Article
Keyvan DAVARPANAH* Serge SZMUKLER-MONCLER** Mithridade DAVARPANAH*** Stéphane DE CORBIÈRE**** Georgy DEMURASHVILI***** Nedjoua CAPELLE-OUADAH******
*Ancien interne des hôpitaux de Paris, attaché au Département de prothèse de l’université de Paris-V, exercice limité à la chirurgie buccale et à l’implantologie, Paris
**Professeur associé, Département de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, université Pierre-et-Marie-Curie Paris-VI, visiting professor, Département d’odontostomatologie, Institut orthopédique Galeazzi, Université de Milan
***Chef de service du Centre de réhabilitation orale (ORC), Hôpital américain de Paris, exercice privé limité à la parodontologie, la chirurgie buccale et l’implantologie, Paris
****Chirurgien ORL de l’Hôpital américain de Paris, exercice privé, Paris
*****Assistant associé en prothèse, Université Paris-Descartes
******Docteur en chirurgie dentaire
Le but de cet article est de faire une synthèse des connaissances que le chirurgien doit posséder lorsqu’il est amené à traiter une atrophie du maxillaire postérieur. Ce dernier doit pouvoir déterminer si la raison du déficit osseux peut se résoudre par une greffe sinusienne ou une greffe par onlay, définir quel est l’abord indiqué, le latéral ou le crestal, ainsi que le degré de complexité de l’intervention qu’il peut escompter, connaître les instruments les plus appropriés à chaque étape chirurgicale, choisir un matériau de comblement ainsi que le type de membrane à utiliser pour obstruer le volet osseux, déterminer si une implantation immédiate est possible et enfin apprécier la prédictibilité de la procédure chirurgicale qu’il met en œuvre.
The aim of this paper is to provide an overview of the requested knowledge while treating the atrophic posterior maxilla. The surgeon needs to determine if sinus augmentation is the adequate treatment, assess if the crestal or the lateral approach is appropriated, define le level of complexity to expect during the lateral approach, know what are the adequate surgical tools for each surgical step, choose the type of grafting material and membrane to implement, determine if immediate implantation is appropriate and what is the predictability of his surgical treatment.
En implantologie, une des règles implicites de l’ostéo-intégration est de poser les implants dans des sites où les implants sont totalement inclus dans du tissu osseux. Cela signifie que lorsque le volume osseux appelé à recevoir des implants est insuffisant, il faut l’augmenter par l’apport d’une greffe osseuse. De fait, la déficience osseuse peut être verticale avec une hauteur disponible insuffisante ou horizontale avec une largeur de crête alvéolaire limitée. Cet article se concentre exclusivement sur la composante verticale de la déficience osseuse.
La greffe sinusienne est une technique chirurgicale invasive qui a rapidement intégré l’arsenal de l’implantologie moderne. Elle consiste à augmenter la hauteur osseuse résiduelle (HOR), c’est-à-dire à gagner du tissu osseux en verticalité. Pour ce faire, la membrane sinusienne est soulevée, un matériau capable de conduire une néoformation osseuse est introduit et les implants sont placés en même temps que la greffe ou selon un protocole différé après maturation de la zone greffée.
Cet article aborde successivement 7 points que le chirurgien doit apprécier avant de se lancer dans l’intervention chirurgicale :
– analyser la raison du déficit osseux. Peut-il être résolu par une greffe verticale augmentant le volume osseux dans la partie apicale ou est-ce que la carence en volume intéresse la partie coronaire de la déficience osseuse ? Auquel cas, la solution au déficit osseux ne sera pas apportée par une greffe sinusienne mais par une greffe onlay ;
– après avoir confirmé la pertinence de la greffe osseuse dans le traitement de la déficience enregistrée, aborder les règles qui permettront de décider de la technique à mettre en œuvre pour réaliser la greffe osseuse, c’est-à-dire choisir entre l’abord crestal et latéral ;
– l’abord latéral étant indiqué, discuter des outils à disposition pour réaliser au mieux, de la manière la plus simple et la plus prévisible possible, l’intervention chirurgicale ;
– déterminer quel est le matériau de choix pour effectuer le comblement sinusien en se demandant s’il faudra un matériau autologue ou allopathique, s’il sera nécessaire d’interposer une membrane résorbable entre le matériau de substitution et la membrane sinusienne ou si ce ne sera pas recommandé ;
– déterminer la nécessité d’obstruer le volet de la paroi antéro-latérale ayant servi à approcher la membrane sinusienne. On se demandera s’il est recommandé d’interposer une membrane entre le périoste et la paroi osseuse et, le cas échéant de quel matériau devra être faite cette membrane ;
– cerner les conditions de l’implantation et de la greffe simultanées ;
– discuter enfin de la prédictibilité des techniques de greffe pour en reconnaître les taux de succès selon les protocoles chirurgicaux mis en œuvre.
La détermination de la hauteur osseuse résiduelle s’effectue à l’examen radiographique, de préférence tomodensitométrique. Cependant, c’est l’examen clinique qui renseignera sur l’espace prothétique disponible. En effet, la démarche implantaire est réalisée pour assurer la restauration des sites édentés à l’aide de couronnes artificielles anatomiquement proches des conditions biomécaniques physiologiques. Cela signifie que la hauteur des couronnes implanto-portées doit rester dans les limites de ce qui est acceptable au niveau biomécanique, fonctionnel et esthétique.
L’espace prothétique disponible peut donc être normal, augmenté ou extrême (fig. 1 à 3). Ce n’est que lorsque l’espace prothétique est augmenté que se pose la question de comment rendre la hauteur osseuse résiduelle compatible avec les exigences du volume osseux, c’est-à-dire s’il faut l’obtenir par comblement endo-sinusien ou par greffe d’apposition.
Les limites de chaque domaine ne sont pas clairement définies car les études spécifiques manquent à ce sujet. Deux paramètres interviennent dans l’estimation de la situation : le rapport couronne/implant (C/I) ainsi que la hauteur de la couronne prothétique. Les données cliniques ne sont pas conclusives de par le faible nombre d’études publiées (Blanes, 2009 ; Sanz et Naert, 2009). Une étude in vitro récente, qui va dans le même sens qu’une tentative de consensus récente (Misch et al., 2006), suggère que la hauteur de la couronne prothétique est plus déterminante que le rapport couronne/implant dans la génération de contraintes délétères quand la hauteur est supérieure à 15 mm (Nissan et al., 2011). Cependant, une autre étude clinique a pu montrer que des implants courts et un rapport couronne/implant s’approchant de 2 ou même le dépassant dans les secteurs postérieurs n’induisaient pas de souffrance osseuse particulière même à long terme (Blanes et al., 2007).
Ainsi, face à un espace prothétique augmenté, 2 situations sont à envisager :
– l’espace prothétique est inférieur à 15-20 mm. Il semblerait encore possible de gérer les couronnes de la prothèse implanto-portée en dépit d’un rapport couronne/implant élevé, atteignant 2 (Blanes et al., 2007), c’est-à-dire à l’aide d’une couronne de 20 mm pour un implant de 10 mm ;
– l’espace prothétique est supérieur à 15-20 mm. Le rapport couronne/implant ainsi que la hauteur de la couronne sont trop défavorables. Pour les réduire, il faut procéder à une augmentation osseuse par onlay osseux afin d’accroître la hauteur de la crête. Son pronostic est cependant moins fiable que le comblement endo-sinusien.
La visualisation exacte de l’espace prothétique disponible se fait au travers d’un wax-up sur modèle en plâtre. La position des couronnes par rapport à la crête osseuse est alors déterminée ainsi que la relation entre couronnes reconstituées et dents antagonistes.
Ainsi, dans le secteur postérieur, le choix thérapeutique dépend :
– de l’évaluation de la hauteur osseuse résiduelle ;
– de l’espace prothétique disponible.
L’évaluation du degré de pneumatisation du sinus maxillaire permet d’évaluer la nécessité d’un comblement intrasinusien ou d’une augmentation verticale de type onlay. En l’absence d’une pneumatisation sinusienne, le niveau du plancher sinusien se situe sur le même plan que le plancher nasal.
Après avoir confirmé la pertinence de la greffe osseuse dans le traitement de la déficience enregistrée, le second point aborde les règles qui permettront de décider de la technique à mettre en œuvre pour réaliser la greffe osseuse, c’est-à-dire choisir entre l’abord crestal ou latéral.
La hauteur osseuse résiduelle infrasinusienne est le paramètre décisif dans le choix de la procédure d’augmentation osseuse intrasinusienne. L’abord latéral est généralement indiqué lorsque la hauteur osseuse résiduelle est inférieure à 5 mm (fig. 4). Cependant, cette règle n’a pas valeur universelle car la perception subjective du chirurgien peut jouer un rôle déterminant.
Certains praticiens se sentent peu à l’aise avec la technique de l’abord crestal même lorsque la hauteur osseuse résiduelle est supérieure à 5 mm car l’intervention se pratique en aveugle. L’intervention crestale est généralement considérée moins invasive que la latérale, en revanche une incertitude sur l’efficacité de l’intervention peut toujours persister. Les praticiens qui n’apprécient pas de rester dans le doute peuvent encore préférer l’abord latéral, se soustrayant de ce fait aux strictes recommandations de consensus.
À l’autre extrême, certains praticiens peuvent estimer posséder un bon ressenti clinique en dépit de l’intervention effectuée en l’absence d’accès visuel. Ils privilégieront alors la technique de l’abord crestal même lorsque la hauteur osseuse résiduelle est inférieure à 5 mm, pour autant qu’une stabilité primaire satisfaisante puisse être obtenue (Nedir et al., 2009, 2010). Le praticien débutant pourra opter pour l’une ou l’autre des interventions, pour autant que le patient soit averti des recommandations préconisées par la littérature des consensus (Jensen et al., 1998 ; Tonetti et al., 2008).
On retiendra néanmoins que certains auteurs ont relevé une relation entre le taux de succès implantaires et la hauteur osseuse résiduelle. Lorsque la hauteur osseuse résiduelle est supérieure à 5 mm, les taux de succès sont similaires à ceux des sites dont la hauteur osseuse résiduelle est compatible avec une séquence d’implantation standard (≥ 8 mm). En revanche, lorsque la hauteur osseuse résiduelle est inférieure à 5 mm, ils peuvent avoisiner 90 % (Pjetursson et al., 2009) voire moins (Rosen et al., 1999 ; Cavicchai et al., 2001 ; Toffler, 2004).
Le tableau 1 résume les avantages et les inconvénients de chaque méthode, du point de vue du praticien et du patient (de Corbière et al., 2011). Il trouvera toute son utilité lorsqu’un choix d’intervention sera à effectuer.
L’intervention chirurgicale doit être la plus simple et la plus prévisible possible. Pour abonder dans ce sens, certains outils seront utiles. Ce seront ceux qui permettent :
– une prévisualisation dynamique du terrain de l’intervention ;
– un abord sécurisé de la membrane sinusienne à travers de la paroi antéro-latérale ;
– un décollement prévisible de la membrane sinusienne le long des parois du sinus.
Avant d’effectuer une greffe sinusienne, un examen tomodensitométrique est indiqué, ne serait-ce sur le plan légal. Ce dernier est effectué à l’aide d’un examen radiographie scanner ou cone beam. Chaque méthode présente des avantages et des inconvénients (Davarpanah et al., 2010 ; Pasquet et Cavezian 2009) mais, dans l’indication qui nous intéresse, la radiographie cone beam est moins irradiante et couvre en général l’ensemble des besoins.
Jusqu’à peu, seules des planches étaient fournies par les radiologistes. Le chirurgien devait alors reconstituer un volume 3D au travers de la lecture d’une succession de planches. Cet exercice n’est pas toujours aisé car il exige une capacité mentale d’abstraction et d’extrapolation inégalement distribuée. De nos jours, des logiciels permettent de construire une image 3D à partir de la succession des plans axiaux lus par les appareils radiologiques. Tous les plans sont consultables ((fig. 5)), l’image reconstituée (fig. 6) ainsi que des coupes en perspectives peuvent être observées (fig. 7), de sorte qu’une reconnaissance du terrain de l’intervention est rendue possible. Il est même possible de simuler une implantation (fig. 8) et d’en vérifier les conséquences (fig. 9) dans les 3 plans de l’espace (Davarpanah et al., 2010). Il en résulte que, lors de l’acte chirurgical, le chirurgien a l’impression de revenir sur un lieu familier, déjà visité (Davarpanah et al., 2010).
Un autre avantage de ce type de logiciel est qu’il rend possible l’accès simultané à différents plans reconstitués informatiquement, par exemple un plan panoramique et un plan transverse. Sur ces coupes, notre groupe (Szmukler-Moncler et al., 2011 ; Davarpanah et al., 2012) a récemment identifié un ensemble de 15 éléments anatomiques qui permettent d’évaluer la pertinence de l’intervention, sa difficulté, son degré de complexité et la probabilité de se trouver embarqué dans une complication peropératoire. Certains de ces 15 points sont identifiables sur une coupe panoramique (fig. 10), d’autres sur une coupe transverse (fig. 11 et 12) et d’autres encore sur les deux simultanément. Ils couvrent 5 étapes fondamentales :
– mesurer la hauteur osseuse résiduelle afin de déterminer la nécessité d’une greffe sinusienne ainsi que la technique à mettre en œuvre ;
– évaluer la présence de contre-indications locorégionales ;
– évaluer la difficulté opératoire en général ;
– évaluer plus précisément la difficulté à décoller la membrane sinusienne en observant la morphologie sinusienne ;
– déterminer si les conditions d’une implantation immédiate sont réunies.
A. Déterminer la hauteur osseuse disponible sous le sinus
1. Hauteur osseuse résiduelle :
– sur coupes obliques ;
– sur coupes panoramiques.
B. Contre-indications locorégionales
2. Pathologies sinusiennes (infections dentaires, kystes, allergies) :
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
C. Évaluation de la difficulté opératoire
3. Présence d’un septum ou de septa :
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
4. Présence de racines de dents adjacentes plongeantes dans le sinus : sur coupes panoramiques.
5. Présence de pathologie apicale au niveau des racines des dents adjacentes :
– sur coupes obliques ;
– sur coupes panoramiques.
D. Évaluation de la difficulté à décoller la membrane sinusienne
6. Épaisseur de la membrane sinusienne :
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
Éléments de morphologie sinusienne
7. Épaisseur de la paroi osseuse antéro-latérale : sur coupes obliques.
8. Présence d’une artère dans la paroi antéro-latérale : sur coupes obliques.
9. Angle α (entre la paroi antéro-latérale et la paroi interne ou le plancher) : sur coupes obliques.
10. Angle β (entre les portions nasales et palatines de la paroi interne) : sur coupes obliques.
11. Distance δ (largeur vestibulo-palatine) : sur coupes obliques.
12. Largeur de l’espace mésio-distal à greffer : sur coupes panoramiques.
13. Degré de corticalisation osseuse du plancher sinusien (évaluation de la difficulté de décollement de la membrane sinusienne) :
– sur coupes obliques ;
– sur coupes panoramiques.
14. Degré de corticalisation osseuse de la crête alvéolaire (sites récents d’extraction, communication oro-antrale) :
– sur coupes obliques ;
– sur coupes panoramiques.
E. Paramètres indicatifs de la possibilité de réaliser une implantation immédiate
15. Qualité osseuse de l’os résiduel et hauteur osseuse résiduelle :
– sur coupes obliques ;
– sur coupes panoramiques.
La hauteur osseuse résiduelle (fig. 10 à 12) peut se déterminer simultanément sur les coupes panoramiques et les coupes obliques. La lecture sur une coupe panoramique est insuffisante car la hauteur osseuse résiduelle peut varier selon la distance de la paroi antéro-latérale. Une lecture des coupes transverses en regard des sites à restaurer procure une image précise de la hauteur osseuse disponible. Sa dimension informera sur la nécessité de greffer et dictera la technique de greffe à appliquer : implantation sans greffe quand la hauteur osseuse résiduelle est supérieure ou égale à 7 mm, abord crestal lorsque la hauteur osseuse résiduelle est supérieure ou égale à 5 mm, (Khoury et al., 2008 ; Davarpanah et al., 2011) et abord latéral lorsque la hauteur osseuse résiduelle est inférieure à 5 mm comme déterminé précédemment à la figure 4.
Les coupes panoramiques ainsi que transverses renseignent sur d’éventuelles pathologies sinusiennes. Une radio-opacité, qui apparaît en grisé sur les coupes, signe la présence de substances sécrétées, liées en général à de l’inflammation. Elle est plus rarement d’origine allergique.
Une étiologie dentaire est recherchée sur les coupes panoramiques au niveau des dents adjacentes plongeant dans le sinus car leurs parties apicales peuvent arborer une pathologie inflammatoire.
Les coupes panoramiques et les coupes obliques renseignent sur la présence de septum ou septa (fig. 13). Une première lecture est faite sur les coupes panoramiques, mais elle se complète sur la lecture des coupes obliques en parcourant l’étendue antéro-postérieure de la greffe à la recherche de toute excroissance osseuse. L’imagerie 3D peut parfois s’avérer utile afin de bien saisir la complexité de la géométrie du septum, dans son développement depuis sa paroi postérieure en direction antérieure (fig. 13).
La présence d’un septum ou de septa constitue une des raisons les plus avérées de complications lors du décollement de la membrane sinusienne (fig. 14 à 17). Elle apparaît sous la forme d’une perforation membranaire dont la fréquence augmente jusqu’à atteindre 44,4 % (Schwartz-Arad et al., 2004).
Les septa sont plus ou moins étendus, ils peuvent parfois réunir les parois antéro-latérale et interne pour créer 2 sous-entités distinctes. Leur fréquence varie de 25 à 30 % (Ulm et al., 1995 ; Velásquez-Plata et al., 2002 ; Schwartz-Arad et al., 2004), ils sont répartis entre les secteurs antérieurs (au niveau PM), moyens (entre PM et M) et postérieurs (au niveau de M1 et M2). Entre M1 et M2, la fréquence peut culminer autour de 40 % (Velásquez-Plata et al., 2001).
Quand l’exécution classique de la technique rend inévitable la perforation de la membrane, il est concevable de modifier le protocole traditionnel et faire 2 volets, de part et d’autre du septum (Blus et al., 2008) ou encore d’effectuer un décollement partiel de la membrane du plancher sans atteindre la cloison interne (Szmukler-Moncler et al., 2011). Ce dernier doit cependant être suffisamment large pour aménager une hauteur résiduelle suffisante pour accueillir un implant de 10 à 13 mm.
Il est encore envisageable d’anticiper la perforation membranaire, de briser les septa à la pince ou à l’insert vibrant de piézochirurgie puis de procéder à sa réparation.
Le degré de pénétration sinusienne des dents adjacentes à la zone à greffer se lit sur les coupes panoramiques (fig. 10).
La présence de racines plongeantes peut compliquer l’étape du décollement membranaire si la membrane adhère fortement sur le périmètre de la racine. La difficulté augmente avec le degré de protrusion de la racine et l’angle qu’elle forme avec le plancher sinusien.
La lecture s’effectue sur les coupes panoramiques (fig. 10). La recherche est plus aisée en augmentant le grossissement de l’image apicale des racines en communication avec la cavité sinusienne.
L’épaisseur de la membrane se lit sur les coupes panoramiques (fig. 10) ainsi que sur les coupes obliques (fig. 11 et 12). La coupe panoramique indique l’épaisseur au niveau du plancher et l’observation des coupes transverses étendue à la zone à greffer donne l’information qui concerne les parois antéro-latérale, interne mais aussi du plancher.
L’épaisseur de la membrane est l’un des facteurs les plus prédictifs de la difficulté d’un décollement sans obstacle. Une membrane fine est fragile, une membrane bien visible sur les coupes transverses est l’indice d’une membrane aisée à manipuler durant la phase de décollement.
Une membrane épaisse ou hypertrophique peut résulter de l’itération d’inflammations plus ou moins bien traitées. Le cas échéant, l’épaississement sera le produit d’une fibrose postinflammatoire. Son décollement pourra se révéler plus délicat et chronophage que prévu.
L’épaisseur de la membrane varie typiquement de 0,3 à 1,3 mm (Morgensen et al., 1977 ; Aimetti et al., 2008), d’un individu à l’autre, d’une portion du sinus à l’autre et d’une paroi à l’autre. L’existence d’une corrélation entre épaisseur de la membrane sinusienne au niveau du plancher et phénotype gingival a été suggérée (Aimetti et al., 2008). Portant sur 20 patients, cette étude a pu montrer que la moyenne de l’épaisseur de la membrane sinusienne était de 1,26 ± 0,14 mm pour les patients au biotype épais et 0,61 ± 0,15 mm pour les patients au biotype fin.
L’épaisseur de la paroi antéro-latérale s’observe sur les coupes obliques (fig. 11 et 12). Elle varie largement d’un individu à l’autre et d’un endroit à l’autre du sinus, de moins de 1 mm à 3 mm, voire 5 mm (Blus et al., 2008), mais, dans la majorité des cas elle est de 1 à 2 mm.
Selon l’épaisseur, les instruments pour préparer le volet osseux peuvent varier, rotatifs ou piézoélectriques. Lorsque la paroi est épaisse, rabattre le volet osseux ne peut qu’encombrer inutilement l’intérieur de la cavité sinusienne. Un décollement du volet sera préféré, lequel sera exploité pour refermer la fenêtre osseuse.
Cette artère est l’élément anatomique à identifier absolument car sa présence peut préjuger de la complexité de l’intervention et intervenir dans le choix des instruments utilisés pour découper le volet osseux livrant l’abord à la membrane. Il s’agit de l’artère alvéolaire postérieure et supérieure (APS). Elle est issue de l’artère maxillaire et se détecte exclusivement sur les coupes obliques (fig. 11, 12, 18 et 19). Elle circule dans la membrane contre la paroi antéro-latérale depuis l’arrière vers l’avant. Cependant, dans 47 à 55 % des cas (Mardinger et al., 2007 ; Rosano et al., 2011), il lui arrive de passer dans la paroi osseuse, ce qui risque de compliquer l’intervention. Cette artère se dédouble aussi dans un nombre non négligeable de cas.
Les inserts vibrants de piézochirurgie permettent d’éviter l’effraction de l’artère par inadvertance. Une artère large est plus aisée à identifier sur la radiographie et plus facile à isoler qu’un vaisseau de petit diamètre qui passe souvent inaperçu (Rosano et al., 2011).
L’angle α, qui participe à la morphologie sinusienne, se détermine exclusivement sur les coupes transverses (fig. 11, 12, 18, 19). Il est délimité par les parois antéro-latérale et interne du sinus quand la largeur du plancher est réduite. Dans le cas contraire, la paroi antéro-latérale et le plancher le définissent. Cet angle peut être plus ou moins ouvert, il est dit en V lorsqu’il est fermé et dit en U lorsqu’il est plus ouvert (fig. 12). En l’absence de septum, il constitue un bon indicateur de la difficulté du décollement de la membrane au niveau du plancher.
Un angle α ouvert facilite le décollement membranaire. Une relation entre degré d’ouverture de l’angle α et taux de perforation de la membrane durant le décollement a été suggérée (Cho et al., 2001). Cette étude a mesuré des taux de perforation de 37,5, 28,6 et 0 % lorsque les angles α étaient inférieurs à 30°, compris entre 31 et 60° et supérieurs à 60°, respectivement. Anatomiquement, l’angle α du sinus maxillaire est plus fermé dans sa partie antérieure.
L’angle β, qui participe à la constitution de la morphologie sinusienne, se lit exclusivement sur les coupes transverses (fig. 10, 11, 20 et 21). Les côtés qui le définissent sont les 2 portions nasales et palatines de la paroi interne (fig. 12, 20 et 21). Son ouverture est variable, plus il se rapproche l’angle plat de 180° (fig. 11 et 12) et plus le décollement à ce niveau sera facile. À l’instar de l’angle β, c’est un bon indicateur de la difficulté du décollement de la membrane au niveau de la paroi interne.
Le décollement est plus aisé lorsque l’angle β est le plus ouvert. Cependant, avant toute autre considération, il faut s’assurer de la nécessité de décoller la membrane jusqu’au niveau de l’angle β. Quand une hauteur de 12 à 13 mm est obtenue avant même d’atteindre le niveau de cet angle (fig. 11, 18 et 21), sa forme importe peu.
C’est la longueur qui sépare la paroi antéro-latérale de la paroi interne du sinus au niveau de l’angle δ. Elle se lit sur les coupes transverses (fig. 11, 18, 19, 20 et 21). Elle varie largement selon les patients, de même qu’entre les parties antérieure et postérieure d’un même sinus.
Lorsque la distance est limitée à 10-15 mm, le passage des curettes entre les parois externe et interne est aisé. Lorsqu’elle est supérieure à 20 mm (fig. 13 et 19), l’accès à la paroi interne du sinus peut devenir plus problématique. Des instruments plus longs sont nécessaires ainsi qu’un temps d’intervention allongé car la surface totale de membrane à décoller est augmentée.
Certains auteurs ont déterminé 3 niveaux de difficulté selon l’étendue de la distance (Yamamichi et al., 2010) :
Cette distance se mesure sur une coupe panoramique centrale, elle peut régler le nombre de volets osseux à découper ainsi que leur dessin. Lorsqu’elle est inférieure à 20 mm, un seul volet, de taille variable, est suffisant pour accéder à l’espace à greffer. Lorsqu’elle est supérieure à 20 mm ou concerne l’ensemble du secteur postérieur, il faut se demander s’il n’est pas préférable de réaliser deux volets au lieu d’un seul. Certains auteurs le recommandent (Yamamichi et al., 2010) mais notre avis est plus nuancé. La nécessité de découper deux volets est davantage manifeste quand un septum s’interpose sur le trajet de la découpe du volet (Blus et al., 2008). Cependant, on conviendra qu’en dédoublant les phases d’abord et de dissection, la préparation de deux volets augmente le risque de perforation de la membrane.
Le degré de corticalisation du plancher se lit sur les panoramiques ainsi que sur les coupes transverses. Il peut présager de la difficulté du décollement membranaire. Un plancher bien corticalisé annonce une membrane plus facile à décoller car son degré d’interpénétration avec la paroi osseuse est limité (fig. 22). Lorsque le plancher n’est pas nettement dessiné sur les coupes, on peut s’attendre à des adhérences entre la paroi osseuse et le chorion membranaire du fait d’une interpénétration importante avec la trame osseuse des parois (fig. 23). Dans ce cas, de petites irrégularités peuvent clairsemer le plancher et empêcher un net plan de clivage. Elles peuvent être attribuées à des incidents inflammatoires répétés.
Le degré de corticalisation osseuse de la crête alvéolaire se lit sur les coupes panoramiques et transverses. Il attire l’attention sur les sites postextractionnels qui risquent de mener à une communication oro-antrale. Ce risque est absent lorsque le site est guéri et que la corticale est bien visible. Dans un site en voie de cicatrisation, des adhérences membranaires peuvent se développer.
La hauteur osseuse résiduelle ainsi que la qualité osseuse se lisent sur les coupes panoramiques ou transverses. Sur les logiciels d’imagerie 3D, la densité osseuse peut même être transcrite en unités Hounsfield. Ces paramètres permettent ensemble d’évaluer si une implantation immédiate est possible ou s’il est préférable d’y renoncer. Les chances d’obtenir une stabilité primaire satisfaisante sont meilleures lorsque la hauteur osseuse résiduelle est élevée ainsi que la qualité osseuse.
Une nouvelle catégorie d’instruments de chirurgie osseuse a été récemment introduite en chirurgie implantaire et pré-implantaire en remplacement ou en complément des instruments rotatifs traditionnels. Il s’agit d’inserts vibrants à des fréquences ultrasoniques mus par un dispositif piézoélectrique. Ce type d’appareil offre une grande versatilité car chaque nouvelle forme d’insert peut renvoyer à un usage différent.
Ainsi, la chirurgie ultrasonique offre la possibilité de couper des tissus durs à la scie dentée (Blus et Szmukler-Moncler, 2010 ; Davarpanah et al., 2011), au scalpel aiguisé ou diamanté, de préparer des copeaux osseux (Chiriac et al., 2005 ; Davarpanah et al., 2011), de préparer des logettes implantaires (Blus et SzmuklerMoncler, 2010), de disséquer des tissus mous en les séparant de leur support osseux (Davarpanah et al., 2011), de disséquer des vaisseaux se trouvant sur le trajet du volet osseux lors de l’abord latéral (Davarpanah et al., 2011), de soulever la membrane sinusienne par pression hydraulique (Bensaha, 2011 ; Davarpanah et al., 2011), d’extraire des dents de manière atraumatique (Barone et al., 2010 ; Blus et Szmukler-Moncler, 2010), plus particulièrement celles qui sont ankylosées (Blus et Szmukler-Moncler, 2010) et d’exploiter ses propriétés bactéricides (Blus et al., 2009).
Dans les indications qui nous intéressent, le principal apport de la chirurgie ultrasonique consiste à réduire de manière importante le risque de perforation de la membrane sinusienne lors son abord au travers de la paroi latérale (tableau 2). Avec les instruments rotatifs classiques, la fréquence de perforation varie entre 16,7 et 44,4 % (Tawil et al., 2001 ; Raghoebar et al., 2001 ; Engelke et al., 2003 ; Schwartz-Arad et al., 2004 ; Shlomi et al., 2004 ; Ardekian et al., 2006 ; Barone et al., 2008) alors que celle enregistrées avec les inserts vibrants varie entre 0 et 5,5 % (Vercellotti et al., 2001 ; Wallace et al., 2007 ; Blus et al., 2008 ; Sohn et al., 2010 ; Toscano et al., 2010), exceptionnellement 19 % (Stübinger et al., 2009). Le tableau 2 détaille les fréquences et les moyennes obtenues pour chaque type d’instrumentation.
De plus, le risque de lacération de l’artère alvéolaire postérieure et supérieure ou de son double rencontrée lors de la découpe du volet osseux est quasi inexistant, sans compter que les inserts se prêtent particulièrement bien à la dissection des vaisseaux interceptés (Davarpanah et al., 2011).
En revanche, pour décoller la membrane le long des parois du sinus, les inserts vibrants ne présentent pas d’avantages particuliers (Barone et al., 2008 ; Davarpanah et al., 2011). Il est préférable de conduire cette étape à l’aide des curettes traditionnelles car la sensibilité manuelle est meilleure (Davarpanah et al., 2011).
Les figures 2425262728293031 à 32 illustrent un cas traité à l’aide de la technique de l’abord latéral réalisée à l’aide d’inserts de piézochirurgie en présence d’une artère dans la paroi antérolatérale.
L’abord de la paroi antéro-latérale se fait habituellement à l’aide d’instruments rotatifs ou vibrants. Récemment, une boîte de trépans et de scies en cloche (fig. 33 à 38) a été mise au point pour accéder à la membrane sinusienne, selon qu’on désire éroder complètement le volet osseux ou le laisser en place (kit SLA, Neobiotech). Cette approche trouve sa pertinence lorsqu’un site unique est à traiter (fig. 39 à 41) ou lorsque le volet doit être particulièrement long (fig. 42 à 44).
Une trace du volet est d’abord dessinée à l’aide du guide (C-Guide) tenu perpendiculairement à la paroi (fig. 39), son poinçon central permet de centrer le trépan lors de la découpe (fig. 40). Puis le trépan (LS-Reamer) est mis en rotation, la géométrie des 3 pans permettant d’éroder la paroi.
Lorsque la largeur du volet est importante, il est possible de couvrir l’ouverture en 3 passages du trépan (fig. 42). Il restera alors à affiner la forme du volet à l’insert boule du piézotome (fig. 43) ou à l’aide d’une fraise boule traditionnelle jusqu’à obtenir le dessin final désiré.
Cette technique de décollement et soulèvement de la membrane sinusienne est récente (Kfir et al., 2007 ; Hu et al., 2009). Elle consiste à gonfler un ballon introduit dans la cavité sinusienne à l’aide d’une seringue remplie de liquide (fig. 45). Le gonflement gradué du ballon décolle progressivement la membrane sinusienne.
Cette approche est le plus souvent utilisée lors de l’abord crestal. Elle permet de soulever la membrane sur une hauteur de 8 à 10 mm (Kfir et al., 2007). La fréquence des perforations varie entre 0 % (Kfir et al., 2007) et 7,7 % (Hu et al., 2009). Le temps passé lors de ces interventions est de l’ordre de 48 minutes (Kfir et al., 2007).
Le cas illustré ici (fig. 45 et 46) concerne le décollement de la membrane lors d’un protocole par abord latéral. Le set consiste en une seringue et une aiguille terminée par un ballon (fig. 45). Le liquide de la seringue est refoulé dans le ballon qui se déforme progressivement sous la poussée (fig. 46).
Lors de l’abord latéral, la membrane partiellement décollée de la paroi antéro-latérale continue sa progression sous la poussée du ballon jusqu’à atteindre le volume désiré. À ce moment-là, le ballon est dégonflé en tirant sur la seringue. La manœuvre peut être répétée si le volume nouvellement crée sous la membrane est considéré comme insuffisant.
Dans la rubrique des avancées techniques au service du traitement du maxillaire postérieur atrophié, on peut inclure un nouvel implant qui présente certaines propriétés spécifiques (Irinakis et Wiebe, 2009, 2009 ; Davarpanah et al., 2011). La géométrie de ses spires (fig. 47) permet une bonne stabilité primaire même dans un os de faible densité (Irinakis et Wiebe, 2009). Celle de son corps implantaire est à l’origine d’une double condensation osseuse (fig. 48 et 49), dans le sens vertical ainsi qu’horizontal (Fromovitch et al., 2010). Ces deux propriétés font que lorsque la technique de l’ostéotome est recommandée dans les sites où la hauteur osseuse résiduelle est de 5 à 7 mm, il est possible de lui substituer l’implant dans cette fonction.
La technique de l’implant-ostéotome (fig. 50 à 55) est encore insuffisamment documentée ; cependant, elle offre des perspectives intéressantes de simplification lors du traitement du maxillaire postérieur atrophié. Elle ne requiert pas de modification de la séquence de forage car tout comme dans la technique classique de l’ostéotome, celui-ci est effectué jusqu’à 1 mm du plancher sinusien. Pour un implant de 4,3 mm de diamètre, le dernier foret passé est de 2,4-2,8 mm de diamètre. Lors de la descente dans la logette, cela permet à l’implant de condenser horizontalement le tissu osseux adjacent. La friction entre les parois de la logette et le corps de l’implant est telle qu’un torque élevé peut être nécessaire pour faire avancer l’implant dans sa course. Pour l’éviter, l’implant est dévissé avant de reprendre la progression en direction apicale.
La géométrie des spires de l’implant rend efficace ce mouvement successif de va-et-vient où son avancée exerce une action de condensation et son dévissage un travail de coupe qui relaxe les contraintes générées par l’avancée. Sous l’impulsion du mouvement graduel de condensation en direction apicale, la corticale du plancher sinusien se soulève, accompagnée de la membrane. Cette technique peut permettre de gagner 2 à 4 mm d’ancrage osseux supplémentaire sans l’apport extérieur d’un matériel de comblement (Davarpanah et al., 2011). Un site dont la hauteur osseuse résiduelle est de 6 à 7 mm peut être restauré à l’aide d’un implant de 10 mm.
Les figures 5051 à 55 illustrent la technique et son résultat. La radiographie préopératoire montre une hauteur osseuse disponible sous le sinus de 6 à 7 mm (fig. 50). La radiographie postopératoire suggère la présence d’une élévation du plancher en direction apicale (fig. 54). La radiographie de contrôle montre, sur une coupe transverse de l’examen tomodensitométrique, que l’implant est devenu totalement inclus dans un volume osseux qui ne préexistait pas (fig. 55). Dans le cas présenté ici, le torque final qui a amené l’implant en fin de course, au ras de la crête alvéolaire, est de l’ordre de 50 Ncm (fig. 53). L’implant pénètre sur 3 spires à l’intérieur de la cavité sinusienne, ce qui correspond à 3 × 1,2 mm.
Quel est le matériau de choix pour effectuer le comblement sinusien, est-ce un matériau autologue ou allopathique ?
De nombreux produits de comblement osseux existent actuellement sur le marché, ils sont en concurrence avec l’os autogène prélevé sur le patient. Ils répondent chacun à une problématique spécifique, depuis les matériaux allopathiques repris à d’autres humains, xéniques d’origine animale ou alloplastiques, complètement synthétiques.
Les praticiens qui préfèrent l’os autogène à tout autre biomatériau privilégient l’argument qu’il n’y a pas de meilleur matériau que celui du patient. Ceux qui lui préfèrent l’os humain de banque sont en accord avec la primauté accordée à l’os humain. Cependant, ils souhaitent éviter à leurs patients le désagrément d’une intervention supplémentaire sur un site donneur. Ils font confiance aux procédés de traitement industriel qui évitent la transmission de l’homme à l’homme de molécules pouvant être potentiellement à l’origine de problèmes. Ceux qui se rabattent sur les produits animaux pensent que les potentiels de contamination entre l’animal et l’homme sont moindres et négligeables. Enfin, ceux qui utilisent les matériaux synthétiques désirent totalement s’abstenir de matériaux d’origine vivante.
La multiplicité des produits montre qu’aucun d’entre eux ne surpasse pas les autres d’une manière déterminante. Le praticien en choisira un selon ses convictions et ses propres exigences de documentation.
Historiquement, les greffes sinusiennes ont commencé avec l’os autogène qui a servi de gold standard mais il est aujourd’hui démontré que l’os humain n’est en aucun cas nécessaire. L’aménagement d’un espace, sans adjonction de substitut osseux, est aussi propice à la formation osseuse intrasinusienne, ainsi que cela a été récemment démontré (Lundgren et al., 2004 ; Hatano et al., 2007). Cependant, il faut pourvoir maintenir cet espace d’une manière simple et prévisible.
Nous avons eu l’occasion d’effectuer l’observation suivante sur quelques cas : un site sinusien a été greffé de manière conventionnelle. Pour des raisons non déterminées, l’apparition d’une infection a nécessité d’évider la zone greffée de son matériau de comblement. Lors de la programmation de la nouvelle intervention à 6 mois d’intervalle, il est apparu que la greffe sinusienne n’était plus nécessaire car une néoformation osseuse avait eu lieu sous la membrane. L’hypothèse est que la membrane avait été rigidifiée par l’infection et que cela lui a donné l’occasion de jouer le rôle de mainteneur d’espace dans la cavité sinusienne.
Les méta-analyses font état de résultats similaires, que le biomatériau soit d’origine humaine ou animale ou une combinaison des deux (del Fabbro et al., 2008 ; Pjetursson et al., 2008). Quelques études ont aussi montré que certains matériaux synthétiques seraient aussi performants. Davarpanah et al. ont effectué récemment un recensement des diverses études portant sur le sujet (Davarpanah et al., 2011).
Pour notre part, nous pensons que la littérature médicale a amplement montré que l’os autogène pouvait être avantageusement remplacé par un matériau xénogénique. Cela présente l’avantage d’éviter une chirurgie supplémentaire à un site donneur. Notre choix s’est porté depuis longtemps sur le Bio-Oss® (Geistlich AG, Wolhusen, Suisse) car c’est le substitut osseux d’origine bovine le plus scientifiquement documenté, histologiquement et cliniquement et avec un grand recul.
Est-il nécessaire d’interposer une membrane résorbable entre le matériau de substitution et la membrane sinusienne ou cela n’est-il pas recommandé ?
Quelques études ont montré qu’une fermeture du volet osseux pouvait mener à des taux plus élevés aussi bien de néoformation osseuse (Tarnow et al., 2000 ; Tawil et al., 2001) que de succès implantaire (Froum et al., 1998 ; Tarnow et al., 2000 ; Tawil et al., 2001). Une moyenne de ces études peut montrer que sans membrane, le taux d’échecs peut atteindre 11 % contre 2,6 % quand une membrane est mise en place. Par ailleurs, lorsqu’un matériau de collagène résorbable la compose, cette membrane ne nécessite pas de moyens de fixation particuliers, elle s’adapte étroitement à la paroi ainsi qu’au matériau qui comble la voie d’accès érodée. Certains praticiens déposent le volet osseux et le réapposent sur le matériau de comblement (Davarpanah et al., 2011). D’autres utilisent une membrane pauvre en plasma pour séparer la cavité du périoste rabattu (Blus et al., 2008).
Pour notre part, nous utilisons une membrane en collagène résorbable (Bio-Gide®, Geistlich AG, Wolhusen, Suisse) sans recourir à une fixation supplémentaire. Cette membrane se mouille instantanément au contact du sang ou de liquide physiologique. Elle se plaque sur le substrat sur lequel elle a été appliquée, y adhère et assure sa fonction de séparation entre le matériau de comblement et le périoste.
Le choix d’implanter simultanément ou selon un mode différé est dicté par la possibilité d’obtenir une stabilité primaire dans la hauteur osseuse à disposition. Elle dépend de la hauteur osseuse résiduelle, de la qualité osseuse, du dessin implantaire et de la séquence de forage.
Quand ces conditions sont réunies, la littérature médicale ne fait pas état de différence au niveau du taux de succès implantaire, quelle que soit la méthode choisie (Del Fabbro et al., 2008).
La prédictibilité des implants à 1 an placés dans des sites greffés est élevée, elle est similaire à celle obtenue dans des sites non greffés (fig. 56 à 58). Une méta-analyse (Pjetursson et al., 2008) fait état d’un taux de survie implantaire de 96,5 % avec un taux annuel moyen d’échecs de 3,48 % (le taux moyen ne signifie pas stricto sensu qu’au bout de 10 ans le taux de survie avoisine 60 %). Une autre méta-analyse plus récente (Nkenke et Stelzle, 2009) fait état de d’un résultat similaire (98,73 %). Une discussion détaillée de la littérature médicale a été récemment publiée et le lecteur intéressé par l’influence précise de chaque paramètre est invité à s’y référer (Antoun, 2011).
Le traitement du maxillaire postérieur a été l’objet de toutes les attentions car il fallait surmonter la difficulté que présentait une faible hauteur osseuse infrasinusienne. Diverses techniques chirurgicales, plus ou moins invasives, ont été proposées en fonction de la hauteur osseuse résiduelle. La hauteur résiduelle qui appelle l’intervention la plus invasive montre une singulière tendance à diminuer au cours du temps.
Lorsque le secteur postérieur du maxillaire est sévèrement atrophié, la greffe sinusienne par abord latéral est indiquée. Les matériaux utilisés pour ce comblement ont évolué depuis l’origine où l’os autogène était considéré comme le gold standard, un site donneur n’est désormais plus nécessaire. Des matériaux d’origine animale ou synthétiques peuvent le remplacer avantageusement. Le choix devrait, selon nous, être guidé par des considérations de documentation scientifique.
Le comblement sinusien est un acte aux séquences codifiées dont les paramètres sont bien définis. Ses résultats cliniques expliquent son appartenance à l’armentarium thérapeutique du traitement implantaire. La maîtrise de ces techniques requiert des connaissances et une formation spécifiques. À l’instar de toute autre technique chirurgicale, elle passe par une courbe d’apprentissage qui intégrera avantageusement certains des paramètres ici proposés.
L’introduction récente de nouveaux instruments est susceptible d’ouvrir cet acte chirurgical à un nombre plus important de praticiens désireux d’augmenter leur rayon d’intervention auprès de leurs patients.