Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 02 du 01/05/2011

 

Article

Mohamed Nizar BENNANI*   Daniel ÉTIENNE**   Pierre CARPENTIER***  


*Service d’odontologie, hôpital Rothschild,
AP-HP, Paris
**Pratique privée, Paris
***PU-PH, hôpital Rothschild, Paris

Résumé

En chirurgie plastique parodontale et implantaire, la région palatine constitue le principal site donneur de greffes de tissu conjonctif. Afin de réduire le risque potentiel de lésions des éléments vasculaires, la localisation du foramen grand palatin, le trajet de l’artère grande palatine et de ses branches sont autant d’éléments indispensables à considérer.

Cet article présente l’anatomie de la région palatine et celle du canal grand palatin contenu dans la paroi latérale nasale. Une expérimentation post mortem a été réalisée afin de mettre en évidence la totalité du réseau vasculaire palatin après injection de latex coloré et dissolution chimique complète de la muqueuse palatine. Des tentatives de ligature de l’artère grande palatine pratiquées ex vivo ont montré l’impossibilité de la contourner par un point réalisé à l’aveugle.

Les dimensions optimales des greffons de tissu conjonctif, pouvant être prélevés en toute sécurité dans cette région, seront également exposées ainsi que les mesures à prendre dans le cas d’hémorragie des vaisseaux palatins.

Summary

The palatal area is considered as the main connective tissue donor site for periodontal and implant plastic surgery grafts. To reduce the potential risk of vessel injury, it is essential to locate the greater palatine foramen and to understand the greater palatine artery and its branches distribution.

This paper present the anatomy of the palatal area and the greater palatine canal contained in the lateral nasal wall. A post mortem experimentation was performed to highlight the entire palatine vascular network after injection of colored latex and complete chemical dissolution of the palatal mucosa. Ex vivo ligature attempts of the greater palatine artery demonstrated the inability to circle it by blind suture.

The optimal dimensions of connective tissue grafts that can be safely harvested from the palate and the action required in case of palatal vessel hemorrhage, are also exposed.

Key words

Hard palate, palatal mucosa, greater palatine artery, greater palatine foramen, anesthesia, connective tissue graft, hemorrhage

Introduction

L’anatomie de la région palatine couvre un large champ d’applications cliniques et chirurgicales en odontostomatologie que nous limiterons volontairement dans cet article aux risques potentiels de lésion des éléments vasculaires qui la parcourent. Si la section du pédicule naso-palatin au foramen incisif est habituelle lors du décollement d’un lambeau d’épaisseur totale et ne pose aucun problème de contrôle de l’hémostase, des risques hémorragiques existent dans les secteurs molaire, prémolaire et canine (Reiser et al., 1996), en particulier lors des prélèvements de tissu conjonctif à visée parodontale ou implantaire (Langer et Langer, 1985 ; Raetzke, 1985 ; Nelson, 1987). La localisation du foramen grand palatin, le trajet des vaisseaux grands palatins et la distribution de leurs branches collatérales sont des éléments indispensables à considérer dans la planification de ces techniques.

Après une description anatomique de la région palatine centrée sur les rapports de l’artère grande palatine avec les plans osseux et muqueux qui bordent son trajet, des considérations cliniques concernant les techniques anesthésiques ainsi que les dimensions optimales des greffons de tissu conjonctif pouvant être prélevés en toute sécurité au niveau de cette région seront exposées.

Ces données sont d’autant plus importantes que cette région constitue le principal site donneur de greffes de tissu conjonctif en pratique parodontale et implantaire (Borghetti et Monnet-Corti, 2008).

Rappels anatomiques

Palais dur

Le palais dur est formé, dans ses deux tiers antérieurs, par les processus palatins des maxillaires et, dans son tiers postérieur, par les lames horizontales des os palatins (Drake et al., 2005 ; Standring, 2008). La suture sagittale, qui unit sur la ligne médiane les os maxillaires et palatins droits et gauches, est trois fois plus épaisse dans sa partie anté­rieure maxillaire que dans sa partie postérieure palatine. Son versant nasal présente une crête qui articule avec le bord inférieur du vomer, tandis que son versant oral est creusé d’un sillon bordé de berges, dont l’hypertrophie réalise une exostose, le torus palatin.

La suture palatine transverse unit le bord antérieur des lames horizontales des palatins au bord postérieur des processus palatins des maxillaires et se termine latéralement dans les foramens grands palatins. Ces derniers constituent le débouché des canaux grands palatins contenus dans l’épaisseur de la paroi latérale nasale (fig. 1).

Selon la conformation du palais, de 1 à 2 sillons palatins plus ou moins profonds naissent du foramen grand palatin et cheminent parallèlement à l’arcade alvéolaire en direction antérieure. Le plus profond, médial, abrite l’artère grande palatine tandis que le latéral, plus discret, correspond à une de ses branches (fig. 2).

Le foramen incisif situé dans le plan sagittal médian immédiatement en arrière des incisives médiales correspond au débouché du canal incisif qui met en communication les fosses nasales droite et gauche avec la cavité orale. Ce canal en Y abouche dans la cavité orale par un foramen unique et dans la cavité nasale par deux foramens situés de part et d’autre du septum nasal.

En avant des prémolaires, le plan osseux présente de nombreux orifices vasculaires qui livrent passage à des artérioles issues de l’artère grande palatine.

Les processus alvéolaires qui entourent le palais dur en avant et latéralement rejoignent à angle droit le plan palatin dans le secteur molaire. Cet angle s’ouvre progressivement au fur et à mesure que la courbure de l’arcade alvéolaire se matérialise, pour atteindre sa valeur maximale dans le secteur antérieur. C’est en effet au niveau des incisives que cet angle est le plus ouvert, le palais osseux étant situé dans le prolongement du processus alvéolaire. En arrière, le palais dur est en continuité avec le palais mou situé dans l’oropharynx (Drake et al., 2005 ; Standring, 2008).

Muqueuse

Le palais dur est recouvert d’une muqueuse masticatoire de type II très riche en fibres de collagène et fermement adhérente au périoste sous-jacent. Bien qu’elle soit ortho-kératinisée, elle est histologiquement très voisine de la gencive attachée et il n’existe pas de jonction muco-gingivale visible du côté palatin. L’épaisseur et la composition de la fibro-muqueuse sont variables selon les zones. Elle est ainsi fine et très dense en fibres dans la partie antérieure et médiane du palais dur, formant un bandeau très adhérent qui borde les collets et recouvre la suture sagittale médiane. En revanche, la muqueuse est plus épaisse dans le secteur molaire en raison de la présence de tissus glandulaire et graisseux qui recouvrent le pédicule vasculo-nerveux grand palatin et forment un véritable tapis de 6 à 7 mm d’épaisseur. Dans ces zones, la muqueuse est donc plus dépressible, mais reste reliée à l’os sous-jacent par des fibres collagéniques plus longues qui enserrent les éléments glandulaires et graisseux.

La muqueuse palatine présente des reliefs caractéristiques, tels la papille incisive qui recouvre le foramen incisif (Drake et al., 2005 ; Standring, 2008) et les plis palatins transverses qui rayonnent latéralement et en arrière d’elle.

Canal grand palatin

La vascularisation du palais provient essentiellement de l’artère palatine descendante qui chemine dans le canal grand palatin mettant en communication la fosse ptérygo-palatine avec la cavité orale. Ce canal résulte de la réunion de deux sillons creusés dans la face médiale du corps maxillaire d’une part, et dans la face latérale de la lame perpendiculaire du palatin d’autre part. Le sillon grand palatin maxillaire débute à l’union du tiers supérieur et du tiers moyen du bord postérieur du maxillaire. Oblique en bas et en avant, il est bordé de deux zones articulaires avec l’os palatin et se termine en s’élargissant en regard du bord postérieur du processus palatin du maxillaire (Harnet et al., 1994).

Le sillon grand palatin de l’os palatin est situé sur la face médiale de la lame perpendiculaire. Il débute en arrière et en dessous de l’incisure sphéno-palatine et se termine au bord inférieur de la lame perpendiculaire du palatin, décrivant une légère courbure à concavité antérieure (fig. 3).

La réunion de ces deux sillons forme le canal grand palatin qui est contenu dans la paroi latérale nasale et dont l’orifice inférieur constitue le foramen grand palatin (fig. 4). Le canal petit palatin naît également dans la fosse ptérygo-palatine à partir du canal grand palatin ou indépendamment de lui. Oblique en bas et en arrière, il est parfois accompagné d’un ou deux autres canaux accessoires qui débouchent au niveau du palais mou à la face inférieure du processus pyramidal, en avant de l’hamulus ptérygoïdien (Harnet et al., 1994).

Contenu vasculo-nerveux

Le canal grand palatin est parcouru par un pédicule vasculo-nerveux associant l’artère palatine descendante et le nerf grand palatin.

L’artère palatine descendante naît de l’artère maxillaire dans la fosse ptérygo-palatine (fig. 5). Au cours de son trajet canalaire, elle donne les artères petites palatines destinées au palais mou et se termine sous le nom d’artère grande palatine en franchissant le foramen grand palatin (fig. 6). Après avoir parcouru le palais dur dans un sillon plus ou moins profond (sillon grand palatin), elle emprunte le canal incisif en direction de la cavité nasale et s’anastomose à l’artère naso-palatine. Elle constitue ainsi une voie de suppléance au réseau artériel du septum nasal (Harnet et al., 1994), tout en permettant la vascularisation de la muqueuse, des glandes palatines et du palais osseux (Standring, 2008). L’artère naso-palatine est donc principalement une branche qui vascularise le septum nasal et s’épuise au pied de celui-ci en s’anastomosant aux branches terminales de l’artère grande palatine. Ainsi, la section du pédicule débouchant du foramen incisif ne présente aucun risque de nécrose puisque la vascularisation provient de l’artère grande palatine et non de l’artère naso-palatine.

Dans une étude post mortem réalisée sur 41 sujets thaïlandais dont 17 femmes et 24 hommes, l’artère grande palatine a été disséquée pour systématiser la naissance des branches collatérales palatines (Klosek et Rungruang, 2009). Chez la femme, les branches collatérales se détachent préférentiellement en regard des première et deuxième molaires (43 %), puis de la première prémolaire (38 %). À l’inverse, chez l’homme, elles naissent majoritairement en regard des première et seconde prémolaires (56 %), puis en regard des deuxième et troisième molaires (32 %) (Klosek et Rungruang, 2009). Le réseau veineux accompagne le réseau artériel, rejoint le plexus veineux ptérygoïdien, la veine maxillaire et la veine jugulaire externe. Les voies lymphatiques, provenant des dents maxillaires, sont satellites du réseau artériel et font relais dans les lymphonœuds rétromandibulaires (Harnet et al., 1994), voire rétropharyngiens.

Le nerf grand palatin est composé de branches sensitives du nerf maxillaire et de branches viscéromotrices parasympathiques et sympathiques issues du ganglion ptérygo-palatin. Elles sont destinées à l’innervation des glandes muqueuses du palais et proviennent respectivement du noyau lacrymal (lacrymo-muco­nasal) et du ganglion cervical supérieur du sympathique cervical via le nerf du canal ptérygoïdien qui se termine au ganglion ptérygo-palatin (fig. 5) . Le nerf grand palatin innerve le palais osseux et la muqueuse des secteurs molaire et prémolaire, le secteur incisivo-canin étant sous la dépendance des branches du nerf naso-palatin (Drake et al., 2005).

Rappelons que le canal grand palatin constitue un risque chirurgical, en particulier lors de la mise en place d’implants ptérygoïdiens.

Localisation du foramen grand palatin

La localisation du foramen grand palatin connaît une grande variation en fonction des groupes ethniques. La position le plus souvent rencontrée chez les Thaïlandais, les Indiens et les caucasiens est la face palatine de la troisième molaire maxillaire, alors que la localisation la plus fréquente se situe entre les deuxième et troisième molaires pour les Chinois et en distal de la troisième molaire pour certaines ethnies africaines (Waraaswapati et al., 2001).

Bloc anesthésique du nerf grand palatin

Le bloc anesthésique du nerf grand palatin est utilisé pour toute procédure chirurgicale intéressant les deux tiers postérieurs du palais dur et permet d’anesthésier l’os et la muqueuse palatine jusqu’à la canine ipsilatérale.

L’anesthésie commence par le repérage du foramen grand palatin en appliquant une pression à la jonction du procès alvéolaire maxillaire et du palais dur en regard de la première molaire, à l’aide d’un coton-tige imbibé d’un anesthésique de contact. Le coton-tige est ensuite déplacé distalement en gardant la pression jusqu’à sentir une dépression correspondant au foramen grand palatin. La pression, plus que l’anesthésie de contact, contribue à réduire la douleur à la piqûre et à l’injection que l’on situera 0,5 cm en avant du foramen. L’aiguille est introduite sans chercher à atteindre le contact osseux et, après aspiration, l’injection est réalisée lentement, sans douleur, la présence de tissu glandulaire et graisseux permettant d’accueillir la solution anesthésique sans tension tissulaire excessive. Un volume de 0,45 à 0,60 ml de solution est largement suffisant pour obtenir une anesthésie du nerf grand palatin dans un délai de 2 à 3 minutes qu’il est nécessaire de respecter avant de commencer l’intervention chirurgicale. L’anesthésie en regard de la première prémolaire peut s’avérer insuffisante en raison de la présence de fibres du nerf naso-palatin et nécessiter une infiltration complémentaire à ce niveau (Malamed, 2004).

Problématique clinique

En chirurgie plastique parodontale, deux sites donneurs potentiels de greffes de tissus mous sont utilisés, la muqueuse palatine et la muqueuse tubérositaire, avec une très forte prédominance pour la première.

Lors des greffes épithélio-conjonctives sur une muqueuse palatine épaisse, le prélèvement est le plus souvent superficiel. Les branches collatérales peuvent être touchées, entraînant une hémorragie qui cède généralement à la compression et aux moyens locaux d’hémostase, sans risque de lésion des gros vaisseaux.

En revanche, la situation est différente lors des prélèvements conjonctifs, plus profonds, ou en présence d’une muqueuse palatine mince. Le risque potentiel de lésion de l’artère grande palatine dû aux variations anatomiques de la voûte du palais constitue une source d’inquiétude pour l’opérateur. L’anatomie de la voûte palatine en termes de taille et de forme conditionne la localisation du paquet vasculo-nerveux grand palatin, ainsi que les dimensions maximales des greffons de tissus mous pouvant être prélevées en toute sécurité (Reiser et al., 1996). Ces mêmes auteurs proposent de classer les voûtes palatines en trois groupes, selon leur hauteur. Ils reconnaissent des palais profonds, moyens et plats pour lesquels la distance moyenne entre la jonction émailcément des prémolaires-molaires maxillaires et le paquet vasculo-nerveux est respectivement de 17, 12 et 7 mm. Une attention particulière est alors recommandée dans les cas de palais peu profonds qui constituent de ce fait une contre­indication au prélèvement conjonctif. La palpation de la gouttière osseuse dans laquelle cheminent les vaisseaux doit être réalisée au préalable afin d’apprécier la hauteur de tissus disponible. Ces auteurs recommandent également de situer la limite antérieure du prélèvement à l’angle distal de la canine afin d’éviter la lésion des vaisseaux grands palatins qui se rapprochent du collet des dents antérieures (Reiser et al., 1996). Les études évaluant l’épaisseur de la muqueuse palatine ont montré que la muqueuse est le plus fine en regard de la racine palatine de la première molaire maxillaire (Barriviera et al., 2009 ; Müller et al., 2000 ; Song et al., 2008 ; Studer et al., 1997 ; Waraaswapati et al., 2001) qui représente ainsi une barrière anatomique au prélèvement (Knott et Johnson, 1970 ; Studer et al., 1997). Un large procès alvéolaire et/ou des exostoses sont souvent rencontrés dans la région molaire, ce qui limite l’épaisseur des tissus à prélever (Sears et Rosenberg, 1981). Au niveau du palais dur, l’épaisseur de la muqueuse augmente au fur et à mesure que l’on s’éloigne du collet des dents (Studer et al., 1997).

Selon Monnet-Corti et al., le meilleur site donneur est situé entre la face distale de la canine et le milieu de la face palatine de la première molaire (fig. 7 à 9). Ces auteurs ont montré qu’il était possible d’obtenir un greffon de 5 mm de hauteur dans la zone prémolaire dans 100 % des cas et d’une hauteur de 8 mm dans la zone située entre la seconde prémolaire et la première molaire dans 96 % des cas (Monnet-Corti et al., 2006). Mais ces données ont été obtenues de façon indirecte à partir de moulages, en supposant que l’artère grande palatine soit localisée à la jonction des parties verticale et horizontale de la voûte palatine.

Klosek et Rungruang ont également montré qu’il est possible de prélever un greffon conjonctif de 5 mm de hauteur entre la première prémolaire et la deuxième molaire, avec une marge de sécurité entre la seconde prémolaire et la première molaire (Klosek et Rungruang, 2009).

Par ailleurs, la tubérosité peut constituer également un site donneur de greffes avec une épaisseur de tissu mou plus importante qu’au niveau du palais dur. Cependant, une largeur étroite de muqueuse kératinisée au niveau de la tubérosité peut limiter le volume de tissu mou accessible (Studer et al., 1997).

Lors du traitement des récessions, le tissu conjonctif prélevé à la tubérosité serait plus dense qu’au niveau du site receveur, ce qui entraîne un changement du biotype gingival, une fermeté et une bonne stabilité à long terme du tissu greffé (Jung et al., 2008).

Dans le cas d’hémorragie des vaisseaux palatins, certains auteurs préconisent la séquence des mesures suivantes (Reiser et al., 1996) :

– pression immédiate et directe, puis injection d’anesthésique local avec vasoconstricteur ;

– une ou plusieurs sutures à proximité du site de saignement (entre le site de saignement et le foramen grand palatin) ;

– décollement d’un lambeau de pleine épaisseur, visualisation et ligatures des vaisseaux décollés avec le lambeau.

Pour tester la validité de cette proposition, nous avons réalisé une expérimentation post mortem.

Matériel et méthodes

Test de ligature de l’artère grande palatine

Neuf sujets ont été répartis en trois groupes selon la conformation de la voûte palatine, profonde, plate et intermédiaire.

Deux sutures visant à cercler l’artère grande palatine ont été réalisées de chaque côté à l’aide de fil en Vicryl­ 4.0 et d’une aiguille FS2 (3/8 de cercle et 19 mm de longueur) (Ethicon®, Johnson-Johnson International), en regard des première et deuxième molaires, en recherchant le contact osseux Un lambeau d’épaisseur totale a ensuite été réalisé ainsi qu’une incision à la limite postérieure du palais dur en vue de prélever en bloc la muqueuse palatine. La face profonde de la muqueuse a été disséquée pour isoler l’artère grande palatine et observer la localisation des points de suture.

Configuration du réseau vasculaire palatin

La dissection de l’artère grande palatine et de ses principales branches s’avérant particulièrement difficile dans le tissu fibreux palatin, un procédé de corrosion chimique a été utilisé pour mettre en évidence la totalité du réseau vasculaire palatin. Dans ce but, 5 sujets d’âge moyen ont été perfusés et injectés via la carotide commune par du latex coloré en vert ou rouge. Un sujet a reçu une coloration rouge d’un côté et verte de l’autre afin de mettre en évidence d’éventuelles anastomoses droites-gauches. Le plateau maxillaire a été prélevé par ostéotomie de Le Fort 1 et une corrosion chimique de la muqueuse a été entreprise par immersion dans une solution d’hypochlorite de sodium à 9,6 %. Au préalable, les sulcus palatins ont été obturés par du cyano-acrylate pour éviter l’affaissement du réseau vasculaire après dissolution complète de la muqueuse.

Résultats

Ligature de l’artère grande palatine

Malgré l’utilisation d’aiguilles de différents rayons de courbure, dont certains ont été accentués à la pince pour s’inscrire au mieux dans l’angle constitué par la jonction des deux plans, aucune des 18 artères grandes palatines n’a pu être contournée par la ligature, et ce quel qu’ait été le type de palais rencontré dans cette expérimentation. Cette impossibilité à circonscrire l’artère grande palatine dans le secteur molaire est en grande partie liée à l’existence d’un sillon palatin plus ou moins profond qui l’abrite et la protège.

Il en résulte que cette gouttière doit éviter le plus souvent un traumatisme direct de l’artère lors d’un prélèvement et les incidents vasculaires hémorragiques rencontrés devraient être plutôt liés à des sections/traumatismes de ses branches.

L’un des cas étudiés illustre la présence de 2 sillons parallèles dont le plus profond présente une arche osseuse incomplète circonscrivant la branche principale de l’artère qui chemine dans une véritable gouttière ostéofibreuse. Le sillon latéral moins marqué abrite une branche collatérale de plus petit calibre (fig. 10).

Lors des dissections de la région, seuls 2 cas présentant une division de l’artère grande palatine en 2 branches de gros et même calibre, chacune d’elles cheminant dans son propre sillon, ont été rencontrés (fig. 11).

Configuration du réseau vasculaire palatin

À sa sortie du foramen grand palatin, l’artère se divise le plus souvent en 2 ou 3 branches dont une branche principale de diamètre juxta-millimétrique qui chemine à l’interface os-muqueuse dans un sillon plus ou moins profond. L’artère décrit fréquemment de nombreuses boucles au cours de son trajet palatin (fig. 12). Cette conformation, habituelle dans les tissus à grande mobilité, est surprenante dans un tissu aussi peu mobile que la muqueuse palatine. Le réseau artériel grand palatin s’étend à la totalité de la muqueuse palatine et est en continuité avec celui du voile du palais. Il est complexe et très ramifié (fig. 13) avec une forte densité de capillaires qui confèrent à la muqueuse une viscoélasticité lui permettant de se déformer pour amortir la compression subie par la langue lors de la préparation du bol alimentaire et de retrouver sa morphologie initiale au repos. L’importance de ce réseau capillaire se révèle différente d’un sujet à l’autre, mais cela peut résulter de la qualité de la perfusion. L’artère grande palatine donne des branches collatérales en direction de la muqueuse marginale, ainsi que des branches pour la tubérosité, anastomosées avec des rameaux en provenance du voile du palais. Quelques branches collatérales fines se dirigent médialement vers la suture intermaxillaire et s’anastomosent parfois avec celles du côté opposé comme le montre le sujet injecté au latex rouge d’un côté et vert de l’autre (fig. 14).

Avant de rejoindre le canal incisif, l’artère grande palatine décrit une boucle descendante en regard du collet de la canine. Cette boucle peut être très proche du collet des incisives, ce qui doit limiter tout prélèvement de greffe à ce niveau (fig. 15).

Par ailleurs, sur toute la surface du palais osseux et surtout dans la moitié antérieure, le réseau artériel palatin donne de nombreux rameaux intra-osseux (fig. 16).

Discussion

Cette expérimentation post mortem a permis de mettre en évidence la totalité du réseau vasculaire palatin par injection artérielle de latex coloré. Ce même procédé a été décrit par d’autres auteurs afin de déterminer le risque de lésion des artères palatines descendantes par suite des ostéotomies maxillaires de Le Fort 1 (Gauthier et al., 2002). Dans notre étude, une dissolution chimique complète de la muqueuse palatine a permis d’apprécier tout le réseau artériel une fois qu’il a été coloré.

Lors des prélèvements conjonctifs au palais, il est évident que le risque de lésion de l’artère grande palatine est plus important dans les cas de palais peu profonds, ce qui nécessite la réalisation d’un prélèvement conjonctif plus étroit, et il ne nous apparaît pas nécessaire d’adopter les recommandations de Reiser et al. qui contre-indiquent tout prélèvement dans ce cas de figure (Reiser et al., 1996).

Nos résultats expérimentaux sont cependant en accord avec ces auteurs pour le trajet de l’artère grande palatine qui décrit une boucle descendante en regard du collet de la canine. Il en résulte que la limite antérieure du prélèvement doit être située à l’angle distal de la canine.

Dans le cas d’hémorragie des vaisseaux palatins, Reiser et al. proposent de réaliser une ligature de l’artère grande palatine entre le site de saignement et le foramen grand palatin (Reiser et al., 1996). Nous avons trouvé, cependant, que cette artère était impossible à circonscrire dans le secteur molaire à cause de l’existence d’un sillon palatin plus ou moins profond qui la protège. Cette recommandation reste donc théorique pour cette artère mais peut cependant s’avérer efficace si la blessure concerne l’une de ses branches, ce qui est le plus souvent le cas.

En revanche, la suture de la branche principale ne peut s’envisager qu’en décollant un lambeau de pleine épaisseur pour visualiser et aborder l’artère par sa face profonde, après avoir injecté une solution anesthésique adrénalinée au niveau du foramen du canal grand palatin. Il faut bien évidemment ne pas atteindre la limite postérieure du palais dur en décollant la fibro-muqueuse pour éviter toute diffusion vers le palais mou. Autrement dit, mieux vaut ne pas blesser l’artère grande palatine à sa sortie du foramen pour éviter cette intervention délicate.

Conclusion

La connaissance de la configuration du réseau vasculaire palatin et de ses variations est un élément primordial lors de la planification de prélèvements de tissu conjonctif à visée parodontale ou implantaire.

La région située entre la face distale de la canine et le milieu de la face palatine de la première molaire maxillaire constitue le site donneur le plus approprié, en veillant à tenir compte de la profondeur de la voûte palatine. Cela permet d’éviter toute lésion de l’artère grande palatine dont la gestion présente une vraie contrainte chirurgicale.

La localisation clinique de cette artère ne nous semble cependant pas prévisible pour un contrôle de l’hémostase, selon les données obtenues dans nos dissections.

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