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Jean-François KELLER* Damien FEUILLET** Philippe RODIER***
*Docteur en chirurgie dentaire, ancien interne, assistant hospitalo-universitaire
**Docteur en chirurgie dentaire, ancien interne, ancien assistant hospitalo-universitaire, attaché hospitalo-universitaire
***Docteur en chirurgie dentaire, maître de conférence des universités, praticien hospitalier, responsable d’unité fonctionnelle et chef de département de parodontologie
Faculté d’odontologie, université Claude Bernard Lyon 1
Les défauts infra-osseux sont des lésions parodontales au pronostic réservé. La réduction du niveau d’attache résiduel, l’augmentation de la profondeur des poches et, souvent, l’apparition d’une mobilité secondaire sont autant d’éléments de pronostic défavorable. À l’inverse des thérapeutiques implantaires, les thérapeutiques parodontales et plus particulièrement la régénération parodontale des défauts infra-osseux sont des thérapeutiques difficiles à mettre en œuvre avec une moins bonne prédictibilité. En effet, de nombreux facteurs affectent les résultats du traitement parodontal des défauts infra-osseux. L’évaluation de l’état de santé du patient, l’analyse des caractéristiques anatomiques du défaut et le choix de la thérapeutique parodontale sont indispensables pour déterminer le pronostic et améliorer le résultat du traitement des défauts infra-osseux.
Infra-bony defects are periodontal lesions associated to a poor prognosis. The low level of residual attachment, the deep pocket, the functional request of the patient and often the secondary mobility are so many elements of unfavourable prognosis. Contrary to the implant therapy, periodontal therapy and more particularly regeneration of infra-bony defects are more complex with a worse lower predictibility. Indeed, numerous factors affect the results of the infra-bony treatment. Evaluation of the health of the patient, analysis of anatomical characteristics of the defect, choice of the periodontal therapy are essential to determine the prognosis of the infra-bony treatment.
La spécificité et la pathogénicité bactérienne ainsi que la prédisposition du patient au développement de l’infection influencent la distribution et la vitesse de progression de la maladie parodontale. Une évolution plus rapide de la perte d’attache sur un site par rapport au reste de la cavité buccale entraîne l’apparition d’une lésion parodontale infra-osseuse (Waerhaug, 1979).
Les défauts infra-osseux (ou angulaires) et les défauts intra-osseux sont définis comme des lésions parodontales dont le fond de la poche est situé apicalement au sommet de la crête osseuse adjacente. Ces lésions parodontales ont longtemps été considérées comme un défi clinique. La plupart des auteurs estiment que ces dents ont un pronostic réservé. Le faible niveau d’attache résiduel, la poche profonde, une demande fonctionnelle et souvent la mobilité secondaire sont autant d’éléments de pronostic défavorable. De plus, la persistance fréquente de poches profondes en fin de traitement des défauts infra-osseux est associée à une augmentation du risque de perte dentaire au cours de la thérapeutique parodontale de soutien (Matuliene et al., 2008).
Au moyen d’une revue de la littérature scientifique, nous déterminerons quels sont les facteurs capables d’influencer le traitement des défauts infra-osseux (Cortellini et Tonetti, 2000). Nous aborderons successivement les caractéristiques du patient, les aspects du défaut et les modalités thérapeutiques pouvant affecter le pronostic du traitement des défauts infra-osseux (Kornman et Robertson, 2000). Nous tenterons également de déterminer les limites du traitement des défauts infra-osseux.
En ce qui concerne les facteurs liés au patient, quatre paramètres ont été parfaitement identifiés (Cortellini et Tonetti, 2000).
La consommation de tabac est un facteur d’exposition ayant une forte influence sur la survenue des parodontites ainsi que sur le résultat et le pronostic à long terme des thérapeutiques parodontales (Palmer et al., 2005). De façon similaire, Tonetti et son équipe ont observé l’influence néfaste de la consommation de tabac sur la régénération des défauts infra-osseux (Tonetti et al., 1995). En effet, 1 an après la chirurgie de régénération tissulaire guidée, les fumeurs (sujets ayant une consommation supérieure à 10 cigarettes par jour) présentaient des gains d’attache significativement moins importants que les sujets non fumeurs (respectivement 2,1 ± 1,2 mm contre 5,2 ± 1,9 mm ; p < 0,000 1). L’effet du tabac reste significatif après ajustement du contrôle de plaque et de la morphologie des défauts infra-osseux (Patel et al., 2012).
Lors du traitement des défauts infra-osseux, la réduction de la consommation du tabac, voire le sevrage tabagique font partie intégrante du plan de traitement.
La capacité à maintenir un haut niveau d’hygiène a également été associée à une amélioration du gain d’attache lors de chirurgies de régénération tissulaire guidée (Cortellini et al., 1994). La majorité des études évaluant la régénération des défauts infra-osseux imposent un excellent contrôle de plaque avec un indice de plaque inférieur à 25 % (O’Leary et al., 1972).
Il est du ressort du praticien de s’assurer de l’amélioration du contrôle de plaque avant de réaliser tout traitement d’un défaut infra-osseux.
La persistance d’une infection parodontale est associée à une moindre cicatrisation des défauts infra-osseux (Tonetti et al., 1993 ; Machtei et al., 1994). La persistance de saignement au sondage (aussi bien au niveau du site à régénérer que dans l’ensemble de la cavité buccale) présente un impact négatif sur le gain d’attache (Tonetti et al., 1996).
La réalisation d’une thérapeutique étiologique et la réduction de l’inflammation parodontale sont indispensables avant de traiter les défauts infra-osseux (fig. 1 à 5).
En l’absence de contrôle de plaque supra-gingivale adéquat, la recolonisation sous-gingivale des bactéries parodontopathogènes est observée sous 40 à 120 jours (Slots et al., 1979). Le contrôle de plaque est un élément déterminant du succès des thérapeutiques régénératrices (Axelsson et Lindhe, 1981). La désorganisation des biofilms sous-gingivaux associée à un contrôle de plaque supra-gingivale optimum reste un élément clé du succès de la thérapeutique parodontale (Ramfjord et al., 1973 ; Mombelli et al., 1995).
Le rôle de la thérapeutique parodontale de soutien sur la cicatrisation de défauts infra-osseux a été évalué par Rosling et son équipe (Rosling et al., 1976a). Après la réalisation d’un traitement parodontal, comprenant l’enseignement des méthodes d’hygiène, et de détartrages-surfaçages radiculaires complétés de lambeaux de Widman modifiés, les patients sont répartis en deux groupes. Les patients du groupe test sont revus en maintenance toutes les 2 semaines pendant 2 ans. Les patients du groupe contrôle ne sont revus que 1 fois par an. Après 6 mois de cicatrisation, un gain d’attache de 3 mm est observé pour le groupe test alors qu’une perte d’attache affecte le groupe contrôle. Pour le groupe test, un « comblement » radiographique complet est observé au bout de 6, 12 et 24 mois pour tous les défauts infra-osseux (64 défauts à deux parois et 60 défauts à trois parois). En revanche, dans le groupe contrôle, seuls 4 des 62 défauts à deux parois et 10 des 40 défauts à trois parois présentent un « comblement osseux » à l’examen radiographique.
Bien que difficilement applicable à une activité quotidienne, cette étude démontre l’intérêt de la coopération des patients à une thérapeutique parodontale de soutien efficace. Le succès de la cicatrisation des défauts infra-osseux ne dépend pas exclusivement de la modalité thérapeutique mais aussi et surtout du contrôle rigoureux de l’infection assuré par la fréquence et la qualité des visites de maintenance (Rosling et al., 1976a, 1976b).
La morphologie du défaut joue un rôle considérable dans la réponse de cicatrisation à la régénération tissulaire guidée.
Les défauts infra-osseux sont habituellement décrits en fonction du nombre de parois qui les entourent (Goldman et Cohen, 1958). Ceux à une paroi sont des défauts parodontaux limités par un mur osseux et la surface de la dent. Ceux à deux parois sont des défauts parodontaux limités par deux murs osseux et la surface de la dent. Ceux à trois parois sont des défauts parodontaux limités par trois murs osseux et la surface de la dent.
Le nombre de parois du défaut semble affecter son potentiel de cicatrisation. Cette dernière pourrait être dépendante de la position et de l’étendue de la source de cellules du parodonte avoisinant. Les défauts infra-osseux à une paroi présentent une source de prolifération cellulaire limitée à la partie apicale du défaut. Les lésions à deux ou à trois parois présentent en plus une source latérale de prolifération cellulaire qui permet une cicatrisation plus prédictible. Cependant, de nombreux auteurs n’ont pas observé de différence de régénération entre les différents types de défauts (Tonetti et al., 1993, 1996). Dans une étude rétrospective concernant 26 défauts infra-osseux proximaux traités par régénération tissulaire guidée (au moyen d’une membrane non résorbable), Selvig et ses collaborateurs constatent que le degré d’atteinte crestale, la circonférence, le nombre de faces dentaires concernées et la forme des parois osseuses dans le fond du défaut n’influencent pas la régénération parodontale (Selvig et al., 1993). En revanche, gain d’attache et fermeture du défaut osseux sont corrélés à la profondeur de la composante à trois parois du défaut osseux.
Plus le défaut est profond et plus le gain osseux et le gain d’attache sont importants (Garrett et al., 1988). Les défauts supérieurs à 3 mm présentent significativement plus de gain d’attache que les défauts moins importants. Cependant, les potentiels de régénération semblent similaires pour les défauts profonds et peu profonds. Lorsque le gain d’attache clinique est exprimé en pourcentage de fermeture du défaut infra-osseux, les résultats observés sont comparables (Cortellini et Tonetti, 2000) (fig. 6 à 13).
La largeur du défaut affecte le résultat de la cicatrisation des défauts infra-osseux. Cette largeur est exprimée par l’angle formé par le mur osseux et le grand axe de la dent.
Dans une étude prospective, Steffensen et Weber ont évalué l’influence de l’angle du défaut sur la fermeture de ce dernier après réalisation de lambeaux de Widman modifiés (Steffensen et Weber, 1989). Un an et demi après la thérapeutique chirurgicale, un gain osseux de 1,22 mm est observé pour les défauts inférieurs à 45° des dents monoradiculées. Un gain osseux de 0,05 mm est observé pour ceux compris entre 90 et 45°. Pour les défauts ayant un angle supérieur à 90°, une perte osseuse de 0,05 mm est objectivée. Pour les dents pluriradiculées, les résultats obtenus sont plus défavorables. Un gain osseux de 0,06 mm est observé pour les défauts ayant un angle inférieur à 45°. Cette valeur de 45° semble être la valeur limite de la cicatrisation osseuse (fig. 14 à 17).
De façon similaire, la largeur du défaut influence la quantité de régénération parodontale lors de la réalisation d’une chirurgie de régénération tissulaire guidée (Tonetti et al., 1993). Les défauts inférieurs à 25° ont présenté un gain d’attache significativement plus important (en moyenne 1,5 mm) que les défauts supérieurs à 37° (Cortellini et Tonetti, 1999). Lors de la régénération de défauts infra-osseux par Emdogain®, des variations significatives de gain d’attache sont observées en fonction de l’angle du défaut (p = 0,047 7) (Tsitoura et al., 2004). Pour chaque degré supplémentaire de l’angle radiologique du défaut infra-osseux, le gain d’attache diminue de 0,04 ± 0,02 mm. La probabilité d’obtenir un gain d’attache supérieur ou égal à 4 mm est 2,5 fois plus faible pour les angles larges (supérieurs à 36°) que pour les angles étroits (inférieurs à 22°). Cette diminution de la régénération serait secondaire à l’effondrement postopératoire de la membrane et/ou du lambeau dans le défaut (Kornman et Robertson, 2000).
Dans une étude rétrospective concernant 208 défauts infra-osseux traités par régénération tissulaire guidée, Cortellini et Tonetti ont mis en évidence le fait que la perte de vitalité pulpaire n’altérait pas la réponse au traitement (Cortellini et Tonetti, 2001). Après 1 an de cicatrisation, les dents traitées endodontiquement (traitement de bonne qualité avec absence de lésion péri-apicale) présentaient une fermeture radiologique du défaut similaire à celle des dents vivantes (respectivement 73 ± 26,4 % et 72,8 ± 42,2 %). De plus, la stabilité des tissus régénérés était équivalente et ne présentait aucune perte d’attache supérieure à 1 mm pour chacun des deux groupes après 5,4 ± 2,8 ans de suivi.
Une hauteur de gencive kératinisée inférieure à 1 mm est associée à une augmentation du risque et de la sévérité des déhiscences du lambeau (Anderegg et al., 1991).
Il semble préférable de manipuler des tissus épais pour obtenir le recouvrement gingival et réduire ainsi le risque de complications postopératoires (fig. 18 à 21).
Le traumatisme occlusal peut induire un remodelage osseux, augmenter une mobilité dentaire et accélérer la perte d’attache lors de la présence d’une parodontite (Svanberg et al., 1995). L’équilibration occlusale ou la réalisation d’une contention ne permet pas de prévenir ou de stabiliser une parodontite. Cependant, l’équilibration occlusale et la réalisation d’une contention peuvent être indiquées dans le cas de dents mobiles afin de favoriser la régénération (Kornman et Robertson, 2000) (fig. 22 à 25).
La composition de la flore microbienne du défaut infra-osseux joue un rôle déterminant sur le résultat d’un traitement chirurgical de régénération tissulaire guidée (Heitz-Mayfield et al., 2006). La présence de bactéries parodontopathogènes, comme certaines bactéries du complexe rouge et, plus particulièrement, Tanerella forsythia, influence négativement la régénération des défauts infra-osseux. Pour Heitz-Mayfield et son équipe, il n’existe pas de niveau acceptable d’infection avant la réalisation d’une régénération. L’infection parodontale doit être éradiquée.
Dans un essai clinique randomisé, Cortellini et ses collaborateurs ont évalué le traitement régénérateur de lésions infra-osseuses atteignant l’apex (Cortellini et al., 2011). Après 5 ans de suivi, 23 des 25 dents traitées par chirurgie de régénération étaient encore présentes (92 % de survie). Ces dents étaient fonctionnelles, en bonne santé parodontale et présentaient des gains d’attache et osseux considérables (respectivement 7,7 ± 2,8 mm et 8,5 ± 3,1 mm). La réduction de la profondeur de poche de ces dents était de 8,8 ± 3 mm. Les dents conservées présentaient une diminution de leur mobilité.
La régénération parodontale est une thérapeutique qui peut et doit être envisagée même pour les dents ayant un mauvais pronostic. Pour Cortellini et ses collaborateurs, elle représente une solution de remplacement à l’extraction pour les dents présentant une lésion infra-osseuse rejoignant ou dépassant l’apex (fig. 26 à 29).
L’élimination complète et régulière des biofilms bactériens supragingivaux et sous-gingivaux (au moyen du contrôle de plaque par le patient et le surfaçage radiculaire par le professionnel) reste l’aspect le plus important du traitement des défauts infra-osseux (Lang, 2000). L’instrumentation sous-gingivale permet de supprimer le tartre et les biofilms sous-gingivaux, créant ainsi une surface radiculaire lisse retardant la recolonisation bactérienne. Cette thérapeutique étiologique permet de réduire la profondeur de poche et de maintenir le niveau d’attache (Alexander, 1969 ; Cercek et al., 1983). La cicatrisation, qui dépend de la sévérité de l’inflammation et de la profondeur de poche, permet la formation d’une nouvelle attache épithéliale sur toute la hauteur de la poche en 1 à 2 semaines (Ramfjord et al., 1980). La thérapeutique étiologique reste inchangée quelles que soient la distribution et la morphologie du défaut infra-osseux (Lang, 2000).
Pour Isidor et ses collaborateurs, il n’existe pas de différence significative entre une thérapeutique chirurgicale et non chirurgicale des défauts infra-osseux (Isidor et al., 1985) (fig. 30 à 33). À l’inverse, Renvert et son équipe observent un gain d’attache supérieur, à la suite d’une thérapeutique chirurgicale (1,3 mm), à celui observé après la thérapeutique non chirurgicale (0,8 mm) (Renvert et al., 1985). Le gain osseux est de 0,2 mm après le surfaçage radiculaire contre 0,6 mm après la chirurgie. D’un point de vue clinique, les différences ne sont pas très importantes.
Du fait d’un risque de réduction limitée de la profondeur de poche après la thérapeutique étiologique, des techniques chirurgicales ont été intégrées à la thérapeutique parodontale. En fonction des objectifs espérés, différentes chirurgies peuvent être réalisées avec comme objectif de recréer les conditions optimales à l’obtention d’une réattache ou d’une nouvelle attache (Lindhe, 1996). Les chirurgies résectrices et de comblement permettent d’obtenir une réparation parodontale avec la formation d’un long épithélium de jonction. L’Académie américaine de parodontologie (AAP) définit la régénération comme la reconstruction d’une destruction du parodonte dans l’objectif de restaurer l’architecture et la fonction des tissus perdus ou lésés. La régénération parodontale vise à reproduire les structures de soutien de la dent incluant le cément, le ligament parodontal et l’os alvéolaire (Garret, 1996). La régénération des défauts infra-osseux consiste en une formation de novo du cément radiculaire ainsi que des fibres de collagène s’insérant dans la surface radiculaire préalablement exposée à la maladie parodontale.
Les procédures utilisées peuvent être des chirurgies du type lambeau de Widman modifié (Ramfjord et Nissle, 1974), lambeau de Kirkland modifié (Smith et al., 1980), lambeau déplacé apicalement ou ENAP (exicisional new attachment procedure) (Yukna, 1978). Ces chirurgies visent à réaliser une exérèse tissulaire et à adapter le lambeau aux surfaces radiculaires dans une position proche de sa position d’origine. Pendant de nombreuses années, les défauts infra-osseux ont été traités par réalisation d’une ostéctomie/ostéoplastie afin de réduire la composante infra-osseuse et retrouver une architecture positive.
Le comblement d’un défaut infra-osseux peut être réalisé avec différents matériaux. Les principaux matériaux utilisés sont l’os autogène, les xénogreffes d’origine bovine (Bio-Oss®), le verre bioactif, l’hydroxyapatite et le phosphate tricalcique (Trombelli et al., 2002). De manière générale, le comblement des défauts infra-osseux ne permet pas d’obtenir une régénération mais une réparation. En effet, on observe la formation d’un long épithélium de jonction s’interposant entre le matériau et la surface radiculaire instrumentée jusqu’au fond du défaut (Caton et al., 1980 ; Bowers et al., 1989). De façon concomitante, on observe fréquemment une formation osseuse dans la portion infra-osseuse du défaut (Caton et Zander, 1976). Alors que le gain d’attache clinique représente un des objectifs de la cicatrisation d’une lésion parodontale, le comblement du défaut infra-osseux doit être objectivé par une radiographie à la suite de la thérapeutique. Dans cette situation, le sondage ne reflète pas le niveau histologique de l’attache conjonctive.
Dans une méta-analyse d’essais cliniques randomisés (constituant le plus haut niveau de preuve scientifique), Esposito et son équipe ont observé une amélioration significative des gains d’attache et osseux lors de la régénération des défauts infra-osseux par rapport aux lambeaux d’assainissement (Esposito et al., 2009). Cependant, les différentes modalités thérapeutiques de régénération ne donnent pas des résultats équivalents. Il est, en effet, indispensable d’adapter la stratégie de régénération et l’approche chirurgicale en fonction de la situation clinique (Cortellini et Tonetti, 2005).
Lors d’un essai clinique randomisé comprenant 40 défauts non autoportants (défauts infra-osseux à une paroi sur 80 % de leur hauteur) sur des dents monoradiculées, la régénération tissulaire guidée avec une membrane non résorbable renforcée en titane donne une réduction de la profondeur de poche significativement plus importante que la régénération par utilisation d’Emdogain® (respectivement 4,1 ± 1,4 mm et 2,4 ± 2,2 mm avec p < 0,001). Un gain d’attache supérieur à 4 mm est observé pour 79,2 % des sites traités par régénération tissulaire guidée contre 11,3 % des sites traités par Emdogain® (p = 0,01) (Siciliano et al., 2011).
Différentes approches chirurgicales des espaces interproximaux ont été décrites avec des résultats thérapeutiques différents. La conservation des papilles interdentaires dans les lambeaux permet, en fin de chirurgie, un recouvrement complet du défaut infra-osseux, ce qui limite l’exposition de la membrane et/ou du matériau de comblement et réduit la contamination du site opératoire. Le lambeau de préservation de papille ainsi que les lambeaux modifiés et simplifiés de préservation de papille permettent de réduire les complications postopératoires et d’améliorer la régénération parodontale (Cortellini et al., 1995a, 1995b, 1995c, 1996, 1999).
L’exposition de la membrane est la complication majeure de la régénération tissulaire guidée et affecte de 70 à 80 % des chirurgies (De Sanctis et al., 1996). Les membranes exposées à l’environnement buccal présentent une contamination bactérienne responsable d’un moindre gain d’attache (Nowzari et al., 1995).
Il est indispensable de maintenir la membrane enfouie ainsi que la fermeture du site opératoire pour obtenir les meilleurs résultats. L’adjonction d’une antibiothérapie systémique après une chirurgie de régénération tissulaire guidée améliore le gain d’attache horizontale ainsi que la densité osseuse et réduit la surinfection du site opératoire (Mombelli et al., 1996).
La gestion des tissus mous, la manipulation de la membrane, l’appréhension de l’apport vasculaire et la réalisation des sutures sont autant de paramètres ayant une influence majeure sur les résultats de la régénération parodontale (Tonetti et al., 2002). L’expérience et la dextérité du chirurgien affectent les résultats de la thérapeutique régénératrice (Tonetti et al., 1998).
Dans une étude multicentrique randomisée, Tonetti et son équipe ont évalué l’influence de nombreux facteurs sur les résultats de la régénération parodontale par Emdogain® (Tonetti et al., 2002). Une analyse par régression logistique a mis en évidence une influence significative du chirurgien sur le résultat obtenu (p = 0,000 1). Une différence de 2,6 ± 0,6 mm de gain d’attache est observée entre le meilleur et le moins bon des chirurgiens. L’utilisation d’Emdogain®, supposée simplifier la procédure de régénération, ne permet pas d’éliminer ni même de réduire l’influence du chirurgien sur le résultat de la régénération.
Dans une étude similaire visant à comparer la régénération tissulaire guidée à l’Emdogain®, Sanz et ses collaborateurs ont observé une influence significative du chirurgien sur le gain d’attache (p = 0,002 1). Un gain d’attache supplémentaire de 2,6 mm a été obtenu pour le meilleur des chirurgiens par rapport au moins performant (Sanz et al., 2004). Bien qu’aucune différence de gain d’attache n’ait été observée entre régénération tissulaire guidée et Emdogain®, plus de complications sont survenues lors de l’utilisation des membranes. En effet, 100 % des membranes se sont exposées au cours de la cicatrisation (p < 0,000 1). Seules 6 % des chirurgies par Emdogain® ont présenté des complications. L’absence de contamination du site opératoire a été associée à 0,85 mm de gain d’attache supplémentaire. À indications équivalentes, il est préférable de réaliser la thérapeutique ayant le plus faible risque de complications (Needleman et al., 2006).
Les défauts infra-osseux ont longtemps été considérés comme un défi clinique. En effet, de nombreux praticiens considèrent, trop souvent à tort, que ces lésions sont de mauvais pronostic ou de pronostic réservé. Avec l’apparition de l’implantologie, la thérapeutique parodontale et, plus particulièrement, la régénération des défauts infra-osseux ont de moins en moins les faveurs des chirurgiens-dentistes.
Cependant, tout au long de cette revue de la littérature médicale, nous avons observé que de nombreux facteurs affectent le potentiel de cicatrisation des défauts infra-osseux. Les caractéristiques anatomiques du défaut, bien qu’ayant une influence sur le résultat des thérapeutiques parodontales, ne sont pas les seuls paramètres permettant d’évaluer le pronostic de conservation de la dent atteinte. La régénération parodontale doit être envisagée pour les dents ayant un défaut infra-osseux car elle représente une solution de remplacement fiable et raisonnable à l’extraction.
Actuellement, les limites de la régénération des défauts infra-osseux sont mal connues. En l’absence de notion de sévérité critique des lésions infra-osseuses connue à ce jour (régénération tissulaire guidée et régénération induite), une thérapeutique conservatrice doit être envisagée en première intention. Ce n’est qu’en l’absence d’amélioration des paramètres cliniques que l’indication d’extraction pourra être retenue.