Article
Philippe DOUCET* Jean-Louis GIOVANNOLI**
*Parodontie et implantologie exclusives. Paris.
**Parodontie et implantologie exclusives. Paris.
Les péri-implantites, comme les parodontites, sont des maladies inflammatoires d’origine infectieuse qui se manifestent par une altération du support osseux des implants et la formation de cratères osseux évoluant en direction apicale. Parmi les objectifs du traitement des péri-implantites, il est souvent recommandé, après avoir maîtrisé l’infection, de recourir à la chirurgie pour réparer le système d’ancrage de l’implant. Parmi les techniques de régénération indiquées pour reconstruire les structures osseuses détruites, l’utilisation de l’os autogène broyé a été proposée par certains auteurs.
Peri-implantitis, such as periodontitis, are inflammatory diseases caused by microorganisms, that lead to peri-implant bone loss and intra osseous bone defects formation evolving in the apical direction. Among the goals of peri-implantitis treatment, it is often recommended, after infection resolution, to surgically repair the system of implant anchorage. Among all regeneration procedures that have been described, the use of autogenous bone coagulum has been proposed by some authors.
Les péri-implantites, dont la prévalence varie selon les estimations entre 16 et 45 % des implants (Karoussis et al., 2003 ; Fransson et al., 2005 ; Roos-Jansåker et al., 2006 ; Renvert et al., 2007), aboutissent à une résorption osseuse autour des implants qui met en péril la pérennité des reconstructions prothétiques tant sur le plan esthétique que fonctionnel. Cette alvéolyse péri-implantaire aboutit à une désostéo-intégration partielle des implants, ainsi qu’à une exposition des surfaces implantaires qui se retrouvent colonisées par le biofilm. Les défauts osseux péri-implantaires ont été classifiés en fonction de leur morphologie (Schwarz et al., 2007). En fonction du nombre de parois osseuses résiduelles, le défi que doit relever le praticien consiste à tenter de reconstruire partiellement ou totalement les volumes osseux péri-implantaires pour permettre :
– une ré-ostéo-intégration des surfaces exposées de l’implant ;
– l’établissement de conditions locales compatibles avec la santé péri-implantaire (suppression des poches, suppression des spires et des surfaces rugueuses exposée, optimisation des possibilités de nettoyage) ;
– le rétablissement de la position des tissus mous péri-implantaires afin d’optimiser les résultats esthétiques.
Les possibilités de ré-ostéo-intégration d’un implant après une procédure chirurgicale s’évaluent histologiquement par la mesure de la surface de contact os/implant. Cette analyse nécessite de prélever l’implant avec le volume osseux environnant. Cette approche doit donc se faire sur des modèles animaux. L’équipe de Claffey et de Renvert a publié plusieurs études sur ce sujet. Renvert et al. publient notamment une revue de la littérature médicale sur les possibilités de ré-ostéo-intégration de surfaces implantaires préalablement contaminées par de la plaque dentaire (Renvert et al., 2009). Cette revue, fondée sur l’analyse de 25 études animales, conclut à la réelle possibilité d’obtenir une ré-ostéo-intégration après décontamination de la surface des implants. La ré-ostéo-intégration est meilleure avec les procédures de nettoyage chirurgicales qu’avec des procédures non chirurgicales (Schwarz et al., 2006). Parmi les procédures chirurgicales étudiées, plusieurs permettent d’obtenir de bons résultats, mais la variabilité des résultats entre les études ne permet pas de conclure à la supériorité d’une technique par rapport à une autre. Différents facteurs semblent néanmoins influencer les résultats :
– l’état de surface des implants. Après décontamination des implants, plusieurs auteurs montrent que les surfaces usinées présentent une surface de contact os/implant plus faible que les surfaces rugueuses (Wetzel et al., 1999 ; Shibli et al., 2003 ; Persson et al., 2004 ; Sennerby et al., 2005) ;
– la technique de décontamination. Diverses techniques de décontamination des surfaces implantaires ont été étudiées lors de procédures de régénération osseuse guidée autour d’implants atteints de parodontites (Persson et al., 1999 ; Deppe et al., 2001 ; Schou et al., 2003 ; Shibli et al., 2003, 2006 ; Schwarz et al., 2006). Parmi ces techniques aussi diverses que l’air-abrasion, le laser, les curettes ou les rinçages à l’aide d’antiseptiques ou de sérum physiologique, aucune ne semble montrer une réelle supériorité par rapport aux autres. Des techniques aussi simples qu’un rinçage au sérum physiologique semblent donner d’excellents résultats (Schou et al., 2003) ;
– la technique chirurgicale utilisée. Dans la plupart des études, l’utilisation d’un matériau de comblement associé ou non à une membrane résorbable ou non donne de meilleurs résultats qu’un débridement chirurgical seul associé à un ré-enfouissement des implants (Hürzeler et al., 1997 ; Schou et al., 2003, et ).
Différents matériaux de greffe ont été testés dans le traitement des péri-implantites : os autogène, xénogreffes, hydroxyapatite, DFDBA (demineralized freeze-dried bone allografts), bioverres… Tous ces matériaux, utilisés seuls ou en association avec des membranes, semblent donner de bons résultats en termes de ré-ostéo-intégration. Le faible nombre d’études et la variabilité des protocoles ainsi que des résultats entre études ne permettent pas de trancher sur la supériorité d’un matériau par rapport à un autre.
L’os autogène, qui reste considéré comme la référence en termes d’augmentation de crête pré-implantaire (sauf élévation de sinus), a également été proposé pour le traitement des séquelles des péri-implantites. Il a l’avantage de ne rien coûter et d’avoir une sécurité d’utilisation maximale. Ses principaux inconvénients sont :
– la nécessité de trouver un site de prélèvement qui est souvent un second site chirurgical ;
– sa tendance à se résorber rapidement. Cette tendance pousse de nombreux praticiens à l’associer à un matériau pas ou peu résorbable (du type Bio-Oss®) et/ou de le recouvrir d’une membrane non résorbable ou à résorption lente.
Schou et al. ont publié une série d’études comparant quatre méthodes de traitement d’une péri-implantite expérimentale chez le singe : os autogène + membrane non résorbable, os autogène seul, membrane non résorbable seule et débridement chirurgical seul (Schou et al., 2003, 2003, 2003). Au bout de 6 mois, la reconstruction du volume osseux autour des implants et le pourcentage de ré-ostéo-intégration sont nettement plus favorables avec la technique os autogène + membrane non résorbable. Viennent ensuite, dans l’ordre, l’os autogène seul (avec une très bonne reconstruction des volumes osseux mais une surface de contact os/implant moins favorable que pour l’os autogène + membrane) puis la membrane seule. Le débridement chirurgical seul donne quant à lui des résultats beaucoup moins intéressants.
Behneke et al. ont proposé une étude prospective de 6 mois à 3 ans chez 17 patients (25 implants) (Behneke et al., 2000). La réentrée chirurgicale à 4 mois montre un comblement de la lésion osseuse compris entre 23 et 77 %. Au bout de 3 ans, l’examen clinique montre un gain d’attache moyen de 3,3 mm et un gain osseux évalué par radiographie à 4,9 mm en moyenne. Le degré d’ostéo-intégration (contact os/implant) n’a évidemment pas pu être évalué.
Koury et Buchmann ont comparé, dans une étude rétrospective menée sur 25 patients (41 implants), trois protocoles de traitement de défauts péri-implantaires : os autogène seul, os autogène + membrane e-PTFE, os autogène + membrane collagène (Koury et Buchmann, 2001). La comparaison de ces trois protocoles à 3 ans montre une réduction de la profondeur de poche ainsi qu’un gain osseux radiographique à peu près similaires. En revanche, le taux de complications post-chirurgicales varie de façon importante d’un protocole à l’autre : 8 % de complications pour l’os autogène seul, 60 % pour l’os autogène + membrane e-PTFE et 55 % pour l’os autogène + membrane collagène résorbable.
Le traitement d’une péri-implantite à l’aide d’os autogène nécessite de trouver un site de prélèvement. Lorsque cela est possible, l’os peut être prélevé à proximité de l’implant. Dans les autres cas, un second site doit être envisagé parmi les sites habituels de prélèvement (crête édentée, zone rétromolaire mandibulaire ou symphyse mentonnière). L’os peut être prélevé de différentes façons, les plus classiques étant l’utilisation d’un racleur d’os ou le prélèvement d’un bloc qui est ensuite broyé à l’aide d’un broyeur ou d’un moulin à os (Fig. 123456789101112131415161718192021 à 22).
Il existe peu d’études pour évaluer l’intérêt d’un comblement des défauts osseux créés au cours des péri-implantites. La plupart des études utilisent des matériaux du commerce car ils ne nécessitent pas de prélèvement et sont donc plus faciles d’utilisation. L’emploi d’os autogène a été très peu décrit mais semblerait pouvoir donner des résultats intéressants. Aucun argument ne permet de conclure à la supériorité d’une technique de comblement par rapport à une autre. Quant à la possibilité de ré-ostéo-intégration d’une surface implantaire préalablement contaminée et exposée, aucune donnée chez l’homme ne permet de conclure pour d’évidentes raisons d’ordre technique.