Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 01 du 01/02/2013

 

Article

Zvi Artzi  

Docteur en médecine dentaire, Professeur associé, École de médecine dentaire, Université de Tel Aviv, Israel

Résumé

L’extraction d’une dent parodontalement atteinte procure un futur site implantaire plein de défis. Plusieurs options chirurgicales peuvent être envisagées lors de la phase post-extractionnelle : la cicatrisation de l’alvéole suivie d’une implantation différée ; une greffe immédiate de l’alvéole et une implantation différée ; une implantation immédiate ; une greffe et une implantation immédiates, et enfin une approche combinée avec greffe immédiate, implantation immédiate et pose d’une prothèse provisoire en un seul temps chirugical. La chronologie de l’implantation et de la greffe osseuse réalisées en un seul temps chirurgical ou en deux temps revêt une importance clinique non négligeable. La greffe osseuse et l’implantation constituent une approche prédictible qu’elles soient réalisées simultanément ou en approche différée. Le pour et le contre d’une approche privilégiée pour traiter un cas particulier seront passés en revue. Les modalités thérapeutiques particulières à chaque cas feront l’objet d’une discussion basée sur les données actuelles à la fois cliniques et histologiques des différentes approches.

Summary

The extraction of a periodontally destructive involved tooth is a challenging future site for implant placement. Several surgical options can be obtained at the post extraction phase: Socket healing followed by implant placement at a later stage, an immediate socket augmentation and delayed implant placement, an immediate implant placement, an immediate augmentation and implant placement, and the combined immediate augmentation, implant placement and provisional prosthesis.

The timing of implant placement and bone augmentation as a combined or a 2-stage event is of clinical importance. Bone augmentation and implant placement is a predictable technique whether performed simultaneously or as a delayed approach. Pros and cons of the preferred approach to the particular case selection are reviewed. The treatment modes for these cases are discussed in regard to the current clinical and histological data of the different approaches.

Key words

Guided bone regeneration, bone augmentation, extractionsite, socket site, osseointegration, osteoconduction, bovine bone, bone-implant contact

Aspects anatomiques et séquences de la cicatrisation

La pose d’un implant doit avoir pour objectif d’imiter la position d’origine de la dent naturelle extraite. Cependant, les limites anatomiques et la cicatrisation initiale de l’alvéole remodelée peuvent faire se dresser d’incontournables obstacles empêchant le résultat d’être couronné de succès.

L’analyse de la dimension des parois osseuses du maxillaire supérieur montre que, la plupart du temps, la largeur de la corticale osseuse est inférieure à 1 mm (Huynh-Ba et al., 2010 ; Januário et al., 2011).

La cicatrisation de l’alvéole est caractérisée par la résorption de l’os alvéolaire au niveau du site d’extraction (Atwood, 1957, 1971 ; Tallgren, 1972 ; Pietrokovski et al., 1975 ; Schropp et al., 2003 ; Araújo et Lindhe, 2005). Durant la phase postextractionnelle immédiate, le site de l’alvéole de la dent fraîchement extraite possède une caractéristique unique dans sa séquence de cicatrisation (Amler et al., 1960 ; Boyne, 1966 ; Evian et al., 1982 ; Cardaropoli et al., 2003 ; Araújo et Lindhe, 2005 ; Botticelli et al., 2006). Après l’extraction, des modifications dimensionnelles importantes se produisent au niveau de la crête édentée (Carlsson et al., 1967 ; Araújo et Lindhe, 2005 ; Schropp et al., 2003).

Dans les premières semaines qui suivent l’extraction, la crête alvéolaire édentée se résorbe et sa taille se réduit, en particulier au maxillaire antérieur. Les dimensions et la morphologie de la crête alvéolaire, initialement celles de la fine corticale vestibulaire, sont le siège d’une résorption et d’une adaptation rapides de l’alvéole non stimulée. Les changements morphologiques et la résorption de la crête alvéolaire résultent de l’absence de forces biomécaniques s’exerçant sur l’os. Au maxillaire antérieur, où la corticale alvéolaire est très fine, le processus de résorption est important. La résorption osseuse entraîne un positionnement palatin/lingual et apical de la crête alvéolaire car elle est particulièrement marquée au niveau de la corticale vestibulaire. Cela provoque une diminution du volume de la crête, une déformation de ses contours et des difficultés, lors d’un protocole différé, pour placer des implants coniques dans une position idéale. Dans une étude expérimentale chez le chien, il se produit, en l’espace de quelques semaines, une résorption plus rapide (de plus de 2 mm) de l’os vestibulaire au niveau des fines corticales vestibulaires qu’à celui des corticales relativement épaisses situées en lingual (Araújo et Lindhe, 2005), et ce que l’extraction ait été réalisée avec ou sans élévation d’un lambeau (Araújo et Lindhe, 2009).

Après l’extraction, la zone décrite va servir de site de cicatrisation. Le processus de cicatrisation des alvéoles est dominé par l’envahissement progressif du caillot par du tissu de granulation, puis par une matrice provisoire (tissu conjonctif). Une semaine après l’extraction, l’alvéole est caractérisée par la présence de tissu de granulation constitué d’un réseau vasculaire, de tissu conjonctif immature et d’une formation ostéoïde dans la partie apicale, ainsi que d’un recouvrement épithélial de la plaie. Un mois après l’extraction, l’alvéole est caractérisée par la présence d’un tissu conjonctif dense recouvrant les alvéoles résiduelles, et elle est remplie de tissu de granulation. Une trame d’os trabéculaire commence à apparaître. Le recouvrement de la plaie par l’épithélium est terminé après les différentes étapes de formation osseuse (Amler et al., 1960 ; Evian et al., 1982 ; Cardaropoli et al., 2003).

Cependant, dans un contexte de pathologie parodontale, lorsque la destruction partielle/totale des parois de l’alvéole est évidente, la croissance de tissu conjonctif à l’intérieur du site d’extraction est inévitable, ce qui va conduire à une déformation de la crête.

Par conséquent, la préservation de la crête alvéolaire et l’obtention d’une crête aux dimensions convenables sont des éléments importants lorsque l’on doit poser un bridge fixé implanto-porté. Quand on place un matériau de greffe immédiatement après l’extraction, on peut faire plusieurs observations fondamentales. Au niveau des corticales osseuses, bien que la prévention d’une résorption verticale n’ait pas pu être démontrée, on observe une résorption horizontale réduite et la préservation de la plupart du volume initial (Nevins et al., 2006 ; Chen et al., 2007 ; Barone et al., 2012). Dans la plupart des études (Artzi et al., 2000, 2001 ; Cardaropoli et al., 2003 ; Araújo et Lindhe, 2005, 2009 ; Nevins et al., 2006 ; Chen et al., 2007), le biomatériau utilisé est d’origine bovine : il s’agit du Bio-Oss®.

Des recherches très poussées ont également été menées pour déterminer si l’implantation immédiate pouvait empêcher la résorption osseuse physiologique qui se produit au niveau des parois de l’alvéole durant sa cicatrisation.

Des essais cliniques menés chez l’homme et chez l’animal ont montré de façon unanime que l’implantation immédiate n’altérait ni n’influençait la résorption de l’os environnant (Schropp et al., 2003 ; Araújo et Lindhe, 2005 ; Botticelli et al., 2006).

Par conséquent, la préservation des crêtes alvéolaires et/ou leur augmentation doivent être considérées comme des techniques de routine à réaliser avant ou en même temps que la pose de l’implant.

À quel moment réaliser l’implantation avec ou sans greffe d’augmentation osseuse ?

L’implantation immédiate dans l’alvéole d’une dent fraîchement extraite est une technique fiable, prévisible et toujours réussie (Schropp et al., 2003 ; Esposito et al., 2006 ; Quirynen et al., 2007). De nombreux rapports de cas cliniques ont montré que cette technique pouvait être considérée comme une procédure de routine et rationnelle (Barzilay et al., 1991 ; Lazzara, 1989 ; Ross et al., 1989 ; Nyman et al., 1990 ; Becker et Becker, 1990).

Des études multicentriques et des rapports de consensus montrent qu’elle est prévisible et qu’elle peut être réalisée de façon routinière et en toute sécurité (Mayfield et al., 2001 ; Chen et al., 2004 ; Wagenberg et Froum, 2006 ; Esposito et al., 2007 ; Chen et Buser, 2009).

Il a également été démontré que la pose d’un implant en même temps que ou avant une greffe d’augmentation de la crête alvéolaire était une option thérapeutique couronnée de succès lors d’une reconstruction prothétique fonctionnelle à long terme (McAllister et Haghighat, 2007 ; Tonetti et Hämmerle, 2008). Plusieurs techniques chirurgicales ont été décrites pour atteindre ce but, la régénération osseuse guidée (ROG) étant l’une des plus connues et des plus prévisibles d’entre elles (Buser et al., 1996, 2002 ; Simion et al., 2001). Récemment, il a été rapporté que le taux de succès à long terme d’une restauration prothétique implanto-portée était équivalent à celui des implants placés dans de l’os régénéré ou dans de l’os natif, quel qu’ait été le moment de l’implantation (Buser et al., 2009 ; Blanco et al., 2005 ; Juodzbalys et al., 2007 ; Donos et al., 2008 ; Dahlin et al., 2009). La technique de l’augmentation peut être réalisée avant ou en même temps que la pose de l’implant : les deux approches montrent des taux de succès cliniques élevés et un succès fonctionnel à long terme (Buser et al., 1996, 2002 ; Hämmerle et al., 1998 ; Lundgren et al., 1999 ; van Steenberghe et al., 2000 ; Simion et al., 2001 ; Christensen et al., 2003). Il a également été déclaré que l’obtention de la stabilité initiale de l’implant était un prérequis pour le succès de l’ostéo-intégration, quelle que soit la technique utilisée (Wikesjö et Nilvéus, 1990 ; Rasmusson et al., 1999 ; Lundgren et al., 1999 ; Becker et al., 2005 ; Lioubavina-Hack et al., 2006).

La régénération osseuse guidée est une technique bien établie et bien documentée (Dahlin et al., 1988, 1989 ; Nyman et al., 1990 ; Buser et al., 1993, 1995 ; Schenk et al., 1994 ; Simion 2003). Elle peut être réalisée avant, pendant et/ou après la pose de l’implant. De nombreuses séries de cas (Buser et al., 1996, 2009 ; Fugazzotto, 1997 ; Corrente et al., 2000 ; Blanco et al., 2005 ; Juodzbalys et al., 2007 ; Dahlin et al., 2009) et des données systématiques (Donos et al., 2008) témoignent de son efficacité clinique sur le taux de survie/succès des implants placés dans des sites greffés et non greffés. L’implantation précoce, par opposition à la technique de régénération osseuse guidée, montre des résultats encourageants (Donos et al., 2008 ; Buser et al., 2009). L’ostéo-intégration représente un processus dynamique durant aussi bien sa mise en œuvre que son maintien (Berglundh et al., 2003). Les implants placés dans une greffe d’os autogène en onlay, simultanément ou selon une procédure différée, favorisent l’intégration et la stabilité de cette dernière (Lundgren et al., 1999 ; Rasmusson et al., 1999).

Cependant, il n’y a pas de preuve clairement établie permettant de dire si une technique de régénération osseuse guidée simultanée influence ou non le taux de survie implantaire (Donos et al., 2008).

Des rapports de consensus (Donos et al., 2008 ; Tonetti et Hämmerle, 2008) ont attiré l’attention sur le fait qu’il y a trop peu de données concernant l’influence que peut avoir la chronologie de la technique de greffe d’augmentation sur la qualité du tissu osseux péri-implantaire régénéré dans le site greffé.

Dans une étude récente (Artzi et al., 2010b), une évaluation qualitative et quantitative du degré d’ostéo-intégration a été réalisée pour rechercher l’efficacité de l’implantation et de la régénération osseuse guidée, selon qu’elles étaient réalisées simultanément ou en deux temps. L’analyse morphométrique révèle que dans les deux cas, les niveaux d’ostéo-intégration sont similaires à long terme (fig. 1 à 4).

Dans les deux techniques, on observe une quantité supérieure d’os néoformé à proximité de la surface rugueuse de l’implant. Cependant, la procédure différée montre une augmentation significative d’os néoformé (63,4 contre 55,0 %), une ostéoconduction plus élevée autour du matériau greffé (71,4 contre 37,7 % à 8 mois seulement), moins de résorption osseuse crestale (0,92 contre 1,11 mm) et un défaut osseux vertical moins profond (0,50 contre 0,88 mm) à long terme que la procédure en un temps. Il n’en reste pas moins que, d’un point de vue pratique, la chronologie de la technique de la greffe n’a pas d’influence sur le degré d’ostéo-intégration ou sur le résultat clinique.

À quel moment réaliser l’implantation avec ou sans mise en charge immédiate ?

Des processus de vascularisation, de prolifération cellulaire, de différenciation cellulaire et de remodelage osseux sont impliqués dans l’ostéo-intégration (Brånemark, 1985). Une recherche intensive concernant la mise en charge mécanique a montré que l’application d’une force contrôlée pouvait conduire à l’excitation d’ostéocytes. Par ailleurs, l’application d’une force élevée – par le biais d’une mise en charge mécanique – affecte la circulation des fluides de la matrice péricellulaire dans la partie canaliculaire-lacunaire de l’os trabéculaire (Han et al., 2004). Kapur et al. ont examiné l’effet d’une force de cisaillement constante sur l’os et rapportent une augmentation significative de la thimidine (un indicateur de prolifération) et de l’activité de la phosphatase alcaline lors de la différenciation des ostéoblastes (Kapur et al., 2003). Par conséquent, il est admis qu’il existe une corrélation entre les amplitudes des forces (telles qu’elles sont appliquées par une mise en charge mécanique) et leur influence sur le devenir des cellules osseuses (Leucht et al., 2007).

La mise en charge/mise en fonction immédiate d’une prothèse complète fixée implanto-portée est devenue une approche acceptable étayée par des données cliniques scientifiquement prouvées (Tarnow et al., 1997 ; Schnitman et al., 1997 ; Grunder, 2001 ; Gapski et al., 2003 ; Wolfinger et al., 2003 ; Attard et Zarb, 2005 ; Balshi et al., 2005 ; De Bruyn et al., 2008 ; Esposito et al., 2007, 2009 ; Degidi et al., 2009). On trouve également un taux de survie élevé pour l’implantation immédiate durant la phase postextractionnelle (Polizzi et al., 2000). Une méta-analyse portant sur la mise en charge immédiate, précoce ou différée (Esposito et al., 2007) n’a pas révélé de différence significative. Il semble que la stabilité primaire de l’implant joue un rôle essentiel dans l’obtention d’un succès prévisible (Anitua et al., 2008 ; De Bruyn et al., 2008 ; Degidi et al., 2009 ; Esposito et al., 2007, 2009 ; Henry et Liddelow, 2008).

Une revue systématique de la littérature actuelle (Quirynen et al., 2007) portant sur cette technique montre un taux de survie supérieur à 95 % dans 34 études prospectives/rétrospectives. Par ailleurs, l’ajout d’une mise en charge contrôlée n’a pas influencé les résultats (Grunder, 2001 ; Crespi et al., 2007 ; Degidi et al., 2007 ; Guida et al., 2008). Que les implants aient été placés dans une alvéole d’extraction fraîche ou dans une crête alvéolaire d’os natif (cicatrisée), la mise en fonction immédiate n’a pas aggravé leur pronostic.

La clé du succès d’une technique prévisible dépend des facteurs chirurgicaux et prothétiques. Tout d’abord, l’obtention de la stabilité primaire initiale de l’implant est essentielle (Esposito et al., 2007, 2009) et ne doit pas être compromise, en particulier durant la phase de connexion du pilier implantaire. Ensuite, l’armature prothétique provisoire rigide préfabriquée doit être ajustée à une occlusion totalement équilibrée avec l’arcade antagoniste.

Bien qu’une implantation immédiate postextractionnelle soit une approche fiable et couronnée de succès, et que les deux techniques (c’est-à-dire la pose de l’implant et sa restauration) soient bien documentées, des données comparables concernant la pose d’implants avec mise en charge/en fonction immédiate dans des sites d’alvéoles d’extraction fraîche par rapport aux sites édentés d’os natif (cicatrisés) sont encore nécessaires malgré les différents rapports faits à ce sujet (Crespi et al., 2007 ; Degidi et al., 2007 ; Nordin et al., 2007).

Sans remettre en cause les principes traditionnels de Brånemark établis pour obtenir une ostéo-intégration (Adell et al., 1985), la réalisation d’une contention soigneusement équilibrée sur toute l’arcade pourrait s’avérer tout aussi prévisible et réussie (Schnitman et al., 1997 ; Tarnow et al., 1997 ; Attard et Zarb, 2005 ; De Bruyn et al., 2008) que l’approche en deux temps. De plus, les implants mis en charge immédiatement qui font partie intégrante de cette contention rigide de toute l’arcade pourraient également mener au succès, qu’ils soient placés dans un site d’extraction immédiate ou dans un site cicatrisé (Aires et Berger 2002 ; Crespi et al., 2007 ; Degidi et al., 2007 ; Nordin et al., 2007).

De récents rapports (Jaffin et al., 2007 ; Artzi et al., 2010) ont également montré que la mise en charge immédiate d’un bridge complet pouvait être réalisée lors d’une implantation immédiate juste après l’extraction.

Résultat clinique de l’implantation et d’une greffe d’augmentation du site de l’alvéole

La mise en condition tissulaire et la stabilité implantaire sont les principaux outils d’évaluation de la cicatrisation et de la fonction. La plupart des chercheurs et des cliniciens ont utilisé la profondeur de sondage, le saignement au sondage et la stabilité implantaire comme principaux paramètres pour évaluer et suivre le succès ou l’échec (Lang et Lindhe, 2003 ; Salvi et Lang, 2004 ; Gerber et al., 2009 ; Karbach et al., 2009 ; Adibrad et al., 2009).

Bien que la réponse cicatricielle observée lors d’une implantation associée à une greffe d’augmentation osseuse, réalisées simultanément ou en deux temps, soit appréciable, il est très intéressant d’utiliser ces paramètres pour évaluer le suivi clinique des implants placés selon les deux techniques.

Dans une étude longitudinale en utilisant des paramètres cliniques chez le chien, Artzi et al. ont pu suivre l’état des tissus mous et la stabilité implantaire lors d’une simulation d’implantation et de greffe osseuse réalisées simultanément ou selon une approche en deux temps, jusqu’à 8 et 16 mois après l’implantation (Artzi et al., 2012). Sur le plan clinique, de fréquents brossages réguliers et une maintenance rapprochée ont permis de maintenir l’aspect des tissus mous en bonne condition. La stabilité implantaire s’est maintenue durant toute la période de l’étude et au niveau de tous les sites chirurgicaux. On observe une bonne fonction en accord avec la capacité de mastication, en suivant ainsi l’aspect des tissus mous marginaux et en obtenant un son clair lors d’une légère percussion sur l’implant relié aux suprastructures. La profondeur de sondage et le saignement au sondage se sont améliorés avec le temps. Étant donné que le niveau des tissus mous marginaux était cliniquement stable, on peut supposer que la réduction des profondeurs de sondage avec le temps est sans doute plus liée au niveau d’attache clinique qu’à la récession muqueuse marginale. Il semble qu’une hygiène buccale méticuleuse et un remodelage osseux fonctionnel continu aient permis une amélioration des profondeurs de sondage, quel que soit le type de site. Des résultats similaires ont également été observés dans une étude menée chez l’homme (Meijndert et al., 2008). Dans une autre étude chez l’homme, Mayfield et al. ont évalué des implants placés dans de l’os bovin sur des crêtes greffées ou non (Mayfield et al., 2001) : la profondeur de sondage (Lang et al., 1994) était de 1,5 mm et le saignement au sondage moyen (Mombelli et al., 1987) de 0,1 mm. Ces auteurs rapportent également qu’ils n’ont observé aucune différence clinique entre les implants placés en même temps qu’une greffe et ceux placés selon la procédure en deux temps.

La tendance à une amélioration clinique se répète pour le saignement au sondage. Au bout de 8 mois, les moyennes varient entre 0,35 et 0,50 au niveau des différents sites et diminuent durant la période d’observation dans une fourchette allant respectivement de 0,07 à 0,42. Comme pour la profondeur de sondage, les valeurs de saignement au sondage les plus faibles sont observées avec la technique différée, et ce durant les deux périodes d’observation.

Des données significatives ont été notées en termes de stabilité implantaire mesurée à l’aide du Periotest®. Ces résultats attirent particulièrement l’attention sur le rôle critique de ce facteur considéré comme un prérequis pour le succès à long terme (Lioubavina-Hack et al., 2006). En général, la surface implantaire mordancée à l’acide montre un ancrage supérieur au niveau des tissus environnants (Klokkevold et al., 2001). Durant les deux périodes d’observation, les données enregistrées à l’aide du Periotest®, au niveau du site greffé remodelé sont significativement plus hautes (plus élevées moins les valeurs de PT) lorsqu’on les compare aux sites qui ont bénéficié de la technique combinée. Il semble que cela n’est pas dû à l’implantation différée elle-même mais, plutôt, à l’étape cicatricielle de remodelage de l’enveloppe osseuse environnante au moment de l’enregistrement des valeurs PT par le Periotest®. Cependant, étant donné que l’on observe une différence significative de façon répétée au bout de 16 mois, on peut en déduire qu’en ce qui concerne la stabilité implantaire telle qu’elle est mesurée par le Periotest®, l’approche différée montre des valeurs de PT plus élevées. Par ailleurs, les bio implants à 6 mois sont même supérieurs en valeur de PT par rapport au groupe témoin (non greffé). On peut anticiper que le fait que les particules d’os bovin ne se sont pas résorbées par la suite mais se sont plutôt amalgamées avec l’os néoformé sur une longue période de temps (Artzi et al., 2004) a favorisé la formation d’un support solide autour du corps de l’implant pour aboutir à une valeur négative élevée du Periotest®. La présence permanente des particules greffées permet d’obtenir un tissu greffé dur, associé à l’os néoformé en un nouveau réseau « trabéculaire ». Cela contribue à la stabilité du site greffé en inhibant la résorption osseuse (Xu et al., 2004). Rodriguez et al. (1998) ont également montré un temps de cicatrisation prolongé pour la crête régénérée par du Bio-Oss®. Ces auteurs recommandent une implantation différée pour permettre à la maturation osseuse de se faire.

Malgré les différents défauts créés, la cicatrisation clinique a été parfaite et similaire pour tous les types de sites. Il semblerait que les greffes d’augmentation réalisées en simultané ou en différé soient des techniques sûres. D’un point de vue clinique, l’implantation et la greffe osseuse montrent une excellente adaptation au niveau des tissus muqueux concernés et sous-jacents, quel que soit le moment de la mise en place de la greffe. Lorsque l’hygiène du patient est contrôlée par un professionnel, la profondeur au sondage diminue avec le temps alors que la stabilité implantaire s’avère plus élevée lorsque l’on réalise l’approche différée.

Dans une étude récente (Perelman-Karmon et al., 2012), des sites d’alvéoles d’extraction unitaire fraîches ont été comblés avec de l’os bovin avec et sans recouvrement par une membrane de régénération tissulaire guidée. Sur le plan morphométrique, les sites greffés protégés par une membrane montrent une quantité d’os néoformé plus importante que ceux qui ne le sont pas. Il faut considérer qu’un site greffé protégé par une membrane se comporte comme un site clos avantageux à l’endroit où la membrane de régénération tissulaire guidée – durant la période initiale de la cicatrisation – confine les particules greffées et stabilise l’ensemble du site en plus de sa participation biologique. Dans les sites non protégés, une petite partie des particules du biomatériau est perdue et/ou demeure dans le tissu mou superficiel. De plus, l’os le moins néoformé se retrouve dans la zone crestale, que le site soit protégé par une membrane ou non. Cela pourrait s’expliquer par le fait que l’écartement entre les parois de l’alvéole peut jouer un rôle (Artzi et al., 2000). Dans un site d’extraction, cet écartement diminue en direction apicale. De ce fait, c’est un site amplement nourri. Néanmoins, dans les deux sites, les particules greffées sont entourées d’os néoformé et, sur le plan clinique, tous les sites montrent une formation de tissus durs, ce qui est appréciable pour la préparation du site implantaire. Apparemment, le taux de résorption lent de l’os bovin n’inhibe pas la formation osseuse continue. En revanche, il la favorise progressivement (Artzi et al., 2004). Dans les sites greffés non protégés chez l’homme (Artzi et al., 2000, 2001), la proportion de la zone d’os augmente en pourcentage lorsque l’on s’approche de la zone apicale. Les défauts intra-osseux cicatrisent avec de l’os bovin seul ou avec de l’os bovin associé à une membrane résorbable. Il a été démontré que la quantité de régénération osseuse est encore supérieure avec la dernière approche (Camelo et al., 1998).

Le fait qu’un site alvéolaire protégé par une membrane montre une plus grande quantité d’os néoformé a suscité un certain intérêt. Dans une étude fondée sur le suivi de la densité osseuse par tomographie assistée par ordinateur, menée chez le chien (Kim et al., 2008), les auteurs trouvent des résultats similaires concernant l’influence de l’approche régénération tissulaire guidée (avec membrane). De plus, la stabilité de la plaie et les micromouvements indésirables (Haney et al., 1993 ; Wikesjö et Selvig, 1999) qui auraient pu se produire dans cette région, pourraient influencer le processus de remodelage.

Résultat clinique de l’implantation postextractionnelle et de la mise en charge immédiate

Il est donc prouvé qu’un implant mis en fonction immédiatement et support d’un bridge complet constitue une procédure fiable et vouée au succès (Gapski et al., 2003 ; Wolfinger et al., 2003 ; Attard et Zarb, 2005 ; Degidi et al., 2009). On note également un taux de survie élevé en ce qui concerne l’implantation immédiate dans une alvéole d’extraction (Polizzi et al., 2000). Une méta-analyse comparant les mises en charge immédiate, précoce et différée (Esposito et al., 2007) ne montre aucune différence significative. Il semble que la stabilité primaire de l’implant joue un rôle majeur dans l’obtention d’un succès prévisible (De Bruyn et al., 2008 ; Esposito et al., 2007, 2008 ; Anitua et al., 2008 ; Henry et Liddelow, 2008).

Dans une étude récente (Artzi et al., 2010a), 676 implants ont été placés dans des alvéoles de dents fraîchement extraites et dans des sites cicatrisés chez 54 patients dont les arcades ont été simultanément restaurées par des bridges complets (fig. 5 à 10).

Les paramètres cliniques et radiographiques ont été enregistrés pendant 36 mois. Il semble que le taux de survie des implants – qu’ils aient été placés dans une alvéole d’extraction ou dans de l’os natif (site cicatrisé) – soit similaire (97 %). Cependant, après 3 ans de fonction, la résorption de l’os crestal était légèrement plus élevée, et ce de façon significative, au niveau du site d’os natif (1,1 mm) par rapport au site d’alvéole d’extraction (0,79 mm). Les implants courts (8 mm) et étroits (3,3 mm) sont associés à des échecs de façon significative. La résorption de l’os crestal est également corrélée aux sites traités simultanément par une greffe osseuse d’augmentation et une pose d’implant. Nous en avons conclu que la pose d’implants immédiatement suivie par une restauration par un bridge complet fixé, que ce soit dans des sites d’extraction ou dans des alvéoles cicatrisées, peut être cliniquement réussie et le résultat maintenu dans le temps.

Un rapport précédent sur le protocole d’implantation/mise en charge immédiate montre un taux de survie cumulatif de 80 % à 5 ans (Wolfinger et al., 2003). Cependant, seuls 4 implants par patient avaient été immédiatement mis en charge. Il semble que cette approche combinée chirurgie/prothèse convienne mieux à la pose et mise en charge d’un plus grand nombre d’implants. Selon nos données (Artzi et al., 2010a), le nombre par arcade est en moyenne de 8,6 implants.

Davarpanah et al. (2007) ont rapporté un taux d’échecs relativement élevé durant la phase chirurgicale d’implants placés dans des alvéoles d’extraction avec mise en charge précoce (9 %), ainsi que dans des sites cicatrisés (20 %). Cependant, la phase de mise en charge, qui implique l’utilisation de suprastructures vissées et dévissées, a été réalisée 3 à 4 jours après l’implantation. Cela a pu compromettre la phase critique de l’organisation de la fibrine durant la cicatrisation, en l’orientant vers une ostéo-intégration précoce.

Le volume d’os total est considéré comme un facteur qui accompagne les implants lorsqu’ils sont intégrés dans une restauration complète, à condition que la distance mésio-distale prérequise soit préservée (Tarnow et al., 2000). Comme le montrent les données suivantes, plusieurs autres facteurs, tels que la longueur et/ou le diamètre de l’implant, pourraient influencer la réussite du résultat de cette technique.

Il y a eu 10 échecs malgré le faible nombre d’implants, de 8 mm de longueur (n = 20, 4 échecs) et de 3,3 mm de diamètre (n = 68, 6 échecs), qui étaient statistiquement significatifs par rapport à leur taille. Il est intéressant de noter que 4 des 6 échecs pour les implants de 3,3 mm de diamètre et 2 des 4 échecs pour les implants de 8 mm de longueur, qui ont été déposés, provenaient de sites d’alvéoles d’extraction. Des données récentes ont montré que le diamètre et/ou la longueur sont des facteurs déterminants (Ding et al., 2009).

Les implants courts et/ou étroits ne sont pas indiqués dans les alvéoles d’extraction. Cependant, le faible nombre de ces implants utilisés dans la présente étude n’a pas permis de parvenir à une conclusion statistiquement significative. Dans une revue critique portant sur l’approche de mise en charge immédiate, la configuration de l’implant est suggérée comme étant l’un des facteurs principaux qui assurent la réussite du résultat (Gapski et al., 2003).

Dans notre étude (Artzi et al., 2010a), la résorption de l’os crestal s’est amplifiée avec le temps, ce qui a également été rapporté au bout de 6 et 12 mois (Yoo et al., 2006 ; Testori et al., 2008). Dans une approche chirurgicale/prothétique similaire récente réalisée au maxillaire, la résorption de l’os crestal est de 1,6 mm à 8 mois, de 2 mm à 20 mois et de 2,1 mm à 32 mois (Bergkvist et al., 2009). Bien que l’alvéole d’extraction et les sites d’os natif cicatrisés soient comparables en termes de succès, on note une différence significative entre les deux sites au fil du temps en ce qui concerne la résorption de l’os crestal autour du col de l’implant. Il est intéressant de noter qu’au niveau des alvéoles d’extraction, la résorption de l’os crestal est significativement moins importante qu’au niveau des sites d’os natif mesurés au bout de 6, 18 et 3 mois. Lors d’une étude prospective sur 3 ans portant sur des bridges complets mis en fonction immédiatement à la mandibule (De Bruyn et al., 2008), la résorption de l’os crestal est de 0,8 mm à 1 an, de 1 mm à 2 ans et de 1,3 mm à 3 ans. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus pour les sites cicatrisés de la présente étude mais sont plus élevés que ceux obtenus au niveau des sites d’extraction implantés. Un examen en radiographie numérisée portant sur 150 implants au bout de 18 mois (Crespi et al., 2007), placés dans des alvéoles d’extraction et mis en charge immédiatement, renforce et confirme ces résultats. Une explication possible de ce résultat pourrait être liée à la nature de la cicatrisation et du remodelage continuel du caillot organisé et non traumatisé dans la zone crestale du site d’extraction autour du col de l’implant, comparée à l’os crestal traumatisé par l’action mécanique motorisée autour du col implantaire dans les sites d’os natif. Un site d’alvéole d’extraction, en tant que site d’accueil approprié pour un implant, est comparable à une table osseuse d’os natif et pourrait être un avantage dans le type de cicatrisation autour d’une surface en titane ostéoconductrice du corps de l’implant. Cependant, ce n’est pas le cas lorsque l’on compare les sites greffés et non greffés. Dans notre étude (Artzi et al., 2010a), il y a une résorption de l’os crestal significativement plus importante au niveau des sites greffés autour du col implantaire qu’à celui des sites non greffés lors des mesures de suivi enregistrées à 6, 18 et 36 mois. Néanmoins, les deux procédures ont entraîné une résorption minime, qui n’excède pas 1 mm d’os crestal au bout de 3 ans d’observation.

Une étude similaire a été menée, toutefois dans une plus petite série de patients, et trouve des résultats semblables (Jaffin et al., 2007). Elle incluait 139 implants chez 17 patients : 42 ont été placés dans une alvéole d’extraction et 97 dans de l’os natif. Au bout de 3 ans, la résorption de l’os crestal était respectivement de 0,86 et 1,07 mm et passait à, 1,30 et 1,45 mm après 4 ans et demi de suivi.

D’un point de vue histologique, il manque encore des données permettant de fournir une information concluante en ce qui concerne la mise en charge immédiate et la qualité de l’ostéo-intégration. Liñares et al. ont évalué l’effet du moment de la mise en charge (immédiate et au bout de 4 semaines) sur les contacts os/implant après une pose immédiate d’implants dans des alvéoles d’extraction chez 6 cochons nains (Liñares et al., 2011). Ils ont constaté que l’implantation et la mise en charge immédiates conduisaient à des contacts os/implant similaires (= 65 %), ainsi qu’à des niveaux de crête osseuse semblables, laquelle présentait une certaine résorption indépendamment de la procédure utilisée : implantation/mise en charge immédiate par rapport à l’implantation immédiate/mise en charge différée.

Conclusion

Les paramètres cliniques s’avèrent équivalents, que les implants soient placés lors d’une phase immédiate postextractionnelle ou dans une crête alvéolaire cicatrisée. La mise en charge immédiate via un bridge fixé complet sur des implants placés dans des alvéoles d’extraction et/ou dans des sites édentés (d’os natif) cicatrisés est une procédure dont la prévisibilité et les taux de succès à long terme sont similaires à ceux de l’approche différée.

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