Article
Sandra K. RICH* Hessam NOWZARI**
*Professeur associé, Programme de formation avancée en parodontologie, École de dentisterie Herman Ostrow, Université de Californie du Sud, Los Angeles, États-Unis.
**Professeur en dentisterie clinique, Directeur (1995-2012) du Programme de formation avancée en parodontologie, École de dentisterie Herman Ostrow, Université de Californie du Sud, Los Angeles, États-Unis. Fondateur de Taipei Académie de Médecine Dentaire Reconstructive, Taïwan.
Dans cet article, nous discuterons des tendances qui affectent les études dentaires aux États-Unis telles qu’elles sont perçues par deux confrères qui partagent une longue carrière et une grande expérience en tant qu’enseignants en odontologie. Après avoir sélectionné des travaux de recherche très récents portant sur l’enseignement, qui seront cités et commentés, cet article se propose d’explorer une large gamme de tendances qui influencent les études dentaires et tente de juger et de résumer leur impact potentiel sur l’avenir de l’enseignement dentaire aux États-Unis.
Trends affecting dental education in the United States (US) will be discussed in this paper as viewed by two colleagues who share longevity and experience as dental educators. By citing and commenting on selected, current national and international research in education, this paper will explore a wide range of influences on dental education and attempt to judge and summarize the potential impact of these trends on the future of dental education in the US.
Les publications sur l’enseignement dentaire révèlent que de nombreuses sommités sont convaincues que le système américain traverse une crise et réclament que l’on prête immédiatement attention à une large gamme d’influences (Bailit et al., 2006 ; DePaola, 2008 ; Kalkwarf et al., 2005 ; Pyle et al., 2006 ; Roth, 2007). Parmi les influences énumérées, nombreuses sont celles qui concernent la profession dentaire elle-même et qui renvoient forcément à la restructuration des études dentaires. Les autres agissent directement sur les programmes universitaires et la vie quotidienne des étudiants en odontologie. Cet article laisse entendre qu’il existe des pressions pour que les portes de l’odontologie soient plus largement ouvertes afin de faire face à la demande d’une population croissante et de plus en plus diversifiée, pour supprimer les barrières que constituent les contrôles sévères exercés sur les responsabilités des praticiens de niveau intermédiaire1 et pour étendre les possibilités d’exercice des dentistes en encourageant à la fois les soins de santé primaires et les modèles de soins interprofessionnels.
Le concept américain de l’odontologie en tant que profession de santé à part entière et indépendante de la médecine a vu le jour au début du XIXe siècle. L’école dentaire de Baltimore a ouvert en 1840, marquant le début des études classiques pour les dentistes (Schulein, 2004). Le nombre de ces écoles s’est accru à la fin des années 1800. Il s’agissait surtout d’institutions privées (non affiliées à des universités) et à but lucratif. Au début du XXe siècle, le tout nouveau Conseil sur les études dentaires a rédigé un document bien connu, le « rapport Gies » (Gies, 1926), qui insistait pour que les écoles dentaires soient rattachées aux écoles de médecine et aux principales universités, ce qui s’est effectivement produit puisque, au début des années 1930, la dernière école dentaire privée a été fermée (Schulein, 2004). En 2002, Bertolami concluait, dans son article sur la recherche et l’érudition dans les écoles dentaires que « la vaste majorité des écoles dentaires américaines sont installées sur les campus des universités de pointe en matière de recherche » (Bertolami, 2002).
« La place de l’odontologie en tant que profession érudite, autorégulée, au prestige professionnel et à la responsabilité équivalents à ceux de la médecine et du droit dépend de son envergure et de sa crédibilité dans la société et va de pair avec le fait qu’elle fait partie intégrante des universités de pointe en matière de recherche. » (Formicola et al., 2008)
Après quasiment un siècle d’efforts de la part des écoles dentaires pour suivre les recommandations du rapport Gies et s’affilier aux écoles de médecine et de recherche, on assiste à un net retour en arrière avec la création de nouveaux établissements d’enseignement supérieur autonomes ou semi-autonomes. D’après le rapport Gies, l’affiliation à une université constituait la seule voie pour accroître l’assise scientifique et la crédibilité d’un métier fondé sur l’apprentissage et qui aspirait à devenir une profession scientifique reconnue. Bien que le site web de l’Association dentaire américaine (ADA) (American Dental Association, 2011) précise qu’il n’existe plus aucune école dentaire privée actuellement aux États-Unis, un certain nombre des nouvelles écoles dentaires en ont les caractéristiques : elles sont payantes, ne sont pas situées sur des campus ou directement affiliées à des universités, n’exigent ni ne demandent au corps enseignant de publier des travaux de recherche et/ou ne lui offrent pas de postes stables. En Europe, l’enseignement universitaire dentaire est en train de glisser de la stomatologie vers l’odontologie (Scott, 2003) mais le contexte et les raisons de ce changement de cap ont peu de similitudes avec le phénomène américain. L’enseignement des écoles dentaires américaines s’est rarement aussi étroitement aligné sur celui des écoles de médecine, comme c’est le cas pour certains établissements européens. Mais la collaboration des facultés dentaires avec les chercheurs des écoles de médecine et des universités auxquelles elles sont affiliées a amélioré de façon significative, tant en quantité qu’en qualité, la recherche.
Toutes les écoles dentaires aux États-Unis offrent un cursus de 4 ans ou son équivalent, précédé de 2 à 4 ans de prérequis et/ou d’un baccalaureate2. Leur nombre est passé de 55 en 2000 à 62 en 2012. Cinq des six nouvelles écoles qui ont ouvert avant 2012 sont privées, la dernière est publique. Deux écoles privées supplémentaires ont reçu leur accréditation et sont prêtes à ouvrir en 2012 et 2013 (tableau 1). De plus, il est de notoriété publique dans le milieu dentaire que d’autres écoles se préparent à ouvrir (American Dental Association, 2011, 2011 ; Valachovic, 2012).
Un des objectifs prioritaire des nouvelles écoles dentaires est d’atteindre les catégories de patients mal loties en la matière et de fournir des connaissances aux étudiants. Elles disposent des fonds nécessaires pour se doter d’équipements et de technologies à la pointe du progrès ; la plupart sont affiliées à des écoles d’ostéopathie plutôt que de médecine. (L’ostéopathie est une branche de la médecine aux États-Unis. Les ostéopathes, qui obtiennent le diplôme de médecin ostéopathe, sont autorisés à pratiquer la médecine dans l’ensemble des 50 États car ils remplissent les conditions requises). Toutes les nouvelles écoles offrent un niveau de qualité acceptable, comme le certifie la Commission d’accréditation dentaire (CODA, Commission on Dental Accreditation). Pendant la vingtaine d’années précédant l’ouverture de la première nouvelle école dentaire en 2000, 7 écoles dentaires avaient fermé aux États-Unis, dont 5 étaient affiliées à des universités de recherche (Formicola et al., 2008).
La CODA (Commission on Dental Accreditation, 2010), qui est soutenue par l’ADA, réévalue l’accréditation de toutes les écoles dentaires tous les 7 ans. Selon les nouvelles normes qu’elle a établies, ces établissements « doivent faire de la recherche une composante intégrante de l’objet/mission, des buts et des objectifs de l’école dentaire » et le corps enseignant « doit s’investir dans la recherche ou autres formes d’activité savante ». Bien que toutes les écoles soient tenues de respecter cette norme, les enseignants de certaines des nouvelles écoles auront probablement du mal à réaliser et publier des travaux de recherche égalant, en qualité et quantité, ceux des enseignants des écoles affiliées aux écoles de médecine ou aux universités. Tandis que l’Association nationale pour la formation dentaire exerce des pressions pour élever le niveau des connaissances par le biais de la publication de travaux de recherche universitaires, un mouvement visant à élargir la définition d’« érudition » pour y inclure non seulement la recherche éducative mais aussi la reconnaissance d’un vaste domaine de fonctions et de responsabilités à la fois didactiques et cliniques se dessine (American Dental Education Association, 2012 ; Jahangiri et al., 2011). Cette orientation visant à accroître l’aide à la recherche dans l’enseignement devrait forcément favoriser la science de l’éducation dans des domaines tels que la mise au point de mesures sur les résultats d’apprentissage valables et fiables. Cependant, si l’orientation s’intègre dans un schéma selon lequel la CODA et d’autres acceptent que des activités d’enseignement qui sont seulement reliées de façon marginale à un réel effort d’enseignement soient équivalentes à celles de la découverte scientifique et des publications de travaux de recherche, la vision de Gies pourrait être mise à mal.
« Bien que des problèmes concernant une future pénurie persistent, le nombre du personnel dentaire global croît régulièrement depuis 20 ans. » (Guthrie et al., 2009)
En 2009, Guthrie et al. ont analysé l’augmentation du nombre de dentistes américains des 20 décennies écoulées et l’ont attribuée à la hausse des inscriptions dans les écoles dentaires existantes et/ou récemment ouvertes (Guthrie et al., 2009). Un rapport de l’ADA intitulé Adéquation entre la population dentaire actuelle et future conclut que cette augmentation devrait aller au-delà de ce qui est nécessaire pour faire face à la demande en soins dentaires en 2022 (Brown, 2005). Malgré cette étude et les opinions penchant majoritairement vers la prudence, l’ouverture de nouvelles écoles dentaires a été jugée nécessaire par ceux qui se sont focalisés sur les zones sous-dotées de villes particulières et de régions reculées, préconisant la formation d’un plus grand nombre de dentistes pour faire face aux besoins des populations désavantagées en la matière (Guthrie et al., 2009).
Sans doute en raison de cet appel en faveur de plus de dentistes et de l’ouverture récente de nouvelles écoles dentaires, le nombre de candidats américains s’est accru de façon significative entre 2003 (7 412 candidats) et 2010 (12 202 candidats). De 2001 à 2010, le nombre total d’inscriptions en première année dans les écoles dentaires américaines a augmenté de 17,6 % (de 4 327 à 5 089 inscrits) (American Dental Association, 2011). Les prévisions sur les besoins en dentistes ont été établies alors que l’économie était plus florissante et peuvent ne plus être valables de nos jours où les familles resserrent leurs budgets et limitent les soins dentaires à l’essentiel. La preuve en est donnée par les blogs d’étudiants diplômés qui se plaignent de la difficulté à trouver des postes d’associés et qui s’inquiètent de ne pas pouvoir trouver de travail ni de rembourser leurs prêts scolaires dans un contexte économique morose.
Il n’en reste pas moins que le problème des besoins en soins de santé de la population américaine des zones sous-dotées est sérieux, et les soins dentaires n’y font pas exception. L’Europe a une forte tradition de soins de santé primaires subventionnés par la communauté, ce qui est inhabituel en Amérique du Nord (Shanley, 2007). Aujourd’hui, la réforme de la santé de l’administration Obama vise plus particulièrement les catégories désavantagées de la population, et cet objectif va sans doute influencer l’enseignement dentaire, l’avenir des diplômés en odontologie ainsi que la population américaine dans son ensemble.
« Il y a cependant peut-être encore plus important que n’importe quelle mesure spécifique de santé buccale : ce sont les encouragements soutenus apportés par le Patient Protection and Affordable Care Act à l’effort continu pour intégrer les différents prestataires de soins dans des maisons médicales moins cloisonnées et interdisciplinaires. » (Sparer, 2011)
« […] si notre objectif est la santé bucco-dentaire du peuple américain, nous devons être ouverts et flexibles dans la recherche et l’évaluation de toutes les stratégies disponibles pour le mener à bien. Dire que c’est là notre objectif mais faire immédiatement suivre (ou précéder) cette vision par une déclaration selon laquelle il n’y a qu’une seule voie pour y parvenir, celle que nous suivons actuellement, est une antithèse envers la science et les scientifiques, ce que l’odontologie et les dentistes sont ou devraient être. » (Nash, 1994)
L’importance accordée à une réforme complète du système de soins a permis de souligner les coûts croissants et les disparités dans l’accès aux soins dentaires qui existent aux États-Unis. Pour les deux tiers environ de la population américaine, les soins dentaires sont dispensés selon le système classique du praticien exerçant seul dans un cabinet privé (O’Neil et Nagai, 2011). Cette partie de la population ainsi soignée correspond à celle qui a des revenus, une bonne santé générale, se fait suivre régulièrement et qui a accès aux services professionnels. O’Neil et Nagai rapportent que le système classique de soins dentaires, bien qu’excellent pour les deux tiers de la population, présente des limites pour le tiers restant, soit environ 100 millions d’Américains (O’Neil et Nagai, 2011). Les catégories défavorisées de la population sont constituées de ceux qui sont géographiquement isolés, en institut et/ou qui appartiennent à des groupes vulnérables aux faibles revenus : les enfants/ adolescents, les handicapés, les personnes âgées, les sans domicile fixe, les femmes enceintes et les mères, les minorités raciales et ethniques. Les importants besoins en soins dentaires de ces groupes particuliers sont bien illustrés par des statistiques et des commentaires que l’on retrouve dans la publication de l’enquête Amélioration de l’accès aux soins dentaires pour les populations vulnérables et désavantagées de l’Institut de Médecine, la première source indépendante d’avis d’experts de notre nation portant sur des questions scientifiques et médicales (Institute of Medicine of the National Academies, 2011).
De concert avec la récession économique actuelle et le Patient Protection and Affordable Care Act, transformé en loi par le Président Obama en mars 2010, toutes les professions de santé se sont retrouvées sous la pression de sources à la fois privées et publiques pour élaborer de nouveaux modèles de dispense de soins (Sparer, 2011). L’accent est mis sur les modèles qui peuvent se construire à partir du système actuel en utilisant de la technologie, des moyens d’économie innovants et un accès plus important aux soins. Les établissements d’enseignement dentaire tentent de répondre aux demandes de la CODA et d’autres pour établir un programme d’enseignement dont la teneur et les modèles de dispense de soins s’adressent à des sujets tels que l’interprofessionalisme, les normes éthiques, les questions culturelles et ethniques, les preuves fondées sur la science. Sur le plan national, de nouveaux modèles de dispense de soins sont encore à l’étude et font l’objet de débats, et tous les sujets précités du programme d’enseignement sont pertinents pour l’avenir de l’enseignement dentaire.
O’Neil et Nagai ont insisté sur le fait que la loi sur la réforme de la santé visait l’accès pour tous aux soins, le contrôle des dépenses et l’amélioration de la qualité du système ; cependant, sa mise en application n’est pas soumise à des propositions de baisse des honoraires des prestataires (considérée comme une « option politiquement incorrecte ou de mauvais goût ») (O’Neil et Nagai, 2011). Plutôt que de proposer une telle baisse, le gouvernement conseille d’utiliser de façon novatrice et large la technologie et de modifier les modes d’exercice actuels pour qu’ils deviennent des modèles moins coûteux.
Les nouvelles écoles dentaires et les écoles traditionnelles existantes sont sensibles aux besoins des populations américaines désavantagées et tentent d’orienter leurs étudiants vers le service communautaire. Les écoles de type privé autonomes pourraient être les mieux placées pour répondre à cet appel avec des modèles d’enseignement dentaire qui répondent directement à des besoins publics identifiés. Les nouvelles écoles ont la liberté de concevoir leurs programmes d’enseignement de A à Z, alors que la plupart des anciennes écoles se débattent avec des programmes d’enseignement surchargés et des enseignants expérimentés et réticents à abandonner des heures dans leurs secteurs particuliers (Drisko et al., 2012).
« Le dentiste doit-il jouer un rôle plus important dans le système de soins primaires, en travaillant avec des médecins de soins primaires, des infirmières et des auxiliaires médicaux ? Mais où se trouve sa place dans le système naissant de soins primaires ? » (Sparer, 2011)
La question sur les relations systémiques entre la santé bucco-dentaire et les soins dentaires fait partie de la force globale qui mobilise vers l’interprofessionalisme et de nouveaux modèles de dispense de soins dentaires. Hendricson et Cohen ont critiqué le fait que les programmes d’enseignement des écoles dentaires continuent de se consacrer essentiellement à l’aspect technique de la restauration dentaire, alors qu’ils devraient de toute évidence s’ouvrir davantage à la physiopathologie des maladies systémiques et à un type d’exercice s’apparentant à celui du stomatologue (Hendricson et Cohen, 2001). D’autres secteurs médicaux ont publié de nombreux articles pour plaider en faveur de la formation interprofessionnelle et de nouvelles façons de dispenser de soins (Alfano, 2012 ; Frenk et al., 2010). La tendance est en faveur de la réunion de plusieurs types de professionnels de la santé aux formations différentes qui, en mettant en commun leurs compétences, peuvent dispenser des soins de grande qualité aux patients. L’idée est que les docteurs en médecine, les dentistes, les infirmières, les hygiénistes dentaires, les pharmaciens, les physiothérapeutes et autres professionnels de santé puissent collaborer pour traiter un patient dans son ensemble. Une bonne partie de la réflexion initiale sur cette question a débouché, en 2011, sur la publication d’un document détaillé par un panel d’experts issus des professions de santé et intitulé Compétences communes pour un exercice de collaboration interprofessionnelle (Interprofessional Education Collaborative Expert Panel, 2011). Ce document servira de guide aux défenseurs de cette théorie qui veulent l’intégrer dans l’enseignement dentaire.
« Au sein de ce chœur grandissant en faveur des impératifs dentaires précités destinés à résoudre le problème d’accès aux soins dans les secteurs ruraux et pour les catégories de la population aux faibles revenus, se détache la voix de ceux qui encouragent les praticiens de niveau intermédiaire. » (Guthrie et al., 2009)
L’initiative nationale pour la santé, Healthy People 2020, a fait un appel en faveur d’un élargissement des soins dentaires à tous les groupes d’âge (United States Department of Health and Human Services, 2010). Des nouveaux modèles de prestations de soins dentaires ont été proposés pour aider à répondre aux besoins, avec l’arrivée de nouveaux professionnels de santé tels que les « thérapeutes dentaires » ou les « praticiens de niveau intermédiaire » dans les États d’Alaska (Nash et al., 2008 ; Westerhall et al., 2011) et du Minnesota (Blue et Lopez, 2011). Le champ d’exercice des thérapeutes dentaires a été élargi par voie légale dans ces États de façon à ce qu’ils puissent procurer des soins de prévention et de restauration de base aux enfants et aux adultes ayant peu ou pas d’accès à un suivi dentaire sur place. Nash et al. rapportent que le modèle du thérapeute dentaire a été bien testé et qu’il est appliqué dans 53 pays par environ 14 000 thérapeutes (Nash et al., 2008). Cette estimation ne comprend pas les 25 000 assistants dentaires, dont le rôle est similaire à celui des thérapeutes dentaires, qui exercent dans des zones rurales en Chine. Ce modèle a été favorablement accepté par la population concernée dans d’autres pays, et ce pour des périodes allant jusqu’à 80 ans, avec une satisfaction des patients et une qualité de soins jugées équivalentes à celles qui auraient résulté de l’intervention de dentistes. Nombreux sont ceux qui envisagent le phénomène des thérapeutes dentaires comme étant de ceux qui peuvent libérer du temps pour les dentistes afin qu’ils élargissent leur champ d’action, qu’ils puissent ainsi travailler comme prestataires de soins de santé primaires, qu’ils contribuent à dépister des maladies telles que le diabète, l’hypertension, des maladies de la peau, à lutter contre l’obésité ou encore à faire de la prévention antitabac et à aider à arrêter de fumer. Étant donné que 70 % des adultes aux États-Unis ont vu un dentiste en 2010, c’est là une réelle occasion de contribuer de façon significative à l’amélioration de la santé à la fois générale et bucco-dentaire par le biais de cet accès facile aux soins pour les patients (Lamster et Eaves, 2011).
« La présence de l’industrie à l’université pose un problème. Les enseignants en odontologie, en tant que délégués de la profession, doivent faire preuve d’une certaine souplesse dans leurs échanges avec l’industrie, sans pour autant compromettre l’intégrité des programmes d’enseignement et de l’institution enseignante dans sa globalité. » (Gillis et McNally, 2010)
Barnett (2002) a souligné que les relations école dentaire/industrie deviennent de plus en plus fréquentes car l’université peut être une ressource pour l’industrie et vice-versa. Celle-ci a besoin de sites dans lesquels la recherche clinique peut être menée et les écoles dentaires ont instauré des partenariats avec les industriels pour obtenir des moyens et des compétences pour leurs essais cliniques. Cependant, les relations financières entre les écoles dentaires et l’industrie comportent des inconvénients de taille qui peuvent peser lourd sur la formation des étudiants en dentaire.
Une loi américaine, connue sous le nom de Bayh-Dole Act de 1980, a permis de faciliter des accords financiers entre les universitaires du domaine biomédical et les industries de biotechnologie (Johnston, 2008). Au fil des ans, l’inquiétude que le conflit d’intérêts – entre la nécessité, pour les chercheurs, d’être guidés par des principes éthiques et scientifiques et leurs propres objectifs de gain financier – a fait naître s’est accrue. Plusieurs analyses de la littérature médicale révèlent que les études qui sont sponsorisées par des industriels rapportent bien plus fréquemment des résultats positifs que celles qui ne le sont pas (Bero et al., 2007 ; Golder et Loke, 2008 ; Sismondo, 2008). Dans un article de synthèse systématique publié dans le JAMA, Bekelman et al. concluent « qu’il existe des preuves solides et pertinentes » indiquant que la recherche financée par des sponsors commerciaux a tendance à obtenir des résultats qui favorisent la source de financement (Bekelman et al., 2003). Les chercheurs ont montré que certains des facteurs contribuant à une conclusion biaisée comportaient le retrait de l’étude des données négatives, une faiblesse de conception de l’étude, l’utilisation de placebos inappropriés, une interprétation beaucoup trop favorable des résultats, des études en aveugle inadéquates et autres problèmes. Les conflits d’intérêts peuvent survenir lorsque les chercheurs ont un intérêt financier pour le produit testé, sont membres du conseil d’administration, porte-parole ou consultants de la société impliquée. Bekelman et al. estiment, à partir de leur article de synthèse, que de 23 à 28 % des chercheurs universitaires sont payés par les industries, que 40 % acceptent des cadeaux de leur part et qu’environ 33 % ont des liens financiers personnels avec les sponsors industriels (Bekelman et al., 2003). Les universités et autres institutions essayent de traiter le conflit d’intérêts dans la recherche avec des règles de divulgation et des règlements. À ce jour, il n’existe aucune donnée pour étayer l’efficacité de ces mesures.
Il est évident que la question centrale soulevée par la découverte d’un biais dans un travail de recherche pose un problème pour les patients qui pourraient en subir les effets indésirables. En tant qu’enseignants en odontologie, nous sommes également concernés par l’impact que peuvent avoir les intérêts commerciaux du milieu universitaire sur nos étudiants. Gillis et McNally ont observé l’influence de l’industrie sur l’enseignement dentaire au Canada (Gillis et McNally, 2010). Les interviews poussées qu’ils ont menées après du corps professoral, leur permettent de conclure avec force qu’il est de la responsabilité des enseignants dentaires de protéger l’intégrité universitaire en s’assurant que tous les accords passés avec les industriels sont opportuns. Par nécessité, l’objectif des industriels est de faire des bénéfices ; ils recherchent des contrats exclusifs avec les écoles dentaires pour leurs produits et considèrent les étudiants comme des clients potentiels pour leurs implants dentaires, etc. Cette pratique peut limiter les connaissances des étudiants pour d’autres produits et favoriser l’apparition d’un « esprit de compétition » dans leurs futurs cabinets dentaires selon lequel posséder les derniers équipements et/ou produits peut sembler plus valorisant que la qualité des soins dentaires dispensés. Les alliances entre l’université et des entreprises particulières, qui peuvent indûment influencer le programme d’enseignement lui-même et conduire à un mode d’enseignement moins objectif qu’il ne le serait autrement, sont un sujet de préoccupation (Barnett, 2002). Dans un domaine très proche pouvant également être influencé dans son enseignement au quotidien, on trouve les cours de formation continue où l’industrie exerce une influence à la fois sur les étudiants en odontologie et sur les dentistes diplômés à travers l’esprit commercial qui résulte de leur soutien à cette démarche (Angell, 2000).
Les étudiants ont besoin d’acquérir les compétences leur permettant d’évaluer de façon critique les éléments apportés par les textes académiques et ceux que leur fournissent les chefs d’entreprise. Les sommités de l’enseignement et de l’odontologie ont préconisé le maintien d’une mission de recherche puissante dans l’enseignement dentaire (Bailit et al., 2006 ; Bertolami, 2002 ; Formicola, 2008 ; Pyle, 2006 ; Roth, 2007). Les relations entre les écoles dentaires et l’industrie peuvent être favorables pour les deux parties à condition que la mission de la partie universitaire ne soit pas mise en danger (Barnett, 2002). Glick souligne que la confiance publique est trahie si les professionnels de santé ne sont pas prêts à ou sont incapables de garantir à la population que la recherche est menée avec une rigueur scientifique et adhère strictement à des principes scientifiques (Glick, 2010). Un environnement qui ouvre la recherche aux étudiants, leur donne la possibilité de faire des expériences de recherche et les aide à acquérir les compétences nécessaires pour pouvoir faire une synthèse et une interprétation critiques des découvertes de la recherche est un point essentiel pour relever les défis que posent les relations université/industrie.
« Une abondante recherche nous rassure maintenant sur l’efficacité du e-learning par rapport à l’abstention et sur le fait qu’il équivaut sur le fond aux méthodes d’enseignement traditionnelles. D’autres études de ce type ne seront pas très utiles pour faire avancer la science de l’enseignement. En revanche, nous avons besoin de clarifier l’usage du e-learning en étudiant quand et comment l’utiliser de façon efficace. » (Cook, 2009)
Les nombreux avantages et attraits du e-learning (enseignement en ligne ou sur la Toile) sont bien connus des étudiants, y compris une accessibilité accrue à l’information, des programmes qui fournissent les moyens de s’exercer, d’approfondir ses connaissances et une souplesse dans le rythme de l’apprentissage. Les réponses des étudiants en odontologie à la formation en ligne ont été quelque peu contradictoires. Une enquête réalisée au Baylor College of Dentistry (McCann et al., 2010), à laquelle ont répondu 346/432 étudiants (85 %), montre que 74 % d’entre eux souhaitent des e-supports en complément, mais pas en remplacement, des cours magistraux. Les étudiants préfèrent les documents imprimés aux documents numériques pour les importants comptes rendus de lecture et pensent que les ressources électroniques ne doivent pas remplacer une interaction en direct avec le corps enseignant. D’autres enquêtes menées par des enseignants en odontologie et en médecine révèlent que les étudiants ont des comportements et des préférences favorables à l’utilisation du e-learning mais que les personnes interrogées ne sont pas favorables à un enseignement virtuel dispensé entièrement en ligne (Brunet et al., 2011 ; Ruiz et al., 2006). Une étude sur la comparaison des notes obtenues en ligne à celles provenant de cours traditionnels révèle des notes plus élevées pour l’étudiant virtuel ; mais, en raison des demandes des étudiants pour plus d’interaction avec le responsable du cours, des contacts en face-à-face plus nombreux avec l’instructeur devront désormais être prévus (Gadbury-Amyot et Brockman, 2011). Finalement, et venant s’ajouter à ces contradictions, certains chercheurs ont trouvé que les étudiants avaient une forte préférence pour la formation en ligne et les supports numériques et se plaignaient peu de l’absence de contact avec le corps enseignant (Mitov et al., 2010 ; Peterson et al., 2007).
Le type de critères d’évaluation utilisés dans les enquêtes menées sur le e-learning peut être trop limité. Kirkpatrick a proposé un modèle à quatre niveaux pour les évaluations sur l’enseignement qui comprend les mesures : (1) de la satisfaction, (2) du savoir ou des attitudes, (3) des compétences (dans un cadre expérimental), et (4) des comportements (en pratique) ou des effets sur les patients (Kirkpatrick, 1996). Bien que la mesure de préférences, les attitudes, la motivation et même les aptitudes à la réflexion critique soient des critères importants dans l’enseignement, les connaissances factuelles et procédurales sont des qualités escomptées essentielles que l’évaluation des écoles dentaires doit mesurer pour garantir l’acquisition des compétences lors de l’obtention du diplôme.
À ce jour, peu d’études sur l’enseignement en ligne dans les professions de santé se sont intéressées à la mesure de ce qui va au-delà de l’évaluation attitudinale des étudiants de l’enseignement virtuel. Une revue systématique et une méta-analyse des résultats portant sur la formation sur Internet pour les professionnels de santé ont été menées (Cook et al., 2010). À partir de 2 705 articles, ces auteurs ont sélectionné 51 études qui répondaient à leurs critères d’inclusion, dont 30 études randomisées. En fin de compte, ils ont été incapables de dresser la moindre conclusion ou recommandation pertinente sur l’efficacité de l’enseignement via Internet et ils relèvent que « peu d’études s’intéressaient aux conséquences sur les compétences, aux comportements au cabinet, ou à l’impact sur les soins des patients ».
Dans le rapport de 2010, en plus des résultats portant sur l’amélioration de l’enseignement en termes de satisfaction, d’autoévaluation et d’attitudes avec l’apprentissage via Internet, Cook et al. ont découvert que les aspects de l’« interactivité », des « exercices pratiques » et des « répétitions et rétroactions » liés à la Toile étaient un moyen particulier d’utiliser les programmes informatiques qui favorisait l’augmentation de l’acquisition des connaissances. Par conséquent, ces auteurs affirment que le e-learning n’est en soi ni meilleur ni plus mauvais que l’enseignement traditionnel, mais que c’est « différent et complémentaire ». Ils ont exprimé une opinion philosophique selon laquelle la question n’est pas : « Doit-on utiliser le e-learning ? » mais : « Comment et quand devons-nous l’utiliser ? » (Cook et al., 2010). Jusqu’à présent, la littérature scientifique nous a appris peu de chose sur la façon d’utiliser efficacement le e-learning. De ce fait, ces chercheurs préconisent une recherche pour comprendre comment et quand utiliser le e-learning, non pas en le comparant à l’enseignement traditionnel mais en réalisant des études qui comparent une intervention en e-learning à une autre.
Le ministère américain de l’Éducation a établi un document national intitulé Transformation de l’enseignement américain, l’apprentissage mû par la technologie (United States Department of Education, 2012). Bien que le plan s’adresse à l’enseignement scolaire élémentaire et secondaire, l’objectif est de préparer les étudiants d’aujourd’hui à s’épanouir avec les technologies actuelles et à répondre également aux avancées futures. En théorie, la plupart des questions du plan du gouvernement américain s’appliquent également aux étudiants de l’enseignement supérieur, y compris les écoles dentaires et autres écoles des professions de santé. De nos jours, les étudiants de tous les âges sont en permanence en contact avec la technologie, ce qui leur donne un accès, où qu’ils soient, aux ressources et à l’information 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La plupart d’entre eux appartiennent à des réseaux sociaux qui permettent aux gens du monde entier de partager des réflexions et des idées, de collaborer et d’apprendre les uns des autres. Le défi que les enseignants doivent maintenant relever est de maîtriser l’usage des nouvelles technologies afin de mettre en valeur le potentiel d’enseignement inexploité de la technologie numérique qui a également attiré l’intérêt et l’attention des étudiants du XXIe siècle à travers le monde.
« Le plus grand changement réside dans la proportion accrue d’écoles exigeant des étudiants des expériences dans un centre médico-social. » (Haden et al., 2010)
L’impact le plus direct, jour après jour, sur n’importe quel étudiant en dentaire dérive de l’enseignement et de la façon dont il est présenté et vécu dans sa propre école. Dans le monde entier, chaque école dentaire a un programme d’enseignement qui découle de l’histoire et de la culture ainsi que des règles en vigueur, des règlements et des attentes du pays. Comme nous l’avons mentionné au début de cet article, de nombreuses sommités ont constaté que l’enseignement dentaire aux États-Unis était en crise, notamment en raison des programmes. La Commission ADEA sur le changement et l’innovation dans l’éducation dentaire (CCI) a été formée en 2005 avec des représentants des membres du corps enseignant provenant de toutes les écoles dentaires américaines pour s’atteler à la question des programmes d’enseignement dentaire. Pour commencer, la CCI s’est référée au rapport de l’Institut de médecine de 1995, qui appelait à la flexibilité et à l’innovation dans les programmes d’enseignement (Field, 1995). La CCI a travaillé avec plusieurs organisations nationales pour aider à mettre en œuvre un changement systématique dans l’enseignement dentaire. Elle s’est focalisée sur l’encouragement et le soutien aux modifications innovantes des programmes d’enseignement intégrant la clinique aux sciences fondamentales à travers des approches interactives, centrées sur l’apprenant, dirigées par l’étudiant, fondées sur les problèmes et tournées vers l’acquisition d’aptitudes à la réflexion critique (Hendricson et al., 2006).
L’amélioration des programmes d’enseignement dentaire dans le cadre des objectifs de la CCI a été suivie par l’ADEA et publiée il y a peu, en 2010 (Haden et al., 2010). Cinquante-cinq écoles dentaires (50 écoles américaines et 5 écoles canadiennes) ont répondu à une enquête portant sur les programmes d’enseignement dentaire (86 % de réponses). Les larges domaines qui ont fait l’objet de cette étude sont le format de l’enseignement, l’évaluation, l’innovation et les ressources. Environ 50 % de ceux qui ont répondu indiquent qu’un certain aspect de l’apprentissage par résolution de problèmes (APP), en dehors de la clinique, est utilisé dans au moins une partie de leur programme d’enseignement, mais deux établissements seulement ont rapporté qu’ils utilisaient le format de l’APP pour l’ensemble de leurs cours. Cela représente seulement une légère augmentation de l’APP depuis l’enquête de 2002-03, l’association et les écoles ayant clairement déclaré qu’elles n’avaient arrêté aucun plan pour utiliser davantage l’APP à l’avenir. Les chercheurs ont conclu que l’intérêt pour l’APP avait atteint un pic et qu’il était donc peu probable qu’il soit désormais plus utilisé.
L’enquête de l’ADEA a également révélé que l’intérêt pour la formation interprofessionnelle s’accentue et que 55 % des écoles ont accru leurs interactions avec d’autres écoles de professions de santé sur leurs campus. Cela vient étayer les commentaires émis sur les influences actuelles de la réforme des soins dentaires aux États-Unis et sur le regain d’intérêt pour la formation interprofessionnelle présentés dans cet article. Il y a eu un changement marquant dans la proportion des écoles qui exigent une expérience clinique dans un centre médico-social (91 %, plus que les 64 % de la précédente étude). La moitié des écoles exigent que les étudiants en odontologie consacrent 5 semaines ou plus de leur temps dans un tel établissement. Là encore, le résultat de l’enquête de l’ADEA est en accord avec ce qui est présenté dans cet article, à savoir que de nouvelles écoles sont en train d’ouvrir avec pour objectif de faire face aux besoins de la population désavantagée, et que les écoles dentaires existantes sont aussi en train de s’impliquer plus fortement dans les centres médico-sociaux.
Les chercheurs ont également présenté des résultats indiquant que l’enseignement fondé sur la compétence est la norme admise, ce qui signifie que les normes d’accréditation et le travail de l’ADEA qui a rédigé, en tant que guide pour les écoles, Compétences pour le nouveau dentiste généraliste, ont certainement eu un impact significatif sur l’enseignement dentaire aux États-Unis (American Dental Education Association, 2011). Les écoles qui n’ont pas encore mis en œuvre un programme d’enseignement dans certaines des catégories considérées par l’enquête précisent que les priorités pour l’avenir sont d’améliorer le programme d’enseignement interdisciplinaire, l’intégration des sciences fondamentales et cliniques, le tronc commun en ligne et les nouvelles techniques pour évaluer les compétences, et de mettre en place davantage de possibilités de collaboration avec d’autres professionnels de santé.
Finalement, lorsque l’on a demandé à ceux qui ont répondu à l’enquête de l’ADEA quels étaient les points à revoir du programme d’enseignement, les trois premières réponses ont été : les besoins budgétaires, l’amélioration des compétences du corps enseignant dans des domaines tels que la conception des programmes d’enseignement, les stratégies d’enseignement, et le plus grand recours aux technologies de l’information. Les raisons majeures des alertes à la crise émanant d’enseignants dentaires américains bien connus cités dans cet article sont liées à l’endettement en spirale des étudiants et aux coûts exorbitants des soins. Bien qu’un certain nombre des auteurs cités aient lancé des appels urgents pour un changement dès le début du nouveau millénaire, l’effondrement économique auquel on assiste depuis 2008 a beaucoup aggravé l’urgence des problèmes.
Walker et al. s’intéressent à quatre défis économiques majeurs auxquels l’enseignement dentaire américain doit actuellement faire face : « l’accroissement des frais de scolarité et de l’endettement des étudiants, la diminution des fonds destinés aux salaires du corps enseignant, le manque d’enseignants et le coût de fonctionnement élevé des centres médicaux » (Walker et al., 2008).
Dans les années 1960 et au début des années 1970, parce que l’augmentation de la population des États-Unis et des besoins en soins dentaires était anticipée, le gouvernement fédéral a soutenu la hausse des inscriptions dans les écoles dentaires en finançant la construction de 14 nouvelles écoles dentaires et la rénovation d’autres établissements (Brown et Meskin, 2004). Une dotation forfaitaire par élève des professions de santé, au niveau national, a permis aux écoles de recevoir des fonds selon leur nombre d’inscrits et, jusqu’au début des années 1970, les subventions du gouvernement couvraient un tiers ou plus du coût des études (Winslow et Warren, 1981). L’aide fédérale pour les études dentaires s’est mise à baisser au début des années 1970 et a considérablement diminué depuis. En 2001, les subventions fédérales finançaient moins de 1 % de l’enseignement odontologique (United States Department of Health and Human Services, Health Resources and Service Administration, 2005).
En 2008, Walker et al. ont décrit une cascade d’événements économiques qui étaient déjà à l’œuvre dans l’enseignement dentaire (Walker et al., 2008). Ces tendances étaient exacerbées par la récession économique nationale et internationale qui a entraîné de nouvelles augmentations des frais de scolarité des étudiants, alourdissant ainsi le poids de leur endettement, et une baisse des fonds disponibles pour les salaires du corps enseignant, conduisant à une pénurie de professeurs ainsi qu’à une augmentation de la charge d’enseignement avec réduction du temps consacré à la recherche et à l’élargissement des connaissances. Le coût élevé du fonctionnement des centres médicaux, le vieillissement des équipements des écoles dentaires et le manque de fonds pour entretenir les systèmes informatiques et les infrastructures sont d’autres aspects liés à la récession. Viennent s’ajouter à ce tableau les restrictions budgétaires des National Institutes of Health en matière d’attribution de bourses de recherche, les réductions de budget à la Medicare (assurance pour les personnes âgées), la Medicaid (aide aux indigents) et les baisses des aides nationales et fédérales pour l’enseignement professionnel en matière de santé (Formicola et al., 2008).
Parmi les tendances énumérées dans cet article, les défis financiers sont peut-être les plus menaçants et les surmonter pourrait donner suffisamment de force pour faire face à tous les autres défis de l’enseignement dentaire.
Certes, les préoccupations financières peuvent s’avérer être la force motrice qui va favoriser le changement et favoriser aussi la survie de l’enseignement dentaire aux États-Unis. De nombreuses solutions ont été proposées dans la littérature dentaire concernant la question des finances (Bailit et al. 2006, 2007 ; Brown et Bailit, 2011 ; Formicola et al., 2008 ; Sparer, 2011 ; Walker et al., 2008) et de l’exercice de l’odontologie telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Le but de cet article était de décrire les tendances concernant la formation dentaire aux États-Unis. Présenter la multitude de solutions qui ont été proposées pour relever les défis précités en dépasserait le cadre. Parmi les points positifs, on peut essentiellement citer le nombre des inscriptions dans les écoles dentaires qui ne baisse pas, car l’odontologie est toujours considérée comme une profession séduisante, attirant des étudiants brillants et talentueux qui souhaitent participer à l’effort pour atteindre les catégories de la population désavantagées (Holtzman et Seirawan, 2009).
En 2006, Bailit et al. ont précisé qu’il était sans doute prématuré de qualifier la situation actuelle de la formation dentaire de “crise” générale. Mais ces auteurs ont prédit que si les tendances devaient se poursuivre durant « les 10 prochaines années, il était fort probable que le terme « crise » s’appliquerait à la situation à laquelle les écoles dentaires seraient confrontées ». Il faudra sans doute une grande résilience, de la détermination et de l’innovation de la part des écoles dentaires, des doyens, des étudiants, des organisations professionnelles, des législateurs, des décideurs et des électeurs pour traiter convenablement les très nombreux problèmes qui pèsent sur l’enseignement dentaire aux États-Unis et, par conséquent, sur la santé bucco-dentaire de tous les Américains.
1 Un praticien de niveau intermédiaire, aux États-Unis, est un professionnel de la santé (infirmiers cliniciens, auxiliaires médicaux) qui soigne les patients sous la supervision d’un médecin (NDLR).
2 Le baccalaureate (ou bachelor’s degree) sanctionne les 3 ou 4 premières années d’études universitaires et clôture le premier cycle des études supérieures (NDLR).