Article
Manuel BERTRAND* Fréderic ROUCHE** Sylvain MOURARET*** Francis MORA**** Stéphane KERNER***** Philippe BOUCHARD******
*UFR d’odontologie, Département
de parodontologie, université Denis-Diderot
Paris-7, hôpital Garancière-Rothschild, Paris
De nombreuses études épidémiologiques ont montré que les récessions gingivales sont une caractéristique commune dans les populations à haut niveau d’hygiène. Elles constituent donc un motif fréquent de consultation, provoquant chez les patients la peur de perdre ses dents, un sentiment d’aspect inesthétique ou encore des sensibilités thermiques. Des propositions de traitement existent et, ces dernières décennies, l’évolution des demandes esthétiques des patients a favorisé la mise au point de techniques chirurgicales de plus en plus sophistiquées. Bien que les protocoles chirurgicaux de reconstruction des tissus mous permettent, dans leur grande majorité, une amélioration du recouvrement, tous ne donnent pas les mêmes résultats esthétiques, de recouvrement et de stabilité à moyen et long termes. Parmi ces protocoles, les techniques ayant recours à un apport tissulaire (greffes de conjonctif enfouies) semblent aujourd’hui apporter une réelle efficacité dans le difficile respect du cahier des charges d’un « bon recouvrement radiculaire ».
Numerous epidemiological studies have shown that gingival recessions are a common feature in populations at high level of oral hygiene. Therefore, gingival recession is a frequent reason to consult. The patient’s chief complain may include the fear of tooth loss, an unesthetic appearence, and root sensitivity. Because of patient increasing demand, the number of treatment modalities have been boosted. The majority of the surgical procedures are efficient to cover the root surface. Nevertheless, there is still some differences beetween the techniques. However, the connective tissue graft techniques seems nowaday the gold standard.
Les récessions gingivales sont une caractéristique commune dans les populations à haut niveau d’hygiène (Sangnes et Gjermo, 1976 ; Murtomaa et al., 1987 ; Löe et al., 1992 ; Serino et al., 1994 ; Sarfati et al., 2010) et constituent donc un motif fréquent de consultation.
Les principales indications pour le recouvrement radiculaire sont d’ordre esthétique et/ou liées à des problèmes de sensibilité radiculaire.
L’étiologie de la récession est considérée comme plurifactorielle : le facteur anatomique (paroi osseuse et gencive fine, malpositions dentaires, freins et vestibule peu profond) est prépondérant tandis que les autres facteurs (brossage traumatogène et inflammation d’origine bactérienne pour l’essentiel) jouent un rôle déclenchant.
Parmi les différentes classifications proposées, la plus utilisée, à savoir la classification de Miller (Miller, 1985), distingue quatre classes. Dans les classes I et II, un recouvrement total est possible. Dans la classe III, seul un recouvrement partiel peut être espéré. Dans la classe IV, le recouvrement radiculaire est rare et les résultats aléatoires ; seuls des rapports de cas les décrivent. Selon cette classification, l’élément clinique critique à évaluer en termes de pronostic est donc l’atteinte ou non des tissus interproximaux.
Le traitement chirurgical des récessions tissulaires marginales n’est décidé qu’après une bonne information du patient et lors de la réévaluation après le traitement étiologique. Il existe une grande variété de techniques et le choix thérapeutique doit confronter la situation clinique aux avantages et aux inconvénients des différentes procédures chirurgicales. Exception faite des techniques de régénération tissulaire guidée, dont les résultats et les complications en limitent les indications, les techniques de recouvrement font appel :
– soit à des lambeaux pédiculés, ces derniers étant eux-mêmes associés ou non à des prélèvements libres de tissu conjonctif (Bouchard et al., 2001) ; ce sont :
– le lambeau de rotation dans lequel le tissu épithélio-conjonctif donneur marginal immédiatement à la récession est déplacé sur la racine exposée,
– le lambeau avancé coronairement,
– la technique de l’enveloppe appliquée à une, voire à plusieurs récessions adjacentes ;
– soit à des greffes gingivales « libres » non enfouies, les greffes épithélio-conjonctives.
Les indications classiques actuelles de la greffe épithélio-conjonctive (GEC) sont celles du recouvrement radiculaire dans le secteur incisivo-canin mandibulaire présentant des dénudations avec absence de gencive attachée, mais aussi l’aménagement péri-implantaire en l’absence de tissu kératinisé (à l’exception des secteurs esthétiques).
Sullivan et Atkins ont été les premiers à décrire cette technique qui, comme toute chirurgie de recouvrement, débute par le surfaçage soigneux de la racine dénudée (Sullivan et Atkins, 1968, 1969). La préparation du lit receveur a pour objectif d’obtenir un lit conjonctif immobile : une incision horizontale et deux incisions verticales proximales, divergentes en direction apicale, délimitent les côtés d’un trapèze à grande base apicale de façon à augmenter le potentiel de vascularisation. La totalité du lambeau disséqué en épaisseur partielle est réséquée ou suturée apicalement. Le greffon est prélevé au palais à l’aide d’un patron et sa portion la plus épaisse placée coronairement, c’est-à-dire au contact de la surface radiculaire à recouvrir. Il est suturé verticalement à chaque papille et horizontalement aux berges du lit receveur tandis que des sutures suspendues autour des dents et accrochées au périoste au fond du vestibule le plaquent dans le sens vertical (fig. 1 à 3).
Les résultats des études montrent un recouvrement moyen de 63 %, variant de 11 à 87 %, et un recouvrement complet sur 28 % des sites traités avec, là encore, une grande variabilité (0-90 %) (Lindhe, 2008).
La GEC est l’intervention chirurgicale permettant de gagner du tissu kératinisé (en hauteur et en épaisseur) avec le plus de sûreté. Elle peut donc être choisie si l’objectif prioritaire est la création de tissu kératinisé et, accessoirement, un certain recouvrement. Elle reste limitée aux secteurs non esthétiques (mandibule et secteurs molaires, voire prémolaires maxillaires) (Kerner et al., 2009a, 2009b) en raison de son aspect de « rustine » lié aux caractéristiques de la muqueuse palatine plus blanche et plus nacrée que la muqueuse vestibulaire.
Les techniques des lambeaux pédiculés, dérivées de la chirurgie plastique, consistent à déplacer, latéralement ou coronairement selon le cas, du tissu gingival présent en quantité suffisante latéralement ou apicalement à la récession à traiter.
Il existe donc plusieurs types de lambeaux pédiculés :
– les lambeaux positionnés latéralement (LPL) (Grupe et Warren, 1956) ;
– les lambeaux positionnés coronairement (LPC) (Patur et Glickman, 1958) ;
– la technique combinée, dite de Zuchelli, où le lambeau est positionné coronairement avec rotation papillaire (Zuchelli et De Sanctis, 2000).
Les indications sont celles du recouvrement gingival, mais ces techniques sont aussi utilisées en chirurgie péri-implantaire et pour les dégagements de canines incluses.
La technique consiste dans un premier temps, comme dans toute technique de recouvrement radiculaire, à réaliser une préparation radiculaire mécanique du cément. Un lit par incision à biseau externe est ensuite réalisé afin de mettre à nu le conjonctif. Le tracé d’incision comprend une incision intrasulculaire sur la dent à traiter et des incisions délimitant le lambeau à déplacer. Les incisions de décharge se prolongent jusqu’à la ligne muco-gingivale. Une dernière incision en demi-épaisseur et parallèle au rebord alvéolaire vient libérer le lambeau. Celui-ci est alors positionné sur la récession et suturé par des points suspendus autour des dents et des points horizontaux aux berges du lit receveur.
Les résultats des études montrent, pour le LPC, un recouvrement moyen de 77 %, variant de 55 à 98 %, et un recouvrement complet sur 45 % des sites traités. Pour le LPL, le recouvrement moyen est de 66 %, variant de 41 à 82 %. Outre la variabilité des résultats, ces lambeaux présentent certains inconvénients : risque de cicatrisations chéloïdes dues aux incisions de décharge, réduction de hauteur de tissu kératinisé et perturbation de la continuité de la ligne muco-gingivale, inconfort postopératoire par exposition de conjonctif dans le cas des lambeaux déplacés latéralement.
Zuchelli et De Sanctis ont proposé une évolution de la technique du lambeau pédiculé permettant de palier la plupart de ces inconvénients, en combinant un déplacement coronaire du lambeau et une rotation papillaire par un jeu de tracé d’incision (Zuchelli et De Sanctis, 2000). Des incisions intrasulculaires et des incisions horizontales obliques au niveau de chaque papille avec un dessin particulier, anticipant la rotation papillaire, s’étendent jusqu’à une dent de chaque côté de la zone à recouvrir (fig. 4 et 5). Une enveloppe est alors réalisée avec une approche en split-full-split. Puis le lambeau est tracté coronairement. Les papilles chirurgicales réalisent une rotation afin de se placer sur les papilles anatomiques désépithélialisées. Le lambeau est suturé par des points suspendus autour des dents, un double point de matelassier horizontal peut être réalisé dans le vestibule afin de limiter les tractions musculaires (fig. 6 et 7). Les résultats de cette étude montrent un recouvrement moyen de 97 % et un recouvrement total de 88 % à 1 an sur 73 récessions. Cette technique, bien que délicate, est relativement rapide. Elle est réservée aux cas de récessions multiples en secteur esthétique mais nécessite une hauteur de gencive kératinisée minimale, un vestibule suffisamment profond et des papilles suffisamment larges.
Toutes ces greffes pédiculées peuvent être associées à une greffe de conjonctif enfouie (GCE). Cette technique (Langer et Calagna, 1980) permet l’épaississement des tissus et l’amélioration des résultats de recouvrement radiculaire dans le cas de biotype fin. Les résultats des études montrent, pour le LPC associé à une greffe de conjonctif enfouie, un recouvrement moyen de 82 %, variant de 52 à 99 %, et un recouvrement complet sur 56 % des sites traités. Pour le LPL associé à une greffe de conjonctif enfouie, le recouvrement moyen est de 83 %, variant de 70 à 97 %, et le recouvrement est complet sur 89,5 % des sites traités.
Considérant toujours les lambeaux pédiculés et prenant comme référence le lambeau tracté coronairement, l’interposition d’un greffon conjonctif apparaît aujourd’hui comme une technique de choix pour obtenir le plus de recouvrement complet, de réduction de récessions de classes I et II (Miller, 1985) et de gain d’attache clinique (Cairo et al., 2008). Plus encore, le tissu conjonctif sous-épithélial, toutes techniques pédiculées confondues, peut être considéré comme un gold standard dans le traitement de ces récessions. Plus précisément, il permet un gain en tissu kératinisé plus important (Chambrone et al., 2008, 2009 ; Harris 2002 ; Hircsh et al., 2005).
Raetzke propose de placer ce prélèvement conjonctif au sein d’une poche, ou « enveloppe », réalisée sous le tissu marginal bordant l’exposition de la racine (Raetzke, 1985). Les bons taux de recouvrement obtenus par cette technique confirment l’efficacité de l’association d’un lambeau pédiculé nourricier et d’un conjonctif inducteur de tissu kératinisé, notamment en termes de cicatrisation précoce et de rendu colorimétrique (Vegara et Caffesse, 2004). Dans sa technique princeps, l’auteur préconise, chronologiquement, l’excision de la collerette épithéliale marginale correspondant à la profondeur du sulcus, le surfaçage et la préparation du cément exposé à l’acide citrique, la réalisation d’une enveloppe en épaisseur partielle autour de la récession, le prélèvement palatin (région prémolaire-molaire) par deux incisions semi-lunaires d’un greffon conjonctif, l’excision de son épithélium résiduel, puis le placement de ce tissu conjonctif dans l’enveloppe avec pression digitale jusqu’à l’arrêt du saignement, l’application d’une colle biologique pour « sécuriser l’assise du greffon » et, enfin, la pose d’un pansement parodontal laissé pendant 1 semaine. Aujourd’hui, la collerette épithéliale du site receveur est conservée et le prélèvement se fait préférentiellement par la technique de Bruno modifiée (Bruno, 1994). Ainsi, un maximum de gencive kératinisée est préservé et la morbidité du site donneur est diminuée grâce à l’unique incision de cette technique de prélèvement palatin. Par ailleurs, la racine exposée ne subit plus de traitement de surface à l’acide citrique dont l’efficacité reste à prouver ; elle est simplement légèrement surfacée. Dans un souci d’optimisation de la vascularisation, une autre modification consiste à tracter coronairement le lambeau-enveloppe, grâce en particulier à la désinsertion minutieuse des papilles du sommet des septa bordant la récession (Azzi et Étienne, 1998). Ainsi, à la place de la cyano-acrylate biologique, des points suspendus sont réalisés pour recouvrir au maximum le greffon, lui-même pouvant faire l’objet ou non d’un point de fixation au lambeau (fig. 8 à 10).
Les résultats montrent des pourcentages de recouvrement allant de 79,6 % (Raetzke, 1985) à 95,5 % (Abundo et al., 2009) dans le cadre des récessions des classes I et II et sur une durée de 1 an, soit une prévisibilité et un taux de recouvrement élevés. Rossberg et al., dans une analyse rétrospective d’une durée moyenne de 11 ans, confirment la stabilité du recouvrement sur le long terme (89,7 ± 25,1 % en moyenne) et montrent la diminution du recouvrement avec l’augmentation de la classe de Miller initiale (c’est-à-dire III et IV), ainsi qu’un pronostic de recouvrement complet influencé positivement par la localisation canine (Rossberg et al., 2008). La technique de l’enveloppe (toujours dans les classes I et II de Miller) est, de plus, une technique reproductible entre différents chirurgiens, permettant la fiabilisation du résultat esthétique prévisible pour le patient (Georges et al., 2009).
Allen a adapté la technique de l’enveloppe au traitement des récessions multiples adjacentes (Allen, 1994). Le principe consiste à créer un véritable tunnel en épaisseur partielle réunissant plusieurs récessions contiguës : la difficulté technique réside dans l’établissement de ce tunnel suprapériosté dans un même plan et sans transpercer le lambeau. Le greffon conjonctif est glissé dans le tunnel à l’aide d’une suture aux points de matelassier à l’une des extrémités pour le guider sous les papilles interdentaires ; il est ensuite suturé à chaque extrémité mésiale et distale par un point simple. Enfin, le lambeau est stabilisé et suturé dans une position plus coronaire (fig. 11 à 15). Dans son étude, Allen rapporte une moyenne de recouvrement de 84 %. Depuis, de nombreuses études sont venues confirmer les bons résultats de cette technique pour le traitement des récessions des classes I et II (Zabalegui et al., 1999 ; Tözüm et Dini, 2003 ; Georges et al., 2009). Enfin, tout récemment, il a été montré que cette technique pouvait également être prévisible pour le traitement des récessions de classe III avec une moyenne de recouvrement de 83 % à 1 an (Aroca et al., 2010). Sur un plan purement technique, l’intervention peut être rendue plus délicate si une hauteur importante de tissu kératinisé, de l’ordre de 4 à 5 mm, doit être libérée pour manipuler le lambeau. Par ailleurs, Azzi et Étienne préconisent, en présence d’une gencive fine, de réaliser un lambeau de pleine épaisseur (Azzi et Étienne, 1998). Concernant la cicatrisation, l’absence d’incision de décharge verticale permet de limiter le traumatisme au niveau du site receveur et d’assurer une excellente vascularisation du greffon à la fois par le lit périosté et la face interne du lambeau et par la mobilisation des sources vasculaires latérales et papillaires. En outre, l’intégrité des papilles favorise la stabilisation et la fixation du greffon tout en préservant l’esthétique.
Au final, cette technique, bien que délicate et consommatrice de temps au fauteuil, semble trouver des indications très larges. Elle permet d’obtenir des résultats prévisibles et durables, même dans des cas sévères (classe III, voire IV), lors du traitement des récessions multiples adjacentes.
Les conditions de succès dans le recouvrement radiculaire reposent sur le contrôle des facteurs étiologiques et sur les possibilités de cicatrisation des différentes techniques chirurgicales : l’apprentissage d’un brossage adapté constitue la base de toute thérapeutique visant à corriger les récessions gingivales et un recouvrement radiculaire ne pourra être envisagé avant le contrôle de l’inflammation. Concernant le traitement de la surface radiculaire, la littérature médicale montre clairement qu’un surfaçage doux est suffisant pour préparer l’aire de recouvrement en l’absence de tout conditionnement chimique (Ibbott et al., 1985 ; Oles et al., 1985, 1988 ; Bertrand et Dunlap, 1988 ; Laney et al., 1992 ; Bouchard et al., 1997 ; Pini Prato et al., 1999 ; Caffesse et al., 2000). Quelle que soit la technique, la vascularisation joue un rôle clé dans la réussite du traitement : la surface dentaire avasculaire représente un écueil à la cicatrisation et la survie du greffon et/ou du lambeau déplacé dépend du rapport entre cette surface à recouvrir et la taille du lit receveur. C’est là tout l’intérêt des techniques les plus récentes (enveloppe, tunnel, LPC avec rotation papillaire), à savoir l’absence d’incision de décharge verticale limitant le traumatisme au niveau du site receveur et assurant une excellente vascularisation du greffon. Pour certains, une approche microchirurgicale permettrait d’améliorer de façon substantielle la vascularisation du greffon (Francetti et al., 2004 ; Buckhardt et Lang, 2005 ; Zuhr et al., 2007). Enfin, compte tenu du nombre croissant d’études tendant à prouver l’effet négatif de la consommation de tabac sur la cicatrisation parodontale, il semble raisonnable de la considérer comme un facteur de risque (Andia et al., 2008).
Le choix de la technique ne se fera pas sur le critère du résultat dans la mesure où la littérature médicale a montré que les différentes possibilités sont efficaces en termes de recouvrement, à l’exception de la GEC dont l’objectif est avant tout l’apport de tissu kératinisé. Ce choix se fera donc en fonction de la situation clinique et, en premier lieu, des paramètres suivants :
– l’absence ou la présence de tissu kératinisé apicalement à la récession et l’atteinte ou non des tissus interproximaux (classification de Miller de 1985). Toutes les techniques sont applicables pour les récessions de classe I. Dans les cas de récessions des classes II et III (absence de tissu kératinisé), les LPC sont peu recommandés. L’avantage de la tunnélisation est de permettre le traitement des récessions non seulement des classes I et II mais aussi un recouvrement prévisible des récessions de classe III (Aroca et al., 2010), voire de classe IV comme cela a été dans une étude préliminaire (Azzi et Étienne, 1998) ;
– l’épaisseur des tissus mous. Borghetti et Monnet-Corti recommandent, en présence d’une gencive fine, le recours aux techniques utilisant un apport tissulaire (Borghetti et Monnet-Corti, 2008). Hwang et Wang rapportent, dans une revue systématique, que la prévisibilité du recouvrement augmente quand les tissus sont épais (Hwang et Wang, 2006). Pour ces auteurs, un lambeau dont l’épaisseur est inférieure à 1 mm présente un risque d’ischémie plus important. Azzi et Étienne préconisent de réaliser un lambeau de pleine épaisseur en présence d’une gencive fine (Azzi et Étienne, 1998) ;
– la largeur et la profondeur du défaut, c’est-à-dire la surface à recouvrir. Il est ainsi habituel de considérer que plus cette surface est importante, moins le recouvrement sera élevé. Sur le plan technique, plus la surface à recouvrir est importante, plus le lit receveur devra être étendu à la fois en largeur et apicalement de façon à augmenter le potentiel de vascularisation du greffon.
Parmi les autres critères de décision, on peut citer :
– la position des dents sur l’arcade, avec là encore une répercussion directe sur l’importance de la surface à recouvrir (dents vestibulées) ;
– la forme des papilles. La présence de petites papilles est un élément évidemment défavorable, tout particulièrement dans la technique du tunnel ou dans celle de Zuchelli ;
– la profondeur du vestibule et/ou la présence de frein(s), qui sont une source de tension potentielle ;
– l’anatomie du palais. Un palais peu profond peut limiter la quantité de tissu disponible. Le prélèvement tubérositaire est une solution de remplacement, la qualité d’un greffon conjonctif d’origine tubérositaire étant supérieure à celle du chorion palatin, mais avec là encore le problème de la quantité de tissu disponible.
Au final, c’est l’ensemble de ces éléments qu’il faudra prendre en considération : ainsi, pour certains auteurs, des récessions de classe II larges et profondes sur des dents vestibulo-versées seront plus difficiles à traiter que des récessions de classe III étroites associées à un vestibule profond et à un environnement tissulaire plus favorable (Borghetti et Monnet-Corti, 2008).
Le grand nombre de techniques existantes pour le traitement des récessions gingivales rend le choix difficile. Les résultats obtenus par chaque technique (quantité de recouvrement), les caractéristiques des lésions (classification de Miller, surface à recouvrir, récessions isolées ou contiguës) et les conditions anatomiques environnantes doivent guider ce choix et permettre l’obtention d’un résultat esthétique optimal. À ce jour, les techniques ayant recours à un apport tissulaire (greffe de conjonctif enfouie) et/ou celles sans incisions de décharge rendent les meilleurs services et sont les plus employées. La recherche (matrice dermique acellulaire), l’évolution des techniques et le perfectionnement de l’instrumentation (microchirurgie) sont autant de voies qui permettront de contribuer au succès de cette intervention exigeante qu’est le recouvrement radiculaire.