Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 03 du 01/09/2013

 

Revue Scientifique Internationale – Recherche clinique

Parodontologie recherche

Olivier HUCK  

But de l’étude

Cet article, issu des travaux du dernier groupe de travail conjoint de la Fédération européenne de parodontologie et de l’Association américaine de parodontologie, a eu pour objectif de faire le point sur les liens entre parodontites et maladies systémiques. L’intérêt majeur de ce travail est d’avoir un recul important sur les différents travaux épidémiologiques réalisés au cours des 10 dernières années (2002-2012). Dans ce premier article, les...


But de l’étude

Cet article, issu des travaux du dernier groupe de travail conjoint de la Fédération européenne de parodontologie et de l’Association américaine de parodontologie, a eu pour objectif de faire le point sur les liens entre parodontites et maladies systémiques. L’intérêt majeur de ce travail est d’avoir un recul important sur les différents travaux épidémiologiques réalisés au cours des 10 dernières années (2002-2012). Dans ce premier article, les relations avec les maladies cardio-vasculaires, le diabète et les effets sur le déroulement de la grossesse ne seront pas discutés.

Les critères de diagnostic de parodontite sont ceux définis par Page et Eke en 2007 (au moins 2 sites interproximaux présentant une perte d’attache supérieure ou égale à 4 mm ou une profondeur de sondage supérieure ou égale à 5 mm).

Résultats

Maladie pulmonaire obstructive chronique. Des travaux datant du début des années 2000 avaient mis en évidence le rôle de facteur de risque joué par les parodontites sur le développement de cette pathologie inflammatoire pulmonaire, notamment dans une étude avec 30 ans de suivi des patients (Garcia et al., 2001). Depuis, plusieurs revues systématiques de la littérature médicale ont été effectuées sur cette association et ont conclu uniquement à une association préliminaire entre les deux pathologies. Du fait qu’aucune des études sur le sujet n’a utilisé une définition satisfaisante des parodontites, des études prospectives incluant des populations plus larges ainsi que des études interventionnelles analysant l’impact de la prise en charge des parodontites sur le développement de la pathologie pulmonaire obstructive sont nécessaires.

Pneumonie. La majorité des études a mis en évidence un impact de l’amélioration de l’hygiène buccale des patients, notamment hospitalisés, dans la prévention de l’apparition de pneumonies dans des populations de patients à risque (hospitalisés, âgés). À l’heure actuelle, le faible nombre d’études de puissance suffisante ne permet pas de conclure sur l’effet des parodontites sur la survenue de pathologies infectieuses pulmonaires.

Pathologie rénale chronique. Ce type de pathologie est caractérisé par une diminution de la fonction de filtration rénale et est considéré comme un problème de santé publique majeur. Les études épidémiologiques abordant cette thématique ont démontré, la plupart du temps, une association entre parodontite et pathologie rénale, et ce avec un impact variant selon les études. Ce résultat a également été corroboré par une association entre survenue de la pathologie et taux élevé d’anticorps dirigés contre certains parodontopathogènes majeurs (Porphyromonas gingivalis, Actinobacillus actinomyce-temcomitans…). Cependant, il paraît important de prendre en compte la complexité de ce type de pathologie rénale souvent associée au diabète ou à d’autres pathologies rendant l’analyse du lien avec les parodontites difficile.

Polyarthrite rhumatoïde. À l’heure actuelle, peu d’études épidémiologiques fiables sont disponibles sur le sujet. Un grand nombre d’études publiées soit présentent des biais méthodologiques relatifs aux définitions des pathologies employées soit sont des études cas-témoins présentant des problèmes dans la constitution des groupes comme cela est discuté dans la revue systématique de Pablo et al. (2009). De même, peu d’études interventionnelles ont été publiées. En conclusion, le lien épidémiologique entre parodontite et polyarthrite rhumatoïde reste à mettre en évidence de manière plus précise. Par ailleurs, les études fondées sur des paramètres biologiques (anticorps dirigés contre P. gingivalis, citrullination…) apportent tout de même des informations allant dans le sens d’une influence des parodontites.

Déficience cognitive, maladie d’Alzheimer. Seules deux études sur le sujet répondent aux critères concernant la définition des parodontites. Cependant, bien qu’elles démontrent une association entre les deux types de pathologies, leurs résultats ne sont pas généralisables du fait de leurs protocoles. De ce fait, le lien entre parodontite et déficience cognitive doit être considéré comme faible et aucune preuve n’est disponible concernant une association avec la maladie d’Alzheimer. Des études prospectives plus précises, concernant notamment les paramètres de l’examen parodontal et cognitif des patients, sont nécessaires.

Obésité. L’obésité se définit comme une accumulation graisseuse excessive augmentant les risques pour la santé. Actuellement, la prévalence de cette pathologie est en augmentation et est associée à de nombreuses pathologies systémiques telles le diabète. Un lien avec les parodontites a également été proposé. Deux revues systématiques de la littérature sont actuellement disponibles (Chafee et Weston, 2010 ; Suvan et al., 2011) et mettent en évidence un lien entre les 2 pathologies. Cependant, il est important de prendre en compte que l’obésité est souvent associée à un mode de vie particulier et donc à une exposition à de nombreux facteurs de risque pouvant favoriser l’apparition de pathologies, notamment du diabète, cela constituant des facteurs confondants dans l’analyse du lien.

Syndrome métabolique. Le syndrome métabolique est composé de différents paramètres pathologiques tels certains facteurs de risque d’athérosclérose (obésité abdominale, dyslipidémie, hyperglycémie, hypertension) et est généralement associé au diabète. Seule une étude (D’Aiuto et al., 2008) remplissant tous les critères de définition des parodontites a mis en évidence un lien, et ce uniquement pour les patients de plus de 45 ans présentant une parodontite sévère.

Cancer. Du fait du grand nombre de facteurs de risque communs entre cancers et parodontite (tabac, âge, niveau socio-économique…), les études épidémiologiques sont difficiles à analyser. Dans un grand nombre de cas, l’historique de l’exposition des patients à ces différents facteurs peut être incomplet. Cependant, une étude répondant aux critères de définition des parodontites (Ahn et al., 2012) a mis en évidence un lien entre parodontite et cancers oro-digestifs, les données épidémiologiques étant corrélées à une association entre anticorps dirigés contre P. gingivalis et augmentation de la mortalité liée à ces mêmes cancers.

Commentaires

Cet article et ses résultats démontrent clairement l’intérêt des revues systématiques de la littérature scientifique. En effet, depuis de nombreuses années, beaucoup d’équipes s’intéressent à l’analyse du lien entre maladies parodontales et pathologies systémiques (plus de 100 articles publiés sur le sujet en 2012). Cependant, il apparaît important de vérifier si un lien existe au niveau épidémiologique car, comme le démontre ce travail, dans un grand nombre de cas, les travaux antérieurs réalisés présentent des différences concernant essentiellement la définition des parodontites par les auteurs, rendant ainsi les comparaisons délicates, voire impossibles. De ce fait, il est difficile d’établir des conclusions nettes et claires sur ces associations. Les futures études sur le sujet devront donc prendre en compte tous les paramètres influençant les pathologies étudiées et, surtout, bien définir les critères diagnostiques, notamment prendre en compte les différentes formes de parodontite et leur sévérité. Les études des mécanismes biologiques impliqués devront eux aussi permettre de mieux comprendre l’interaction entre les différentes pathologies. Dans tous les cas, toutes ces données doivent nous amener à promouvoir la prise en charge des patients atteints de parodontite et à mieux prévenir la survenue de ces pathologies.