Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 03 du 01/09/2013

 

Article

Yasmina OUCHÈNE*   Anne-Margaux COLLIGNON**   Denis BOUTER***  


*Assistante hospitalo-universitaire, université Paris Descartes, service odontologie du groupe hospitalier Henri Mondor
**Attachée hospitalo-universitaire, université Paris Descartes
***Maître de conférences, praticien hospitalier, université Paris Descartes, service odontologie du groupe hospitalier Henri Mondor

Résumé

L’endodonte et le parodonte représentent deux entités intimement liées que l’expression « continuum endo-parodontal » illustre bien. La notion de pathologie endo-parodontale est ancrée dans les préoccupations et le vocabulaire des praticiens depuis les années 1960.

Que la pathologie soit d’origine endodontique et/ou parodontale, ce sont les tissus parodontaux qui sont agressés et leur guérison relève de l’établissement d’un diagnostic précis et d’une thérapeutique adaptée.

Cet article a pour objectif de faire le point sur les connaissances indispensables à l’appréhension des lésions endo-parodontales (voies de communication, classifications) et d’illustrer les démarches diagnostique et thérapeutique à travers trois cas cliniques.

Summary

The endodontic and periodontal tissues represent two closely related entities that the term endo-periodontal continuum illustrates. The notion of endo-periodontal disease is rooted in practioners concerns and vocabulary since the sixties.

Whatever the pathology have an endodontic and/or a perio-dontal origin, the periodontal tissues are attacked and their healing depends on the establishment of an accurate diagnosis and an appropriate therapy.

This article aims to review the fundamental knowledge on endo-perio lesions (pathways, classifications) and to illustrate the diagnosis and the therapeutic approaches through three clinical cases.

Key words

Perio-endo lesion, periodontal lesion, endodontic treatment, pulpal necrosis

Introduction

Pour des raisons didactiques, histologiques ou embryologiques, il est aisé de diviser la sphère buccale en spécialités et en domaines bien séparés.

L’endodontie et la parodontie n’échappent pas à cette simplification qui aboutit bien souvent à concevoir le traitement comme l’affaire d’une seule spécialité.

L’endodontie concerne l’ensemble de l’endodonte et s’arrête donc, théoriquement, au niveau de la jonction dentino-cémentaire située à la base du cône de Kuttler défini en 1955 et qui correspond à la constriction apicale (Kuttler, 1955). Le cément relève, par son origine embryologique, du domaine parodontal mais, d’un point de vue anatomique, il appartient à l’organe dentaire.

Cette vision ne reflète en rien la notion de continuité et d’échanges qui existe entre l’endodonte et le parodonte. En effet, il existe une continuité conjonctive et vasculaire entre la pulpe et le parodonte impliquant des effets réciproques des pathologies et des thérapeutiques.

Le but de cet article est, à travers trois cas cliniques, de montrer la démarche diagnostique et thérapeutique des lésions endo-parodontales.

Voies de communication

L’endodonte et le parodonte représentent deux entités intimement liées que l’expression « continuum endo-parodontal » illustre bien.

Les voies de communication sont nombreuses entre l’endodonte et le parodonte. On peut les classer en voies de communication physiologiques et pathologiques.

Voies de communication physiologiques

Au premier rang des voies de communication physiologiques, on trouve le foramen apical. Cet orifice a un diamètre de l’ordre de 20/100 de millimètre. Il laisse passer les vaisseaux sanguins et les fibres nerveuses issues du parodonte. C’est une voie de passage potentielle pour les bactéries. L’inflammation pulpaire ou la nécrose pulpaire s’étend souvent aux tissus péri-apicaux, entraînant une réponse inflammatoire de ces derniers accompagnée d’une résorption osseuse et/ou radiculaire (Ricucci et Siqueira, 2010). L’inverse est plus rare car la lésion parodontale ne pourrait contaminer l’endodonte en passant par le foramen apical qu’après avoir évolué depuis la partie marginale jusqu’à la partie apicale de la dent.

Les canaux accessoires s’étendent du canal principal au ligament parodontal, établissant une communication directe entre la pulpe et le desmodonte. Ils ont été décrits il y a une centaine d’années et mis en évidence par Hess (Hess, 1925), puis classés en canaux collatéraux, latéraux, secondaires, accessoires, intercanalaires, réticulaires et canaux de la furcation (De Deus, 1975).

Les canaux accessoires contiennent des vaisseaux sanguins et peuvent exister sur toute la longueur radiculaire. Leur diamètre peut varier de 4 à 700 µm. On estime que de 30 à 60 % des dents présentent des canaux accessoires (Zehnder et al., 2002).

De Deus trouve 17 % de canaux accessoires dans le tiers apical, 9 % dans le tiers moyen et moins de 2 % dans le tiers cervical (De Deus, 1975) (tableau 1, fig. 1 et 2).

Les canalicules dentinaires peuvent être aussi une voie de communication des bactéries vers l’endodonte. Ces canalicules sont normalement protégés par l’émail dans la partie coronaire et par le cément pour toute la partie radiculaire. Ils peuvent être exposés de façon accidentelle (traumatisme, carie, perte d’une restauration…) ou à la suite de manœuvres iatrogènes répétées (surfaçages radiculaires).

Les surfaçages répétés trop invasifs amènent à une modification de l’anatomie radiculaire avec une disparition totale du cément et une exposition de la dentine, provoquant ainsi une agression tant mécanique que chimique ou bactérienne de l’organe dentino-pulpaire (fig. 3 et 4).

On retrouve une exposition dentinaire à la jonction amélo-cémentaire sur 18 % des dents en général et, plus précisément, sur 25 % des dents antérieures. En l’absence d’émail ou de cément, on peut considérer que la pulpe est exposée au milieu extérieur au niveau du sillon gingivo-dentaire ou de la poche parodontale via les canalicules dentinaires. Il a été montré que l’application de produits bactériens sur la dentine causait une inflammation pulpaire (Bergenholtz et Lindhe, 1975) (fig. 5).

Voies de communication pathologiques

Les fractures coronaires entraînent une exposition des canalicules dentinaires, voire de la pulpe elle-même, ouvrant ainsi une voie pour la pénétration des bactéries vers l’endodonte.

Des fêlures/fractures radiculaires peuvent se produire lorsque des forces excessives sont utilisées lors de la condensation de la gutta-percha au cours de l’obturation endodontique mais aussi au cours de la préparation, du scellement ou de la dépose de tenons radiculaires et d’inlay-core. Les conséquences pathologiques sont les mêmes que pour les fêlures/fractures d’origine traumatique. La fêlure peut s’étendre sur toute la longueur de la racine ou rester limitée à un niveau. En raison de la prolifération bactérienne dans l’hiatus créé par la fêlure/fracture radiculaire, le desmodonte adjacent devient le siège d’une lésion inflammatoire provoquant la destruction des fibres conjonctives tissulaires et de l’os alvéolaire. L’architecture de cette perte osseuse est très proche de celle causée par une parodontite ou par une lésion d’origine endodontique. La prise d’un cliché rétroalvéolaire augmente les chances de visualiser un défaut osseux induit par une fêlure/fracture radiculaire. Un espace desmodontal épaissi ou une radio-clarté latéro-radiculaire diffuse en forme de « chaussette » ou en « doigt de gant » enveloppant la racine trahit souvent la présence de fracture radiculaire.

Les manœuvres iatrogènes peuvent exposer la pulpe lors d’une préparation cavitaire ou encore permettre le passage de bactéries salivaires vers le parodonte en cas de perforation lors des traitements endodontiques (Zehnder et al., 2002 ; Singh, 2010).

Répercussion des problèmes endodontiques sur le parodonte

La lésion d’origine endodontique est une manifestation de la pathologie pulpaire sur le parodonte. Elle est généralement cantonnée au parodonte profond. Après de multiples agressions, l’état de santé pulpaire se dégrade pour aboutir à la nécrose de ce tissu. Les bactéries et les produits qui en résultent transitent par les voies de communication entre l’endodonte et le parodonte, provoquant une réaction inflammatoire des structures parodontales profondes.

Dans le cas des nécroses pulpaires, la prolifération bactérienne augmente la pression intracanalaire et les germes présents peuvent ainsi gagner le parodonte (Ricucci et Siqueira, 2010).

En fonction du degré d’atteinte du parodonte apical et du stade d’évolution de la lésion, le praticien sera face à différentes pathologies (parodontite apicale chronique ou aiguë, abcès…).

Les lésions endodontiques évoluent vers des atteintes du parodonte profond. Au terme d’une évolution plus ou moins longue, et en l’absence de traitement, la lésion peut s’extérioriser vers le parodonte superficiel, via une fistule.

Plusieurs études rétrospectives ont clairement démontré que la persistance d’une infection endodontique compromettait, à terme, les traitements parodontaux des lésions profondes, la cicatrisation parodontale et les techniques de réimplantation (Jansson et al., 1993).

Répercussion des atteintes parodontales sur l’endodonte

Ces types de répercussions sont moins fréquents que les précédents. La pression due au développement bactérien au sein d’une lésion parodontale trouve plus facilement à s’évacuer par la partie coronaire de la poche qu’à pénétrer dans l’endodonte.

Dans la littérature scientifique, on trouve très peu d’atteintes endodontiques d’origine parodontale (tableau 2). Il faudrait en effet que les bactéries soient en contact avec une voie d’accès suffisamment large (orifice apical ou canaux latéraux) ou une vaste plage de canalicules exposés par une lésion carieuse, la perte d’une restauration ou l’élimination du cément par suite de surfaçages répétés et mal conduits.

Ces études oublient souvent de répertorier les résorptions externes comme des atteintes parodontales, puisqu’elles touchent en premier lieu le cément, pouvant entraîner des atteintes pulpaires (Rotstein et Simon, 2004).

Le cas illustré par les figures 6 à 12 montre une résorption externe. Cette résorption ayant atteint la pulpe, il a fallu procéder en trois étapes :

– après nettoyage et mise en forme de l’endodonte, une obturation transitoire à l’hydroxyde calcium a été mise en place ;

– un lambeau de pleine épaisseur a été levé, permettant un accès à la lésion. Le curetage soigneux de tout le tissu de granulation ayant envahi la résorption a été réalisé. Une légère ostéoplastie du rebord vestibulaire a été effectuée afin de bien dégager le bord de la lésion ;

– l’obturation a été réalisée à l’aide d’un ciment verre ionomère modifié par addition de résine (Fuji II LC®, GC, Tokyo, Japon) pour ses propriétés d’adhésion spontanée, sa tolérance à l’humidité et sa bonne étanchéité.

Après cicatrisation, le traitement endodontique a été terminé de façon conventionnelle avec une obturation à la gutta-percha par condensation verticale à chaud.

Les ciments verre ionomère ne présentent pas un état de surface parfaitement lisse et cette caractéristique du matériau de restauration pourrait être à l’origine du léger œdème résiduel qui se voit sur la radiographie au bout de 9 mois (fig. 12). Une restauration à l’aide d’une facette céramique collée améliorerait certainement l’état gingival.

Classification des lésions endo-parodontales

De nombreuses classifications ont vu le jour. La plupart d’entre elles ne prennent pas en compte des données cliniques ; elles se fondent sur des critères histologiques, pronostiques, ou chronologiques. L’une des premières est celle d’Amen (Amen, 1967) et l’une des plus complexes est celle de Hiatt, qui comprend 8 catégories faisant intervenir le traitement déjà reçu, le pronostic, la durée des différentes évolutions de la maladie (Hiatt, 1977)…

Nous avons décidé de retenir celle de Gulabivala et Darbar pour sa simplicité et son intérêt clinique. Elle comprend 3 classes (Gulabivala et Darbar, 2004) :

– la classe I, qui correspond aux lésions d’origine purement endodontique. Dans cette classe on retrouvera toutes les catégories de parodontite apicale. Il s’agit donc d’une atteinte du parodonte profond. Cette lésion est visible sur l’examen radiographique ;

– la classe II, qui correspond aux lésions parodontales sans atteinte endodontique. Le point de départ se situe au niveau du parodonte superficiel et évolue en direction apicale ;

– la classe III, qui correspond aux lésions endo-parodontales proprement dites.

Cette classification est clinique et épidémiologique plus que thérapeutique.

Dans la classe III, on retrouvera les lésions à démarrage parodontal et endodontique concomitant mais aussi les lésions d’origine endodontique ayant évolué vers une lésion parodontale et, dans une moindre mesure, les lésions parodontales évoluant vers une lésion endodontique. Il est important de déterminer le point de départ et d’évaluer l’importance des deux composantes afin de définir la meilleure stratégie de traitement.

À travers trois cas cliniques, nous allons essayer de dégager les principales lignes directrices de ces traitements.

Traitement des lésions endo-parodontales

La décision et le pronostic de succès thérapeutique dépendent entièrement de l’identification de l’origine de la lésion. Une démarche diagnostique menée judicieusement permet de déterminer l’origine endodontique, parodontale ou combinée des lésions endo-parodontales. La vitalité pulpaire ainsi que le degré et l’architecture de l’atteinte parodontale constituent les signes fondamentaux à prendre en compte.

En fonction de l’origine et de l’étendue de la lésion, un traitement endodontique, parodontal ou une combinaison des deux est indiqué. Ainsi, la guérison d’une classe I de Gulabivala et Darbar nécessitera un traitement endodontique seul : la lésion parodontale d’origine endodontique se présente le plus souvent comme une lésion parodontale à 5 parois osseuses. Par conséquent, son potentiel réparateur est important (Rotstein et Simon, 2004).

La lésion d’origine endodontique peut se développer en regard d’un canal latéral par le même processus que la lésion péri-apicale. L’accessibilité limitée et la difficulté d’instrumentation de ces canaux compliquent la guérison des lésions latérales. Cependant, une irrigation abondante à l’hypochlorite de sodium, un rinçage à l’EDTA (précédant le rinçage final à l’hypochlorite de sodium), une mise en forme canalaire adéquate et une technique d’obturation par condensation verticale à chaud sont souvent amplement suffisants au traitement de ces lésions.

Une thérapeutique parodontale sera indiquée pour la classe II : une thérapeutique étiologique associée ou non à des thérapeutiques parodontales chirurgicales doit être entreprise (Chairay et al., 1986 ; Rotstein et Simon, 2009).

Enfin, un traitement endo-parodontal sera indiqué pour les lésions de classe III : il existe simultanément sur une racine une atteinte endodontique et une atteinte parodontale. Ces lésions, chacune de taille variable, peuvent se rejoindre et former une lésion unique (Harrington, 1979).

Ainsi, une poche parodontale peut migrer apicalement vers une lésion endodontique ou une fistule desmodontale d’origine endodontique peut s’extérioriser dans une poche déjà existante. En général, la jonction des deux lésions est obtenue par la progression en direction coronaire de la lésion apicale. Plus rarement, c’est la lésion parodontale qui rejoint le tiers apical de la dent ; on peut imaginer dans ce cas que la destruction osseuse d’origine parodontale soit trop importante et que l’extraction de la dent puisse être indiquée (Zehnder et al., 2002).

La double étiopathogénie de ces lésions implique la plupart du temps une thérapeutique mixte endodontique et parodontale. Le pronostic dépend essentiellement du degré de sévérité de la pathologie parodontale, la spécificité de la guérison endodontique étant la restitution ad integrum des structures osseuses préalablement détruites par le processus inflammatoire.

En ce qui concerne la ligne de conduite pour le traitement des classes III, il faut considérer plusieurs cas de figure :

– prédominance de la lésion d’origine endodontique ;

– prédominance de la lésion parodontale.

Il faudra toujours commencer par assainir l’endodonte afin de ne pas compromettre le traitement parodontal, s’il doit avoir lieu. Si la lésion parodontale est importante, notamment en cas d’abcès parodontal, on ne terminera le traitement endodontique qu’après la désinfection de la lésion parodontale afin de ne pas contaminer l’obturation endodontique.

Quand la lésion d’origine endodontique prédomine, le traitement endodontique seul est suffisant dans la plupart des cas et il faudra attendre avant d’initier une thérapeutique parodontale.

Cas clinique n° 1

Ce patient de 40 ans présente une lésion du parodonte marginal (fig. 13 et 14) ainsi qu’une fistule matérialisée sur la radiographie par un cône de gutta-percha inséré dans la fistule.

Le sondage ne montre aucune perte d’attache et on pose le diagnostic de lésion de classe III d’origine endodontique. La lésion parodontale résulte de l’extériorisation de la lésion endodontique.

La radiographie montre un traitement endodontique insuffisant en densité et en longueur dans l’ensemble des canaux. On note aussi la présence d’un instrument fracturé dans l’un des canaux de la racine mésiale. La faible densité radiologique de cet instrument laisse supposer qu’il s’agit d’un instrument en nickel-titane. Il est parfois délicat de repérer ces instruments car leur densité est proche de celle de la gutta-percha.

L’image clinique peut faire penser à un abcès parodontal mais l’origine endodontique est confirmée par la radiographie et l’absence de perte d’attache.

Le traitement ne devra être qu’endodontique afin de ne pas compromettre le potentiel de cicatrisation de la lésion interradiculaire. Tout lambeau d’accès, dans une situation comme celle-ci, pérenniserait la lésion interradiculaire en supprimant toute possibilité de régénération.

Le problème de ce traitement repose sur la possibilité d’accéder à l’apex par voie orthograde afin de pouvoir procéder à la désinfection de l’ensemble du réseau endodontique puis à son obturation.

Après dépose de l’inlay-core, l’instrument a été retiré sous microscope opératoire. La mise en forme et la désinfection des canaux a été réalisée de façon conventionnelle.

Une période de temporisation est nécessaire afin de vérifier la bonne désinfection endo-canalaire.

Après disparition des signes parodontaux et de la fistule, l’obturation est réalisée par condensation verticale à chaud de gutta-percha.

La guérison est obtenue rapidement (fig. 15 à 17).

Cas clinique n° 2

Cette patiente de 24 ans présente une importante lésion parodontale. Le sondage montre une perte d’attache dans la zone interradiculaire (fig. 18). Après dépose de l’inlay-core, on peut constater des zones de stripping pouvant expliquer l’origine de la lésion. Afin de pouvoir réaliser un traitement endodontique dans de bonnes conditions, il faut retrouver une séparation entre l’endodonte et le parodonte. Après un nettoyage soigneux réalisé essentiellement par irrigation à la chlorhexidine afin de préserver le potentiel de cicatrisation, les parois radiculaires sont réparées à l’aide de MTA (Proroot®, Detrey-Maillefer, Ballaigues, Suisse). Le retraitement endodontique pourra être entrepris de façon conventionnelle. Au bout de 4 ans, le résultat est maintenu (fig. 19).

Dans ce cas, il n’était pas évident qu’un potentiel de guérison existe encore pour la lésion interradiculaire. Dans la démarche thérapeutique, il n’était pas question d’intervenir chirurgicalement avant d’avoir supprimé la communication entre l’endodonte et le parodonte. Il fallait retrouver un confinement de l’endodonte afin de pouvoir tester le potentiel de cicatrisation du parodonte. Il persiste une légère lésion interradiculaire (classe II) mais aucune chirurgie parodontale n’a été nécessaire.

On peut noter la bonne cicatrisation du parodonte profond malgré la persistance d’une légère lésion interradiculaire. Même si le pronostic à long terme d’une dent présentant une faible valeur mécanique intrinsèque est défavorable, on constate que l’environnement parodontal est fortement amélioré et permettra, le moment venu, d’envisager une thérapeutique implantaire dans de bonnes conditions et avec un meilleur pronostic.

Cas clinique n° 3

Ce patient de 29 ans, non fumeur et en bonne santé générale, se présente, en décembre 2004, avec des douleurs et une suppuration importante au niveau de 43. Les tests de sensibilité sont positifs, la mobilité est de type III et la dent est sensible à la pression ; le praticien pose le diagnostic de lésion parodontale. Une thérapeutique initiale est mise en place comprenant deux surfaçages et des irrigations à la chlorhexidine ainsi que la mise en place d’une contention fibrée collée. Il faut noter que cette lésion est la seule de l’ensemble des deux arcades (fig. 20).

En octobre 2005, le patient se présente en consultation. On peut noter une très importante aggravation radiologique de la lésion (fig. 21). Sur le plan clinique, la lésion suppure toujours de façon très importante et le patient continue de souffrir. Les tests de sensibilité sont négatifs.

Le diagnostic de lésion endo-parodontale de classe III est posé.

Initialement, les tests de sensibilité étaient positifs et il est donc clair que la nécrose de cette 43 fait suite au problème parodontal.

La mise en place précoce d’une contention a permis la conservation de la dent.

Le plan de traitement va faire intervenir à la fois le traitement endodontique et le traitement parodontal.

Afin de permettre la réussite du traitement parodontal, il est nécessaire de décontaminer l’endodonte et d’empêcher la recontamination du parodonte. On commence par la mise en forme canalaire de 43 et la temporisation à l’hydroxyde de calcium (Ca[OH]2). Celui-ci est renouvelé autant de fois que nécessaire en attendant la résolution des problèmes parodontaux.

Parallèlement, on met en place une antibiothérapie locale à l’aide d’un gel de minocycline renouvelé trois fois à une semaine d’intervalle ainsi qu’un débridement léger de la lésion parodontale.

Après disparition de la suppuration et des douleurs, le traitement endodontique est terminé par une obturation verticale à chaud de gutta-percha.

Le problème endodontique étant résolu, le traitement parodontal pourra être poursuivi.

Trois mois après le traitement endodontique, tous les paramètres cliniques se sont améliorés. Toutefois, des profondeurs de poche importantes persistent en distal et en mésial de la canine (10 et 6 mm respectivement). Une chirurgie parodontale est alors indiquée pour assurer le débridement correct des lésions osseuses et leur comblement à l’aide d’un substitut osseux (os anorganique bovin) afin d’aider la réparation osseuse. La technique du lambeau mixte tracté latéralement a été choisie pour permettre le recouvrement du matériau de comblement tout en créant de la gencive en vestibulaire de la canine (fig. 22 et 23).

Un an après l’intervention, la gencive paraît saine et ferme. Plusieurs millimètres de gencive ont été créés en vestibulaire de la 43 et des gains d’attache significatifs (5 et 4 mm ont été obtenus en distal et en mésial de la dent). Une nouvelle contention fibrée est réalisée (fig. 24 à 26).

On peut noter la bonne réparation osseuse obtenue grâce à la combinaison des deux approches, parodontale et endodontique.

Ce traitement a été tenté car l’aggravation de la lésion était récente et pouvait laisser supposer qu’il persistait un bon potentiel de cicatrisation. La question de la conservation de cette dent s’est posée. L’extraction dans un site présentant un abcès et une destruction osseuse importante aurait posé un certain nombre de problèmes pour la gestion de l’esthétique. La mise en place d’un implant aurait posé des problèmes chirurgicaux et esthétiques importants. Même si le pronostic à long terme de cette 43 est réservé, le site est assaini et la gestion implantaire en sera facilitée.

Conclusion

La double étiopathogénie de ces lésions implique une thérapeutique mixte endodontique et parodontale. L’évolution dépend essentiellement du degré d’atteinte des tissus parodontaux ; la spécificité de la guérison endodontique, du fait de la morphologie des lésions à 5 parois, est la restitution ad integrum des structures osseuses préalablement détruites par le processus inflammatoire.

Quelle que soit l’étiologie de la lésion de classe III, le traitement ou le retraitement endodontique sera entrepris en première intention. En cas d’atteinte parodontale sévère, une désinfection et une obturation endocanalaire transitoire seront envisagées afin de diminuer la charge bactérienne endodontique avant de commencer le traitement parodontal. L’obturation endodontique définitive sera réalisée dans un second temps.

Lorsque l’atteinte parodontale est plus modérée, on pourra terminer d’emblée le traitement endodontique avant d’entamer le traitement parodontal.

L’appréciation de la réponse des tissus au traitement endodontique donnera une indication sur la chronologie des traitements à effectuer.

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