Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 04 du 01/11/2011

 

Article

Philippe BOUSQUET*   Christian STAPPERT**   Olivier JAME***   Ludovic BRUNEAU****   Valérie ORTI*****  


*Département de parodontologie, UAM
Implantologie Université de Montpellier 1
**Department of Periodontology and
Implant Dentistry, New York University,
New York, États-Unis
***Département de parodontologie, UAM
Implantologie Université de Montpellier 1
****Cabinet de chirurgie dentaire, Coulaine
*****Département de parodontologie, UAM
Implantologie Université de Montpellier 1

Résumé

Au cours de l’implantation immédiate postextractionnelle, l’utilisation combinée de comblement associé à une régénération osseuse par membrane permet une conservation du volume de l’alvéole. Particulièrement dans les alvéoles de type 2, le rebord osseux vestibulaire peut être conservé ou régénéré par la pose d’une membrane interne. L’association d’une greffe gingivale pédiculée permet de protéger la membrane de régénération et amène une amélioration du volume des tissus mous après cicatrisation. Ce protocole chirurgical conduit à un résultat esthétique et fonctionnel amélioré par une diminution de l’alvéolyse postextractionnelle.

Summary

For immediate implant placement the management of the extraction socket with bone graft and barrier membrane (bone regeneration) can improve the aesthetic result. For the type 2 socket, the buccal wall can be regenerated by placing the membrane inside the socket. The use of a rotated pedicle palatal flap can protect the membrane and increase the quantity of the soft tissue. This surgical protocol leads an aesthetic and fonctional profit, by a decrease of the resorption of residual alveolar ridge.

Key words

Immediate implant, residual ridge resorption, bone regeneration, rotated palatal flap

Introduction

L’alvéolyse postextractionnelle conduit à une perte du volume osseux après cicatrisation. Elle n’est pas arrêtée ou diminuée par la mise en place d’un implant en titane (Bousquet et al., 2011).

Certains facteurs vont influencer cette perte osseuse, notamment l’élévation d’un lambeau de pleine épaisseur qui va entraîner un effet négatif sur le volume résiduel (Fickl et al., 2008a, 2008b).

La mise en place de biomatériaux dans l’alvéole apporte une diminution significative de l’alvéolyse. Selon la littérature médicale, la perte du volume est ramenée, en 6 mois, de 40 à 15 % ce qui correspond à une réduction, en hauteur, de 3 à 0,8 mm et, en épaisseur vestibulaire, de 5 à 1 mm. Ces résultats sont obtenus chez l’animal (Indovina et Block, 2002 ; Cardaropoli et al., 2005 ; Fickl et al., 2008a, 2008b ; Araújo et Lindhe, 2009 ; Santos et al., 2010) et chez l’homme (Lekovic et al., 1997 ; Artzi et al., 2000 ; Norton et al., 2003 ; Froum et al., 2004 ; Barone et al., 2008).

En 6 à 9 mois après le comblement, il y a une formation osseuse dans l’alvéole. La présence de tissu conjonctif est décrite à la partie coronaire de la crête, ce qui pourra empêcher la minéralisation osseuse. Cette situation peut par la suite perturber ou contre-indiquer la pose d’implants.

La combinaison de comblement et d’une membrane pour isoler la cicatrisation semble remédier à ce type de problème (Brugnami et al., 1996 ; Smukler et al., 1999 ; Froum et al., 2004 ; Wang et Tsao, 2007).

Pour un résultat fiable, la mise en œuvre de ces moyens techniques de conservation du volume osseux devra être faite en fonction du type d’alvéole. La classification d’Elian (Elian et al., 2007) (fig. 1) permet, d’une manière très simple, d’obtenir un résultat prévisible.

Le type 1 ne présente pas d’altération de la table osseuse vestibulaire. La technique de traitement associera comblement et membrane résorbable pour obturer l’alvéole. Un résultat esthétique avec conservation du volume est prévisible.

Le type 2 présente une altération de hauteur de la table vestibulaire avec maintien de la hauteur des tissus mous. Cette situation est très fréquente, les dents maxillaires présentant souvent des déhiscences osseuses vestibulaires. La membrane sera glissée dans l’alvéole pour régénérer la partie coronaire osseuse sous les tissus mous.

Le type 3 associe une perte de tissu mou et ne donne pas de résultats prévisibles sans faire appel à des chirurgies associées de régénération des tissus durs et des tissus mous. L’alvéole présente un risque important d’effondrement.

Protocole pour une implantation immédiate postextractionnelle

Bien que la classification d’Elian (Elian et al., 2007) intéresse le traitement des alvéoles avant la pose d’un implant, son évolution vers une application à l’implantation immédiate est possible. En effet, l’absence de lambeau peut permettre une conservation du volume des tissus mous. Dans les cas de type 1, la membrane est simplement posée sur le biomatériau et une greffe libre ou pédiculée est réalisée pour la protéger d’un risque infectieux et pour augmenter le volume des tissus mous (fig. 2).

Le traitement des alvéoles de type 2 est plus délicat à mettre en œuvre. Si la membrane et le matériau ne reconstruisent pas le défaut vestibulaire, il sera difficile de réaliser un traitement esthétique. Pour cette raison, la membrane sera insérée dans l’alvéole en ménageant, en vestibulaire de l’implant, un espace contenant le matériau et susceptible d’être colonisé par de l’os (fig. 3). Beaucoup d’échecs esthétiques sont dus à l’absence du diagnostic des pertes osseuses et à la confusion d’une type 2 avec une type 1.

Dans un premier temps, la racine est extraite d’une manière atraumatique. L’état de l’alvéole est contrôlé afin de mettre en évidence le rebord osseux vestibulaire et de détecter la présence d’une perte ou d’une perforation osseuse. Si l’alvéole ne présente pas d’infection ou d’inflammation importante, si elle est de type 1 ou 2, la chirurgie pourra être faite sans lambeau (fig. 4 et 5).

En présence d’une type 2, la membrane de régénération devra être insérée à l’intérieur de l’alvéole, isolant ainsi le matériau de comblement de toute infiltration de tissu conjonctif sur la zone où la corticale vestibulaire a disparu. La membrane, de collagène résorbable, aura une forme adaptée avec une partie conique obturant le défaut de la corticale et une partie arrondie pour obturer l’alvéole (membrane Socket Repair®) (fig. 6). Elle pourra également être découpée sur mesure à la forme adéquate (membrane Copios®). La différence entre ces deux membranes est la rapidité de résorption. La seconde, à l’heure actuelle, a notre préférence. Elle a un temps de résorption supérieure à 20 semaines et, surtout, sa découpe permet une adaptation parfaite au type de lésion et à l’anatomie de l’alvéole.

Le forage est réalisé avec un positionnement de l’implant qui ne privilégiera pas un placement palatin. Un indicateur de direction calibré va permettre d’obturer le puits de forage (fig. 7). La membrane est mise en place à l’intérieur de l’alvéole, la partie conique contre le mur vestibulaire de l’alvéole (fig. 8). Le comblement est réalisé avec un matériau ostéoconducteur (ici, une xénogreffe de Bio-Oss®).

L’indicateur de direction calibré va permettre de remplir le fond de l’alvéole sans combler le puits de forage. Après comblement, le guide est enlevé et l’implant est mis en place. Le positionnement en hauteur du col est réglé par rapport au niveau osseux des dents adjacentes (fig. 9).

La membrane est rabattue sur le comblement. Dans un souci d’amélioration des tissus mous péri-implantaires et de protection de la membrane, une greffe pédiculée de rotation est réalisée (fig. 10 à 15). Après cicatrisation et une période d’ostéo-intégration de 6 mois, une prothèse provisoire est mise en place et, après un travail prothétique sur le profil d’émergence, une prothèse en céramique définitive est réalisée (fig. 16 à 18).

Résultats

Cette technique permet une conservation du volume alvéolaire initial. L’environnement muqueux implantaire est satisfaisant, l’alignement des collets est respecté. Cliniquement, au bout de 2 ans, les tissus ne présentent pas d’inflammation, l’implant est stable, indolore et fonctionnel.

Des coupes tomographiques ont été réalisées au bout de 2 ans et montrent une image de corticale vestibulaire épaisse. Le biomatériau est visible à certains endroits, indiquant une résorption partielle. La densité osseuse semble correcte, l’ostéo-intégration de l’implant semble stable (fig. 19).

Discussion

Les extractions sans chirurgie à lambeau permettent de préserver les papilles et d’éviter de mettre à nu la paroi vestibulaire de l’alvéole. Le sondage permet d’établir une cartographie de l’anatomie alvéolaire. Il représente une étape très importante et permettra de valider la technique à utiliser en fonction du volume et de l’anatomie du tissu osseux résiduel.

Dans les cas de lésion osseuse d’origine infectieuse ou inflammatoire associée, la difficulté réside dans le curetage de tout le tissu de granulation. Un lambeau permettra de visualiser les structures osseuses résiduelles et d’évaluer les possibilités de régénération sans prise de risque (Bousquet et Gibert, 2009).

La présence d’une fistule basse transforme l’alvéole de type 1 en type 2. Une étude chez l’animal montre que la création d’une perforation basse de la corticale vestibulaire laisse une porte d’entrée au tissu conjonctif qui va polluer la cicatrisation osseuse au sein même de l’alvéole. Les coupes histologiques chez le chien (fig. 20) montrent la pénétration du conjonctif dans l’os néoformé. L’isolation de ce défaut peut être réalisée par la pose d’une membrane de régénération à l’intérieur de l’alvéole. Cette membrane interne pourra également isoler le biomatériau sur la partie coronaire de l’alvéole, dont la corticale vestibulaire a disparu dans la type 2.

Une fois le matériau légèrement tassé dans l’alvéole, l’implant est mis en place et finira de répandre le matériau. Cela permettra d’avoir une densité homogène dans toute l’alvéole, ainsi qu’au contact de la corticale vestibulaire, et de stabiliser la membrane. Celle-ci est rabattue sur le matériau et l’implant. Elian et son équipe ont décrit ce type d’intervention sur des comblements alvéolaires, la membrane étant laissée apparente (Elian et al., 2007). En présence d’un implant, et en vue de l’amélioration de l’environnement muco-gingival, nous préférons avoir recours à une greffe gingivale de protection sur la membrane. L’utilisation d’une greffe libre (Evian et Cutler, 1994 ; Edel, 1995) améliore la qualité et la quantité de la gencive péri-implantaire mais présente un taux de nécrose de l’ordre de 60 % (Tall, 1999). L’utilisation d’une greffe pédiculée (Nemcovsky et al., 2000) diminue ce taux. Le pédicule devra être si possible conservé du côté de la vascularisation. Sur les dents antérieures, il sera mésial et la rotation se fera de palatin à mésio-vestibulaire. Sur les dents postérieures, il sera distal, la rotation se faisant de palatin à disto-vestibulaire (fig. 10 à 12).

Le temps de cicatrisation est de 6 mois et correspond aux études menées sur ce type de biomatériau, que ce soit dans des alvéoles ou dans les sinus. Les matériaux que nous utilisons principalement sont des particules d’allogreffes corticales (Puros®) ou des xénogreffes (Bio-Oss®). Les résultats des diverses publications sont équivalents (Brugnami et al., 1996 ; Artzi et al., 2000 ; Froum et al., 2002 ; Lasella et al., 2003 ; Wang et Tsao, 2007 ; Barone et al., 2008).

Les coupes scanner au bout de 2 ans (fig. 19) montrent, aux niveaux vestibulaire et apical, une image dense jusqu’au niveau du col de l’implant. Cette image semble être de l’os et du matériau greffé. Le matériau utilisé est très lentement résorbable, ce qui explique cette densité radiologique. Cela correspond à ce qui a été décrit dans la littérature médicale chez l’animal ou chez l’homme. Si cette paroi osseuse se maintient dans le temps, il y aura conservation du volume alvéolaire péri-implantaire et du résultat esthétique.

Conclusion

L’utilisation combinée de techniques de régénération et de comblement permet de diminuer le volume de l’alvéolyse postextractionnelle. L’implantation immédiate est possible dans ce contexte, après une analyse de l’anatomie osseuse. La pose de l’implant pourra se faire dans une position idéale, un large rebord osseux vestibulaire étant conservé. Seules des études histologiques pourraient renseigner sur la qualité de ce tissu et son évolution dans le temps. L’utilisation d’une greffe gingivale permet une protection de la membrane et une amélioration du volume des tissus mous.

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