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Afin de replacer dans un contexte statistique le sujet traité par l’article du JPIO, il est utile de préciser quelques données environnementales chiffrées émanent de différents organismes officiels.
Le nombre de cas d’ESB dans le monde recensés en 2012 (source : http://www.oie.int/?id=505) s’est élevé à 19 au...
Afin de replacer dans un contexte statistique le sujet traité par l’article du JPIO, il est utile de préciser quelques données environnementales chiffrées émanent de différents organismes officiels.
Le nombre de cas d’ESB dans le monde recensés en 2012 (source : http://www.oie.int/?id=505) s’est élevé à 19 au total, dont :
– France : 1 ;
– Allemagne : 0 ;
– Portugal : 2 ;
– Royaume-Uni : 3 ;
– Suisse : 1 ;
– États-Unis : 1.
L’analyse en parallèle des données statistiques de l’ESB et de la MCJ depuis plus de 15 ans, extrêmement faibles en termes de nombre de cas, objective une stabilité remarquable des deux pathologies (sources : http://www.cdc.gov/ncidod/dvrd/cjd/ ; http://www.eurocjd.ed.ac.uk/ surveillance%20data%202.htm).
En ce qui concerne l’ESB, qui est au cœur de l’article du JPIO, il est utile de préciser que les conclusions portent sur un risque qui concerne ou a concerné moins de 20 animaux atteints d’ESB recensés en 2012 et autant en 2011 sur près de 1 milliard de têtes (soit environ 0,000 002 %) que compte le cheptel bovin dans le monde (988 millions en 2009) (source : Les Cahiers de France AgriMer, 2010, http://www.franceagrimer.fr/content/download/3128/16982).
L’article de Kim et al. conserverait tout son intérêt si les éléments avancés étaient d’une rigueur scientifique incontestable et incontestée.
Geistlich Pharma tient à commenter scientifiquement, et loin de toute polémique, cet article afin que le lecteur garde son libre arbitre et agisse en toute connaissance de cause.
Cet article est, en quelque sorte, avec toutefois quelques variantes, une réécriture par les mêmes auteurs d’une publication parue en 2011 (cf. Clin Implant Dent Relat Res 2011, Déc. 15)
À supposer que, à la question posée dans le titre de l’article, « La sécurité des matériaux de greffe dérivés d’os bovin a-t-elle déjà été prouvée ? », la réponse soit négative, il est nécessaire de se placer au préalable dans le champ d’hypothèses suivant :
– parmi le nombre mondial annuel de bovins abattus pour production de viande, près de 57 millions en 2011, il faut envisager qu’un certain nombre d’animaux :
• aient échappé aux contrôles sanitaires,
• aient été infectés par un prion qui aurait soudainement changé d’habitat pour se loger dans le tissu osseux d’où il a été prouvé qu’il était absent (comme pour le lait ou le muscle),
• aient été utilisés pour fabriquer des matériaux osseux de substitution ;
– pour ce qui concerne Bio-Oss® :
• que les os destinés à fabriquer Bio-Oss® en Suisse ne soient pas venus d’Australie ni de Nouvelle-Zélande, pays fournisseurs de Geistlich exempts de cas d’ESB de mémoire de statisticien (ces deux pays exportent mais n’importent pas de bovins),
• que le Bio-Oss® contaminé ait échappé aux procédures a priori de purification et de stérilisation drastiques de Geistlich Pharma AG (Geistlich contrôle la chaîne de fabrication de A à Z jusqu’à la commercialisation),
• que les contrôles portant sur les procédures de fabrication de Geistlich Pharma, effectués 4 à 5 fois par an depuis des années par les organismes notifiés indépendants (le TÜV, la Food and Drug Administration, Swiss Medic…), aient tous été défaillants.
À la lumière de ces paramètres, la probabilité concernant l’occurrence de ce risque est aussi intéressante que faible…
Il est à noter que depuis la première utilisation de Bio-Oss® en clinique (1986), et bien avant la première crise de la vache folle en 1995, Geistlich Pharma AG a inscrit dans son cahier des charges les procédures d’élimination des agents transmissibles non conventionnels (ATNC) auxquels appartient le prion. Les différents organismes notifiés ont toujours validé les procédures de fabrication des biomatériaux Geistlich et n’ont jamais interrompu leur commercialisation.
Ces données étant posées, concernant l’article proprement dit, le tableau ci-après analyse les références bibliographiques citées et commentées par les auteurs.
– Les erreurs et les informations inexactes, tant dans la traduction que dans les données mises en avant, laisseraient à penser que les auteurs de l’article et le rédacteur en chef auraient sans doute, malgré eux, manqué d’impartialité. La plupart des références ne sont pas analysées et évaluées d’une façon critique objective mais les conclusions sont acceptées même si elles ne sont pas validées par des résultats ou des contrôles.
– Les références des articles de 2011 et de 2013 sont communes pour la plupart (celles qui sont ajoutées à l’article de 2013 sont antérieures à 2011). En revanche, la conclusion change et devient alarmiste. De 2011 à 2013, elle passe de l’hypothétique « […] pourrait représenter un risque » à un réel avertissement : « […] les praticiens doivent être conscients du risque unique de transmission du prion de l’ESB à leurs patients. » Les auteurs orientent ensuite le lecteur vers des produits synthétiques ou l’os autogène comme alternatives possibles au problème soulevé.
– L’éditorial condamne et juge un sujet manifestement mal maîtrisé : « […] le problème de l’os bovin. En effet, l’engouement des praticiens pour ce matériau est étonnant […] et son innocuité sera discutée. » Le texte anglais ajoute même « though unfounded » (« bien que non fondée »), non traduit dans le texte en français. Que dire alors des 740 publications recensées sur PubMed se rapportant à Bio-Oss (juin 2013) ?
– Geistlich Pharma AG tient également à disposition des lecteurs du JPIO la prise de position officielle vis-à-vis de ces deux articles sur simple demande.
En conclusion, il est important de noter que si le moindre doute existait sur les conditions de préparation des biomatériaux d’origine bovine, les autorités européennes et françaises en particulier, confrontées par le passé à l’hormone de croissance, à l’affaire du sang contaminé et, plus récemment, aux prothèses PIP ou de hanche, auraient usé du principe de précaution pour en suspendre la commercialisation.
À l’heure où les a priori simplificateurs et l’idéologie l’emportent désormais le plus souvent sur la raison, il aurait été facile d’appliquer ce principe arbitrairement, dès la version 1 de l’article paru en 2011. Les autorités ne l’ont pas fait. C’est un signe.
Dans nos deux articles, nous avons passé en revue 10 ans de données publiées. Notre premier article publié dans le Clinical Implant Dentistry and Related Research (CIDR) en 2011 était intitulé « Le risque de transmission des maladies à prions à travers des substituts osseux d’origine bovine : une revue systématique ». Il a évalué le risque d’ESB de transmission du prion à travers les matériaux de greffe osseuse bovine. Nous nous sommes concentrés sur :
– l’infectiosité ESB dans les tissus bovins bruts, y compris l’os d’origine bovine ;
– le risque de contamination de l’os bovin avec prions de l’ESB lors de l’abattage et les manipulations ;
– l’efficacité du processus de fabrication dans l’élimination des protéines et l’inactivation de l’infectiosité ESB ;
– la validité des tests de diagnostic actuels de l’ESB.
Notre conclusion était fondée sur 36 articles en texte intégral après une recherche de 1 704 titres dans Medline.
En 2013, nous disposons de plus d’informations sur les prions et les maladies du prion de l’ESB. Nous avons réalisé un second article intitulé « La sécurité des matériaux de greffe dérivés d’os bovin n’a-t-elle jamais été prouvée ? » Cet article a été publié dans le Journal de Parodontologie et d’Implantologie Orale (JPIO) en mai 2013.
La capacité limitée de dépistage des virus et des prions à l’intérieur du génome des animaux fournit un cadre pour comprendre le risque. Parce que les prions transmettent la maladie avec une protéine pathogène indiscernable d’une protéine normale, le tissu ne peut pas être protégé de l’infection à prions.
Les prions pathologiques (PrPSc) ont la même structure primaire que les prions normaux (PrPC) d’un hôte, mais une structure secondaire différente (forte teneur en Β-sheet), ce qui leur donne une résistance partielle contre les traitements (Bolton et al., 1982 ; Pan et al., 1993) protéinase K (PK). Le PrP27-30, résidu d’acides aminés de la PrPSc après le traitement PK, a été utilisé comme marqueur de substitution pour l’infectiosité des prions et les tests de diagnostic.
L’infectiosité du prion doit être différenciée de PrPSc ou PrP27-30. Elle ne peut être détectée que par un test biologique qui est la norme pour le diagnostic d’EBS. Un certain nombre d’études ont mis en évidence le fait que l’infectiosité du prion n’était pas toujours en corrélation avec la présence de PK27-30 (Baker et al., 2002 ; Barron et al., 2007). En outre, le PrPSc PK sensible et le PrPSc normal (≡ 6 kDa), qui ne sont pas détectés par les procédures de diagnostic standard, ont été découverts (Gambetti et al., 2008 ; Head et al., 2009 ; Safar et al., 2005 ; Thackray et al., 2007).
La longue période de latence (de 1 à 40 ans) (Will, 2003) est un autre défi. Les patients peuvent ne pas être symptomatiques depuis des années. La maladie à prion peut pratiquement se produire avec n’importe quel tissu bovin (Balkema-Buschmann et al., 2011 ; Murayama et al., 2010 ; Yokoyama et al., 2010) et le risque de transmission du prion ne peut pas être mesuré à partir de cas qui ont été rapportés.
Les auteurs de la réponse s’appuient sur l’incidence annuelle des cas d’ESB en 2010 et 2011 et propose un taux d’incidence de 0,000 002 %, par conséquent un risque très faible. Nous pensons que le risque de maladie ne doit pas être estimé simplement à partir du nombre de cas d’ESB qui ont été signalés. Un trait distinctif de l’analyse des risques est le bon rejet de biais statistiques pour la mesure de la maladie par rapport aux populations à risque ainsi que des évaluations à long terme.
Tous les animaux n’ont pas été testés et tous les animaux infectés ne peuvent pas être détectés. Chaque pays dispose d’un programme de surveillance différent. Les autorités du Japon ont détecté 31 cas d’ESB sur 6 millions de bovins testés entre octobre 2001 et décembre 2006 (Kadohira et al., 2008). Aux États-Unis, 2 cas ont été détectés sur 787 711 bovins testés entre juin 2004 et septembre 2006 (FDA, 2008). Chaque année, 1,26 million de bovins sont abattus au Japon et 37 millions aux États-Unis (Brink et Shute, 2004). Le Japon teste la plupart des bovins abattus et les États-Unis seulement un petit nombre. Des cas atypiques d’ESB ont été détectés dans des pays auparavant considérés comme indemnes d’ESB tels que les États-Unis, la Suède et le Brésil. Depuis 2003, environ 60 cas atypiques sont été détectés dans le monde (Balkema-Buschmann et al., 2011). Des études suggèrent que des cas d’ESB atypiques surviennent sans explication connue (Nicholson et al., 2008 ; Richt et Hall, 2008), ce qui indique que l’ESB ne peut être empêchée par les mesures en cours telles qu’interdiction des farines de viande et d’os (FVO). Certains chercheurs émettent l’hypothèse que des cas d’ESB atypiques peuvent être à l’origine de l’ESB classique (Baron et al., 2011 ; Beringue et al., 2007).
Les maladies qui traversent les lignes d’espèces peuvent devenir transmissibles d’autres manières d’homme à homme, ce qui augmenterait le risque de santé publique de façon exponentielle. Des centaines de flacons de 2 ml de Bio-Oss® peuvent être produites à partir du premier flacon infecté par l’ESB animale. Le risque de transmission de la maladie augmente de façon spectaculaire lorsque la contamination croisée se produit pendant le processus de fabrication. Au Japon, 109 patients ont développé la maladie de Creutzfeldt-Jakob après avoir reçu du Lyodura (dure-mère fabriquée par une société allemande) au cours de greffes de 1983 à 1987 (Centers for Disease Control and Prevention, 2008). On estime que 100 000 personnes ont reçu des greffes au cours de cette période. Le risque a été évalué à 1 cas de MCJ pour 1 000 greffes Lyodura. La raison suggérée est la contamination croisée.
L’os cru bovin a été classé sans ESB détectable par l’OMS en 2010. Toutefois, l’OMS a déclaré que l’infectiosité ESB a été détectée dans la moelle osseuse et le PrPSc l’a été dans le sang bovin (OMS, 2010 ; Trieschmann et al., 2005 ; Wells et al., 1999).
Wenz et al. ont rapporté que le traitement alcalin utilisé pour la préparation de Bio-Oss® a inactivé les prions de l’ESB (Wenz et al., 2001). Toutefois, nous continuons de croire que cette étude n’est pas valide en raison de la méthodologie qui a été utilisée. Selon plusieurs études, l’inactivation des prions ne devrait pas être évaluée par des niveaux résiduels de PrPSc par western blot mais par bioassay (Giles et al., 2008 ; McLeod et al., 2004 ; Peretz et al., 2006). Le PrPSc peut être facilement supprimé par des traitements chimiques, mais cela ne signifie pas que son infectiosité ait été éliminée. Après le traitement avec 1 % de dodécylsulfate de sodium et de l’acide acétique à 0,5 %, le PrPSc n’a pas été détecté par western blot dans des homogénats de cerveau infectés mais tous les hamsters d’un essai biologique ont développé la maladie après inoculation avec l’homogénat du cerveau (Peretz et al., 2006).
Les protéines de prions et des protéines de collagène sont différentes. Les prions sont des petites protéines pathologiques. Les particules de prion de moins de 20 nm sont infectieuses (Yunoki et al., 2010). Les collagènes sont des protéines animales structurelles beaucoup plus grosses que les prions.
Le risque de transmission des maladies à prions avec des greffes bovines reste incertain. Les conseils aux patients doivent inclure un résumé honnête des risques et on doit mettre en évidence le fait que le risque de maladie par un prion et celui de nouvelles caractéristiques génétiques chez l’hôte humain ne peuvent être évalués avec précision.
Dr Y. Kim, S.K. Rich, H. Nowzari