Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 01 du 01/02/2012

 

Article

Oliver HANISCH  

Résumé

La perte verticale du tissu mou vestibulaire peut conduire à une hauteur coronaire différente de celle de la dent controlatérale. Le manque de tissu dans le sens horizontal entraîne l’apparition d’une ombre et d’un profil d’émergence inadapté au niveau de la restauration prothétique. Par conséquent, il est particulièrement intéressant d’avoir un volume tissulaire suffisant pour le résultat esthétique final, notamment dans la région maxillaire antérieure. Les résultats provenant d’études expérimentales et cliniques récentes ont permis de mettre en lumière une partie inconnue du processus de modelage/remodelage des parois de l’alvéole d’extraction après l’avulsion d’une dent et d’indiquer de nouvelles modalités thérapeutiques permettant de réduire le phénomène de résorption crestale. Le but de cet article est de présenter des indications et des directives pour réaliser des traitements prévisibles, minimisant la perte du volume des tissus durs et mous dans le secteur maxillaire antérieur. Seront étudiés les facteurs locaux « intrinsèques » qui déterminent les critères d’inclusion/exclusion, que ce soit pour une implantation immédiate ou différée, voire tardive. De plus, de nouvelles stratégies thérapeutiques pour contrôler les facteurs locaux « extrinsèques », prévenant ainsi une perte tissulaire supplémentaire, seront présentées.

Summary

Vertical loss of facial soft tissue may lead to a crown length differing from the contralateral tooth. Missing tissue in the horizontal direction causes a shadow and an inadequate emergence profile of the prosthetic restoration. Therefore, a sufficient amount of tissue volume is of great interest regarding the aesthetic outcome, in particular in the anterior maxilla. Findings from recent experimental and clinical studies have brought light into the unknown modelling/remodelling process of the extraction socket walls following tooth removal and indicated new treatment modalities reducing the crestal resorption phenomena. The objective of the present article is to develop indication and treatment guidelines for predictable implant therapies minimizing the loss of hard and soft tissue volume in the anterior maxilla. It will discuss the “intrinsic” local factors determining the inclusion/exclusion criteria for either the immediate or delayed/late implant approach. Furthermore, new treatment strategies will be presented in order to control the “extrinsic” local factors, thereby preventing additional tissue reduction.

Key words

Immediate implants, delayed implants, indication guidelines, treatment strategies, anterior maxilla

Introduction

L’extraction dentaire entraîne une perte du volume tissulaire au niveau de la crête alvéolaire (Pietrokovski et al., 2007 ; Schropp et al., 2003). Dans le maxillaire antérieur, la crête initiale subit une réduction horizontale de 50 % qui se produit essentiellement durant les quatre premiers mois suivant l’extraction de la dent (Johnson 1963, 1969) ; cependant, il peut se produire une résorption supplémentaire jusqu’à 12 mois post-extractionnels (Schropp et al., 2003). Les changements correspondants dans le sens vertical sont moins prononcés ; néanmoins, les sites d’extractions multiples adjacents montrent des changements plus importants dans le sens corono-apical que les sites d’extraction unitaire (Johnson 1963, 1969 ; Schropp et al., 2003). Ces changements de volume tissulaire peuvent varier et dépendent de plusieurs facteurs locaux intrinsèques liés au patient et qui incluent le biotype parodontal, l’intégrité de l’os cortical vestibulaire et la présence d’une infection.

Il a été suggéré que la pose d’implants dentaires dans des alvéoles d’extraction immédiate (implantation immédiate) pouvait s’opposer à ce phénomène de résorption crestale (Paolantonio et al., 2001). Les résultats provenant d’expérimentations chez le chien (Araújo et al., 2005, 2006) et d’un essai clinique (Sanz et al., 2010), ont démontré cependant que l’implantation immédiate après extraction dentaire n’empêchait pas la perte de la paroi osseuse vestibulaire.

Pour tenter de stopper ou de réduire le processus de résorption, plusieurs recherches ont été menées sur les techniques de préservation d’alvéole utilisant différents matériaux de greffe osseuse, reportant ainsi la pose de l’implant à une date ultérieure (soit différée : dans les 8 semaines suivant l’extraction de la dent, soit plus tardive : au moins 2 mois après l’extraction). Les données cliniques indiquent que les greffes osseuses (allogreffes, xénogreffes, alloplasties), associées ou non à des membranes ou à des protéines osseuses morphogénétiques, peuvent réduire les changements dimensionnels postextractionnels ; cependant, elles n’empêchent pas une certaine perte de hauteur et de largeur (Ten Heggeler et al., 2011). L’explication de cette diminution de la crête résiduelle est liée au fait que la corticale osseuse vestibulaire subit non seulement une résorption interne de l’os fasciculé (corticale interne) mais également une réduction de la surface externe (Araújo et Lindhe, 2005). Les auteurs d’une étude chez le chien (Araújo et Lindhe, 2009) ont observé que la mise en place d’une xénogreffe (Bio-Oss Collagen®, Geistlich, Wolhusen, Suisse) dans des alvéoles d’extraction immédiate semblait retarder la cicatrisation mais préservait mieux la dimension et le profil de la crête alvéolaire (– 12 % de perte) que dans les sites non greffés (– 25 % de perte). En utilisant le même modèle expérimental, le Bio-Oss Collagen® a été comparé avec le gold standard : la greffe autogène. Les examens histométriques des alvéoles d’extraction greffées ont montré que les copeaux d’os n’avaient pas réussi à empêcher la résorption crestale et que les quantités de réduction crestale de la paroi vestibulaire ainsi que la diminution de la crête marginale étaient similaires à celles observées pour les sites non greffés dans l’étude précédente (Araújo et Lindhe, 2009, 2011).

Comme nous l’avons souligné, la greffe de l’alvéole peut minimiser la perte du volume tissulaire post-extractionnelle et est considérée comme étant l’un des facteurs locaux « extrinsèques » modulant le processus de résorption de la crête. Les autres facteurs sont constitués par le traumatisme lié à l’extraction, l’élévation d’un lambeau, la greffe de tissu mou, le positionnement vertical/horizontal de l’implant et le concept de l’interface implant/pilier. Contrairement aux facteurs intrinsèques liés au patient, les facteurs extrinsèques dépendent de l’expérience du praticien et de son choix thérapeutique.

Le but de cet article est de présenter les indications et les directives permettant de réaliser des traitements implantaires qui minimisent la perte du volume des tissus durs et mous dans le secteur maxillaire antérieur. Seront étudiés les facteurs locaux intrinsèques déterminant les critères d’inclusion, que ce soit pour une implantation immédiate ou différée. De plus, de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à contrôler les facteurs locaux extrinsèques, permettant ainsi de prévenir une perte tissulaire supplémentaire, seront présentées.

Facteurs intrinsèques déterminant le choix du traitement implantaire

Biotype parodontal

La compréhension de l’anatomie et de la réponse biologique du parodonte marginal est essentielle pour le succès d’un traitement dentaire dans le maxillaire antérieur. Que le traitement comporte des implants dentaires, des techniques de chirurgie plastique parodontale ou des restaurations avec des couronnes et des bridges, la morphologie du tissu mou est considérée comme étant l’élément clé dans la prédiction des résultats à la fois pour le chirurgien et pour le prothésiste.

Ochsenbein et Ross ont été les premiers à classer l’anatomie gingivale en festonnée ou plate (Ochsenbein et Ross, 1969). Ils ont proposé qu’une gencive festonnée soit associée à une forme de dent conique et qu’une anatomie plate soit associée à des dents carrées. À la fin des années 1970, il a été démontré que les patients présentant des tissus mous fins et festonnés montraient une susceptibilité accrue à la récession gingivale (Weisgold, 1977). Par la suite, cette observation a été confirmée par une étude démontrant que la prévalence des récessions était plus importante sur les incisives centrales maxillaires étroites que les incisives carrées (Olsson et Lindhe, 1991). Une récente classification distingue trois différents biotypes parodontaux (De Rouck et al., 2009) : fin festonné, épais plat et épais festonné. Le biotype fin est classé comme ayant des dents étroites, une zone de tissu kératinisé étroite et une gencive très festonnée (fig. 1). Cela concerne un tiers des patients de l’échantillon et touche surtout les femmes. On observe une gencive épaisse essentiellement chez les hommes. La moitié d’entre eux présente des dents carrées avec une large zone de tissu kératinisé et une gencive marginale plate (fig. 3). L’autre moitié montre une gencive épaisse avec des dents étroites, une zone de tissu kératinisé étroite et une gencive marginale très festonnée (fig. 10). Par ailleurs, une autre étude a révélé que le biotype parodontal était lié à l’épaisseur de la corticale osseuse vestibulaire et à la visibilité d’une sonde à travers le sulcus (fig. 2 à 4). En d’autres termes, si la sonde parodontale est visible à travers le tissu mou vestibulaire, la gencive est classée comme étant fine avec une corticale osseuse fine sous-jacente (Cook et al., 2011).

De ce fait, en plaçant simplement une sonde parodontale à l’intérieur du sulcus, le clinicien est capable de différencier les biotypes et l’épaisseur d’os qui leur est sous-jacente. Cet outil clinique permet un diagnostic précis du biotype parodontal qui, à son tour, s’avère être l’un des facteurs intrinsèques permettant d’orienter le choix du traitement implantaire.

Depuis qu’un certain nombre de recherches menées sur les dents et les implants (Weisgold, 1977 ; Olsson et Lindhe, 1991 ; Kan et al., 2011) ont montré qu’un biotype parodontal fin était plus susceptible de connaître des récessions gingivales qu’un tissu épais, le concept d’« inversion du biotype » devrait être appliqué lors des traitements implantaires dans le secteur maxillaire antérieur, ce qui signifie l’épaississement localisé d’un biotype gingival fin par une greffe de tissu conjonctif enfoui. Si l’on compare cette technique aux greffes de tissu conjonctif autour des dents naturelles, l’objectif initial n’est pas de recouvrir une récession gingivale mais, plutôt, d’augmenter l’épaisseur du tissu gingival. Les résultats prometteurs obtenus après 1 à 3 ans de suivi indiquent non seulement un épaississement du biotype tissulaire initialement fin (« inversé ») mais également une stabilité du tissu mou augmenté dans le temps à la fois au niveau des dents et des implants (Paolantonio 2002a, 2002b ; Speroni et al., 2010).

La règle d’or est que l’implantation immédiate et différée chez des patients présentant un biotype fin doit être systématiquement associée à une greffe de tissu conjonctif (enfoui) réalisée avec la technique de tunnélisation modifiée (fig. 5 à 9). De cette façon, le risque d’une éventuelle récession gingivale sur un tissu mou dont l’épaisseur initialement fine a été inversée est diminué et l’épaississement de ce tissu mou peut compenser la perte de volume osseux alvéolaire, inévitable après extraction dentaire. Cependant, la chronologie de cette approche est très délicate. Étant donné qu’un remodelage important se produit sur les faces externe et interne de la corticale osseuse vestibulaire après extraction dentaire, l’élévation d’un lambeau, qu’il soit de pleine épaisseur ou d’épaisseur partielle, doit être évitée lors d’un traitement implantaire immédiat afin de ne pas ajouter un traumatisme supplémentaire au niveau de la crête osseuse (ce qui peut se produire lors de la dissection en épaisseur partielle de lambeaux fins). Cette hypothèse a été confirmée par des données expérimentales provenant d’altérations tissulaires observées après des extractions dentaires réalisées avec ou sans lambeau, indiquant moins de résorption crestale dans le groupe traité sans lambeau que dans le groupe avec lambeau (Blanco et al., 2008 ; Fickl et al., 2008a, 2011).

Par conséquent, le moment idéal pour effectuer la greffe de tissu conjonctif se situe 3 mois avant l’extraction de la dent (fig. 5 à 9). Étant donné que l’apport vasculaire pour une greffe de tissu conjonctif enfoui sur une dent naturelle provient du ligament parodontal et du plexus supra-périosté ainsi que du lambeau qui la recouvre (Guiha et al., 2001), le pronostic est supérieur par rapport à celui du site implantaire compromis qui est dépourvu de ligament parodontal. Si la greffe de tissu conjonctif enfoui ne peut pas être réalisée avant l’avulsion de la dent en raison d’un risque infectieux ou d’une restriction liée au patient, elle devra l’être entre 4 et 6 mois après la pose de l’implant et le remodelage tissulaire.

Intégrité de la corticale osseuse vestibulaire

Le deuxième facteur intrinsèque qui influence le traitement implantaire au niveau du secteur antérieur maxillaire est l’intégrité de la corticale osseuse vestibulaire. Son épaisseur est liée au biotype parodontal, ce qui signifie qu’un tissu mou vestibulaire fin indique la présence d’une paroi osseuse sous-jacente fine. En cas d’extraction dentaire, la corticale osseuse subit une résorption interne de l’os fasciculé (corticale interne) et il se produit ensuite une résorption sur la face externe. Étant donné que l’épaisseur de la partie crestale de la paroi osseuse vestibulaire dans le secteur maxillaire antérieur est inférieure ou égale à 1 mm (incisive centrale : 0,6 mm, incisive latérale : 0,7 mm, canine : 0,6 mm) (Januario et al., 2010), elle est essentiellement composée d’os fasciculé. De ce fait, la perte osseuse verticale se produit au niveau de la crête alvéolaire en plus de la réduction horizontale de la crête (Araújo et Lindhe, 2005). Par ailleurs, il a été démontré que le degré de réduction vestibulaire dépendait de la dimension de la corticale osseuse vestibulaire (Tomasi et al., 2010).

Plusieurs facteurs intrinsèques affectent le processus de modelage/remodelage de la corticale osseuse vestibulaire après extraction dentaire. Tout d’abord, le traumatisme lié à la technique d’avulsion doit être minimisé en évitant une luxation vestibulaire de la dent et en utilisant des périotomes et des élévateurs de racines avec délicatesse.

Les techniques d’élévation de lambeau ne sont pas recommandées lors d’une implantation immédiate, afin de protéger la fragile crête alvéolaire vestibulaire (Blanco et al., 2008 ; Fickl et al., 2008a, 2011). Par conséquent, les techniques de greffe de tissu conjonctif nécessitant des lambeaux d’épaisseur partielle doivent être réalisées avant ou après l’extraction dentaire. Seule une greffe gingivale libre pour obtenir une fermeture en première intention de l’alvéole d’extraction permet un modelage relativement normal de la corticale osseuse vestibulaire (Jung et al., 2004).

Comme nous l’avons souligné précédemment, le Bio-Oss Collagen® utilisé comme matériau de greffe dans les alvéoles d’extraction peut modifier le processus de cicatrisation en n’étant pas impliqué dans le processus de modelage/remodelage et permet ainsi de réduire la résorption crestale vestibulaire (Araújo et al., 2008, 2011). Quelle que soit l’approche utilisée (immédiate ou différée/tardive), l’hiatus ou l’alvéole doit être systématiquement comblé avec cette xénogreffe (fig. 12 et 20). Les données expérimentales et cliniques ont montré que, lors des implantations immédiates, l’utilisation du Bio-Oss Collagen® pour combler les hiatus améliore la préservation de la corticale osseuse vestibulaire par rapport aux sites témoins non greffés (Chen et al., 2007 ; Araújo et Lindhe, 2011). Dans l’approche différée/tardive, des recherches ont été menées sur l’utilisation supplémentaire d’une greffe gingivale libre pour recouvrir la xénogreffe et fermer l’alvéole d’extraction ; il s’avère que cela permet de réduire encore plus les modifications horizontales au niveau des tissus vestibulaires (Fickl et al., 2008b). Le fait que la greffe gingivale libre puisse être remplacée par une nouvelle matrice de collagène (Mucograft®, Geistlich, Wolhusen, Suisse) nécessite d’autres études de recherches (fig. 21 et 22). Cependant, la fermeture de l’alvéole d’extraction est bénéfique pour l’ensemble du processus de cicatrisation et stabilise la greffe osseuse.

Le positionnement horizontal d’un implant dentaire par rapport aux corticales osseuses environnantes pourrait jouer un rôle majeur dans le processus de remodelage des parois osseuses. Tarnow et al. ont démontré, dans une étude clinique, qu’il existait une composante latérale de 1,4 mm dans la perte osseuse autour des implants qui s’ajoute à la composante verticale de 1,5 à 2 mm (Tarnow et al., 2000). Étant donné que la hauteur des parois osseuses mésiale et distale est – pour un site d’implant unitaire – maintenue par les dents adjacentes (Schropp et al., 2003) et que la corticale osseuse palatine subit une résorption moins importante du fait de son épaisseur (Botticelli et al., 2004a, 2004b), la fine paroi osseuse vestibulaire est essentiellement altérée par la perte osseuse péri-implantaire latérale. Par conséquent, plus l’implant se rapproche de la corticale vestibulaire, plus les changements dimensionnels au niveau de la crête sont importants. Cette hypothèse est étayée par les résultats provenant de plusieurs recherches cliniques. Lorsque l’épaulement de l’implant est situé en position vestibulaire dans des alvéoles d’extraction immédiate, on observe une résorption des tissus durs et il se produit jusqu’à trois fois plus de récession des tissus mous par rapport aux implants placés en position palatine (Chen et al., 2007, 2009 ; Evans et Chen, 2008 ; Tomasi et al., 2010). En règle générale, la partie vestibulaire de l’épaulement de l’implant doit être placée à une distance d’au moins 2 mm de la paroi interne de la corticale osseuse vestibulaire (fig. 30). Cela peut suggérer que les implants de diamètre réduit soient conseillés dans les sites présentant de petites racines dentaires afin de respecter cette distance critique (par exemple les incisives latérales).

Le positionnement vertical de l’implant est un autre facteur extrinsèque qui contribue aux modifications tridimensionnelles qui se produisent au niveau des tissus péri-implantaires. Lors d’une étude d’étalonnage chez le chien, Herrmann et al. ont étudié le remodelage osseux autour d’implants en deux parties aboutées (avec des diamètres implant et pilier identiques), placés soit au même niveau, soit 1 mm au-dessus, soit 1 mm en dessous de la crête osseuse (Herrmann et al., 2000, 2001). Les examens histologiques 3 mois après la connexion du pilier montrent que l’on observe moins de résorption osseuse autour des implants placés en position supra-crestale ou au niveau crestal qu’autour des implants insérés en dessous de la crête osseuse marginale. Ces résultats ont été confirmés par la suite lors d’une étude récente effectuée sur le même modèle, sauf que l’on a utilisé cette fois des implants en deux parties mais avec des diamètres implant et pilier différents (platform switching). On observe très peu de remodelage osseux pour les implants placés au niveau de l’os crestal ou en supra-crestal ; cependant, le positionnement sous-crestal entraîne une résorption de l’os péri-implantaire significativement plus importante (Jung et al., 2008). Idéalement, les implants en deux parties devraient être positionnés 1 mm au-dessus de la crête située en regard de la corticale osseuse vestibulaire et 2 mm en dessous de la gencive marginale vestibulaire (ou du rebord gingival vestibulaire de la restauration finale).

L’interface implant/pilier, le fameux microgap, influence le processus de remodelage de l’os péri-implantaire. Il est maintenant largement accepté qu’il se produit une résorption verticale de 1,5 à 2 mm apicalement au microgap situé autour des implants en deux parties étalonnées après la connexion du pilier (Albrektsson et al., 1986 ; Hermann et al., 2000). Une récente étude expérimentale a comparé ce type d’implant (Brånemark) avec des implants en deux parties aux diamètres différents (Ankylos). Les auteurs concluent que la composante verticale du processus de remodelage est similaire pour les implants placés au niveau de la crête, mais que l’implant de Brånemark génère un défaut osseux latéral plus large que l’implant Ankylos et « cratériforme » (Weng et al., 2008). Il découle de ces résultats que l’implant Ankylos induit moins de résorption osseuse latérale en déplaçant le microgap horizontalement, l’éloignant ainsi de la crête osseuse. Le concept du platform switching a été validé par plusieurs études chez l’homme et l’effet sur le remodelage osseux vertical a été rapporté comme étant positif dans une méta-analyse récente (Atieh et al., 2010). Cependant, le degré de résorption osseuse marginale est inversement lié à la taille du décalage entre le diamètre de l’implant et celui du pilier (Atieh et al., 2010). En d’autres termes, si la différence de diamètre implant-pilier est inférieure à 0,4, il se produit une réponse osseuse moins favorable. Étant donné que l’influence d’autres facteurs tels que la géométrie du décalage offset implant-pilier (horizontal ou biseauté), la stabilité de la connexion implant-pilier (externe ou interne) et la contamination bactérienne du microgap ne sont pas encore totalement élucidés, il faut entreprendre des études cliniques contrôlées sur différents concepts de platform switching. À ce jour, l’influence exacte d’un tel concept sur la préservation de l’os péri-implantaire reste imprévisible.

D’un point de vue clinique cependant, l’utilisation d’implants présentant un décalage entre les diamètres de l’implant et du pilier est favorable, étant donné que la différence entre le diamètre implantaire, plus large, et celui du pilier, plus petit, crée de l’espace pour l’attache des tissus mous. Idéalement, la transition entre la plateforme de l’implant et la surface du pilier devrait avoir une géométrie concave (fig. 14 et 28). Ainsi, les tissus mous péri-implantaires sont plus épais, permettant une stabilisation de l’attache conjonctive. Les résultats provenant d’une étude expérimentale comparant l’effet de trois géométries de pilier différentes sur la hauteur de l’attache conjonctive et sur la résorption de l’os marginal indiquent une réponse favorable pour les piliers concaves présentant des microrainures (Kim et al., 2010).

En résumé, si la totalité de l’alvéole d’extraction est intacte sans aucun défaut osseux au niveau de la paroi osseuse vestibulaire après l’extraction d’une dent (à l’exception de petites fenestrations situées dans le tiers apical de la corticale osseuse vestibulaire), l’implantation immédiate est indiquée. En présence de déhiscences ou de fenestrations situées au niveau des deux tiers coronaires de la corticale osseuse vestibulaire, les implants doivent être placés selon une approche différée ou tardive afin de reconstruire les défauts osseux.

Présence d’infection

Le troisième facteur intrinsèque déterminant pour l’approche implantaire est la présence d’une infection à l’intérieur de l’alvéole d’extraction. Plusieurs études cliniques ont analysé les pathologies péri-apicales ou les parodontites en tant que facteurs de risque potentiels dans l’échec des implants immédiats. Deux études prospectives contrôlées ont été menées sur des implants immédiats placés dans des sites avec ou sans lésion péri-apicale et n’ont pas révélé un taux de complications plus élevé, à condition que l’alvéole ait été débridée avec soin (Lindeboom et al., 2006 ; Truninger et al., 2011). En revanche, deux études rétrospectives montrent que des antécédents de maladie parodontale semblent être associés à un taux d’échecs plus important pour les implants immédiats. (Wagenberg et Froum, 2006 ; Evian et al., 2004).

Comme directive, les implants immédiats peuvent être placés dans des sites présentant une lésion péri-apicale selon des indications précédemment décrites. Si la cause de l’extraction dentaire est liée à une parodontite, le traitement implantaire doit être différé et avoir lieu 8 semaines après l’avulsion dentaire.

Indications et directives thérapeutiques

Les directives pour le choix des indications dans le traitement implantaire du secteur maxillaire antérieur dépendent de trois facteurs intrinsèques comprenant le biotype parodontal, l’intégrité de la corticale osseuse vestibulaire et la présence d’une infection (fig. 31). Chez un patient avec un biotype fin, les tissus mous doivent être « inversés » en un biotype épais à l’aide d’une greffe de conjonctif enfoui 3 mois avant l’extraction dentaire, quelle que soit l’option implantaire (immédiate ou différée) envisagée par la suite (fig. 5 à 9). Dans les cas d’infection dentaire ou de limitations liées au patient, la technique de greffe conjonctive doit être réalisée entre 4 et 6 mois après la pose de l’implant (fig. 24 à 26). Si la paroi osseuse vestibulaire ne présente aucune déhiscence ou fenestration au niveau de ses deux tiers coronaires et que la maladie parodontale n’est pas à l’origine de l’extraction des dents, l’implantation immédiate est indiquée (fig. 10 à 16). Aucune technique d’élévation de lambeau n’est recommandée afin de ne pas exposer la fragile corticale osseuse vestibulaire. L’hiatus entre l’implant et l’os doit être greffé avec du Bio-Oss Collagen® pour réduire le processus de résorption au niveau de la paroi osseuse vestibulaire. Selon la stabilité primaire obtenue, l’implant peut être restauré soit avec une couronne provisoire et son pilier, soit avec un pilier de cicatrisation anatomique pour fermer le site d’extraction. Dans les deux cas, l’utilisation d’implants avec un platform switching et d’un pilier concave dans sa partie sous-gingivale permet de créer de l’espace pour loger des tissus mous plus épais. La prothèse finale peut être réalisée après un temps de cicatrisation de 6 mois minimum après la pose de l’implant.

Si la paroi osseuse vestibulaire n’est pas intacte après l’extraction de la dent et/ou que l’indication de l’avulsion dentaire est liée à la présence d’une parodontite, l’implantation doit être différée (fig. 17 à 29). Cependant, l’alvéole d’extraction doit être comblée avec du Bio-Oss Collagen® en évitant toute élévation de lambeau afin de protéger l’os crestal. Il est recommandé de réaliser une greffe gingivale libre pour fermer l’alvéole et pour minimiser le processus de modelage/remodelage horizontal. Huit semaines après l’extraction, l’implantation est effectuée avec la possibilité d’y associer une technique de régénération osseuse guidée pour surcorriger un défaut osseux résiduel. Il est conseillé d’utiliser une technique de greffe « en sandwich » en plaçant des copeaux d’os autogène sur la surface implantaire exposée et du Bio-Oss Collagen® par-dessus pour reconstruire le volume manquant. La greffe est ensuite recouverte par une double couche de membrane collagène d’origine (Bio-Gide®, Geistlich, Wolhusen, Suisse) (fig. 23). Six mois après l’implantation, la reconstruction prothétique finale peut être terminée.

Chez un patient avec un biotype épais (fig. 10 à 16), les directives sont similaires, sauf que la technique de greffe conjonctive pour épaissir le tissu mou en vestibulaire n’est pas indiquée.

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