannobile et Somerman, 2003 ; Venezia et al., 2004) et la revue Cochrane (Esposito et al., 2009). Les traitements combinés montrent quelques effets additionnels lorsqu'ils sont associés aux DMA (Tu et al., 2010). Les DMA utilisés dans le traitement des lésions interradiculaires des molaires (classe II) diminuent les composantes horizontales et verticales par rapport aux témoins (Chitsazi et al., 2007 ; Casarin et al., 2008). Le recours aux DMA dans les techniques de recouvrement radiculaire permet de stabiliser le rebord gingival marginal en association aux greffes conjonctives enfouies et de participer à un gain en épaisseur de tissu kéranitisé lorsqu'ils sont associés au lambeau repositionné coronairement (Chambrone et al., 2010). Depuis plus de 15 ans, la littérature médicale confirme la stabilité des améliorations cliniques parodontales obtenues.
Lors du développement dentaire, les protéines de la matrice amélaire sécrétées par les améloblastes participent à la formation du cristal d'hydroxyapatite (à son déclenchement, son élongation et sa maturation) et servent de régulateurs lors de la biominéralisation (Simmer et Fincham, 1995 ; Robinson et al., 1998 ; Hu et al., 2001). Plusieurs auteurs (Slavkin et al., 1976, 1989 ; Hammarström, 1997) ont observé que les protéines de la matrice amélaire étaient exprimées par les cellules de la gaine épithéliale de Hertwig lors des interactions épithélio-mésenchymateuses ou du processus d'interconversion. Elles jouent un rôle de molécules signal induisant l'édification radiculaire parodontale : cément, ligament, os alvéolaire (Slavkin et al., 1989 ; Ten Cate, 1996 ; Heritier, 1982 ; Hammarström, 1997 ; Robinson, 1998). Imiter ces événements cellulaires naturels permet de les reproduire (Gestrelius et al., 2000) pour améliorer la régénération parodontale.
Les protéines de la matrice amélaire synthétisées par les améloblastes en grande quantité au cours de l'édification de la couronne, consistent en deux grandes classes de protéines : les amélogénines (soit environ 90 % des protéines de la matrice amélaire) et les « non-amélogénines », qui comprennent les améloblastines (ou sheathlin), les énamélines, les amélines, les tufftelines et des enzymes protéolytiques MMP-20 et KLL4 (Brookes, 1995 ; Hammarström, 1997 ; Heijl, 1997).
On appelle dérivés de la matrice amélaire (DMA) le complexe protéique purifié lyophilisé, enrichi en amélogénines, extrait de la matrice amélaire prélevée sur des germes dentaires (porcins âgés de 6 mois). Commercialement, le produit utilisé en clinique humaine, l'Emdogain® (Institut Straumann, Bâle, Suisse), est l'association des DMA lyophilisés (poudre) –formant la partie active du produit (caractérisation par chromatographie)–, et d'un hydrogel (alginate de propylène glycol) qui complète la formulation. L'hydrogel préserve les DMA en suspension à pH acide dans la seringue ; injecté dans un milieu biologique à pH neutre, il est hydrolysé en quelques heures et ne joue aucun rôle spécifique en clinique actuellement. À la température 4 °C (réfrigérateur) et pH = 4, la conformation moléculaire est telle que les amélogénines sont solubles. Les DMA sont en suspension dans le gel (seringue). Lors de l'application clinique humaine, les DMA sont déposés dans un environnement physiologique (à 37 °C et pH = 7,2) ce qui provoque un processus d'autoassemblage moléculaire des amélogénines mères sous forme de nanosphères avec des fractions d'amélogénine qui restent incorporées au sein de celles-ci. Les nanosphères d'amélogénine sont hydrophobes et insolubles sur leur périphérie (Grandin et al., 2012).
Dans les conditions physiologiques d'utilisation, les DMA sont alors un type de matrice extracellulaire utilisé pour le recouvrement des surfaces radiculaires dentaires (Gestrelius et al., 2000). La première étude histologique confirme la régénération parodontale obtenue avec des DMA dans le traitement de déhiscence vestibulaire chez le singe (Hammarström et al., 1997) et, parmi les protéines dérivées de la matrice extracellulaire, la fraction amélogénine semble être responsable de la régénération parodontale. D'un point de vue histologique, les DMA induisent la formation de nouveau cément acellulaire à fibres extrinsèques, de nouveau ligament parodontal et de nouvel os alvéolaire (Hammarström, 1997 ; Heijl, 1997). Le type du cément régénéré varie selon les études : il est parfois cellulaire, mixte, faiblement adhérent ou à fibres intrinsèques (Sculean et al., 1999, 2000 ; Bosshardt et al., 2005) selon les matériels et méthodes utilisés.
La première série de cas cliniques (Heden et Wennström, 2006) montre dans le traitement de lésions infra-osseuses larges, à une, deux ou trois parois résiduelles, une réduction de la profondeur de poche de 4,9 mm à 1 an et de 5,2 mm à 5 ans, un gain d'attache moyen de 4,3 mm à 1 an et de 5,1 mm à 5 ans, et un gain osseux de 2 mm en moyenne à 1an et à 5 ans. Ces auteurs concluent que les DMA ont pour effet d'induire une régénération parodontale clinique.
Les mécanismes permettant d'expliquer la régénération avec les DMA sont explorés grâce aux études in vitro et in vivo. Récemment, trois revues de la littérature sur les effets biologiques des DMA ont confirmé que ceux-ci agissent sur l'attachement cellulaire, la chimiotaxie, la prolifération, la survie cellulaire et l'expression de facteurs de croissance (Bosshardt et al., 2008 ; Lyngstadaas et al., 2009 ; Grandin et al., 2012).
Le but de cet article est de faire le point sur les données récentes de la recherche concernant les DMA et la régénération parodontale. Pour cela, une recherche des études publiées en anglais entre 2009 et 2012 a été entreprise, à partir de la base de données PubMed, avec les mots clés « enamel matrix derivatives », puis « Emdogain », puis « amelogenins » certains articles référencés antérieurs à 2009 ont également été sélectionnés. Seuls les articles en anglais utilisant les formulations reconnues des DMA ont été retenus. Parmi ceux-ci, ont été sélectionnés les études in vitro en rapport avec la cicatrisation et la régénération (action sur l'inflammation et sur l'angiogenèse) ainsi que les articles s'intéressant aux différents compartiments anatomiques parodontaux. Afin de comprendre le mécanisme propre des DMA, on s'est également intéressé à la molécule amélogénine et à ses transformations. Au total, 167 articles ont été retenus.
L'intérêt des DMA relatif à leur structure et à leur conformation réside, d'une part, dans la diversité des peptides issus de la molécule mère d'amélogénine par épissage alternatif puis par action enzymatique protéolytique et, d'autre part, dans l'agencement des molécules mères d'amélogénine en nanosphères dans des conditions de température et de pH physiologiques. Il en résulte un complexe d'amélogénines en solution au sein de l'hydrogel. Ces deux propriétés ont des incidences positives sur les effets biologiques dès la mise en œuvre clinique (fig. 1).
Les amélogénines représentent un complexe hiérarchisé de protéines et de peptides. Issues d'un gène unique, remarquablement conservées à travers l'évolution au sein des espèces vertébrées mammifères (Sire et al., 2012), elles représentent plus de 90 % de la matrice de l'émail. Elles sont sécrétées par les améloblastes au cours de l'édification initiale de l'émail dentaire.
Les amélogénines sont sous la dépendance des chromosomes X et Y chez les mammifères. Les particularités qui servent la régénération résident dans certaines caractéritiques.
La molécule initiale, constituée de 175 acides aminés, est riche en glutamine, histidine et leucine (Fincham et Moradian Oldak, 1995). Elle possède un pôle C terminal chargé négativement et un pôle N terminal, tous deux hydrophiles par opposition au centre de la molécule polypeptidique très hydrophobe. Cette complémentarité entre des forces hydrophobes et hydrophiles intervient dans la conformation ultérieure en nanosphères. Cette organisation spatiale propre aux amélogénines est importante pour l'adsorption à différents substrats par exemple.
La lecture du gène, par épissage alternatif, produit différents isoformes d'amélogénines. Elle peut se scinder en peptides courts (environ 40 acides aminés) dont les plus connus sont LRAP (leucine rich amelogenin peptide) et TRAP (tyrosine rich amelogenin peptide). Chacun de ces éléments, tout comme la molécule mère initiale, possède des effets biologiques actifs spécifiques (Yamakoshi et al., 1994 ; Yamakoshi, 2011).
Dès leur sécrétion par les améloblastes dans le milieu extracellulaire, l'action d'enzymes protéolytiques agit pour scinder de façon spécifique les isoformes d'amélogénines en fractions peptidiques actives. La métalloprotéinase matricielle 20 (MMP-20, matrix metalloproteinase-20), enzyme essentielle à la phase sécrétoire, scinde le segment hydrophile C terminal de l'amélogénine à un stade précoce de développement (Fukae et al., 1998 ; Moradian-Oldak et al., 2006). Lors de la maturation de l'émail, une autre famille d'enzymes, l'enamel matrix serine proteinase 1 (EMSP1), encore nommée kallicréine 4 (KLK4), est capable de scinder l'amélogénine à différents endroits de la chaîne polypeptidique (Simmer et Hu, 2002 ; Lu, 2008). In vitro, certains auteurs ont étudié l'action de la MMP-20 recombinante pour comprendre les effets des fractions peptidiques ainsi obtenues. L'une des premières étapes de ce processus enzymatique est la dégradation de la molécule mère de 25 kDa par les MMP-20 en amélogénine de 20 kDa, qui est la protéine la plus abondante lors de la phase sécrétoire chez les porcins, ou en 23 kDa (Yamakoshi et al., 1994). Parmi les amélogénines plus petites (5 kDa), on trouve la TRAP scindée enzymatiquement par MMP-20 à partir d'une amélogénine, et la LRAP, résultat du clivage d'une isoforme transcrite par épissage alternatif (Fincham et al., 1981 ; Gibson et al., 1991).
Les produits issus de l'action enzymatique ou de l'épissage alternatif ont des propriétés biochimiques distinctes dues à des degrés de solubilité différents (Tan et al., 1998 ; Aoba et al., 1987 ; Sun et al., 2008). LRAP et TRAP en particulier semblent jouer un rôle de signal de transduction lors du développement dentaire et dans la régénération parodontale comme le montrent les expérimentations in vitro.
La caractérisation des DMA est le résultat d'études analytiques par chromatographie, électrophorèse et zymographie (Fincham et Moradian-Oldak, 1993 ; Fincham et al., 1994 ; Limeback et Simic, 1990 ; Maycock et al., 2002 ; Mumulidu et al., 2007).
Il est admis (Maycock et al., 2002) que la majorité des protéines au sein des DMA d'origine porcine ont un poids moléculaire de 20 kDa. Trois fractions sont dominantes : 20 kDa, (12 + 9) kDa et 5 kDa (Mumulidu et al., 2007). Ces trois fractions retrouvées au sein des DMA correspondent aux trois pics majeurs observés pour les produits de dégradation des amélogénines. Il est récemment apparu que la fraction 5 kDa est responsable d'effets biologiques inducteurs, liés aux 2 TRAP et 2 LRAP qui la constituent (Swanson et al., 2006 ; Warotayanont et al., 2009 ; Amin et al., 2012). Deux fractions isolées à partir des DMA d'environ 20 kDa chacune (Riksen et al., 2011) ont révélé des conformations différentes dans leurs structures primaire et secondaire associées à des activités biologiques spécifiques ; in vitro, l'une (A1) augmente la prolifération des ostéoblastes humains et les marqueurs de la minéralisation – ostéocalcine (OC) et RUNX2 ; l'autre (A2) stimule l'expression de CD44, de l'ostéoprotégérine (OPG) et de RANKL (receptor activator of nuclear factor kappa-B ligand). Ainsi, A1 augmente la prolifération des ostéoblastes primaires et régule l'ostéoblastogenèse alors qu'A2 régule l'activité ostéoblastique à un stade de maturité cellulaire.
Maycock et al. ont également observé une activité enzymatique au sein des DMA correspondant aux deux enzymes responsables d'action protéolytiques : l'énamélysine (41–45 kDa), ou MMP-20, et la kallicréine 4 (30 kDa), ou KLK4 (Maycock et al., 2002). Cette activité enzymatique n'existe pas dans la formulation commerciale, le traitement par la température juste après l'extraction des amélogénines ayant désactivé les enzymes.
Récemment, une autre protéine, l'améloblastine ou sheath protein, a été identifiée au sein des DMA, résultant sans doute d'un cross-over lors de l'extraction des amélogénines (Zeichner-David, 2001 ; Fukae et al., 2006 ; Kanazashi et al., 2006 ; Zilm et Bartold, 2011). L'améloblastine est une protéine non-amélogénine qui semble participer à la différenciation ostéogénique, à la formation du cément et de l'os ainsi qu'à la réparation osseuse de lésions expérimentales (Iizuka et al., 2011 ; Kitagawa et al., 2011 ; Tamburstuen et al., 2010, 2011). L'expression de l'améloblastine ne se limite pas à l'édification de l'émail mais est aussi décrite au cours de la formation osseuse cranio-faciale (Spahr et al., 2006). In vitro, l'améloblastine est exprimée par les cellules souches mésenchymateuses, les ostéoblastes humains primaires et les chondrocytes, suggérant un rôle dans la différenciation et la formation initiale de l'os (Tamburstuen et al., 2011). Cependant, Kuroda et al., sur des modèles de culture cellulaires et de réparation osseuse expérimentale chez l'animal, n'ont pas identifié d'effet de l'améloblastine dans l'activité ostéoblastique ou la réparation et le remodelage de l'os (Kuroda et al., 2011). Zilm et Bartold ont mis en évidence, au sein des DMA, la présence d'inhibiteurs des sérines et des protéinases, enzymes associées généralement à des pathologies inflammatoires chroniques (Zilm et Bartold, 2011). Ces inhibiteurs pourraient contribuer à accélérer la cicatrisation. La présence de facteurs de croissance au sein des DMA n'a pas pu être observée (Gestrelius et al., 2000).
Ainsi, la formulation commerciale comprend, pour 95 %, les full length amélogénines, ou amélogénines mères, les fractions appelées TRAP et LRAP, et d'autres polypeptides issus de l'amélogénine. L'améloblastine représente vraisemblablement moins de 5 % de la formulation.
Les amélogénines sont considérées comme étant des protéines intrinsèquement non ordonnées à l'état natif (Delak et al., 2009). Ce type de structure augmente leur capacité à se lier à d'autres macromolécules.
Leur organisation spatiale renforce leur liaison au calcium (Renugopalakrishnan et al., 1989). Le caractère hydrophobe et l'identification en leur centre d'une structure poly-pro expliquent la nature d'auto-assemblage (self-assembly) des amélogénines qui, d'une forme d'hexamères intracellulaires au sein des améloblastes, évoluent vers une forme de nanosphères dans le milieu extracellulaire (Lakshminarayanan et al., 2009).
Fincham et al. ont décrit la formation de nanosphères d'amélogénine in vitro (Fincham et al., 1994, 1995). Cet auto-assemblage en nanosphères est dépendant de la température, du pH et de la concentration (Tan et al., 1998). Ces nanosphères de 15 à 20 nm de diamètre constituent une matrice extracellulaire insoluble dans des conditions physiologiques. Elles sont le résultat d'interactions autour d'un noyau hydrophobe central, alors que la charge négative du pôle hydrophile C terminal contrôle l'agrégation ultérieure des nanosphères. Ce phénomène joue un rôle dans l'édification du cristal d'OH-apatite ainsi que dans la liaison au calcium et aux phosphates (Moradian-Oldak, 2000 ; Moradian-Oldak et Goldberg, 2005 ; Aichmayer et al., 2005 ; He et al., 2008 ; Wiedemann-Bidlack et al., 2007). Les nanosphères peuvent atteindre des structures secondaires plus organisées (Khan et Habelitz, 2012). Zhang et al. confirment l'organisation, la caractérisation des nanosphères et la participation des pôles C et N terminaux dans les interactions aboutissant à une structure en trois dimensions complexe (Zhang et al., 2011).
Les dérivés de la matrice amélaire s'agrègent à pH physiologique (Gestrelius et al., 1997a, 1997b). La molécule initiale d'amélogénine porcine de 25 kDa et son dérivé de 20 kDa adsorbent sous la forme de nanosphères, alors que les peptides plus petits (par exemple LRAP) semblent adsorber sous la forme de monomères et de dimères (Gestrelius et al., 1997a, 1997b ; He et al., 2008 ; Bouropoulos et Moradian-Oldak, 2003 ; Tarasevich et al., 2009, 2010). La structure en nanosphères expose certaines régions en surface à l'action protéolytique tout en protégeant d'autres régions centrales (Moradian-Oldak et al., 2001). Des formations en chaîne de ces agrégats sont décrites (Yang et al., 2011 ; Li et al., 2011) et ont démontré des propriétés d'adsorption fortes sur les phosphates de calcium et sur le titane (Richert et al., 2011).
Cette conformation initiale des amélogénines évolue in vivo selon les substrats et selon les charges de surface (Chen et al., 2011) avec un désassemblage libérant des peptides pouvant servir de signal pour l'environnement.
En conclusion, les DMA représentent un système de relargage organisé actif (delivery system). Lors de l'adsorption sur la racine, les nanosphères agrégées jouent un rôle de matrice extracellulaire et les fragments relargués un rôle de signal cellulaire. Le support de formulation est synthétique – polymère de propylène alginate glycol (PGA, propylene glycol alginate) – et sert au transport et au soutien du complexe protéique dans son état soluble. Le vecteur biologique est constitué d'amélogénines maintenues dans un état soluble par un pH acide bas (< 4) qui s'organisent sous forme de nanosphères après adsorption sur la surface radiculaire. À l'intérieur de ces nanosphères sont logés des fragments libres d'amélogénine qui sont en fait des signaux biologiques. Pour certains auteurs, les amélogénines mères (ou leurs recombinants utilisés in vitro) ainsi que leurs isoformes régulent la régénération via des interactions protéines-protéines.
Les DMA modulent les événements inflammatoires associés à la cicatrisation post-chirurgicale, en diminuant l'expression de gènes spécifiques du processus inflammatoire tout en activant l'expression de gènes codant pour la réparation tissulaire (Parkar et Tonetti, 2004) et en limitant la libération de cytokines pro-inflammatoires (Myhre et al., 2006). En présence d'amélogénines, les monocytes dérivés des macrophages réduisent leur activité pro-inflammatoire et augmentent l'expression des médiateurs de la réparation tissulaire : facteur de croissance de l'endothélium vasculaire (VEGF, vascular endothelial growth factor) et IGF (insulin-like growth factor) (Almqvist et al., 2012).
Des conditions d'inflammation limitent le potentiel de réparation induit par les DMA. Nokhbehsaim et al., sur un modèle de cicatrisation, confirment les effets positifs des DMA mais montrent une altération des DMA en présence d'interleukine 1 bêta (IL1-β) (Nokhbehsaim et al., 2011). Cela se traduit, pour les cellules du ligament parodontal humain, par une réduction du recrutement et de la prolifération, par une inhibition de l'adhésion, de la synthèse de la matrice et de la minéralisation ainsi que par une diminution de l'expression de gènes associés à ces événements cellulaires.
Cliniquement, l'inflammation est associée à la présence de fluide gingival. Les cultures de cellules de ligament parodontal humain avec des DMA, ou avec des amélogénines recombinantes, en présence de fluide gingival de sujets présentant des maladies parodontales, montrent que le fluide gingival peut dégrader les DMA, et diminuer leurs effets sur la prolifération des fibroblastes humains (Laaksonen et al., 2010). Ces observations semblent expliquer les réactions gingivales postopératoires immédiates peu inflammatoires dans les traitements avec les DMA.
L'angiogenèse correspond à la formation de néovaisseaux sanguins à partir des cellules endothéliales progénitrices activées par le facteur de croissance du fibroblaste (FGF, fibroblast growth factor) et le VEGF. Ce dernier agit directement sur la prolifération et la migration des cellules endothéliales et indirectement sur la perméabilité des microvaisseaux, contribuant à l'instauration d'un réseau de matrices riches en fibrine, nécessaire pour la migration cellulaire. Classiquement, les DMA ont une action directe sur la prolifération, la viabilité et l'organisation des cellules endothéliales et, indirectement, ils stimulent la production de VEGF par le ligament parodontal (Schlueter et al., 2007 ; Johnson et al., 2009). Des cocultures de cellules humaines endothéliales microvasculaires et de cellules parodontales humaines interagissent spécifiquement et expriment, au bout de 3 semaines, les marqueurs de l'ostéogenèse ; en présence de DMA, ceux-ci sont fortement plus élevés (Neeley et al., 2010). Les mêmes auteurs observent que les DMA induisent une élévation des marqueurs RUNX2 de l'ostéogenèse précoce et de desmine impliquée dans la formation des péricytes. Une étude in vivo chez l'animal (Thomas et al., 2011) confirme l'activité pro-angiogénique des DMA, variable selon les fractions et la taille des amélogénines. Certaines fractions ont une activité angiogénique plus importante, comme celle de 25 kDa, ou molécule mère, et d'autres, plus petites (5 kDa), ont une action intermédiaire. Les amélogénines activent les processus cellulaires dans l'angiogenèse, favorisent et augmentent la croissance des microvaisseaux, augmentent l'adhésion des cellules via de nombreuses sous-unités d'intégrines associées à l'angiogenèse que sont les hétérodimères αvβ3–5 et α5β1 situés sur les cellules endothéliales (Almqvist et al., 2011). Bertl et al. ont observé que les DMA augmentaient l'expression du facteur angiogénique ANG-2 et des molécules d'adhésion pour les cellules microvasculaires humaines endothéliales (Bertl et al., 2009).
Sur des biopsies gingivales, les DMA augmentent l'expression du VEGF 48 heures après traitement (Aspriello et al., 2011) ; ils induisent une augmentation de la densité des microvaisseaux ainsi que de la prolifération et de la viabilité des cellules microvasculaires. Ces résultats confirment ceux, in vitro, d'autres auteurs (Bertl et al., 2009 ; Mirastschijski et al., 2004) qui rapportent que les DMA augmentent la communication entre cellules endothéliales humaines microvasculaires et cellules du ligament parodontal, permettant la migration des cellules spécifiques requises pour la régénération.
Les effets des DMA sur les cellules épithéliales se traduisent par une inhibition de la prolifération cellulaire (Kawase et al., 2000, 2001 ; Lyngstadaas et al., 2001 ; Weinberg et al., 2010) et les DMA sont considérés comme cytostatiques ; l'inhibition de la prolifération des cellules épithéliales par les DMA dépend de l'expression de p21waf1/cip1 (voie de signalisation MAPK [mitogen-activated protein kinases]) (Kawase et al., 2002).
L'inhibition de la migration cellulaire, de la croissance et du cycle cellulaire en présence de DMA explique cet effet paradoxal sur les cellules épithéliales. Cela peut expliquer l'inhibition de la migration apicale de l'épithélium en clinique postopératoire immédiat ; ce peut être le résultat de la conversion épithélio-mésenchymateuse qui réduit la prolifération mais pas l'adhésion des cellules (Kapferer et al., 2011).
Les cellules du ligament parodontal ont la faculté de proliférer, migrer et de se différencier en trois groupes de cellules qui régénèrent le parodonte : les fibroblastes et les cellules progénitrices de l'élaboration des tissus minéralisés aux phénotypes cémentoblastes et ostéoblastes.
Les DMA augmentent le recrutement, la croissance, la migration et l'adhésion des cellules parodontales ainsi que la synthèse des protéines totales, l'activité alcaline phosphatase, la formation de nodules minéraux, l'activité intracellulaire et le métabolisme de cellules parodontales humaines en culture (Gestrelius et al., 1997a, 1997b ; Lyngstadaas et al., 2001, 2009). L'adhésion des cellules parodontales au cours des premières heures de cultures est cinq fois plus efficace lorsque les milieux sont traités avec les DMA ; la densité, l'attachement et l'adhésion cellulaire sont également plus denses (Lyngstadaas, 2001 ; Suzuki et al., 2001). Cette propriété explique que la cicatrisation des plaies expérimentales soit améliorée en présence des DMA (Rodriguez et al., 2007 ; Al-Hezami et al., 2011).
Les DMA augmentent également l'expression de nombreux facteurs de croissance – facteur de croissance transformant bêta 1 (TGF-β1, transforming growth factor β1), platelet derived growth factor (PDGF) –, de cytokines, d'éléments matriciels et de facteurs de transcription par les cellules desmodontales (Lyngstadaas et al., 2001 ; Haase et Bartold, 2001 ; Brett, 2002 ; Parkar et Tonetti, 2004 ; Barkana et al., 2007) et stimulent l'activité alcaline phosphatase et la production de nodules minéraux (Gestrelius et al., 1997a, 1997b). Ils augmentent in vitro la prolifération des fibroblastes gingivaux (Kawase et al., 2001 ; Keila et al., 2004 ; Rincon et al., 2005 ; Zeldich et al., 2007 ; Weinberg et al., 2010). La voie de signalisation activée est la cascade ERK (extracellular regulated kinase). Haase et Bartold ainsi que Keila et al. montrent une action sur la synthèse de protéoglycanes, hyaluronanes (Haase et Bartold, 2001 ; Keila et al., 2004). Grayson et al. ont observé une production paracrine de TGF-β liée à l'action de la fraction amélogénine des DMA (Grayson et al., 2006). Cependant, l'activité induisant la phosphatase alcaline (ALP) et la minéralisation en présence des DMA est faible pour les fibroblastes gingivaux (Keila et al., 2004).
Les intégrines de surface des cellules parodontales et des fibroblastes gingivaux αv-β3 et α2–5β1 interviennent dans les effets véhiculés par les DMA (Van der Paw et al., 2002).
Matsuzawa et al. identifient, pour les cellules humaines du ligament parodontal en culture, une activation de la voie de signalisation Wnt/bêta-caténine induite par l'amélogénine recombinante (Matsuzawa et al., 2009).
Lors de l'édification radiculaire, Hammarström a montré que les DMA régulaient la différenciation des cémentoblastes et déclenchaient la formation de cément acellulaire à fibres extrinsèques (Hammarström, 1997). Les DMA ont la capacité de stimuler la prolifération des cémentoblastes (cultures cémentoblastes immortalisés OC-CM et cémentoblastes prélevés sur la surface radiculaire) alors que l'amélogénine mère ou les fragments TRAP et LRAP semblent sans effet (culture OCCM-30). L'expression de facteurs de croissance et de marqueurs cémentoblastiques varie selon les protéines amélogénines. Ainsi, les DMA stimulent l'expression de l'ostéopontine (OPN) et de la bone sialoprotein (BSP) ; les fractions LRAP stimulent l'ostéopontine et l'ostéoprotégérine (OPG) et les TRAP stimulent l'ostéopontine ; elles modulent également la régulation de l'ostéocalcine (OC). Les amélogénines mères stimulent l'expression de la BSP et de l'ostéocalcine à faible dose. La formation de nodules minéralisés est diminuée de façon dose dépendant pour les cellules cémentoblastiques exposées aux DMA, en présence d'amélogénine mère, de LRAP et de TRAP (Bosshardt, 2008).
Les résultats concernant le type de néocément observé (acellulaire à fibres extrinsèques, mixte, cellulaire ou non) varient selon les rapports histologiques. Cela s'explique et dépend du matériel et des méthodes, du modèle animal choisi, du repère utilisé permettant la quantification des résultats, de la qualité de la dent (saine ou atteinte de maladie parodontale), du site chirurgical de prélèvement de la biopsie chez l'homme, de la qualité et de la difficulté des préparations (fixation, inclusion, méthode de section, épaisseur des coupes, coloration).
Le ligament parodontal contient des cellules souches multipotentes qui ont la capacité de se différencier en cellules du type cémentoblaste et de générer des tissus de type cément ou ligament parodontal in vivo (Seo et al., 2004). L'amélogénine et l'améloblastine sont exprimées dans la matrice minéralisée du cément, principalement dans la région du cément acellulaire. L'amélogénine est exprimée à la fois par les cémentoblastes et dans la matrice cémentoïde du cément humain, mais aussi par les cellules souches du ligament parodontal situées dans les espaces périvasculaires. Cela suggère que les protéines de la matrice amélaire et les protéines cémentaires agissent en synergie pour réguler la différenciation et la formation de cément (Nunez et al., 2010).
Le recours à des amélogénines recombinantes permet de mettre en évidence in vitro certains de leurs effets potentiels. Le recombinant Rp (h) M180 d'une amélogénine mère full length se lie à un récepteur de surface des cellules à phénotype cémentoblaste (OCCM-30) et des cellules indifférenciées du follicule dentaire de souris (Zhang et al., 2010). Les amélogénines se lient très probablement à certains récepteurs de membrane des cellules mésenchymateuses participant à la fois à la formation radiculaire ou de cément et à la stimulation de la régénération parodontale.
L'amélogénine recombinante full length (rh174) augmente la prolifération de cellules cémentoblastiques humaines in vitro (Kunimatsu et al., 2011) par la voie intracellulaire ERK1/2 et la minéralisation par augmentation des marqueurs spécifiques, alors qu'elle est sans effet sur la minéralisation des cellules desmodontales de lignée humaine (Tanimoto et al., 2012). En conclusion, il est ainsi supposé que les DMA contribuent, via des récepteurs de membranes et la voie ERK1/2, à accroître le pool de cellules disponibles pour la différenciation en phénotype cémentoblaste.
La morphologie, la prolifération, l'activité métabolique intracellulaire, la formation de nodules minéraux, la différenciation cellulaire, la maturation et la minéralisation sur différentes lignées cellulaires comme les cellules souches mésenchymateuses, les cellules de la moelle osseuse, les ostéoblastes humains ou des lignées de cultures cellulaires ont été testées in vitro en présence de DMA.
Il est admis que ces derniers agissent sur les ostéoblastes différemment selon leur degré de maturation. La prolifération est stimulée par eux dans les phases précoces de maturation, pour les pré-ostéoblastes, alors que la différenciation est augmentée et soutenue pour les ostéoblastes plus matures (Schwartz et al., 2000). Quelques études signalent une prolifération et une différenciation soutenues dans le cas d'ostéoblastes plus matures (He et al., 2004a, 2004b, 2005 ; Miron et al., 2010). L'Emdogain® stimule la prolifération et la viabilité d'ostéoblastes humains en culture (Jiang et al., 2001a, 2001b ; Qu et al., 2010). Les DMA agissent aussi sur les chondrocytes en induisant leur différenciation (Narukawa et al., 2007).
Dans les cultures de cellules ostéoprogénitrices et de moelle osseuses, les effets des DMA dépendent du type de la lignée cellulaire utilisée. Les effets sont d'autant plus marqués que la lignée cellulaire présente un phénotype ostéoblaste. Les DMA augmentent alors l'activité ALP, la formation de nodules minéralisés, l'expression de marqueurs comme la BSP, l'ostéocalcine et l'ostéopontine (Yoneda et al., 2003 ; Keila et al., 2004 ; Ohyama et al., 2002 ; Rincon et al., 2005 ; Narukawa et al., 2007 ; Takayama et al., 2005 ; Matsuzawa et al., 2009 ; Jue et al., 2010 ; Izumikawa et al., 2012). Elles augmentent également le recrutement des ostéoblastes primaires humains et la communication cellule-cellule, l'adhésion de cellules, la différenciation et la minéralisation extracellulaire et agissent sur les voies de signalisation en favorisant significativement l'expression des connexines 43, de la N-cadhérine, de l'ostéocalcine et de la BSP (Miron et al., 2011). L'expression de gènes par des cellules ostéoblastiques ou de lignées aux phénotypes ostéoblastiques est accrue en présence de DMA. En effet, ceux-ci augmentent l'expression du TGF-β, de l'IL6, de l'ostéoprotégérine, du collagène, de la BSP, des marqueurs de la lignée ostéoblastique, de la différenciation (ALP) et de la minéralisation, ou des inhibiteurs de l'activité ostéoclastique tels que l'ostéoprotégérine (OPG) (Jiang et al., 2001a, 2001b ; Reseland et al., 2006 ; Carinci et al., 2006 ; Weishaupt et al., 2008 ; Lee et al., 2008 ; Song et al., 2010).
Les fractions issues des amélogénines exercent des effets particuliers et parfois opposés sur les ostéoblastes et l'étude in vitro des fragments polypeptidiques isolés suggère que ces isoformes pourront présenter un intérêt thérapeutique dans un futur proche. Ainsi, le fragment TRAP, isoforme spécifique dérivée par action protéolytique, ainsi que le C terminal (12 acides aminés) suppriment la formation de nodules minéralisés en culture cellulaire. Si TRAP a peu d'effet sur les marqueurs de l'ostéogenèse précoce et intermédiaire que sont l'ostéopontine (OP) et RUNX2, les marqueurs plus tardifs de l'activité tels qu'ALP, l'ostéocalcine et la BSP sont fortement inhibés par cette fraction. De même, le fragment LRAP et également son extrémité C terminale (23 acides aminés) stimulent la différenciation ostéogénique. Cela conforte l'hypothèse d'un rôle unique et spécifique des isoformes au sein des DMA (Amin et al., 2012). LRAP permet d'activer la voie de signalisation Wnt permettant d'induire la différenciation ostéogénique chez la souris (Wen et al., 2011). Ramis et al., ont constaté, sur des cellules souches, que des substituts synthétiques, fractions similaires d'amélogénine, ou polyproline-rich peptides, peuvent induire la différenciation des ostéoblastes (Ramis et al., 2012).
L'étude des voies de signalisation (Lyngstadaas et al., 2009) confirme que les DMA ou les recombinants d'amélogénine régulent les facteurs de transcription impliqués dans la maturation ainsi que dans la différenciation ostéogénique et chondrogénique (Narukawa et al., 2007 ; Song et al., 2010). Ainsi, les cultures traitées avec les DMA montrent une augmentation de l'expression de COX2, une diminution de l'expression de RANKL et du rapport RANKL/OPG sans changements pour Cbfa1 et OPG, une stimulation de Runx2, de smad1, d'Osterix dlx15 et d'AJ18, gènes et facteurs de transcription exprimés lors de la différenciation ostéoblastique (Ohyama, 2002) et chondrogénique via l'expression de Sox5, Sox9 et Zfp60 (Narukawa et al., 2007). La 25 kDa amélogénine (porcine) et ses dérivés protéolytiques stimulent la transcription de la BSP (via la voie de signalisation PKA), marqueur précoce de la différenciation ostéoblastique pour les lignées ROS 17/2.8 d'ostéoblastes chez le rat (Nakayama et al., 2010).
Il semble que les DMA exercent un effet de contrôle de la résorption (He, 2004a, 2004b ; Otsuka et al., 2005). Ils protègent les cellules osseuses de l'apoptose in vitro (He et al., 2005).
L'induction de la différenciation et de la minéralisation par les DMA a permis d'étudier l'association de ceux-ci aux substituts osseux dans le traitement des lésions infra-osseuses (Miron et al., 2012a, 2012b).
Les substituts osseux préparés avec des DMA semblent augmenter la prolifération de cellules ostéogéniques humaines. Cependant, les résultats varient selon les biomatériaux (Reichert et al., 2009). Si le traitement combiné avec un biomatériau synthétique – Biograns® (3I) et DMA (Emdogain®) – permet le comblement de lésions expérimentales chez le rat, il est cependant sans effet additionnel par rapport au biomatériau seul (Potijanyakul et al., 2010). Le prétraitement de particules d'os (bovin) avec les DMA confirme, sur des cultures de cellules humaines, une augmentation de l'adhésion des ostéoblastes et des cellules du ligament parodontal (PDL), de la prolifération et de la différenciation cellulaire. Les DMA stimulent l'expression de facteurs de croissance, de cytokines (BMP-2, TGF-β1, ostéocalcine, collagène 1), augmente l'activité ALPtase pour les ostéoblastes et les cellules du ligament parodontal mis en culture en présence de ces particules osseuses préalablement recouvertes par des DMA (Miron et al., 2012a, 2012b). En revanche, la contamination par le sang du matériau de comblement avant de le mélanger avec les DMA inhibe l'adsorption de ces derniers (Miron et al., 2012a, 2012b).
Le traitement par les DMA (Emdogain®) des cellules humaines de moelle osseuse et des fibroblastes mis en culture avec un phosphate de calcium biphasique montre que l'Emdogain® semble stimuler les étapes précoces de la différenciation ostéoblastique pour les cellules mésenchymateuses (Mrozik et al., 2012). Les auteurs observent une activation de l'expression de nombreux gènes (collagène 1, BMP-2, Cbfa-1, BSP-II, ostéopontine) ; l'activation de l'expression de l'ostéocalcine concerne les cellules du ligament parodontal tout comme l'activation de l'alcaline phosphatase tardivement (72 heures), ce qui semble ici particulier.
Les effets des DMA ont été testés avec les membranes de régénération guidée. Les auteurs observent l'adhésion initiale des ostéoblastes (saOS-2) sur des membranes de collagène et de polymères. Les ostéoblastes adhèrent de façon significative aux membranes de collagène, et cela n'est pas modifié par la présence des DMA. L'activité ALP (marqueur de la minéralisation) des ostéoblastes, fortement augmentée en présence des DMA, est plus importante pour les cultures en présence de membranes de collagène par rapport aux autres membranes de polymères (Thangakumaran et al., 2009).
Les DMA exercent un effet ostéopromoteur attesté par les résultats ci-dessus qui expliquent en partie la réponse osseuse dans les traitements.
Depuis 1996 (World Workshop in Periodontology, 1996), les prérequis permettant de qualifier un traitement parodontal de « traitement de régénération » repose sur :
– les études histologiques contrôlées chez l'animal permettant de montrer la formation de néocément, de nouveau ligament parodontal et de nouvel os ;
– les études histologiques chez l'homme ;
– les études cliniques humaines contrôlées concluant à un gain d'attache clinique et d'os.
Actuellement, une régénération ad integrum des tissus parodontaux détruits par une infection parodontale n'est pas encore acquise même si l'ensemble des études et techniques de « régénération » concluent à de réelles améliorations significatives et cliniquement stables dans le temps. L'objectif de cette revue est de présenter les résultats récents de la recherche de 2009 à 2012 permettant de comprendre la régénération des tissus parodontaux à l'aide des DMA.
Pour de nombreux types de cellules impliquées dans la régénération parodontale, telles que les cellules desmodontales et les cellules à phénotype ostéoblastique ou cémentoblastique, la prolifération, la différenciation, l'expression de gènes, la synthèse de protéines et la minéralisation sont régulées par les DMA. Les effets sont spécifiques de la lignée cellulaire et du degré de maturation pour les ostéoblastes/cémentoblastes. Pour les fibroblastes gingivaux, les cémentoblastes et les chondrocytes, les DMA activent la prolifération et régulent la minéralisation. L'angiogenèse est stimulée et les DMA exercent une action cytostatique pour les cellules épithéliales. Cependant, il est parfois difficile d'interpréter les résultats en raison de la variabilité des types ou lignées cellulaires utilisés et de la difficulté de réaliser des modèles de fractionnement reproductibles.
La régulation de la régénération parodontale par les amélogénines repose sur :
– les tudes utilisant des recombinants d'a mlognine. Il est techniquement difficile d'utiliser in vitro des amélogénines mères full length natives. Les études comparant les amélogénines mères full length amelogenin et/ou les recombinants d'amélogénine aux DMA montrent des effets approchant ceux des DMA avec des effets plus soutenus en faveur des DMA (Grandin et al., 2012) ;
– les drivs des amlognines, peptides issus de la dégradation enzymatique ou isoformes dérivées par épissage alternatif comme les TRAP et les LRAP, qui ont des propriétés biochimiques distinctes. Les LRAP régulent l'activité des cémentoblastes de façon similaire aux DMA en activant l'expression de l'ostéopontine et de l'ostéoprotégérine et en diminuant l'ostéocalcine tout comme un recombinant de TRAP (Swanson et al., 2006). Un recombinant de LRAP (Hatakeyama et al., 2006) intervient sur la migration et la prolifération des fibroblastes du ligament parodontal et des cémentoblastes de façon plus importante que le recombinant rP172 et réduit l'expression de RANKL. Les capacités ostéo-inductrices de LRAP sont comparables à celle de BMP-2 sur l'ostéogenèse de cellules souches de souris (Warotayanont et al., 2008). Cette activité BMP-2 décrite antérieurement (Nebgen et al., 1999) est confirmée par les travaux de Tompkins et de Veis (Tompkins et Veis, 2002 ; Tompkins et al., 2005). Ces auteurs décrivent des fractions (A – 4) ou LRAP et (A + 4) qui induisent la même réponse capable d'activer la différenciation pour la formation de matrice minéralisée. Ils montrent que (A – 4) et (A + 4) sont toutes deux actives et augmentent l'expression de CAP, Cbfa1, et diminuent l'expression de DMP2 (dentin matrix protein). (A + 4) augmente l'expression de Sox9 et de DMP2. Ces fractions induisent donc l'expression de phénotypes cémentogéniques, ostéoblastiques et chondrogéniques. La réponse biologique et les effets des DMA ne peuvent s'expliquer par la seule action des full length amelogenins, ou amélogénines mères, ni par les seules activités des fractions d'amélogénine. Cela suggère une coopération entre les différentes fractions et entre celles-ci et les cellules cibles ;
– le rle de l'a mloblastine, ou sheath protein, identifiée récemment dans les DMA. Isolée à partir de la matrice amélaire porcine, cette protéine augmente l'expression des marqueurs de la différenciation ostéogénique sur des cultures de cellules du ligament parodontal (Kitagawa et al., 2011) et ces résultats confirment ceux de Tambursten et al. sur des cultures de cellules mésenchymateuses à phénotype ostéoblastes (Tambursten et al., 2010, 2011) ;
– l'i dentification de sites rcepteurs de surface sur les cellules cibles pour les amlognines. Pour certains auteurs, les amélogénines mères (ou leurs recombinants utilisés in vitro) ainsi que leurs isoformes régulent la régénération via des interactions protéines-protéines. Celles-ci existent lors du développement et de la minéralisation de l'émail. Elles sont observées in vitro pour les cellules cibles de la régénération parodontale. Les interactions protéines-protéines sont suspectées pour des récepteurs cellulaires de surface, comme LAMP-1, que l'on trouve sur les cémentoblastes et dans le follicule dentaire (Zhang, 2010), et CD3, identifié sur les améloblastes et les ostéoblastes (Shapiro et al., 2007). De même, la fraction LRAP semble capable d'interagir avec LAMP-1 (Iacob et Veis, 2008 ; Tompkins et al., 2006). L'interaction des amélogénines avec les récepteurs cellulaires semble mettre également en jeu les intégrines de surface par la reconnaissance de la séquence RGD (Suzuki et al., 2001 ; Van der Paw et al., 2002 ; Almqvist et al., 2010) ;
– le modle des nanosphres. La molécule amélogénine de 25 à 20 kDa se regroupe sur elle-même, présente un pôle C terminal et un pôle N terminal tous deux hydrophiles (Grandin et al., 2012). À l'intérieur de ces nanosphères se trouvent des peptides de plus petite taille, dont les segments TRAP, LRAP, et des améloblastines. Chacun possède des effets potentiels de signaux actifs pour la différenciation cellulaire. Les nanosphères agissent donc comme des structures biochimiques réservoirs de signaux biologiques. Dotées de capacité d'adsorption, les amélogénines relarguent alors les signaux dans l'environnement. Puis l'action d'enzymes locales dégrade les nanosphères et libère alors des fragments polypeptidiques actifs ;
– le rle d'e ncapsulation d'a utres molcules par les nanosphres. Les protéines de la matrice amélaire ont des propriétés de solubilité qui sont pH dépendantes ; la formation de nanosphères qui s'agrègent entre elles se fait à pH neutre. Bonde et Bülow testent, à l'aide de l'amélogénine recombinante rH174, la réponse pH dépendante des amélogénines afin de délivrer une molécule encapsulée (Bonde et Blow, 2012). Les amélogénines peuvent ainsi accueillir d'autres molécules de façon réversible ;
– l'a mlognine semble être exprimée par de nombreux tissus du complexe cranio-facial à un stade précoce du développement, de l'embryogenèse et de la différenciation, tels que le cerveau, les yeux, le tronc nerveux, le cartilage, l'os, parfois avant l'expression au sein du germe dentaire. C'est une protéine multifonctionnelle (Grenbaum-Cohen et al., 2009).
De nouvelles applications des amélogénines sont testées dans la régénération osseuse, l'implantologie (Qu, 2011), la traumatologie et le traitement des plaies cutanées (Kadonishi et al., 2012).
Les DMA représentent ainsi un système biologique actif. Ils font l'objet de nombreuses études fondamentales qui explorent constamment les processus de la cicatrisation et de la régénération parodontale et médicale.
Les auteurs ont indiqué n'avoir aucun conflit d'intérêts concernant cet article.