Article
Frédéric CHICHE* Emmanuel GOUET** Maen ALISSA***
*Diplôme universitaire d’implantologie
chirurgicale et prothétique Paris VII
**Diplôme universitaire d’implantologie
chirurgicale et prothétique Paris VII
***Diplôme d’études spéciales en chirurgie
buccale
La résorption osseuse au niveau des sinus maxillaires constitue souvent un obstacle à la mise en place des implants ostéo-intégrés. Depuis de nombreuses années, les procédures chirurgicales de greffe de comblement sinusien permettent de recréer les conditions favorables à la mise en place d’implants dentaires dans le secteur maxillaire postérieur. Cet article présente une alternative au protocole classiquement décrit, en réduisant à une intervention unique les trois opérations chirurgicales habituellement proposées, à savoir l’élévation du plancher sinusien par voie latérale, la mise en place des implants et le vissage des piliers de cicatrisation. De juillet 2005 à juillet 2011, un total de 111 patients a été suivi après avoir réalisé 126 comblements sous-sinusiens à l’aide d’une xénogreffe d’origine bovine (Bio-Oss®). La hauteur osseuse sous-sinusienne était comprise entre 3 et 5 mm dans au moins un des sites implantaires et 276 implants à surface rugueuse (Osseotite®) ont été mis en place selon la technique « non enfouie », en même temps que la greffe sinusienne réalisée par voie latérale. Durant la période préprothétique, 14 implants ont été perdus, portant le taux de survie implantaire à 94,9 %. Le meilleur taux de survie relevé dans cette étude a été de 96,2 % et a été obtenu en positionnant une membrane résorbable (OsseoGuard®) sur la fenêtre d’accès de la paroi latérale du sinus avant la fermeture du site opératoire. Le taux de survie prothétique (suivi de 7 mois à 6 ans) atteint 100 %. À la lumière de cette étude, la procédure de mise en place d’implants non enfouis en même temps qu’une greffe de comblement sous-sinusien apparaît fiable et présente un taux de survie similaire à celui obtenu par le protocole de mise en place différée.
Bone resorption in the maxillar sinus area is often a problem in cases of osteointegrated implants. For many years from now, sinus filling using surgical techniques allowed to create favourable conditions for dental implants in the posterior maxillar area.
This article presents another technique aside from the classical surgical protocol, by reducing to a single operation the three usual surgeries : lateral sinus lift, implantation and screwing of the healing abutements. From july 2005 to july 2011, 111 patients have been followed after 126 subsinusal fillings using bovine xenograft (Bio-Oss®). Sinusal bone was from 3 to 5 mm height in at least one of the implantation sites and 276 rough surface implants (Osseotite®) have been placed using the non hidden technique, at the same time the sinus graft was done using lateral approach. During the preprosthetic time, 14 implants were lost, reducing the remaining implants to 94,2 %. The best implants survival rate in this study was up to 96,2 % and has been obtained by positioning a resorbable membrane (OsseoGuard®) on the access window of the lateral wall of the sinus, before closing of the operative site. The survival prosthetic rate (from 7 month to 6 years) is 100 %. Regarding this study, the non hidden implant placement procedure alongside the sinusal filling graft seems reliable and shows a survival rate equal to the surgical delayed loading protocol rate.
Au cours du temps, les cliniciens n’ont cessé d’étendre le champ d’application des implants ostéo-intégrés afin d’apporter aux patients des solutions fiables, reproductibles et peu invasives grâce à l’emploi de biomatériaux tout en limitant le nombre des interventions. La remise en question de nombreux dogmes, fondée sur l’amélioration des connaissances cliniques et biologiques, a ouvert de nouvelles perspectives de traitements efficaces tout en limitant les suites opératoires qui y sont associées. Les procédures de comblement sinusien ont connu également de nombreuses évolutions avant d’être reconnues, de nos jours, comme des techniques sûres, éprouvées et fiables. Ces techniques, qui ont vu le jour au cours des années 1970 avec les travaux de Tatum (Tatum, 1986) qui décline alors la technique de trépanation du sinus maxillaire (dite de Caldwell-Luc) en cherchant à préserver la membrane sinusienne sous laquelle il foule des copeaux d’os autogène prélevés à la crête iliaque, seront publiées dans les années 1980 par Boyne et James (1980). Par la suite, de nombreux protocoles seront proposés avec des modifications de la méthodologie initiale et l’emploi de matériaux de comblement divers. C’est en novembre 1996 qu’une conférence de consensus de Wellesley (Jensen et al., 1998) consacre la greffe sinusienne en tant que technique fiable et éprouvée mais souligne l’absence d’études prospectives randomisées parmi celles proposées. Cette lacune a été comblée depuis.
En 1994, la proposition de Summers de soulever le plancher sinusien par abord crestal, avec la possibilité de placer un ou plusieurs implants enfouis immédiatement, ouvre la voie des procédures moins invasives associées à la réduction du nombre des interventions chirurgicales (Summers, 1994). Si les critères de réalisation de cette technique dite « en aveugle » ont évolué, ils laissent une large place aux indications de comblement par abord latéral.
La littérature scientifique décrit des procédures de mise en place d’implants et de comblements sinusiens simultanés par voie latérale en technique enfouie. Seule une étude parue en 2010 s’intéresse au taux de survie d’une approche véritablement en un temps chirurgical (Lambert et al., 2010).
La présente étude complète les données de cette proposition thérapeutique qui consiste à réaliser, lors d’une seule intervention, une chirurgie d’augmentation du plancher sinusien par comblement osseux avec la mise en place immédiate des implants en suivant la technique non enfouie, c’est-à-dire en installant également les piliers de cicatrisation.
Cette approche originale présente de nombreux intérêts :
– une seule prémédication est administrée ;
– une seule chirurgie est réalisée ;
– une seule période de suites postopératoires est observée ;
– enfin, la période de cicatrisation est réduite à 8 mois avant la phase prothétique (au lieu des 12 à 14 mois proposés classiquement).
Tous les patients sélectionnés pour cette étude présentaient un édentement maxillaire postérieur encastré ou terminal, unilatéral ou bilatéral, dont le faible volume osseux initial ne permettait pas d’emblée la mise en place d’un ou de plusieurs implants. Nous avons établi que l’épaisseur minimale de la crête osseuse serait comprise entre 3 et 5 mm afin d’assurer la stabilité primaire des implants. Tous les patients ont répondu à un questionnaire médical et un entretien afin de s’assurer de l’absence de toute maladie systémique non équilibrée ou encore d’une pathologie incompatible avec une chirurgie buccale. Ils étaient non fumeurs ou nous ont déclaré fumer moins de 7 cigarettes quotidiennes au moment de la chirurgie. Lorsque l’examen clinique endobuccal et l’examen radiographique permettaient de déceler une maladie parodontale, le patient était orienté vers un parodontiste pour une prise en charge spécifique. L’état parodontal était traité, stabilisé et réévalué avant la phase implantaire.
Un examen tomodensitométrique de type cone beam à champ large a été réalisé systématiquement au cabinet dentaire (Kodak 9500) afin de contrôler la ventilation sinusienne, l’état non inflammatoire de la membrane de Schneider et l’épaisseur du plancher osseux sinusien. Lorsqu’un sinus présentait un épaississement anormal de la membrane ou une image évoquant une possible pathologie, le patient était adressé à un médecin ORL pour qu’il conduise les soins nécessaires à l’assainissement de la situation et confirme, au terme de sa thérapeutique, la faisabilité du comblement sinusien avec un maximum de sécurité.
Durant la semaine qui a précédé l’intervention, chaque patient a bénéficié systématiquement d’une séance de détartrage minutieux.
Le matin de l’intervention, une couverture antibiotique à base d’amoxicilline à raison de 2 g/j pendant 10 jours a été prescrite, ainsi que des anti-inflammatoires non stéroïdiens (prednisolone à 60-80 mg, traitement commencé le matin de l’intervention et poursuivi pendant 2 jours). En cas d’allergie à la pénicilline, la prémédication antibiotique s’est orientée vers le métronidazole (de 500 à 750 mg/j) associé à la spiramycine (de 3 à 4,5 MUI/j) pendant 10 jours.
La prise d’antalgique (paracétamol) a été recommandée dès la fin de l’intervention de manière systématique et poursuivie jusqu’à la disparition des signes douloureux. Le patient commençait des bains de bouche à la chlorhexidine dans les 24 heures qui suivaient l’intervention.
Après désinfection buccale à l’aide d’une solution de povidone iodée, une anesthésie locale est pratiquée par infiltration vestibulaire et palatine d’articaïne adrénalinée à 1/100 000. Une incision crestale antéro-postérieure est réalisée jusqu’au contact de la face distale de la dent bordant l’édentement. Une incision sulculaire vestibulaire poursuit le tracé complété par une décharge verticale antérieure. Le lambeau de pleine épaisseur est ensuite récliné pour atteindre la paroi osseuse latérale du sinus maxillaire. La corticotomie osseuse est réalisée à l’aide d’une fraise boule diamantée montée sur une pièce à main chirurgicale irriguée à l’aide de sérum physiologique stérile.
Si le fragment osseux accolé à la membrane de Schneider se décolle facilement, il est enlevé ; sinon, il est maintenu et récliné délicatement avec la membrane sinusienne sous-jacente à l’aide des curettes prévues à cet effet (Cas clinique n° 1 : fig. 1 à 6).
Le décollement se poursuit de proche en proche en gardant le bord tranchant des curettes au contact osseux et progresse jusqu’à atteindre la paroi médiale du sinus. Les émergences des implants sont repérées à l’aide du guide chirurgical puis marquées à l’aide d’une fraise boule. Les forets implantaires sont ensuite utilisés en respectant la séquence prévue pour les implants sélectionnés. Durant les phases de fraisage, la membrane sinusienne est protégée en permanence à l’aide d’un décolleur.
L’intégrité de la membrane est contrôlée avant de commencer le comblement. Le biomatériau est hydraté à l’aide à l’aide d’un mélange de sérum physiologique et de sang prélevé lors de l’incision du lambeau. Ce mélange est transporté dans le sinus à l’aide d’une seringue à insuline stérile dont l’extrémité est découpée, puis condensé à l’aide d’un fouloir. Dans les cas de perforation, une membrane résorbable OsseoGuard® (Biomet 3i™) est apposée pour recouvrir largement la déchirure afin d’en garantir l’herméticité et permettre la poursuite de l’intervention (Cas clinique n° 2 : fig. 7 à 11).
Les implants sont ensuite mis en place au contre-angle dynamométrique et vissés à un couple maximum de 45 Ncm, sans attendre le blocage de l’implant dans son logement. L’insertion est stoppée dès que le col de l’implant atteint sa position juxta-crestale. Les piliers de cicatrisation sont vissés sur les implants à un couple de 10 Ncm, puis le comblement se poursuit autour des implants en rajoutant et en condensant le biomatériau (Cas clinique n° 3 : fig. 12 à 15).
Différents articles concernant la pertinence de la mise en place d’une barrière biologique, publiés lors du déroulement de cette étude, nous ont amenés à recouvrir la fenêtre d’accès latérale par une membrane collagénique résorbable (OsseoGuard®) avant la fermeture du lambeau. Dans les cas de fenêtre latérale étendue, la membrane est fixée à l’aide de 2 ou 3 punaises en titane fixées en mésial et en distal.
Le lambeau est repositionné autour des piliers de cicatrisation et suturé par des points séparés avec du fil résorbable (en Vicryl 5.0). Des points séparés assurent également la suture de l’incision verticale.
Le site opératoire est ensuite nettoyé au sérum physiologique et inspecté. Si le patient est porteur d’une prothèse adjointe de temporisation en résine, celle-ci est soigneusement évidée en regard des piliers et ne sera pas rebasée par la suite afin d’éviter tout contact sur les implants durant la période de cicatrisation. Enfin, des recommandations postopératoires sont prodiguées oralement et remises par écrit au patient. Une visite de contrôle est prévue dans les 12 à 15 jours suivants afin de vérifier les sutures résorbables et de les déposer si elles sont détendues. Des visites de contrôle clinique et radiologique sont prévues 2, 4, 6 et 8 mois après l’intervention. Au terme de cette période, l’ostéo-intégration est confirmée. Les piliers de cicatrisation sont dévissés puis revissés à 10 Ncm et le patient est adressé à son praticien traitant pour réaliser la restauration implanto-prothétique.
Les implants vissés de forme droite et cylindrique (NT, Biomet 3i™) ont été sélectionnés pour traiter l’ensemble des patients. Ils présentent un état de surface rugueux nommé surface Osseotite®, obtenu par un double mordançage à l’acide chlorhydrique et à l’acide sulfurique montés en température. Le diamètre des implants (4, 5 et 6 mm) a été adapté à l’épaisseur initiale de la crête osseuse. La longueur moyenne de référence que nous nous sommes donnée atteignait 13 à 15 mm, ce qui a été respecté dans la majorité des cas (fig. 16).
Un pilier de cicatrisation en titane, sélectionné en hauteur de façon à émerger d’au moins 1 mm au-dessus de la muqueuse péri-implantaire, a été systématiquement vissé sur chaque implant avec un couple de 10 Ncm à l’aide d’une clé dynamométrique.
Une xénogreffe d’hydroxyapatite d’origine bovine a été utilisée dans cette étude (Bio-Oss®, Geistlich) pour traiter l’ensemble des patients sous deux formes granulométriques (0,25-1 mm ou 1-2 mm). Ce substitut osseux, qui se résorbe faiblement, a démontré, grâce à de nombreuses études histologiques, histomorphométriques et cliniques, son intérêt dans le cadre des comblements sinusiens à visée implantaire (Bassil et al., 2013).
L’étude porte sur 276 implants placés dans 126 sinus chez 111 patients (64 femmes, 47 hommes) opérés par un même chirurgien et regroupe les cas de mise en place d’implants non enfouis et de comblement sinusien par voie latérale simultanés. Sur l’ensemble des patients, 15 d’entre eux ont bénéficié d’un comblement bilatéral réalisé lors de la même intervention.
Les résultats ont été collectés de juillet 2005 à juillet 2011 et enregistrent les taux de survie de ce protocole (maintien de la prothèse et/ou des implants en bouche). L’ensemble des comblements a été réalisé à l’aide de particules d’hydroxyapatite d’origine bovine (Bio-Oss®) dans des granulométries différentes (0,25-1 ou 1-2 mm) selon les cas et a été complété ou non par la mise en place de membranes de collagène résorbables OsseoGuard® fixées ou non par des punaises en titane selon l’étendue de la fenêtre. Les implants rugueux de la marque Biomet 3i™ ont été mis en place au cours de la même chirurgie. Leur nombre variait de 1 à 4 selon l’étendue du secteur édenté (tableau 1) et ils ont tous reçu des piliers de cicatrisation de manière à ne pas être enfouis en fin de chirurgie. Comme pour toute intervention pratiquée au cabinet, les patients ont été revus en visite de contrôle et pour des soins pos-opératoires dans les 10 à 15 jours suivants.
Les contrôles cliniques et radiographiques préprothétiques ont été réalisés pendant les 8 mois suivant l’intervention pour confirmer l’ostéo-intégration des implants. Ensuite, il a été demandé aux praticiens référents de réaliser les prothèses implanto-portées fixées.
Sur les 276 implants non enfouis mis en place en même temps que le comblement sinusien, 14 ont été perdus avant la phase prothétique, et ce indépendamment de la nature du secteur antagoniste : 8 implants ont été perdus en site de première molaire et 6 en site de seconde molaire. Le dernier a été déposé en octobre 2010. Aucune prothèse n’a été déposée depuis le début de l’étude. Cela porte le taux moyen de survie implantaire à 94,9 % (de 94,6 % à 96,2 %) et le taux de survie prothétique à 100 %. Le meilleur taux de survie implantaire de 96,2 % a été observé dans les cas de comblement sinusien réalisé avec membrane résorbable (OsseoGuard® Biomet 3i™) apposée sur la fenêtre latérale.
La sélection des patients a été conduite selon les critères médicaux précédemment décrits sans tenir compte de l’âge des candidats. La moyenne d’âge atteint 61 ans (de 37 ans pour le plus jeune à 76 ans pour le plus âgé). L’âge est susceptible d’influer sur le processus cicatriciel à travers le ralentissement du métabolisme osseux qu’il implique. Toutefois, si l’état général des patients l’autorise, il ne représente pas en soi une contre-indication au traitement. Pour l’ensemble des patients, une période de cicatrisation de 8 mois a été respectée avant de contrôler l’ostéo-intégration et de réadresser le patient au confrère réalisant la phase prothétique.
Les patients fumeurs n’ont pas été écartés de cette étude. Plusieurs études rapportent un taux d’échec des implants mis en place dans des sinus maxillaires greffés plus important pour les fumeurs que les non-fumeurs (Jensen et al., 1998 ; Levin et al., 2005). Deux études rétrospectives rapportent des données similaires tout en spécifiant qu’il n’a pas été possible d’établir un lien entre le nombre des implants perdus par patient et le nombre de cigarettes consommées quotidiennement (Kan et al., 1999, 2002).
Toutefois, d’autres auteurs considèrent que le tabagisme ne constitue pas un facteur de risque d’échec statiquement significatif (Tonetti et al., 2008 ; Pjetursson et al., 2008 ; Peleg et al., 2006). Une récente revue systématique conclut que « bien que le tabagisme ait été associé à l’échec de l’implant dans la plupart des études individuelles et dans les méta-analyses en général, l’effet néfaste du tabagisme n’a pas été confirmé lorsque seules des données prospectives ont été évaluées » (Chambrone et al., 2014). Les patients inclus dans cette étude ont affirmé ne pas fumer plus de 7 cigarettes par jour avant la chirurgie et pendant la période de cicatrisation.
Concernant la prémédication des patients, la prescription qui leur a été fournie suit les orientations générales de prévention du risque d’infection du sinus maxillaire. Elle consiste en une antibioprophylaxie péri-opératoire et l’administration de corticostéroïdes pour assurer la perméabilité de l’ostium maxillaire (Pignataro et al., 2008).
L’examen tomodensitométrique a été systématique afin de retenir les candidats présentant une hauteur minimale de 3 à 5 mm au niveau du plancher sinusien. Cette épaisseur permet d’assurer l’ancrage primaire de l’implant. Une étude a montré que ce facteur influençait nettement le taux de survie des implants positionnés dans le comblement sinusien (Geurs et al., 2001).
Lors de cette étude, tous les comblements sous-sinusiens ont été réalisés à l’aide d’une xénogreffe d’hydroxyapatite d’origine bovine. Selon une revue systématique (Tonetti et al., 2008), le taux de survie des implants rugueux mis en place dans les comblements sinusiens apparaît élevé indépendamment du matériau utilisé (os autologue combiné ou non à un substitut osseux, substitut osseux seul). Si l’os autologue était considéré initialement comme le matériau de comblement le plus efficace, il semble délaissé au profit de l’hydroxyapatite d’origine bovine qui évite le recours à un site de prélèvement osseux tout en offrant des taux de survie implantaires très importants (Lambert et al., 2011), identiques ou même supérieurs à ceux obtenus avec l’os autologue (Valentini et Abensur, 1997 ; Valentini et al., 2000 ; Tawil et Mawla, 2001).
Inversement, selon une étude (Aghaloo et Moy, 2007), le taux de survie des implants placés dans des sinus greffés à l’aide d’os autologue seul ou mélangé à un biomatériau serait inférieur à celui des implants placés dans une xénogreffe bovine seule (respectivement 92 et 95,6 %).
Les preuves histologiques et cliniques d’une néoformation osseuse prévisible dans les cas de comblement sinusien à l’aide de granules d’hydroxyapatite bovine ont été rapportées par une étude (Nevins et al., 2011). L’ensemble de ces résultats incite à l’emploi d’un biomatériau seul évitant le recours à de l’os autologue prélevé sur un second site opératoire. Le choix de la granulométrie a été décidé en tenant compte du volume de la cavité sinusienne. Nous avons arbitrairement utilisé des particules fines pour les petits sinus et réservé les particules larges aux sinus étendus, pour les combler plus rapidement lors de la chirurgie. Dans notre étude, les meilleurs taux de survie ont été obtenus en utilisant la granulométrie fine : 92,3 % pour la granulométrie 1-2 mm et 95,7 % pour la granulométrie 0,25-1 mm. Ces résultats ne sont pas en accord avec l’étude clinique et histomorphométrique de Chackartchi et al. qui rapportent des résultats équivalents pour les deux granulométries (Chackartchi et al., 2011). Nous attribuons cette différence de résultats à un manque d’habitude de manipulations des particules larges. En effet, depuis l’origine, nous avons systématiquement utilisé des particules fines pour réaliser des augmentations sous-sinusiennes et avons, pour la première fois lors de cette étude, opté pour des particules larges.
Tous les implants Biomet 3i™ utilisés présentaient un état de surface rugueux. Cet état de surface Osseotite® est obtenu par une double attaque acide de la surface en titane et présente une homogénéité des rugosités de 1 à 3 µm. Cette caractéristique confère aux implants Osseotite® une réduction du délai d’ostéo-intégration (Sullivan et al., 2005 ; Testori et al., 2002) et de meilleurs résultats (taux de survie implantaire optimisé) par rapport à ceux obtenus avec des implants à l’état de surface usiné (Garlini et al., 2003 ; Stach et al., 2003 ; Testori et al., 2001 ; Feldman et al., 2004 ; Davarpanah et al., 2002). Cette qualité est particulièrement recherchée dans le cas d’un os peu dense comme on l’observe dans les sites du maxillaire postérieur. L’extension de la surface Osseotite® jusqu’à la région du col implantaire n’augmente pas le risque de péri-implantite comme le démontre une étude prospective, multicentrique et randomisée conduite sur 5 années (Zetterqvist et al., 2010). Cet état de surface répond à la dénomination « implants rugueux » lesquels présentent, dans les sinus greffés, un taux de survie significativement meilleur que les implants à surface usinée (Del Fabbro, 2004 ; Tonetti et al., 2008). La surface Osseotite®, obtenue par soustraction et proposée dès 1996, n’a subi aucune modification depuis. Elle a fait l’objet de nombreuses publications (Lazzara et al., 1998, 1999 ; Grunder et al., 1999).
Plus récemment, une fine couche résorbable de cristaux de phosphate de calcium (Discrete Crystaline Deposition), de l’ordre de 10 à 100 nm a été apposée sur la surface Osseotite® afin d’activer l’ostéo-intégration dans les premiers jours de la cicatrisation osseuse (Ostman et al., 2010, 2013 ; Mohamed et al., 2010 ; Telleman et al., 2010). L’état de surface ainsi créé, dénommé NanoTite™ (Biomet 3i™), correspond à un dépôt « discret » de cristaux de phosphate de calcium. Ce revêtement recouvre de manière discontinue la surface de l’implant et lui conférerait un comportement bioactif améliorant la qualité de la cicatrisation osseuse de manière significative dans l’os natif (Telleman et al., 2010). Plusieurs études montrent un développement osseux péri-implantaire plus rapide et plus important de la surface NanoTite™ que de la surface Osseotite® (Goené et al., 2007 ; Orsini et al., 2007). Une étude récente suggère le contraire (Abrahamsson et al., 2013). Quant à celle menée par Browaeys et al. et qui visait à vérifier, sur le plan histomorphométrique, si la nanotopographie des implants influençait la réponse osseuse en cas de mise en charge immédiate et de comblement sinusien simultanés (prélèvement osseux autologue iliaque mélangé à du Bio-Oss®), ses conclusions ne retiennent pas de résultats significativement différents entre les deux surfaces (Browaeys et al., 2013).
Dans cette étude, le comportement des deux surfaces rugueuses s’est montré comparable en fournissant des taux de survie implantaire similaires. La sélection d’implants de forme droite ou conique a été guidée par l’impératif clinique d’obtenir un ancrage mécanique satisfaisant. Les implants coniques ont montré un meilleur taux de survie que les implants droits avec des valeurs respectives de 96 et 93,07 %. Cette différence significative peut s’expliquer par une meilleure stabilité primaire liée à l’augmentation des pressions latérales s’exerçant sur le site osseux lors du vissage d’un implant conique. Concernant le protocole de mise en place différée ou non des implants, une revue de littérature a montré que les taux de survie des implants mis en place lors de la greffe sinusienne ou de manière différée, suivant la technique enfouie, étaient équivalents (Del Fabbro et al., 2004). La stabilité primaire des implants demeure la condition essentielle du succès. Les hauteurs moyennes d’os alvéolaire sous-sinusien relevées dans une revue de la littérature (Jensen et Terheyden, 2009) correspondent à 2,9 mm pour le protocole de mise en place différée et à 4,4 mm pour la mise en place simultanée. Ces valeurs peuvent atteindre 2 à 4 mm pour le protocole simultané selon deux autres études (Mardinger et al., 2007 ; Mangano et al., 2007).
De plus, en se fondant sur une revue de littérature portant sur 48 études et 12 020 implants dans des sites greffés par la technique du volet latéral, Pjetursson et al. rapportent un taux de survie implantaire de 90,1 % à 3 ans et révèlent des résultats supérieurs en termes de taux de survie des implants mis en place en différé par rapport à ceux positionnés en même temps qu’un comblement sinusien par voie latérale (90,1 % contre 88,5 %) (Pjetursson et al., 2008).
Si les études rapportent des résultats favorables à un protocole de comblement sinusien et de mise en place simultanée d’implants suivant la technique enfouie, très peu en proposent un véritablement en un temps regroupant ainsi l’élévation de sinus par voie latérale, la mise en place du ou des implants et la pose du pilier de cicatrisation.
L’une d’elles se distingue par cette approche en un temps et présente des résultats très favorables pour cette option (Lambert et al., 2010). L’équipe de l’université de Liège obtient un taux de survie de 100 % pour la prothèse (40 patients, 50 comblements sinusiens, 102 implants suivis entre 2 et 6 ans). Le taux de survie implantaire atteint 98 % pour cette même période car 2 implants ont été perdus avant la phase prothétique.
La technique que nous avons suivie pour cette étude présente un taux global de survie de 94,9 % pour les 276 implants positionnés dans les 126 comblements sinusiens réalisés. Ce taux de survie est inférieur à celui de l’étude conduite par l’équipe liégeoise mais porte sur un plus grand nombre d’implants (276 contre 102). Une autre différence importante concerne l’épaisseur du plancher qui est comprise entre 3 et 5 mm dans notre étude alors que dans celle de Lambert et al., elle dépasse 5 mm pour la moitié des implants. Toutefois, tous nos résultats s’inscrivent dans les valeurs énoncées par différentes études de mise en place d’implants en différé dans des comblements accomplis à l’aide d’hydroxyapatite bovine (Del Fabbro et al., 2004).
Enfin, le meilleur taux de survie relevé dans cette étude (96,2 %) a été obtenu en utilisant, dans un quart des cas (tableau 2) une membrane résorbable sur la fenêtre d’accès (le taux de survie en l’absence de membrane est de 94,6 %), ce qui corrobore les résultats d’autres études (Tawil et al., 2001 ; Wallace et al., 2005). Aucun des 22 implants placés en présence d’une membrane fixée n’a été perdu (taux de survie de 100 %). Toutefois, leur faible nombre (tableau 3) n’a pas permis de déterminer si l’emploi de punaises en titane pour immobiliser la membrane ou bien le simple fait d’appliquer cette dernière sur la greffe avant de repositionner le lambeau avait une incidence sur le taux de succès implantaire. Les punaises en titane ont été employées afin d’obtenir une barrière mécanique stable contre le refoulement du matériau de greffe parfois observé en présence de sinus très volumineux et de fenêtres d’accès étendues.
Cette étude démontre que la chirurgie en un temps de mise en place d’un ou de plusieurs implants non enfouis et de comblement sinusien à l’aide d’une xénogreffe d’origine bovine simultanés offre une procédure moins invasive mais aussi fiable et reproductible qu’une technique en deux temps dans les traitements implanto-prothétiques des secteurs postérieurs édentés maxillaires.
Ce protocole complexe permet de réduire à une seule le nombre des étapes chirurgicales pour l’ensemble du traitement ainsi que le temps de cicatrisation tout en conservant un taux de survie comparable à celui obtenu lors du protocole classique comprenant de multiples interventions étalées dans le temps. La réussite de cette technique dépend de la mise en œuvre simultanée de nombreuses procédures qui doivent se superposer lors d’un acte chirurgical unique et dans un minimum de temps afin d’assurer la sécurité et le confort du patient. La sélection rigoureuse des patients, le type de temporisation ainsi que la maîtrise des multiples paramètres chirurgicaux nous ont permis de proposer de façon routinière ce protocole minutieux, même si des études ultérieures doivent encore être menées afin d’améliorer la connaissance des facteurs qui fondent sa fiabilité.