Article
Fabio VIGNOLETTI * Raul CAFFESSE ** Mariano SANZ ***
*Invited professor
**Professor, Department of periodontology, Facultad de Odontologia, Universidad Complutense de Madrid
La récession et l'insuffisance de défauts du tissu kératinisé ont représenté un des points importants de la parodontie et de la chirurgie plastique péri-implantaire. Plusieurs techniques ont été testées pour traiter ces défauts et la littérature indique que l'usage combiné de greffes de tissu conjonctif peut améliorer les résultats cliniques. Récemment, plusieurs substituts de tissus mous ont été introduits dans la recherche sur les tissus mous intraoraux pour réduire l'aspect invasif de la chirurgie et ainsi la morbidité. Ces biomateriaux ont été testés par des modèles pré-cliniques et leur efficacité a été prouvée dans des études cliniques sur sujet humains prometteuses. Encore plus récemment, une nouvelle matrice de collagène d'origine porcine a été développée dans le but d'améliorer les résultats cliniques des procédures pour recouvrir la racine et l'augmentation du tissu kératinisé. Ainsi, l'objectif de cette revue est de mettre en évidence le faisceau de preuves en analysant les résultats expérimentaux et cliniques de cette matrice au collagène hétérologue.
Recession and lack of keratinized tissue defects have represented one the major focus of Periodontal and Peri-implant plastic surgery. Several techniques have been proposed to treat such defects and results from the literature indicated that the combined use of connective tissue grafts might enhance clinical outcomes. Recently, several soft tissue substitutes have been introduced into oral soft tissue regeneration research to reduce surgical invasiveness and thus patient's morbidity. These biomaterials have been investigated trough pre-clinical models and their clinical efficacy has been proved in human clinical trials suggesting promising results. Most recently, a new collagen matrix of porcine origin has been developed with the aim of enhancing clinical results of root coverage procedures and keratinized tissue augmentation. Thus, the objective of this narrative review is to review the available bulk of evidence analyzing both experimental and clinical outcomes of this xenogeneic collagen matrix.
La gencive kératinisée est une muqueuse spécialisée recouvrant les procès alvéolaires et qui s'étend de la gencive marginale à la ligne muco-gingivale. Elle regroupe la gencive libre et la gencive attachée, et sa surface épithéliale est caractérisée par son contenu en kératine et en parakératine. Le concept clinique selon lequel il est nécessaire d'avoir une hauteur minimale de gencive kératinisée pour préserver la santé parodontale s'est vu modifier dans la littérature au fil des années, bien que des recherches cliniques et expérimentales aient clairement apporté la preuve que l'absence de gencive attachée kératinisée est compatible avec le maintien de la santé parodontale, à condition qu'il n'y ait pas d'inflammation (Dorfman et al., 1980 ; Wennström et al., 1981 ; Wennström, 1983 ; Wennström et Lindhe, 1983 ; Kennedy et al., 1985). Néanmoins, il persiste une impression clinique générale selon laquelle la présence d'une certaine hauteur de tissu kératinisé est importante pour le maintien de la santé parodontale et pour la prévention des récessions de la gencive marginale dans des situations de contrôle de plaque insuffisant, lorsque le patient n'arrive pas à maintenir cette zone sans inflammation malgré des instructions à l'hygiène et une bonne motivation. Plusieurs études cliniques ont montré que la perte d'attache parodontale est surtout susceptible de se produire dans des situations où l'absence de tissu kératinisé est associée à certains déplacements orthodontiques (Karring et al., 1971 ; Rateitschak et al., 1979 ; Ericsson et Lindhe, 1984), en présence d'un vestibule trop court chez les patients porteurs de prothèses amovibles et chez les patients porteurs de prothèses fixées dont les limites sont sous-gingivales (De Trey et Bernimoulin, 1980 ; Hangorsky et Bissada, 1980). Certes, dans de telles situations cliniques, les sites présentant un manque de tissu kératinisé ont montré, lors d'une étude prospective de cas suivis sur 10 ans, un taux significativement plus élevé d'inflammation gingivale, de perte d'attache et de récession gingivale que les autres sites (Valderhaug et Birkeland, 1976). Des résultats similaires ont été rapportés sur le manque de muqueuse kératinisée autour d'implants dentaires. Des études expérimentales chez le singe ont montré que chez cet animal, le manque de muqueuse kératinisée autour d'implants dentaires augmentait l'accumulation de plaque et que l'effet à long terme résultant d'une inflammation liée à une plaque non perturbée entraînait une perte osseuse autour des implants (Warrer et al., 1995). Des études cliniques chez l'homme ont montré des résultats similaires en termes de quantité de plaque et d'inflammation significativement plus élevée dans des sites implantaires dépourvus de tissu kératinisé par rapport à des sites qui en possédaient suffisamment, bien que l'impact éventuel de ce tissu sur la survie des implants n'ait pas été démontré (Chung et al., 2006). Récemment, Zigdon et Machtei, dans une étude clinique rétrospective, ont montré que la hauteur ainsi que l'épaisseur de la muqueuse avaient une corrélation négative significative avec sa récession (Zigdon et Machtei, 2008).
De nombreuses techniques chirurgicales ont été utilisées pour augmenter les dimensions du tissu gingival, la greffe gingivale libre (Sullivan et Atkins, 1969) étant la plus fréquente. Des études longitudinales ont montré que les techniques utilisant des greffes gingivales pédiculées et libres étaient prédictibles et efficaces pour obtenir un tissu kératinisé néoformé sur une période durant jusqu'à 4 ans (Dorfman et al., 1982). Histologiquement, les transplants hétérotopiques de gencive et de muqueuse alvéolaire sur des modèles animaux ont montré que les tissus transplantés conservaient toujours leur structure et leur spécificité d'origine, même 1 an après l'intervention (Karring et al., 1971). Cependant, lorsque l'on utilise des greffes épithélialisées, la cicatrisation conduit souvent à un résultat peu esthétique (« effet de rustine »). Une autre solution a été proposée : les greffes conjonctives libres (Edel, 1974) et, bien qu'elles montrent un pourcentage de contraction tissulaire plus élevé durant la cicatrisation, elles sont extrêmement prédictibles et donnent d'excellents résultats en termes d'esthétique et d'harmonie de teinte (Roccuzzo et al., 2002). Certes, chez les patients porteurs de bridges sur des piliers de dents naturelles présentant une quantité minime de tissu kératinisé (≥ 1 mm), l'utilisation de greffes de tissu conjonctif (GTC) permet d'obtenir un gain significatif de gencive (par rapport à des sites équivalents non greffés) qui favorise le contrôle de plaque et réduit l'inflammation gingivale ainsi que la perte d'attache (Orsini et al., 2004). Cependant, les deux techniques de greffe sont associées à une morbidité non négligeable pour le patient en raison de la nécessité de créer une deuxième plaie afin de prélever l'autogreffe, généralement au niveau de la muqueuse palatine. L'efficacité de ces techniques a fait l'objet d'une évaluation récente dans une revue systématique (Thoma et al., 2009). Sur un total de 12 études sélectionnées, l'utilisation d'un lambeau positionné apicalement associé à une greffe autologue (LPA-GA) montre une différence moyenne statistiquement significative de 4,49 mm par rapport à la greffe seule sans lambeau repositionné apicalement.
La récession gingivale (RG), définie comme étant l'exposition de la surface radiculaire due à la migration de la gencive marginale apicalement à la jonction amélo-cémentaire (JAC) (Armitage 1999 ; Wennström 1996), est l'une des indications les plus fréquentes de chirurgie muco-gingivale. Elle peut affecter des surfaces radiculaires isolées ou multiples et est fréquemment associée à une insatisfaction sur le plan esthétique, une hypersensibilité radiculaire et des difficultés à obtenir un contrôle de plaque optimal (Daprile et al., 2007 ; Susin et al., 2004).
Son étiologie a été associée à des facteurs mécaniques, tels qu'un brossage intempestif, ou à des traumatismes iatrogènes, lorsqu'elle se produit sur des tissus mous fins qui y sont prédisposés. Cependant, une revue systématique conclut que les données permettant d'étayer une association entre le brossage dentaire et les récessions gingivales restent à vérifier (Rajapakse et al., 2007).
Les techniques de recouvrement radiculaire ont pour objectif d'éliminer la totalité de la récession, avec des profondeurs de sondage minimes et un résultat esthétique convenable, grâce à l'obtention d'une bonne intégration (couleur et texture) des tissus recouvrant le défaut au niveau des tissus mous adjacents.
Le traitement des récessions gingivales localisées est courant en dentisterie et plusieurs techniques chirurgicales ont été proposées afin de recouvrir ces récessions (Roccuzzo et al., 2002). Dans les années 1970 et 1980, l'utilisation de lambeaux pédiculés (positionnés latéralement ou coronairement) et de greffes gingivales libres avait pour objectif de réduire la récession de façon significative et d'augmenter le tissu kératinisé. Durant les années 1980 et 1990, de nouvelles techniques chirurgicales sont apparues, par exemple les techniques bilaminaires et régénératrices, visant à obtenir un recouvrement radiculaire total. Durant ces 10 dernières années, en raison de la demande esthétique croissante des patients, les techniques chirurgicales ont été affinées pour obtenir un recouvrement radiculaire total associé à une parfaite intégration du tissu greffé au niveau des tissus mous adjacents.
Une revue systématique récente (Chambrone et al., 2010) rapporte que, parmi les différentes techniques, le recouvrement radiculaire moyen obtenu se situe entre 35 et 97 %, la greffe de conjonctif enfoui étant celle qui procure les meilleurs résultats. Cette technique nécessite l'utilisation d'une autogreffe, le plus souvent prélevée au niveau de la muqueuse palatine du patient. Afin d'éviter ce second site chirurgical, le lambeau déplacé coronairement (LDC) a été indiqué dans le traitement des récessions de classe I et II de Miller. La technique du lambeau déplacé coronairement (LDC) consiste à déplacer le tissu mou marginal sur la surface radiculaire exposée. Depuis la première présentation de ce protocole chirurgical (Allen et Miller, 1989), différentes modifications de la technique ont été proposées pour améliorer la prédictibilité du recouvrement radiculaire (de Sanctis et Zucchelli, 2007). Récemment, une évaluation systématique de la littérature médicale a été réalisée sur l'efficacité de cette technique chirurgicale (Cairo et al., 2008). Ses auteurs rapportent que l'utilisation de dérivés de la matrice amélaire ou la mise en place d'une greffe de tissu conjonctif associée à un lambeau déplacé coronairement améliorent toutes les deux la probabilité d'obtenir un recouvrement radiculaire total.
Au cours des 10 dernières années, l'utilisation de matériaux de greffe allogénique, telle la matrice dermique acellulaire, a été évaluée dans le traitement des récessions gingivales en association avec des lambeaux déplacés (Harris, 1998) afin d'éviter la nécessité de prélever des autogreffes et d'éliminer ainsi un second site chirurgical en diminuant la morbidité. Cette allogreffe, utilisée pour la première fois chez l'homme pour traiter des brûlures, dérive de la peau provenant de cadavres de donneurs. Cette peau d'origine humaine est traitée afin d'éliminer l'épithélium et tous les éléments cellulaires du tissu conjonctif, ce qui permet d'obtenir une matrice structurellement constituée par un complexe de membrane basale et de matrice extracellulaire, dans laquelle les faisceaux de fibres collagènes et élastiques sont les éléments prédominants. Plusieurs études cliniques ont rapporté une prédictibilité élevée de recouvrement radiculaire dans le traitement de récessions gingivales localisées (Aichelmann-Ready et al., 2001 ; Harris, 2004). Cependant, lorsqu'il est utilisé pour augmenter la hauteur de tissu kératinisé au niveau d'une plaie ouverte, ce tissu allogénique est dégradé par la production d'un nouveau tissu conjonctif et totalement remplacé par les tissus de l'hôte (Wei et al., 2002). Plusieurs études cliniques ont évalué cette allogreffe pour sa capacité à augmenter la hauteur de tissu kératinisé autour d'implants dentaires (Wei et al., 2000 ; Park, 2006 ; Yan et al., 2006 ; Imberman, 2007). Park, dans une étude prospective portant sur une série de cas, a évalué un dérivé de la matrice amélaire (DMA) pour augmenter la hauteur de tissu kératinisé autour d'implants, et a obtenu des résultats satisfaisants, avec une augmentation moyenne de 2,2 mm à 6 mois, bien qu'il ait observé une contraction significative de la zone greffée entre 3 et 6 mois (58 %) (Park, 2006). Wei et al. comparent l'efficacité clinique d'un dérivé de la matrice amélaire associé à une greffe de tissu conjonctif pour obtenir une augmentation de la hauteur de tissu kératinisé autour d'implants (Wei et al., 2000). Bien qu'ils observent une augmentation statistiquement significative dans les deux groupes, ce gain de muqueuse est significativement plus élevé dans le groupe avec greffe de conjonctif que dans celui avec dérivé de la matrice amélaire (5,5 contre 2,5 mm) ; la contraction associée à cette allogreffe est également importante (71 %). Cependant, ce matériau, en raison de son origine allogénique, n'est pas commercialisé dans la plupart des pays européens.
Afin d'éviter le prélèvement d'une autogreffe, une nouvelle matrice de collagène (MC) d'origine porcine (Mucograft®) a été récemment commercialisée par Geistlich Pharma AG (Wolhusen, Suisse) comme alternative à la greffe de tissu conjonctif en chirurgie plastique parodontale. Elle a été expérimentée pour augmenter le tissu kératinisé autour des dents et des implants supports de restaurations prothétiques (Sanz et al., 2009 ; Lorenzo et al., 2012) et pour traiter des récessions gingivales autour des dents (McGuire et Scheyer, 2010 ; Jepsen et al., 2013 ; Cardaropoli et al., 2012). Récemment, les résultats cliniques et histologiques provenant de l'utilisation de ce matériau associée à des techniques d'approfondissement vestibulaire autour d'implants ont été publiés, et ils sont similaires à ceux obtenus avec une greffe gingivale libre (Schmitt et al., 2013). Les résultats histologiques après utilisation de ce matériau hétérologue en association avec un lambeau déplacé coronairement pour traiter des récessions gingivales ont également fait l'objet d'une publication récente (Vignoletti et al., 2011). Par ailleurs, les résultats histologiques provenant de modèles précliniques lorsque cette matrice de collagène est utilisée pour augmenter la muqueuse kératinisée dans un mode de cicatrisation non enfoui ont été publiés (Jung, 2011), ainsi que ceux provenant d'un modèle de mini-porcs pour augmenter la hauteur de gencive kératinisée autour des dents (Vignoletti et al., 2014).
Le but de cette revue est de présenter de façon détaillée les résultats cliniques et histologiques issus de l'utilisation de cette matrice de collagène tridimensionnelle comme substitut de tissu mou dans des techniques de chirurgie plastique parodontale.
Ces résultats ont été obtenus sur le modèle du mini-porc, en comparant l'utilisation du protocole LDC + MC (test) avec le LDC seul (témoin), pour traiter des récessions gingivales isolées de classe I de Miller (Vignoletti et al., 2011).
Au bout de 1 semaine, la matrice de collagène (MC) est visible dans le tissu conjonctif sous-jacent entourée d'un infiltrat inflammatoire essentiellement composé de leucocytes polymorphonucléaires. À l'intérieur de cet infiltrat inflammatoire, on trouve des cellules immatures d'allure fibroblastique et des bourgeons vasculaires. Un épithélium de jonction initial s'est également formé. La crête alvéolaire montre un remodelage marginal avec la présence d'ostéoclastes à la fois du côté périosté et du côté parodontal. Aucune cellule géante multinucléée ni de macrophages n'ont pu être identifiés en microscopie optique, excluant ainsi toute réaction à un corps étranger (fig. 1). Les échantillons témoins montrent un schéma de cicatrisation plus régulier. L'épithélium buccal atteint généralement la surface dentaire et l'épithélium de jonction est déjà en voie de formation. L'infiltrat inflammatoire se limite le plus souvent aux tissus supra-crestaux à proximité de la surface radiculaire. La crête osseuse montre des signes de remodelage, alors que l'espace desmodontal ne présente aucun changement significatif (fig. 2).
Après 1 mois de cicatrisation (fig. 3), le groupe MC montre une cicatrisation épithéliale presque complète par l'établissement d'un épithélium de jonction bien défini. On observe un petit infiltrat inflammatoire limité à la zone sous-créviculaire, alors que le reste du tissu conjonctif supra-crestal présente un aspect fibreux sain avec des fibroblastes et des bourgeons vasculaires dispersés. La matrice de collagène ne peut plus être différenciée du reste du tissu conjonctif supra-crestal. On note également la présence d'une formation de nouveau cément avec insertion de fibres de collagène.
Les échantillons témoins montrent un aspect histologique similaire, à l'exception de la présence d'une zone plus large d'infiltrat inflammatoire sous l'épithélium de jonction qui, dans certains échantillons, atteint la zone de l'encoche (fig. 4). L'épithélium atteint l'extrémité apicale de l'encoche sur la plupart des coupes, montrant de profondes invaginations. La surface osseuse est tapissée d'ostéoblastes aussi bien du côté parodontal que périosté de la crête.
Au bout de 3 mois, les échantillons du groupe test montrent une cicatrisation complète indiquant une maturation et une orientation des fibres satisfaisantes (fig. 5). L'épithélium de jonction est totalement établi alors que le compartiment du tissu conjonctif à ce niveau montre la formation d'un système d'attache fibrillaire inséré à l'intérieur du cément nouvellement formé dans la zone de l'encoche. Les échantillons témoins montrent un mode de cicatrisation similaire sauf que l'épithélium de jonction établi atteint généralement le voisinage de l'encoche, bien que s'y forme souvent un dépôt de néocément.
Les résultats provenant de l'évaluation histométrique sont présentés dans le tableau 1.
La distance entre la muqueuse marginale coronaire et l'extrémité la plus apicale de l'épithélium de jonction (Mc-EJa) est similaire dans les groupes test et témoin des échantillons à 1 mois. Au bout de 3 mois, le groupe témoin montre une prolifération apicale plus poussée de l'épithélium de jonction, alors que dans le groupe test, la longueur épithéliale reste stable. Cela entraîne la formation d'un épithélium de jonction plus court au bout de 3 mois, bien que les différences ne soient pas statistiquement significatives. D'un autre côté, la distance entre l'extrémité la plus apicale de l'encoche et l'étendue la plus coronaire du cément (Ea-Cce) est très similaire dans les groupes test et témoin des échantillons à 1 mois. Cependant, au bout de 3 mois de cicatrisation, le groupe test présente une longueur accrue de cément (Ea-Cce) par rapport au groupe témoin, bien que ces différences ne soient pas statistiquement significatives. Lors de l'évaluation de la perte osseuse, à 1 mois, le résultat net est positif dans les deux groupes traités ; en revanche, au bout de 3 mois, le groupe test montre une perte osseuse minime alors que le groupe témoin montre un gain minime.
Deux études ont évalué les résultats histologiques obtenus avec la matrice de collagène associée à un lambeau repositionné apicalement (groupe test) sur le modèle du mini-porc par rapport à un lambeau repositionné apicalement seul (groupe témoin). Une étude a évalué la cicatrisation précoce au bout de 1 semaine, 1 mois et 3 mois (Vignoletti et al., 2014), alors que la seconde a étudié la cicatrisation tardive au bout de 6 mois en comparant deux prototypes de matrices de collagène (Jung et al., 2011) M1 et M2 (Geistlich Pharma AG, Wolhusen, Suisse), préparés à partir de collagène porcin natif sans réticulation chimique additionnelle. Les deux matrices sont essentiellement composées de collagène de type I et III. La M1 est un prototype plus ancien préparé à partir de la même origine de collagène porcin et commercialisé en tant que produit fini (Mucograft, Geistlich Pharma AG), alors que la M2 est caractérisée par des propriétés physiques, mécaniques et biologiques très semblables à celles du produit fini (Mucograft, Geistlich Pharma AG), avec pour seule différence l'origine du collagène porcin utilisé.
Les stades précoces de cicatrisation qui se produisent au bout de 1 mois montrent, dans tous les échantillons (tests et témoins), des tissus marginaux très enflammés avec des fragments discontinus d'épithélium et une zone marginale très enflammée et très vascularisée. La crête alvéolaire montre la présence d'une résorption ostéoclastique, essentiellement du côté périosté (fig. 6).
Au bout de 1 mois (fig. 7), l'amélioration de la cicatrisation tissulaire est évidente. L'épithélium buccal s'est épaissi, en particulier dans les zones tests, avec de fines invaginations qui progressent en profondeur dans le tissu conjonctif. Les épithéliums sulculaire et jonctionnel sont fins et arrivent jusqu'à l'encoche. Le tissu conjonctif dans les zones tests présente une structure fibreuse saine avec des fibroblastes et des vaisseaux sanguins, ainsi qu'une dissémination de cellules inflammatoires. Dans les zones témoins, le tissu conjonctif présente des caractéristiques similaires.
Au bout de 3 mois, les deux zones (test et témoin) ont atteint la maturation du tissu épithélial. L'épithélium oral des zones tests présente un aspect normal, avec de fines et profondes invaginations s'étendant dans le tissu conjonctif sous-jacent, riche en vaisseaux et en cellules, principalement des fibroblastes mélangés au sein de la structure fibreuse. La différenciation des épithéliums kératinisés et non kératinisés est très prononcée au niveau de la ligne muco-gingivale (fig. 8). Le tissu conjonctif sous-jacent présente une structure fibreuse plus organisée dans le groupe test que dans les échantillons témoins. Dans les zones tests, l'infiltrat inflammatoire est situé sous les épithéliums sulculaire et jonctionnel, alors que dans les sites témoins, il s'étale largement à travers les fibres de collagène supra-crestales.
Jung et al. ont observé au bout de 1 mois la formation active de tissu fibro-conjonctif recouvert par un épithélium buccal contenant une couche kératinisée régulière (Jung et al., 2011). Ils notent des signes inflammatoires très légers et négligeables pour les deux matrices. La présence de résidus de matrice a été attribuée au processus de dégradation des matrices. Ces résidus ont été observés uniquement dans des sites traités avec la M2. Au bout de 6 mois, tous les sites sont totalement cicatrisés, avec la présence de tissu sous-muqueux et épithélial mature. On observe des fibres musculaires, des néovaisseaux et des signes d'innervation. On ne trouve aucun signe de réactions inflammatoires ni de résidu de la matrice dans les sites traités avec les deux types de matrices à ce stade plus avancé.
Les résultats provenant de l'évaluation histométrique sont présentés dans le tableau 2. Au bout de 1 semaine, on observe une perte osseuse post-chirugicale dans les deux groupes (test et témoin) et une tendance à une moindre résorption osseuse dans le groupe test après 1 et 3 mois de cicatrisation, mais sans différence statistique notable.
La dimension verticale des tissus supra-crestaux est très similaire dans les groupes test et témoin durant toute la durée de l'étude. En revanche, on observe un déplacement plus apical de la gencive marginale dans le groupe témoin à la fin de l'étude.
L'épaisseur de l'unité gingivale a également été mesurée à deux niveaux différents : la crête osseuse et l'encoche apicale. Après 1 semaine de cicatrisation, l'épaisseur est similaire aux deux niveaux et dans les deux groupes. En revanche, après 1 mois de cicatrisation, on note des différences statistiquement significatives lorsque l'on compare l'épaisseur de la gencive au niveau de l'encoche apicale (p = 0,014 3) et de la crête osseuse (p = 0,028 6). On n'observe pas une telle différence après 3 mois de cicatrisation. D'ailleurs, l'épaisseur de l'unité gingivale au niveau de l'encoche apicale montre une réduction statistiquement significative entre 1 et 3 mois de cicatrisation dans le groupe test.
Plusieurs études ont évalué les résultats cliniques de l'utilisation de la matrice en association avec un lambeau déplacé coronairement pour traiter des récessions gingivales. Récemment, un essai clinique multicentrique, randomisé et contrôlé a comparé les résultats obtenus après la technique LDC + MC et après un lambeau déplacé coronairement seul pour traiter des récessions gingivales isolées ou multiples (Jepsen et al., 2013) (fig. 9 à 11). Deux essais cliniques randomisés et contrôlés ont comparé l'association LDC + MC avec le gold standard GTC + LDC pour traiter des récessions gingivales isolées des classes I et II (McGuire et Scheyer, 2010 ; Cardaropoli et al., 2012). Par ailleurs, une série de cas a également fait l'objet d'une publication récente évaluant l'utilisation de la matrice de collagène en association avec le lambeau-enveloppe déplacé coronairement pour traiter des récessions gingivales multiples. Les résultats de ces études cliniques sont résumés dans le tableau 3.
Ces données permettent de conclure que le pourcentage de recouvrement radiculaire est supérieur avec l'association MC + LDC par rapport au lambeau déplacé coronairement seul, bien que les différences ne soient pas statistiquement significatives. L'analyse par régression multiple montre que pour des récessions ≥ 3 mm, l'association MC + LDC est significativement supérieure en termes de recouvrement radiculaire et d'augmentation gingivale que le lambeau déplacé coronairement seul. L'épaisseur gingivale et la quantité de gencive kératinisée sont significativement plus importantes avec l'association MC + LDC qu'avec le lambeau déplacé coronairement seul.
Dans une étude, le pourcentage de recouvrement radiculaire obtenu est significativement plus élevé pour la technique LDC + GTC que pour l'association LDC + MC (99,3 % contre 88,5 %) (McGuire et Scheyer, 2010), alors que dans une autre étude similaire, aucune différence significative n'a été rapportée entre le groupe test (LDC + MC) et le groupe témoin (LDC + GTC) (Cardaropoli et al., 2012).
Dans toutes les études, les patients du groupe test, significativement, éprouvent moins de douleurs, révèlent moins de morbidité et passent moins de temps au fauteuil durant le traitement chirurgical que ceux du groupe témoin.
Trois essais cliniques randomisés et contrôlés ont rapporté l'efficacité et les résultats cliniques obtenus avec la matrice collagénique hétérologue associée à un lambeau repositionné apicalement pour augmenter la bande de muqueuse kératinisée (MK) autour de dents et d'implants supports de restaurations prothétiques à 6 mois, en les comparant avec l'autogreffe de tissu conjonctif libre (Sanz et al., 2009 ; Lorenzo et al., 2012 ; Schmitt et al., 2013) (Fig. 12).
Les changements observés au niveau de la variable du résultat primaire (augmentation en tissu kératinisé) par les études précitées sont présentés dans le tableau 4.
En résumé, les résultats provenant de la littérature médicale existante montrent que l'association MC + LPA donne des résultats similaires à l'association LPA + GTC en termes d'augmentation de la hauteur de tissu kératinisé. Le gain obtenu est modéré, de l'ordre de 3 mm, dans les deux essais (Sanz et al., 2009 ; Lorenzo et al., 2012), alors qu'une autre étude plus récente montre un gain d'environ 9 mm (Schmitt et al., 2013).
On observe une récession muqueuse moyenne d'environ 0,5 mm après les deux techniques LPA + MC et LPA + GTC. On note un temps plus court passé au fauteuil pour le groupe LPA + MC. Les patients traités avec la technique LPA + MC ont éprouvé moins de douleur et ont eu moins besoin d'une prescription d'anti-inflammatoires. Les deux techniques chirurgicales permettent d'obtenir des résultats similaires et une harmonie en esthétique et en couleur au niveau des tissus adjacents.
Il existe des preuves à la fois histologiques et cliniques que cette nouvelle matrice tridimensionnelle cicatrise sans problème, aussi bien dans des conditions de cicatrisation enfouie que non enfouie. Bien que les différences observées ne soient par statistiquement significatives, on observe une tendance vers une moindre résorption osseuse vestibulaire et plus de régénération tissulaire dans les deux expérimentations. Lorsqu'elle est utilisée comme substitut de tissu mou pour augmenter la hauteur de gencive kératinisée ou de muqueuse, cette matrice se révèle aussi efficace et prédictible que la greffe de tissu conjonctif ; cependant, son utilisation est suivie d'une réduction significative de morbidité chez les patients. Par ailleurs, lorsqu'on l'utilise en association avec un lambeau déplacé coronairement, on peut s'attendre à une augmentation de la hauteur et de l'épaisseur de tissu kératinisé, bien que les résultats en termes de recouvrement radiculaire soient significativement plus importants pour les récessions gingivales larges (≥ 3 mm) par rapport à la technique du lambeau déplacé coronairement et soient similaires par rapport à la technique du lambeau déplacé coronairement + greffe de tissu conjonctif : c'est ce qui a été observé dans l'un des essais cliniques, mais pas dans l'autre. Par conséquent, sa prédictibilité dans le traitement des récessions gingivales localisées doit faire l'objet de plus amples recherches. De même, d'autres études sont nécessaires pour tester son efficacité dans le traitement des récessions multiples.
Les auteurs ont déclaré avoir des conflits d'intérêts concernant cet article.