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Prothésiste dentaire, Wachtberg, Allemagne
Les implants dentaires font partie intégrante de la dentisterie actuelle et future. Depuis le début de la dentisterie implantaire moderne, leur utilisation s’est accrue en prothèse à la fois amovible et fixée. Parallèlement, le pilier implantaire, la partie reliant l’implant à la prothèse, a fait l’objet d’une évolution considérable pour répondre aux exigences liées aux différentes indications. Dans le secteur antérieur, le pilier implantaire joue un rôle clé dans la création d’un aspect harmonieux des tissus mous péri-implantaires. Pour obtenir un résultat esthétique réussi, le pilier doit avoir une configuration personnalisée, créant ainsi un profil sous-muqueux et une teinte idéaux au niveau des tissus mous péri-implantaires, ainsi qu’une angulation et une hauteur adéquates pour recevoir la restauration prothétique finale. Cet article présente une discussion sur le rôle du profil sous-muqueux et de la teinte du pilier implantaire dans l’amélioration esthétique des tissus mous péri-implantaires en modifiant la position du rebord muqueux marginal, du contour muqueux et de la teinte des tissus.
Dental implants are an integral part and the future of today’s dentistry. Since the beginning of modern implant dentistry, their use increased in both areas, removable and fixed prosthodontics. At the same time, the implant abutment, the connecting part between the implant and the prosthesis, has undergone a tremendous evolution in order to fulfill the demands for the different indications. In the anterior section, the implant abutment plays a key role in creating adequate soft tissue appearance. To achieve a successful aesthetic outcome, the abutment should have an individual design, thus creating an ideal submucosal profile and color for the peri-implant soft tissue as well as adequate angulation and height for the final prosthetic restoration. The present article will discuss how the submucosal profile and color of the implant abutment might enhance peri-implant soft tissue aesthetics by modifying the mucosal margin position, mucosal contour, and mucosal color.
Les piliers implantaires constituent l’interface cruciale entre l’implant ostéo-intégré et la restauration prothétique. Ils réalisent le joint au niveau du passage délicat à travers les tissus mous péri-implantaires vers la cavité buccale. Avec l’introduction des systèmes implantaires en deux parties dans les années 1980 (Adell et al., 1986 ; Kirsch et al., 1983), le pilier est devenu une partie distincte du corps de l’implant, permettant ainsi au dentiste restaurateur de choisir entre différentes hauteurs de piliers préfabriqués. Ces piliers standard étaient fabriqués en titane commercialement pur. Face à une demande croissante, les implants dentaires ont été utilisés non seulement dans des mâchoires totalement édentées mais également chez des patients partiellement édentés. Par la suite, le premier pilier personnalisé, le pilier UCLA, a été introduit pour répondre aux problèmes d’angulation implantaire et d’esthétique (Lewis et al., 1988). Récemment, ces profils individuels ont été fabriqués en coulant (directement) sur des piliers en or préfabriqués, ce qui, bien sûr, prend un temps considérable et entraîne également un certain coût.
Selon la localisation sur l’arcade, des demandes spécifiques sont apparues pour satisfaire les exigences des patients. Dans le secteur antérieur, qui représente tant de défis, un profil d’émergence individualisé et la teinte de la dent constituent des facteurs importants dans le processus de fabrication d’un pilier implantaire idéal. Le premier pilier ayant la teinte d’une dent a été fabriqué avec un oxyde d’alumine vitrifié très dense (Prestipino et Ingber, 1993). Étant donné les fractures rapportées dans des études cliniques (Andersson et al., 2003), le dioxyde de zirconium stabilisé à l’yttrium (la zircone) a été introduit comme matériau de remplacement de l’oxyde d’alumine. De précédentes études cliniques ont montré son excellente stabilité mécanique et sa biocompatibilité (Scarano et al., 2004 ; Sailer et al., 2009 ; Zembic et al., 2009 ; Nakamura et al., 2010), ce qui a conduit à une utilisation accrue de la zircone comme matériau pour les piliers ayant la couleur d’une dent. Cependant, la production de piliers en zircone préfabriqués est problématique. La propagation de fêlures peut survenir par suite d’une réduction importante du pilier lors de la préparation ou lors de la cuisson de céramique feldspathique/fluorapatite sur le pilier (traitement postérieur).
Durant ces dernières années, l’amélioration croissante de la technique de configuration assistée par ordinateur (CAO/CFAO) a permis la fabrication de piliers implantaires individualisés (fig. 1 et 2), éliminant ainsi tout traitement postérieur et permettant un gain de temps en matière de fabrication par rapport à la production manuelle des piliers préfabriqués (Nothdurft et Pospiech, 2010). Cette approche comporte une technique de production standardisée qui permet de créer idéalement le profil sous-muqueux, l’angulation et la hauteur pour chaque site de pilier implantaire avec la possibilité de contrôler une épaisseur minime de matériau (fig. 3 et 4). Ces piliers CAO/CFAO sont initialement fabriqués en titane et en zircone.
Dans le secteur antérieur qui représente tant de défis esthétiques, plusieurs facteurs comprenant la position tridimensionnelle de l’implant (verticale, horizontale et sagittale), l’épaisseur des tissus mous et le pilier implantaire participent à l’aspect des tissus mous péri-implantaires. Cependant, c’est le contour sous-muqueux du pilier qui représente le facteur crucial dans la transition entre un col implantaire rond et l’anatomie cervicale adéquate d’une couronne. Une configuration concave, plate ou convexe du profil sous-muqueux du pilier va influencer la position du rebord muqueux marginal et le contour muqueux. Cependant, la teinte de la muqueuse est affectée par le matériau qui compose le pilier. Selon l’épaisseur des tissus mous, les piliers en titane, en zircone « couleur dent » ou « édenté zircone » seront indiqués.
Cet article propose une discussion sur la façon dont le profil sous-muqueux et la teinte du pilier implantaire peuvent améliorer l’aspect des tissus mous péri-implantaires en modifiant la position de la muqueuse marginale, le contour muqueux et la teinte de la muqueuse.
Après la cicatrisation et la réouverture d’un site implantaire, la position de la muqueuse marginale est déterminée par le profil sous-muqueux du pilier. Cette partie sous-muqueuse du pilier réalise la jonction entre la plateforme de l’implant et la limite marginale de la couronne, procurant ainsi un diamètre rond au niveau du col implantaire et une configuration anatomique individuelle au niveau du joint couronne-pilier. Ce joint doit être placé à 0,5-1,0 mm en position sous-muqueuse et doit suivre le feston sur toute la circonférence (360°) du pilier (fig. 5 et 6). Le point le plus vestibulaire du profil sous-muqueux du pilier va déterminer la position de la muqueuse marginale vestibulaire. Si la limite marginale pilier-couronne est déplacée en direction vestibulaire, la muqueuse marginale va migrer apicalement. En revanche, en déplaçant le joint pilier-couronne en direction linguale, on peut s’attendre à une migration coronaire du niveau de la muqueuse marginale. Ce phénomène a été démontré sur des dents naturelles antérieures lors de l’application de forces orthodontiques (Andlin-Sobocki et Bodin, 1993). Pour diminuer les risques d’une éventuelle récession de la muqueuse vestibulaire, le profil sous-muqueux du pilier doit être concave au niveau vestibulaire (fig. 7 et 8). Cela augmente la largeur de la muqueuse vestibulaire et permet ainsi d’obtenir un tissu mou péri-implantaire plus stable (Nozawa et al., 2006).
Par rapport à la muqueuse marginale vestibulaire, la hauteur de tissu mou interproximal (papille) entre une dent naturelle et un implant dépend de deux facteurs : le niveau osseux interproximal de la dent adjacente et la forme des surfaces adjacentes dent-pilier (Tarnow et al., 1992 ; Matherson et Zander, 1963). Plusieurs études portant sur le remplacement d’une dent unitaire ont montré le potentiel de régénération spontanée des papilles, à condition que le support osseux sous-jacent et la forme de l’embrasure interproximale dent/pilier/couronne soient adéquats (Jemt, 1997 ; Kan et al., 2011). La partie sous-muqueuse interproximale du pilier doit avoir un profil concave ou plat (fig. 8), en fonction de la dimension mésio-distale au niveau du joint pilier-couronne. Exception faite des implants mal positionnés, le profil ne doit pas être convexe, ce qui permet de laisser suffisamment d’épaisseur de tissu mou pour rétablir une hauteur de papille physiologique. Le contour muqueux obtenu présente un feston naturel si le rebord marginal vestibulaire ainsi que la papille interproximale sont correctement soutenus par le profil du pilier et la forme du joint dent-pilier adjacente (fig. 8 à 10).
L’esthétique des tissus mous péri-implantaires s’apprécie non seulement en fonction de l’architecture muqueuse mais également de la couleur des tissus mous. De même que pour une dent naturelle présentant une dyschromie, le matériau qui compose le pilier peut altérer l’aspect du tissu mou. Dans une étude clinique contrôlée, des piliers en titane ou en or réalisés pour des couronnes céramo-métalliques ont été comparés à des piliers en oxyde d’alumine supportant des couronnes tout céramique. Les auteurs indiquent des différences cliniques notables au niveau de la teinte des tissus mous dans les deux groupes expérimentaux par rapport à la dent naturelle controlatérale ; cependant, les restaurations tout céramique sur piliers en oxyde d’alumine induisent une harmonie de teinte significativement meilleure que les restaurations céramo-métalliques sur des piliers en titane ou en or (Jung et al., 2008). Une étude récente comparant les matériaux des piliers actuellement disponibles sur le marché associés à une couronne tout céramique montre que les piliers en titane présentent des différences significativement plus importantes, au niveau des tissus mous par rapport à la dent naturelle, que les piliers en zircone ou en or (Bressan et al., 2011). Étant donné que les piliers en or ne permettent pas la formation d’une attache de tissu mou convenable (Abrahamsson et al., 1998), la zircone est le matériau de choix pour les restaurations antérieures. Si l’épaisseur des tissus mous en vestibulaire est supérieure ou égale à 3 mm, même les piliers en titane peuvent être utilisés (Jung et al., 2007). Cependant, en présence de biotypes tissulaires fins (épaisseur inférieure à 3 mm), il est recommandé d’utiliser des piliers teintés en zircone, étant donné que la teinte « blanche » de piliers en zircone couleur « dent » peut compromettre l’aspect des tissus mous (fig. 11 et 12).
Le succès des restaurations implanto-portées dépend de nombreux facteurs individuels. Dans le secteur antérieur, l’esthétique des tissus mous joue un rôle majeur. Après la cicatrisation et la réouverture du site implantaire, l’esthétique des tissus mous péri-implantaires est déterminée par le pilier implantaire. Les piliers correspondants sont disponibles en version préfabriquée ou individualisée (CAO/CFAO) ; cependant, la technique CAO/CFAO permet la fabrication d’un profil sous-muqueux, d’une angulation et d’une hauteur idéaux pour chaque site implantaire. La configuration sous-muqueuse doit être concave au niveau vestibulaire et concave-plate dans les espaces interproximaux. Le joint couronne-pilier doit être placé à 0,5-1,0 mm en sous-muqueux et doit suivre le feston muqueux sur toute la circonférence (360°) du pilier. Les piliers implantaires sont initialement fabriqués en zircone ou en titane. Le choix du matériau du pilier dépend de l’épaisseur du tissu mou. En présence d’un biotype tissulaire épais (≥ 3 mm), on peut utiliser des piliers en titane ou en zircone, alors qu’en présence d’un tissu mou fin (< 3 mm), seuls les piliers teintés en zircone doivent être sélectionnés.