Article
Guillaume DROUHET* Patrick MISSIKA**
*Attaché de l’unité d’implantologie chirurgicale Service d’odontologie Hôpital Rothschild-Garancière Paris 7 4, rue Chomel, 75007 Paris
**MCU-PH Service d’odontologie, Unité de pathologie-chirurgie buccale Hôpital Rothschild-Garancière
***Directeur du DU d’implantologie chirurgicale et prothétique Faculté de chirurgie dentaire Université Paris 7
**** Professeur associé Tufts University Boston
*****Expert national agréé par la Cour de cassation 12, rue des Pyramides, 75001 Paris
L’augmentation de la hauteur osseuse sous-sinusienne par voie crestale est une technique chirurgicale parfaitement décrite par Summers depuis 1994. L’évolution des états de surface implantaire, la maîtrise de l’abord chirurgical, et récemment l’apport de la piezo chirurgie permettent d’offrir au patient une technique chirurgicale fiable, reproductible favorisant un réaménagement des tissus osseux sous sinusien pour la pose d’implant de longueur d’au moins 9 à 10 mm. Si la courbe d’apprentissage est réelle, la réduction des suites opératoires est un facteur non négligeable à mettre en compte. L’article donne une synthèse objective des techniques d’ostéotomie crestal, et par une analyse critique apporte des conclusions fiables pour ces chirurgies.
Crestal approach of sub-sinusal height augmentation is a surgical technique well described since 1994 by Summers. Implant surface state evolution, surgical approach mastering, and recently piezosurgery offer the patient a reliable surgical technique, reproducible, and allowing a new setting of the subsinusal osseous tissue for a 9 to 10 mm long implant setting. If the learning curve is real, reducing the side effects is an important issue to consider. The article gives an objectived synthesis of crestal osteotomy, and a critical analysis gives reliable conclusions in such cases of surgery.
Pendant de nombreuses années, le manque de hauteur sous-sinusienne associé à un os de type III ou IV au maxillaire postérieur a été la cause, selon de nombreux auteurs, de taux de succès implantaire réduit dans ces zones. Il est actuellement reconnu que le comblement sous-sinusien permet favorablement de poser des implants avec un taux de réussite satisfaisant.
La technique de greffe du plancher sinusien a été décrite pour la première fois en 1977 par Tatum (Tatum, 1986), qui propose une modification de l’intervention dite de Caldwell-Luc. Boyne et James publient le premier protocole chirurgical de comblement partiel du sinus avec de l’os autogène (Boyne et James, 1980). Par abord chirurgical latéral, la technique d’élévation du plancher sinusien est réalisée avec un apport d’os autogène prélevé dans un site donneur distant (os pariétal ou iliaque, ramique ou mentonnier) mais aussi avec l’utilisation de xénogreffe (Bio-Oss®, os d’origine bovine) ou d’allogreffe, la pose d’implants étant différée ou immédiate quand la hauteur osseuse résiduelle le permet.
Le rapport du consensus de l’Académie d’ostéo-intégration de 1996 valide la technique chirurgicale de comblement de sinus, en concluant : « La technique chirurgicale de comblement du sinus est une technique qui peut valablement être utilisée pour réhabiliter le maxillaire postérieur édenté par des prothèses implanto-portées et ne doit pas être considérée comme une technique expérimentale. » Il est précisé aussi que l’état de surface rugueux des implants apporte des résultats significativement meilleurs que l’état de surface lisse.
Dans les années 1980, Tatum expérimente et décrit une technique d’élévation par abord crestal (Tatum, 1986). Mais, ne disposant pas d’instrument adapté, il ne la développe pas. Il faut attendre Summers qui, en 1994, décrit une technique d’élévation par voie crestale à l’aide d’instruments appelés ostéotomes permettant de condenser l’os et de l’impacter (Summers 1994, 1994, 1994, 1995). Associée à l’utilisation de biomatériau, elle permet de soulever la membrane de Schneider et de poser immédiatement des implants quand la hauteur osseuse initiale sous-sinusale est supérieure ou égale à 5 mm.
D’autres auteurs ont proposé des variantes de cette technique (Lazzara, 1996 ; Saadoun et Le Gall, 1996, 1996 ; Horowitz, 1997 ; Coatam et Krieger, 1997 ; Zitzmann et Scharer, 1998 ; Bruschi et al., 1998 ; Hahn, 1999 ; Raghoebar et al., 2001 ; Toffler, 2001).
Cet article se propose de faire une synthèse objective de la technique d’élévation du plancher sinusien par abord chirurgical crestale. Plusieurs méthodes seront décrites et une analyse critique à l’aide des dernières publications sera présentée afin de tirer des conclusions fiables pour ce type de chirurgie.
Situé dans le maxillaire, le sinus est une cavité aérienne, de forme pyramidale, souvent renforcée par des extensions osseuses internes verticales, ou septa, qui cloisonnent des cavités intrasinusiennes. Selon les individus, la taille du sinus varie énormément avec des valeurs volumiques extrêmes allant de 5 à 20 cm3. Chez l’adulte, la largeur moyenne de la base est de 35 mm et la hauteur de 25 mm (Small et al.,
1993). Le sinus est recouvert d’un revêtement intérieur, la membrane de Schneider, qui adhère intimement à l’os sous-jacent. Cette membrane, très fine et fragile, est recouverte d’un épithélium pavimenteux cilié et pseudo-stratifié qui permet l’évacuation des fluides vers les fosses nasales par l’ostium situé au niveau du cornet moyen.
Les structures sous-sinusiennes avoisinantes sont l’os alvéolaire et les dents maxillaires postérieures (molaires et/ou prémolaires), parfois la canine. L’os alvéolaire présente une corticale externe et une corticale interne en contact intime avec les dents présentes ainsi qu’une corticale sous-sinusienne avec de l’os spongieux interposé entre les deux corticales.
La crête alvéolaire est constituée d’os basal et d’os alvéolaire. Seul celui-ci est situé autour des dents. Au cours du vieillissement et au fur et à mesure des extractions, l’os alvéolaire tend, par son remodelage permanent, à diminuer de volume, contrairement à l’os basal qui, lui, semble ne pas se modifier de manière significative. La résorption de l’os alvéolaire se fait horizontalement et verticalement selon un schéma connu (Carlsson et al., 1998) ; dans les régions maxillaires postérieures, la résorption attaque davantage le versant vestibulaire (fig. 1).
Après l’extraction d’une dent, la cicatrisation des tissus est spontanée (Atwood, 1979). La perte des dents maxillaires postérieures provoque la perte d’os en raison de l’activité ostéoclasique qui débute essentiellement à partir de la membrane sinusienne mais aussi, à plus ou moins grande échelle, de l’os alvéolaire lui-même. La résorption de la crête alvéolaire édentée reste propre à chaque individu et est la conséquence des fonctions qui lui sont soumises (loi de Wolff) en interaction avec les quatre cofacteurs suivants (Atwood, 1979) :
– cofacteur anatomique : la qualité de l’os, l’épaisseur des corticales ;
– cofacteur métabolique : la vascularisation, la sénescence du tissu osseux ;
– cofacteur fonctionnel : l’intensité, la fréquence, la durée de l’application des forces occlusales ;
– cofacteur prothétique : la qualité de la prothèse en termes de sustentation, de stabilité, de surcharge occlusale…
La morphologie de l’os résiduel est fondamentale et déterminante pour le type de cicatrisation obtenu. Ainsi, le volume d’os présent sous le sinus est souvent limité. De plus, les apex des dents postérieures sont souvent en rapport intime avec le cortex sous-sinusien ou avec le sinus lui-même. Au maxillaire, la perte osseuse sous-sinusienne est centripète, du fait de la résorption osseuse postextractionnelle (Atwood, 1979) et centrifuge selon une pneumatisation physiologique du sinus maxillaire (Chavanaz, 1990).
La résorption osseuse horizontale au maxillaire postérieur après extraction serait d’environ 40 à 60 % et se déroule pendant les trois premières années qui suivent la perte des dents (Pietrovski et Massler, 1967). Cependant, aucune étude quantitative n’a été menée afin de déterminer le pourcentage de diminution de hauteur alvéolaire après extraction.
Cette cavité existe depuis le plus jeune âge : en effet, elle apparaît dès la 12e semaine de la vie intra-utérine. La croissance se fait ensuite par poussées successives, la largeur maximale est atteinte vers l’âge de 11 ans et l’accroissement en hauteur se fait jusqu’à la fin de la puberté (fig. 2).
Le volume osseux sous-sinusien est évalué dans les trois dimensions. Par un examen clinique pré-implantaire, l’espace disponible pour la réalisation prothétique est déterminé. L’ensemble de ces éléments déterminera le traitement chirurgical le plus approprié (Martinez et al., 1997).
Cette situation clinique est le résultat d’une pneumatisation de la cavité sinusienne. La distance entre le plancher du sinus et le sommet de la crête est réduite, mais l’espace interarcade n’est pas modifié.
Dans ces situations cliniques, la perte osseuse est alvéolaire. Elle est la conséquence des édentements non compensés, d’une maladie parodontale évolutive ou d’une parodontite terminale. La distance intercrête est augmentée. Pour un traitement implantaire, la longueur des implants sera réduite et à l’origine d’un rapport couronne/implant inversé. Plusieurs techniques chirurgicales permettent de reconstruire le volume des crêtes osseuses : il s’agit des greffes osseuses d’apposition, « greffes en onlay », de distraction ou des techniques de régénération osseuse guidée (ROG).
La résorption centripète au maxillaire peut entraîner, si elle n’est pas corrigée, une émergence incorrecte de l’implant. Ces défauts pourront être corrigés par une greffe d’apposition ou une expansion de crête, voire une ROG.
Ce type de perte osseuse, verticale et horizontale combinée, est le plus fréquent. Le traitement le plus approprié est la correction chirurgicale avec une greffe d’apposition, ou expansion de crête, et, en présence de perte osseuse verticale intrasinusienne associée, cette technique peut être combinée avec l’élévation du plancher sinusien (Davarpanah et al., 2001).
C’est seulement en 1994 que Summers, par une série de quatre articles (Summers, 1994, 1994, 1994, 1995) décrit ses ostéotomes et les avantages de ces instruments qui permettent de poser des implants sans avoir à recourir à des techniques chirurgicales lourdes, complexes et délicates.
L’os du maxillaire postérieur est un os compact des types III et IV qui s’apparente, lorsqu’on le travaille, à du balsa pour le type III et à du polystyrène expansé pour le type IV (Misch, 1993, 1993). C’est un os difficile à travailler et le chirurgien doit être particulièrement précautionneux car tout mauvais geste pourrait abîmer le pertuis osseux en l’ovalisant ou en l’élargissant.
Aussi les techniques manuelles sont-elles plus sûres que les techniques de forage car les gestes sont mieux contrôlés et l’os n’est que déplacé et compacté.
La technique d’ostéotomie est utilisée comme une solution de remplacement au forage dans la préparation des sites implantaires. Elle complète et simplifie les techniques habituelles.
C’est une procédure qui permet d’élever le plancher sinusien. Elle peut être réalisée sous anesthésie locale.
L’objectif de l’élévation sinusienne par ostéotomie est de :
– conserver l’essentiel de l’os dans le site et de le déplacer sélectivement vers le haut pour élever le plancher sinusien ;
– placer une masse d’os à proximité du sinus qui soulèvera le plancher, le périoste et la muqueuse. L’os est concentré au-dessus de la tête de l’instrument qui pénètre en poussant la masse osseuse au plus profond de l’ostéotome.
La limite du sinus, peu corticalisée, est apte à se déplacer en prenant l’aspect d’un dôme à mesure que l’ostéotome progresse. L’accumulation de l’os au bout de l’ostéotome engendre une compression puis une déformation du fond du sinus sans grand risque de perforation de la membrane de Schneider (Rosen et al., 1999 ; Lazarra, 1998).
L’ancrage primaire de l’implant est exclusivement assuré par la portion d’os initialement disponible. Par conséquent, la possibilité d’implanter dans le même temps chirurgical que le soulevé de sinus est définie par la hauteur d’os initial. Si celle-ci est supérieure ou égale à 5 mm et si la densité le permet, l’ancrage primaire de l’implant est suffisant pour que celui-ci soit mis en place dans la même séance que le comblement sinusien. De nombreux sites en proximité sinusienne qui ne peuvent recevoir que des implants courts (de 7 à 8 mm) par la technique de forage conventionnelle peuvent être modifiés pour une implantation immédiate d’implants de 10 ou 13 mm.
Un site dont la hauteur d’os sous-sinusienne est d’au moins 5 mm peut être augmenté avec la technique d’élévation du sinus par ostéotome pour recevoir en différé un implant de 10 mm ou plus.
Par ailleurs, il faut noter que du fait de la résorption centripète du maxillaire, l’inclinaison des implants est souvent très vestibulée ; les ostéotomes permettent de façon relativement simple de corriger cet axe de 5 à 10° et, ainsi, de revenir à une situation plus anatomique (Summers, 1994).
Les ostéotomes sont un moyen simple d’élargir la crête osseuse, d’approfondir le pertuis osseux, de créer un site plus favorable pour l’exploitation implantaire, d’accroître la densité de l’os alvéolaire et, par là même, d’améliorer l’interface os/implant.
C’est une technique sans dégagement de chaleur, offrant une excellente perception tactile, un bon contrôle opératoire et une bonne visibilité. Pour réduire les effets de la friction, les ostéotomes peuvent être humidifiés avec du sérum physiologique avant l’insertion.
En 1994, Summers a proposé une approche chirurgicale crestale conservatrice en utilisant les ostéotomes pour les élévations du sinus maxillaire (Summers 1994, 1994, 1994, 1995). L’instrumentation utilisée est un ensemble d’ostéotomes cylindro-coniques, droits, de diamètre croissant de 1,5 à 5 mm, à extrémité concave (fig. 3 et 4) et un maillet pour impacter l’ostéotome dans l’os résiduel.
On considère que cette technique est plus simple et moins lourde pour le patient qu’une approche par un volet vestibulaire et une dissection de la paroi sinusienne. Le compactage de l’os collecté sur les parois de l’ostéotomie, auquel on peut rajouter des matériaux de substitution osseuse ou de l’os autogène, permet de soulever la muqueuse du sinus. Des études cliniques montrent des résultats encourageants
L’édentement peut être unitaire ou plural au niveau des secteurs maxillaires postérieurs. La hauteur osseuse sous-sinusienne doit être comprise entre 5 et 8 mm et l’augmentation de sinus peut être accompagnée d’une mise en place d’implants. L’évaluation quantitative de la hauteur osseuse disponible peut se faire à l’aide d’une radiographie panoramique préopératoire et/ou d’un cliché rétroalvéolaire long cône orthocentré par des angulateurs et/ou un scanner ou un cone beam.
Le but de cette manœuvre est de conserver et d’augmenter le volume osseux disponible au niveau apical. Cette indication survient lorsque la hauteur de crête résiduelle sous le sinus est inexploitable en termes implantaires, à savoir qu’elle est inférieure à 8 mm en hauteur et que l’os est de faible densité (Chavanaz, 1979).
Brånemark et son équipe ont certes montré qu’il est possible de perforer le plancher sinusien et d’avoir un bon pronostic implantaire (Brånemark et al., 1984). Il reste toutefois préférable d’avoir un ancrage osseux sur la totalité de l’implant. Par ailleurs, cette technique ne s’envisage que lorsque la hauteur d’os sous-sinusien est de 6 à 8 mm minimum (Summers, 1994 ; Toffler, 2001).
L’objectif est de conserver l’essentiel de l’os dans le site et de le déplacer apicalement afin d’élever le plancher sinusien. Cette technique ne fait courir aucun risque de perforation de la membrane de Schneider contrairement aux curettes utilisées avec des méthodes plus classiques et plus invasives. Le risque de pénétration repose en revanche beaucoup sur la présence de septa osseux qu’il faut détecter avant la chirurgie (Reiser et al., 2001).
L’os est concentré au-dessus de la tête de l’instrument qui pénètre en poussant au plus profond la masse osseuse. Cela induit l’élévation du plancher et de sa membrane. Cette technique vise donc à gagner de la hauteur aux dépens de la cavité sinusienne, et ce sur 2 à 3 mm. L’os est compacté latéralement et apicalement autour du site implantaire grâce à l’augmentation progressive du diamètre des ostéotomes.
Le protocole chirurgical est le suivant : une fraise boule (1 mm de diamètre) localise l’émergence désirée. La chirurgie se fait ensuite avec les ostéotomes coniques à extrémité concave, aux bords sécants (Summers, 1994). Cette conicité permet aux différents ostéotomes de la série de pénétrer facilement les uns à la suite des autres. Les bords sécants permettent de raser l’os des bords du pertuis osseux et la concavité permet de stocker ces copeaux et de les porter jusqu’au fond de la cavité.
Par ailleurs, une compaction latérale de l’os est induite par la conicité de l’embout, en association à la déformation « apicale ». Cette déformation, qui se fait dans le sinus, est le fruit d’une compaction-déplacement de l’os de la corticale sous-sinusienne associée aux copeaux d’ostéotomie qui sont récoltés et compactés à leur tour (fig. 5).
Cette technique ajoute à la précédente la possibilité de placer sous la membrane sinusienne un matériau de comblement (os autogène, biomatériau alloplastique…) afin d’accroître le gain de hauteur au niveau de site implantaire de 4 à 5 mm (au lieu de 2 à 3 précédemment). Dans ce cas la crête préexistante doit présenter une hauteur minimale de 5 mm et une largeur de 5 mm.
Le protocole chirurgical est le suivant : l’instrumentation utilisée est un ensemble d’ostéotomes cylindro-coniques, droits ou coudés, de diamètre croissant de 1,5 à 5 mm et à extrémité concave (fig. 3 et 4), et un maillet pour impacter l’ostéotome dans l’os résiduel. Le passage du foret initial est effectué pour le marquage préalable des sites selon un guide chirurgical sur une profondeur de 1 à 2 mm ou pour percer un os cortical trop dense. L’os maxillaire étant d’une densité osseuse faible de type III ou IV (Lekholm et Zarb, 1985), aucun forage préalable n’est nécessaire, l’impaction commençant dès le premier ostéotome utilisé (fig. 6 et 7). Cet ostéotome doit rester éloigné de 1 à 2 mm de la hauteur osseuse initiale mesurée (fig. 8 et 9). Puis les ostéotomes de diamètre supérieur sont passés jusqu’à atteindre le diamètre de préparation désiré, ce dernier devant être sous-dimensionné par rapport à celui de l’implant choisi. Ainsi un « toit osseux » impacté est maintenu, permettant un contrôle envers toute effraction de la membrane de Schneider (fig. 10). L’impaction commençant dès le premier ostéotome, la condensation latérale induit une densité osseuse plus importante. Ensuite, avec apport de matériau de comblement, on place un lit de matériau dans le fond du site préparé. Une impaction avec le dernier ostéotome est faite de façon à réaliser une fracture du plancher sinusien, en n’enfonçant jamais l’instrument au-delà de la hauteur sous-sinusienne initiale mesurée (fig. 11 et 12). Puis le matériau est incorporé progressivement et poussé sans effort à l’aide de l’ostéotome. Ce dernier ne pénétrant jamais la cavité sinusienne, le risque d’effraction de la membrane de Schneider est contenu (Ferrigno et al., 2006). Le matériau de comblement est refoulé sous la membrane sinusienne ; la dispersion des forces se fait et le matériau se répand selon le principe de Pascal : « La pression d’un liquide se répartit avec une force uniformément égale sur l’ensemble de la surface » (Defrancq et Vanassche, 2001 ; Summers, 1994) (fig. 13 et 14). Puis l’implant est posé, repoussant d’autant le matériau avec la membrane sinusienne.
Il est possible d’augmenter de 5 à 7 mm la hauteur d’os, ce qui permet de poser un implant de 10 à 13 mm de longueur (fig. 15 et 16).
Lorsque la hauteur osseuse résiduelle est inférieure à 5 mm, Summers préconise cette méthode avec une pose différée des implants après 4 à 6 mois de cicatrisation. Summers utilise un ostéotome à extrémité concave large ou à extrémité plate, ainsi qu’une tréphine calibrée avec laquelle il crée une « carotte osseuse » qui est poussée et amenée jusqu’à une hauteur de 1 à 2 mm du plancher sinusien (fig. 17 et 18). Le puits ainsi formé est comblé avec un mélange d’os autogène (40 %) et de DFDB (demineralized freeze-dried bone) (60 %) (fig. 19). Après 6 à 8 mois de cicatrisation, le site est exposé et l’implant peut être mis en place dans de bonnes conditions.
Toffler évoque les difficultés pour fracturer le cylindre osseux (Toffler, 2001). Il est en effet difficile de s’approcher directement de la limite sinusienne avec le trépan car celui-ci ne transmet que peu les sensations tactiles, aussi se retrouve-t-on fréquemment dans deux situations :
– le forage du trépan est trop profond et la membrane sinusienne est touchée, la chirurgie est alors stoppée ;
– la préparation du trépan est trop faible et il est alors difficile de fracturer le cylindre osseux.
On note que ces deux situations sont fréquentes surtout quand le plancher sinusien est oblique.
Un contrôle radiographique est recommandé 1 mois après la chirurgie, afin d’évaluer le gain en hauteur. Les implants sont posés lorsque la greffe a pris, de 6 à 9 mois plus tard. Un des avantages de cette technique réside dans le fait qu’à aucun moment, les instruments chirurgicaux ne touchent la membrane sinusienne.
Fugazzotto trouve un taux de succès de 100 % avec 77 implants placés dans des sites avec au départ moins de 2 mm de hauteur osseuse sous-sinusienne et augmentés par FSD (Fugazzotto, 1998). Toffler obtient lui aussi 100 % de succès sur 57 implants placés dans des sites augmentés par FSD (Toffler, 2001).
Cette technique chirurgicale semble plus délicate à mettre en œuvre que la technique en un temps à cause de la faible hauteur sous-sinusienne et donc des risques de perforation de la membrane sinusienne.
Cette technique repose sur l’utilisation combinée d’ostéotomes, de forêts et d’implants vissés à surface rugueuse, dans les situations cliniques où la crête est large (supérieure à 6 mm) avec une hauteur sous-sinusienne résiduelle supérieure ou égale à 5 mm (Lazzara, 1998).
Le protocole chirurgical est le suivant : la situation des implants est marquée avec une fraise boule. La préparation du site débute avec le foret de 2 mm qui est utilisé jusqu’à une hauteur de 1 mm sous le plancher.
Le foret pilote est utilisé sur une hauteur de 2 à 3 mm, puis le foret de 3 mm termine la préparation du site à implanter (pour un implant standard) en restant toujours 1 mm en deçà du plancher.
Une fois le diamètre final souhaité établi, une greffe sera ajoutée dans le site et, à l’aide du dernier ostéotome utilisé, une fracture du plancher sinusien sera réalisée en restant à tout moment à distance du sinus. Un prélèvement d’os autogène associé ou non à un matériau de comblement est introduit progressivement sur toute la hauteur du site implantaire.
Des apports successifs de cette greffe permettront de soulever la muqueuse sinusienne. Le ou les implants peuvent alors être placés dans le site ainsi préparé.
Fugazzotto décrit cette technique par laquelle il réalise, dans le même temps opératoire, l’extraction d’une molaire maxillaire, l’élévation du plancher sous-sinusien à l’aide d’ostéotomes avec comblement et/ou avec l’utilisation de membranes non résorbables et implantation différée (Fugazzotto, 1999, 2002). Le septum interradiculaire est sectionné à l’aide d’une tréphine calibrée et poussé avec un ostéotome de diamètre identique à celui de la tréphine en deçà de 1 mm de la corticale du plancher sinusien. L’espace de l’alvéole laissé vide est comblé avec du Bio-Oss® et recouvert d’une membrane en PTFE qui sera retirée entre 16 et 32 semaines (fig. 20). La mise en place de l’implant se fait à ce moment précis et la mise en fonction est faite 5 mois plus tard.
Le critère de succès est la possibilité de placer dans une situation idéale un implant de 10 mm de longueur et de 4,8 mm de diamètre sans perforation du plancher sinusien et sans fenestration et/ou déhiscence. Sur 109 sites traités de cette façon, les auteurs obtiennent 102 succès, soit 94 %.
Cette technique présente l’avantage de préserver le capital osseux au moment même de l’extraction de la dent en combinant les techniques de Summers, FSD et BAOSFE.
Artzi décrit, dans son étude concernant des sites molaires, des résultats similaires en utilisant la même technique opératoire mais la mise en place de l’implant est immédiate et non différée (Artzi et al., 2003). Il pose 12 implants coniques (Screw-Vent®) de large diamètre (de 6,0 mm de largeur et de 10 et 13 mm de longueur) avec une hauteur osseuse résiduelle de 6 à 9 mm. Le matériau de comblement utilisé est de l’os minéral bovin (Bio-Oss®) ou du phosphate bêta-tricalcique (Cérasorb®). L’auteur explique que lors de cette approche chirurgicale, l’os interradiculaire résiduel a été complètement foré pendant la préparation du site implantaire, si bien que le contact os/implant n’est dû qu’à l’ancrage dans l’os basal. Un implant de large diamètre augmente ainsi les chances d’obtenir une stabilité primaire optimale.
De plus, cette technique réduit le temps de traitement et la perte osseuse postextractionnelle.
Les auteurs, dans leurs études, donnent des taux de survie de 95 à 98 % lorsque la hauteur osseuse résiduelle est supérieure ou égale à 5 mm et de 87 à 93 % lorsqu’elle est inférieure à 5 mm. Cependant, tous s’accordent à dire que l’état de surface rugueux favorise le résultat (Summers 1994, 1994, 1994, 1995 ; Coatam et Krieger, 1997 ; Horowitz, 1997 ; Bruschi et al., 1998 ; Toffler, 2004). Ces dernières années, de nouvelles études montrent des taux de survie améliorés notamment pour des hauteurs de moins de 5 mm.
L’étude de Toffler, rétrospective sur une durée de 8 ans, porte sur 276 implants posés selon la technique de Summers BAOSFE (Toffler, 2004). Les résultats donnent des taux de survie de 94,5 % pour une hauteur osseuse résiduelle supérieure à 5 mm et de 73,3 % si celle-ci est inférieure ou égale à 4 mm.
L’étude de Drouhet et Missika (2008), rétrospective sur une durée de 8 ans, donne des résultats de 96,7 % avec des implants Astra Tech selon la technique de BAOSFE pour une hauteur osseuse résiduelle supérieure ou égale à 5 mm et un taux de 93,34 % pour une hauteur inférieure à 5 mm. Pour cette hauteur, l’état de surface rugueuse et la présence de microfiletage au col de l’implant favorisant la stabilité primaire de l’implant ont permis ces résultats encourageants. Mais aucune conclusion statistiquement significative n’est faite devant le faible nombre (13) d’implants posés.
La poursuite de recueil des données depuis 2008 est encourageante. Les données s’étalent sur une durée de 10 ans, 222 implants ont été posés, dont 175 implants Astra Tech. Sur 64 implants Astra Tech posés selon la technique BAOSFE dans des sites de hauteur résiduelle inférieure à 5 mm, seul 1 échec est à déplorer, donnant un taux de survie de 98,5 %. L’ensemble des résultats sont en cours d’étude et feront l’objet d’une publication.
Emmerich et son équipe ont réalisé une méta-analyse portant sur 8 études retenues sur les 44 sélectionnées (Emmerich et al., 2005). Le taux de survie de 1 139 implants à 24 mois est de 95,7 %, 5 études, portant sur un total de 848 implants, considèrent le taux de succès à 36 mois qui est de 96 %. Pour les auteurs, les résultats obtenus par la technique de Summers sont similaires à ceux réalisés avec une technique de pose conventionnelle.
Une autre méta-analyse porte sur 5 études, sélectionnées parmi 169 autres, où 349 implants sont étudiés avant mise en charge et 56 mois après (Shalabi et al., 2007). Les taux de succès sont respectivement de 98 % et 99 %.
Les auteurs de ces deux méta-analyses estiment nécessaire d’avoir des études prospectives à long terme car les résultats semblent montrer des taux de survie similaires à ceux obtenus avec les techniques de pose traditionnelle dans les secteurs du maxillaire postérieur.
L’étude de Pjetursson et al. est l’une des premières études prospectives sur une technique d’élévation de la hauteur sous sinus par voie crestale avec un niveau de preuve scientifique situé entre 1 et 2, et un grade de recommandation entre A et B (Pjetursson et al., 2009). La technique correspond à la technique de Summers BAOSFE. Elle porte sur 252 implants posés de 2000 à 2005 et son auteur obtient 100 % de réussite quand la hauteur résiduelle est supérieure ou égale à 5 mm, 90 % si la hauteur est comprise entre 4 et 5 et 91 % si elle est inférieure ou égale à 4 mm. Dans la même étude, cet auteur observe le remodelage osseux sur radiographie et montre que l’apport de matériau de comblement optimise l’augmentation de volume osseux (Pjetursson et al., 2009).
Parmi toutes les techniques d’élévation du plancher sinusien par voie crestale, il semble que la technique de Summers BAOSFE soit le plus appliquée, les variations effectuées selon les auteurs ne modifiant pas significativement les résultats (fig. 21 à 32). L’application stricte de la technique de Summers induit une faible incidence des perforations de la membrane de Schneider (Reiser et al., 2001 ; Toffler, 2004 ; Ferrigno et al., 2006) qui ne semblent pas avoir de lien avec les échecs implantaires observés dans ces études.
Pour cette technique, certains points primordiaux sont exprimés par tous les auteurs. Le premier est sans doute le facteur essentiel pour la réussite du traitement : il est impératif d’avoir une stabilité primaire parfaite de l’implant lors de sa pose. La hauteur osseuse sous-sinusienne initiale sera généralement de 4 à 5 mm, mais elle peut n’atteindre que 3 à 4 mm avec l’expérience. Cependant, le choix des implants joue un rôle non négligeable (Wallace et Froum, 2003 ; Emmerich et al., 2005 ; Drouhet et Missika, 2008) : leur surface rugueuse et la rétention à leur col favorisent la stabilité primaire et l’ostéo-intégration. Mais l’ensemble de la communauté scientifique s’accorde pour affirmer qu’il est considéré que les implants sont ostéo-intégrés dans l’os résiduel sous-sinusien, et ce quelle que soit la technique d’élévation sous-sinusienne. L’apport de matériau de comblement favorise l’augmentation de la hauteur sous-sinusienne obtenue.
En résumé, les indications sont les suivantes : hauteur sous-sinusienne comprise entre 3 et 8 mm, largeur de crête supérieure ou égale à 4 mm, édentement de petite étendue (2 dents), l’édentement unitaire étant sans doute l’indication la plus importante (fig. 33 à 38).
Cette technique nécessite une courbe d’apprentissage importante et son approche doit se faire en considérant bien les fondamentaux : hauteur sous-sinusienne minimum de 5 mm, aucune pénétration intrasinusienne des ostéotomes (1-2 mm sous le plancher sinusien avant effraction), augmentation de volume par apport de biomatériau progressive et douce.
Elle doit être réservée à des praticiens expérimentés
Depuis quelques années, la longueur des implants utilisés se réduit et varie de 8 à 12 mm. Aussi, pour cette technique, une longueur de 9 mm est très appréciable et suffisante, l’apport de biomatériau étant réduit d’autant. Pour certains auteurs, il est possible de ne pas ajouter de matériau, évitant ainsi tout risque d’infection secondaire des sinus, mais il est alors préférable d’avoir seulement 2 à 3 mm de dépassement de l’implant dans la cavité sinusienne.
Les avancées en matière de piézochirurgie apportent une sécurité incontestable lors de l’abord crestal. Cependant, il n’existe actuellement pas d’étude sérieuse scientifique permettant d’avaliser cette technique.
Le principe en est le suivant : l’abord crestal à l’aide de la piézochirurgie est une variation de la technique de Summers BAOSFE. L’utilisation d’inserts adaptés, comme le système Intralift® de Satelec, permet de préparer le site implantaire en réduisant le risque de perforation de la membrane de Schneider, l’insert à ultrasons n’ayant aucune action sur les tissus mous. Cependant, une courbe d’apprentissage est nécessaire car le plus grand risque est l’échauffement lié aux ultrasons (Nielson et Richard, 1955 ; Horton et al., 1981 ; Vercellotti et al., 2001). L’irrigation doit être parfaitement maîtrisée, avec une progression en va-et-vient en ressortant régulièrement l’insert afin de le refroidir parfaitement, notamment pour des hauteurs sous-sinusiennes supérieures à 6 mm. Une fois le plancher sous-sinusien perforé, un insert en forme de « trompette » permet de soulever la membrane du sinus grâce au phénomène de cavitation couplé à une injection de sérum physiologique à faible débit. Le matériau de comblement, Bio-Oss® par exemple, est incorporé en douceur, comme dans la technique BAOSFE de Summers. Puis ont lieu la finalisation de la préparation du site implantaire à l’aide de forets ou d’ostéotomes, toujours à la hauteur initiale sous-sinusienne, et la pose de l’implant.
L’abord crestal à l’aide de la piézochirurgie ouvre des perspectives enthousiasmantes et permet sans doute un accès moins traumatisant pour le patient. Cette technique doit se perfectionner et est sans doute une solution de remplacement au comblement sous-sinusien par voie latérale avec mise en place différée de l’implant. Des études prospectives devront être mises en œuvre afin de confirmer cette perspective.