Article
Philippe BOUSQUET* Ludovic BRUNEAU** Christian STAPPERT*** Olivier JAME**** Philippe GIBERT*****
*Département de parodontologie, UAM Implantologie, université de Montpellier-I
**Exercice privé, cabinet dentaire, Coulaine
***Department of Periodontology and Implant Dentistry, New York University, New York, États-Unis
****Département de parodontologie, UAM Implantologie, université de Montpellier-I
*****Département de parodontologie, UAM Implantologie, université de Montpellier-I
De nombreuses études ont montré l’intérêt et les bons résultats de la survie des implants posés immédiatement après extraction d’une dent. Le but de cet article est d’évaluer le devenir de l’os alvéolaire après l’implantation. Une recherche bibliographique a été réalisée sur les bases de données Medline et Cochrane Oral Health. Les études retenues devaient évaluer les variations de volume péri-implantaire après la mise en place des implants dans le secteur antérieur. Trente-trois études ont été retenues. Une méta-analyse n’a pas été possible devant l’hétérogénéité des critères. Les résultats de ces études ont été analysés, le taux de survie implantaire est qualifié de bon, mais seules 10 études présentaient des résultats sur la variation de volume du niveau osseux péri-implantaire. Ces résultats montrent que l’extraction-implantation immédiate ne préserve pas de l’alvéolyse physiologique et que le volume osseux est altéré d’une manière importante. Le positionnement palatin de l’implant peut améliorer la situation esthétique, mais ne préserve pas de l’alvéolyse. Ces résultats sont en accord avec les études animales.
Numerous studies demonstrate successful of dental implants, immediately placed in fresh extraction sites. The purpose of this study was to evaluate the long-term survival of bone around the implants. We used Medline and Cochrane Oral Health databases to locate studies for this systematic review. For studies to be eligible for this review, all had to evaluate the volume lacked after immediate implantation. Thirty-three studies met inclusion criteria. Meta-analysis was not possible. The data of the 33 studies were analyzed ; all studies provided good implant survival rate, but excepted in 10 studies, there was no criteria to evaluate marginal bone résorption in two or three dimensions. The studies with direct evaluation, demonstrated that the removal of single teeth and the immediate placement of an implant resulted in marked alterations of the dimension of the bone ridge. A palatal position of the implant can improuved the esthetic, but have any influence for the bone evolution. These results are in according to animal studies.
La restauration des secteurs antérieurs par prothèse implanto-portée constitue un problème complexe qui implique la conservation des volumes osseux pour l’obtention d’un résultat optimal sur le plan fonctionnel et esthétique. L’alvéolyse postextractionnelle peut compromettre ce résultat (Mecall et Rosenfeld, 1991). En effet, les processus de cicatrisation modifient le volume et le contour des procès alvéolaires et peuvent entraîner une perte de 40 à 60 % du volume initial en 2 à 3 ans (Atwood, 1962 ; Tallgren, 1972). Dans certains cas, la résorption osseuse rend la mise en place d’un implant extrêmement difficile, voire impossible. Il a été suggéré que l’implantation immédiate après extraction pouvait être un moyen pour conserver les volumes osseux (Paolantonio et al., 2001). Si cette technique a démontré son bien-fondé sur le plan de l’ostéo-intégration, qu’en est-il sur le plan de la préservation des volumes et, particulièrement, du volume osseux ? L’objectif de cet article est de faire une revue de la littérature scientifique afin de vérifier si l’extraction-implantation immédiate est un bon moyen de conserver les volumes osseux et si elle donne des résultats prévisibles et reproductibles.
C’est dans les années 1970 que, pour la première fois, la mise en place d’un implant immédiatement après l’extraction d’une dent a été proposée (Schulte et al., 1978). Le recours à un traitement par extraction et implantation immédiate a pour objet de simplifier le traitement implantaire, en limitant le nombre d’interventions, en raccourcissant la durée globale du traitement, en préservant l’os alvéolaire et en conservant la position de la gencive marginale pour une meilleure intégration esthétique (Lizzara, 1989). Un nombre considérable d’études relate des taux de succès élevés d’ostéointégration des implants positionnés immédiatement dans une alvéole après extraction dentaire. Selon les différents auteurs, les taux de succès entre 3,5 et 11 ans varient de 93 à 95 %. Ces auteurs estiment que l’implantation immédiate après extraction dentaire est une technique sûre et prévisible, à condition de respecter un protocole opératoire et d’évaluer, selon des critères précis, les situations favorables (Wagenberg et Ginsburg, 2001 ; Hämmerle et al., 2004).
Dans les années 1950 à 1970, plusieurs études cliniques et céphalométriques ont décrit la résorption osseuse des procès alvéolaire après extraction (Atwood, 1962 ; Carlsson et Persson, 1967 ; Tallgren, 1972). Cette résorption a été qualifiée de chronique, progressive, cumulative et irréversible. Durant une période de 2 à 3 ans, l’extraction des dents peut entraîner la perte de 40 à 60 % de l’os alvéolaire. La résorption osseuse est surtout très importante pendant la première année qui suit les extractions, atteignant 21 % du volume à 3 mois, 36 % à 6 mois et 44 % à 12 mois. Puis elle continue à progresser au fil des années, de façon moins importante, de l’ordre de 0,25 à 0,50 % du volume par an (Ashman, 2000).
Cette perte osseuse se fait au détriment de la corticale vestibulaire et, au bout de 6 mois, la résorption de l’épaisseur osseuse après extraction varie de 2,6 à 3,2 mm. Des analyses récentes chez le chien ont clairement montré que la résorption osseuse après une extraction dentaire se faisait principalement au détriment de la paroi vestibulaire (Rothamel et al., 2008 ; Araujo et Lindhe, 2005 ; Cardaropoli et al., 2005). Dans le sens vertical, de nombreuses études rapportent, dans les 6 à 12 mois qui suivent l’extraction dentaire, une perte osseuse verticale de 2 à 3 mm en moyenne au maxillaire et de 4 à 5 mm à la mandibule (Iasella et al., 2003 ; Feuille et al., 2003).
Cette résorption osseuse postextractionnelle sera d’autant plus importante qu’il existe des facteurs endogènes aggravants, comme la présence d’un parodonte fin, d’une paroi osseuse mince due à une dent en position vestibulaire (Nevins et al., 2006), d’une infection d’origine endodontique, d’une fracture radiculaire, d’une maladie parodontale, d’un traumatisme facial ou la réalisation d’un geste chirurgical agressif lors de l’extraction (Irinakis, 2006). Certaines pathologies générales ou certains déficits hormonaux peuvent également aggraver cette résorption (Jahangiri et al., 1997). Il en va de même de certains facteurs exogènes comme le tabac (Sadanha et al., 2006, Bahrami et al., 2006).
Ainsi l’alvéole, après l’avulsion dentaire, va subir une résorption en hauteur et surtout en épaisseur. La crête, après la cicatrisation alvéolaire, va être déportée en lingual et apicalement. Si la résorption n’est pas freinée ou du moins contrôlée, la morphologie de la crête osseuse après extraction risque de contre-indiquer la possibilité de positionner de façon optimale un implant pour répondre aux exigences biomécaniques et surtout esthétiques (fig. 1).
Certes, un déficit osseux peut être corrigé majoritairement au moyen de diverses techniques chirurgicales d’autogreffes, de xénogreffes ou par régénération osseuse (Aghaloo et Moy, 2007). Cela induit une augmentation de la durée de l’intervention, des suites opératoires plus importantes, parfois même un refus du patient devant la complexité du traitement. C’est pourquoi l’implantation immédiate après extraction a été suggérée comme un moyen pour minimiser la résorption osseuse. Afin de vérifier cette affirmation, il paraît judicieux de faire une revue critique de la littérature scientifique.
Une recherche bibliographique sur les bases de données Medline et Cochrane Oral Health a été entreprise. Elle a été effectuée en utilisant les mots clés « extraction et implantation immédiate ». La première phase de sélection portait sur les titres et les résumés et la seconde sur les articles complets et l’existence de données millimétriques ou de pourcentages avant et après implantation dans les cas d’édentement unitaire. La recherche a fourni 252 articles potentiellement pertinents en fonction des titres et résumés. Trente-trois études ont été retenues car elles répondaient au second critère de sélection.
Dans le tableau 1, les 33 études sont répertoriées par ordre alphabétique. La deuxième colonne regroupe le nombre d’implants ainsi que le nombre de patients implantés sauf pour une étude (n° 12) pour laquelle il n’y avait aucune précision (notée PI : pas d’information).
La durée d’observation a été reportée dans la troisième colonne. Cette période représente la durée durant laquelle les différentes mesures ont été effectuées. L’unité de mesure est le nombre de mois et, pour 10 études (n° 4, 9, 11, 12, 13, 15, 20, 25, 27 et 29), il est précisé que les mesures ont été effectuées à la réentrée (notée « stade 2 »).
La quatrième colonne regroupe les conditions de l’étude et les implants utilisés lorsqu’ils étaient précisés. Ainsi, la plupart des études ont été menées en effectuant une pose d’implant immédiate après extraction sans mise en charge immédiate. Mais il y a 7 études où la mise en place immédiate des implants a été associée à une mise en charge immédiate et 10 études où l’implantation immédiate a été associée à un comblement ou à une pose de membrane, ou les deux réunis associés ou non à un lambeau gingival. Des études ont été menées essentiellement au maxillaire, certaines à la mandibule ou encore aux deux. Une étude a englobé des dents présentant des pathologies apicales, parodontales et endodontiques. Enfin dans certaines études, les implants ont été positionnés à la fois sur des crêtes cicatrisées et dans des alvéoles.
Dans les cinquième et sixième colonnes, le gain ou la perte osseuse ont été reportés dans le sens vertical et dans le sens horizontal en millimètres, sauf pour 3 études (n° 4, 9 et 31) comportant une notion de pourcentage de perte osseuse. Dans ces colonnes, la mention « pas d’information » (PI) stipule qu’il n’y a aucune donnée dans l’article sur la perte ou le gain osseux dans le sens vertical ou horizontal.
Il existe une extrême variation entre les différentes études reportées dans le tableau 1.
Les caractéristiques des alvéoles lors de l’implantation immédiate sont prépondérantes dans le devenir de celle-ci. En effet, dans de nombreuses études, le diamètre des implants est large, ce qui permet de restreindre le hiatus entre l’implant et la paroi alvéolaire. En revanche, dans d’autres études, le hiatus est large dans le sens vertical et/ou dans le sens horizontal, ce qui a nécessité la mise en place d’un biomatériau associé à une membrane recouverte ou pas d’un lambeau. Des diamètres différents mais aussi une surface et une forme implantaire différentes sont autant de variables qui peuvent influencer le résultat final.
La position des implants par rapport à la crête osseuse varie en fonction des études. Là également, dans certaines d’entre elles, l’implant a été positionné au niveau de l’os crestal en mésial ou en distal, alors que dans d’autres, il a été placé apicalement par rapport à la crête (n° 5 et 22).
La topographie de l’alvéole est variable selon les études. L’approche est complètement différente si la paroi vestibulaire est absente ou si le défaut osseux atteint 2 ou 3 parois. Une seule étude (n° 9) mentionne l’état de l’alvéole et l’intégrité de la paroi vestibulaire.
La localisation des implants varie en fonction des études. La mandibule ou le maxillaire ne se résorbent pas de la même manière et les dimensions initiales de l’alvéole d’une incisive latérale sont plus petites à la mandibule qu’au maxillaire. De même, la présence d’un septum interradiculaire au niveau des prémolaires va freiner la résorption postextractionnelle.
L’expression « implantation immédiate » est également interprétée différemment selon les auteurs. La plupart l’utilise lorsque l’implant est placé dans le même temps que l’extraction. Mais Schroop l’emploie lorsque l’implant est posé entre 3 et 15 jours après l’extraction (Schroop et al., 2003).
La présence ou non d’une prothèse immédiate est un facteur susceptible de provoquer une modification des tissus environnants.
Les critères d’inclusion et d’exclusion des patients sont différents entre les études. Certaines études ont écarté les fumeurs, les bruxomanes et les patients ayant une faible hygiène bucco-dentaire. D’autres ont englobé les patients avec des pathologies parodontales et endodontiques.
Il existe une variation des échantillons dans les études : le nombre de patients (qui varie de 9 à 143), celui d’implants observés (de 10 à 264) et la durée d’observation et de réalisation des mesures (de 3 à 108 mois) sont autant de variables qui ont une influence sur les moyennes obtenues.
De plus, 3 études (n° 12, 23 et 26) comparent des implants posés immédiatement après l’extraction et des implants posés dans des sites cicatrisés. Elles ne révèlent pas de différence significative de perte osseuse en fonction des différents groupes.
L’évaluation des résultats est également très différente. Certaines études mesurent les résultats extérieurement. Le volume mesuré est donc celui du parodonte dans sa globalité. Des radiographies rétroalvéolaires sont également réalisées dans certaines études pour apprécier la perte osseuse en hauteur. Seules 10 études (4, 9, 11, 12, 13, 15, 20, 25, 27 et 29) effectuent la mesure osseuse directe avec une réentrée. Il est à noter que les résultats de perte osseuse les plus importants sont enregistrés en mesure directe. Aucune étude n’utilise de coupe tomographique pour évaluer la position de l’implant dans l’os ou l’épaisseur de l’os vestibulaire après cicatrisation.
Certaines études associent une greffe gingivale, ce qui est un biais pour l’évaluation de la perte osseuse : seule une évaluation globale du parodonte sera possible.
Les données millimétriques ont été regroupées dans 3 tableaux en fonction des valeurs minimales, maximales et moyennes de chaque article. À partir de ces tableaux, 3 visualisations graphiques ont été élaborées (fig. 2 à 4) pour faciliter l’analyse des différentes valeurs.
Dans la figure 2, nous avons regroupé les valeurs, dans le sens vertical, où l’implantation après extraction n’a pas été associée à un comblement ni à une pose de membrane ni à une greffe gingivale. La figure 3 regroupe les valeurs, dans le sens vertical, des études où l’implantation a été associée à un comblement, à une pose de membrane et/ou à une greffe gingivale. Enfin, la figure 4 regroupe les valeurs dans le sens horizontal.
Cette hétérogénéité des paramètres des différentes études rend une méta-analyse impossible. Trop de valeurs fluctuent entre les différents articles pour pouvoir déterminer et comprendre les valeurs de perte ou de gain osseux.
Néanmoins, dans le sens vertical, la lecture des figures 2 et 3 montre que dans la majorité des articles, la tendance va vers une perte osseuse à la suite de l’implantation immédiate postextractionnelle. De plus, dans de nombreux articles, il n’y a que des valeurs moyennes. Or, sur le plan clinique, seules les valeurs extrêmes rencontrées (minimales ou maximales) ont une signification.
Dans le sens horizontal, 9 études donnent des informations sur les variations du volume osseux. Toutes rapportent, pour un délai de 6 mois, une perte osseuse pouvant aller jusqu’à 3,7 mm (fig. 4). Une étude objective, à 4 mois, une diminution du volume alvéolaire de 30 à 50 %, ce qui correspond à une diminution en épaisseur de 2,8 mm sur une crête initiale de 10,5 mm (Botticelli et al., 2004). L’utilisation de matériau de comblement ou de régénération osseuse semble diminuer la perte de volume.
À l’évidence, les nombreuses études chez l’homme et chez l’animal indiquent que l’implantation immédiate postextractionnelle ne protège pas d’une résorption osseuse dans le sens vestibulo-lingual du procès alvéolaire ni dans le sens vertical (Araujo et al., 2006a, 2006b).
Certains critères vont influencer le remodelage osseux pendant la phase de cicatrisation postimplantaire. La position de l’implant par rapport à la crête et la distance qui le sépare de la paroi alvéolaire vestibulaire ainsi que son épaisseur sont autant d’éléments qui vont avoir une répercussion sur la résorption osseuse (Tomasi et al., 2010).
S’il est généralement admis par les cliniciens qu’une épaisseur minimum de 2 mm de la paroi alvéolaire vestibulaire est un prérequis pour maintenir la dimension verticale de la crête alvéolaire (Spray et al., 2000 ; Qahash et al., 2008), une analyse récente montre que cette épaisseur arbitrairement requise ne se retrouve, dans le secteur antérieur, que dans 3 % des cas et, dans le secteur postérieur, que dans 9 % des cas. Dans 87 % des cas, l’épaisseur du mur vestibulaire est inférieure ou égale à 1 mm (Huynh-Ba et al., 2010).
Outre l’importance de l’épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire, l’espace qui sépare l’implant de la paroi alvéolaire est également impliqué dans le phénomène de résorption osseuse. En effet, le diamètre d’une racine dentaire est souvent plus grand que la dimension de l’implant. Des études chez le chien et chez l’homme ont montré qu’un espace compris entre 1 et 2,25 mm était facilement comblé au bout de 4 mois en utilisant une surface rugueuse, mais avec une résorption verticale (Botticelli et al., 2003, 2004, 2008). Dans une étude, un espace inférieur à 1,5 mm était complètement cicatrisé sans utilisation de membrane, mais indépendamment de la perte de volume vestibulaire (Wilson et al., 1998). Plus récemment, Chen et son équipe ont placé 30 implants dans des alvéoles chez 30 patients (Chen et al., 2005). L’espace entre l’implant et la paroi osseuse alvéolaire était en moyenne de 1,9 mm et soit a été comblé à l’aide d’un biomatériau avec ou sans membrane, soit ne l’a pas été. Les auteurs ont montré que l’utilisation d’un biomatériau limitait la résorption horizontale mais pas la résorption verticale de la paroi vestibulaire. Ils ont suggéré que la résorption verticale était en relation avec la faible épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire. D’autres études (Simon et al., 2000 ; Iasella et al., 2003 ; Evans et Chen 2008) ont démontré que la résorption verticale pouvait être limitée par un comblement avec une allogreffe recouverte d’une membrane collagénique.
Les implants coniques sont plus fréquemment utilisés, dans ce type de procédure, que les implants cylindriques avec pour objectif de diminuer l’espace entre l’implant et la paroi interne de l’alvéole. Des études chez le chien (Araujo et al., 2006) ont montré que le faible espace entre l’implant et la paroi alvéolaire n’empêchait pas la résorption osseuse, d’où le risque que la surface d’un implant large soit exposée pendant la phase de cicatrisation. Néanmoins, une étude (Sanz et al., 2010) montre une perte osseuse qui n’est pas plus importante dans le groupe utilisant des implants coniques que dans celui groupe utilisant des implants cylindriques.
Evans et Chen ont observé que la position de l’implant dans l’alvéole ainsi que le biotype gingival étaient des facteurs déterminants de la récession (Evans et Chen, 2008). En effet, sur un biotype gingival fin, les risques de récession sont plus importants que sur un biotype gingival épais. De même, la position vestibulée d’un implant provoque trois fois plus de récession qu’une position lingualée ou palatine. Mais cela concerne l’ensemble du parodonte et non l’épaisseur de la corticale vestibulaire.
Araujo et al. vont jusqu’à conclure que le placement d’un implant après extraction dentaire est un échec dans la préservation des volumes osseux dans le sens vertical et horizontal (Araujo et al., 2005). Leur étude chez le chien vient corroborer les résultats que nous avons retrouvés dans la littérature médicale. En effet, ils enregistrent à 9 mois une perte osseuse verticale allant de 1,01 à 2,13 mm.
Enfin, lorsque l’on compare ces données par rapport à la résorption osseuse physiologique postextractionnelle qui a été largement étudiée, la différence n’est pas significative. En effet, dans le sens vertical, la perte osseuse postextractionnelle varie entre 2 et 4 mm et, dans le sens horizontal, elle est en moyenne de 3 mm (Feuille et al., 2003). La pose d’un implant en titane n’améliore pas la cicatrisation physiologique et, par son volume inactif, l’implant aurait plutôt tendance à perturber la réorganisation vasculaire du caillot en agissant comme un espace mort. Les différences par rapport aux valeurs que nous avons retrouvées dans les différentes études du tableau 1 ne sont pas significatives et ne permettent pas de conclure que la technique freine la résorption osseuse après une extraction implantation immédiate.
Certains auteurs pensent que la mise en charge immédiate pourrait freiner cette alvéolyse. Aucune étude ne démontre ce phénomène au niveau osseux.
Certains cas cliniques peuvent prêter à confusion : un parodonte épais peut masquer une perte osseuse importante, les mesures extérieures du parodonte ne sont pas fiables pour déduire le volume osseux péri-implantaire ; seules des réouvertures ou des coupes tomographiques peuvent permettre l’évaluation du volume osseux.
Le premier cas clinique (fig. 5 à 8) montre des résultats à 10 ans après implantation postextractionnelle en présence d’un parodonte épais. Les implants sont en grande partie en dehors de l’enveloppe osseuse. Le patient est satisfait de son traitement depuis plusieurs années. Sur des critères de stabilité et de fonction, ces implants représentent une réussite mais, pour ce qui est de l’environnement osseux, ils constituent un échec. De plus, quels sont le type de la liaison et le devenir de l’interface titane/tissu conjonctif sur toute la partie vestibulaire de l’implant ?
Il paraît raisonnable de limiter l’implantation immédiate postextractionnelle aux parodontes très épais présentant un mur vestibulaire large associé à des alvéoles résiduelles de petit volume (second cas clinique, fig. 9 à 11). L’implant devra être mis en place en privilégiant un axe de positionnement plus palatin. Cela a pour conséquence de réaliser, dans les secteurs antérieurs, des prothèses scellées sur piliers angulés aux dépens des prothèses vissées.
Très peu d’études ont été réalisées sur les secteurs molaires, particulièrement au niveau des molaires mandibulaires où l’alvéolyse postextractionnelle est importante en pourcentage. Des récessions parodontales péri-implantaires dans cette zone où la gencive adhérente est limitée peuvent entraîner des inflammations péri-implantaires avec des récessions vestibulaires difficiles à traiter.
Au vu de la littérature scientifique, la technique d’extraction et d’implantation immédiate est loin d’être probante et semble être un échec pour la préservation des volumes osseux. En aucun cas nous ne pouvons avec certitude présager de la perte osseuse 3, 6 ou 12 mois après l’extraction et l’implantation immédiate. L’estimation de la perte osseuse postimplantation est très aléatoire, voire imprévisible. La technique d’extraction-implantation immédiate n’est pas fiable ni reproductible en ce qui concerne le maintien du volume osseux. Certes, elle présente un taux de succès d’ostéo-intégration élevé mais, face aux exigences esthétiques de plus en plus importantes des patients, elle n’est pas garante de sécurité.
D’autres solutions thérapeutiques doivent être envisagées et explorées pour permettre de préserver les volumes osseux postextractionnels afin d’obtenir des résultats prévisibles et reproductibles, notamment l’association à l’implantation immédiate de techniques de greffe osseuse et de régénération osseuse.