Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 04 du 01/11/2010

 

Article

Monica MELE*   Martina STEFANINI**   Matteo MARZADORI***   Claudio MAZZOTTI****   Giovanni ZUCCHELLI*****  


*DDS
**DDS
***DDS
****DDS
*****DDS PhD
******Département de stomatologie, Université de Bologne, Italie

Résumé

Le complexe gingival joue un rôle majeur dans la beauté d’un sourire. Pour obtenir de façon prévisible un résultat à la fois esthétique et fonctionnel, le dentiste doit être capable d’anticiper avec précision le résultat du traitement en s’appuyant sur des données biologiques. Le diagnostic et le traitement d’un « sourire gingival » aident le parodontiste à donner aux patients le plus beau sourire possible. Une ligne de sourire haute peut être d’origine dento-gingivale, musculaire, dento-alvéolaire (squelettique) ou mixte.

L’exposition excessive de gencive, fréquemment rencontrée chez l’adulte et découvrant des couronnes cliniques courtes, a été décrite dans la littérature médicale comme étant une « éruption passive altérée ». Elle s’observe chez l’adulte lorsque l’unité gingivale reste située sur la proéminence convexe de l’émail au lieu de se trouver au niveau ou près de la jonction amélo-cémentaire.

Les impératifs biologiques requis pour la santé gingivale seront discutés. Seront également abordés le diagnostic différentiel des expositions excessives de gencive et les paramètres esthétiques à prendre en compte pour un bon diagnostic. Par ailleurs, cet article décrit comment une chirurgie plastique parodontale peut remodeler le système d’attache, rétablir la bonne distance biologique et redonner aux dents leurs dimensions normales. Les lambeaux positionnés apicalement, qui préservent les papilles interproximales, associés à un remodelage osseux peuvent restaurer la santé gingivale et les paramètres esthétiques de la ligne du sourire.

Summary

The gingival complex plays a major role in the overall beauty of a smile. To predictably achieve a successful aesthetic and functional result, the dentist must be able to precisely predict the treatment outcome based on biologic determinants. The diagnosis and treatment of the « gummy smile » help the periodontist to provide the patients with the most beautiful smile possible. The nature of a high smile-line can be : dento-gingival, muscular, dento-alveolar (skeletal) or of a mixed nature.

Excessive gingival display, frequently seen in adults and resulting in short clinical crowns, has been described in the literature as « altered passive eruption ». It exists in adults when the gingival unit remains positioned on the convex prominence of the enamel rather than at or in proximity of the cemento-enamel junction.

The biologic requirements for gingival health are discussed. In addition, a differential diagnosis for excess gingival displays and esthetic parameters for a correct diagnosis are ­discussed. Moreover, this article describes how periodontal plastic surgery can remodel the attachment apparatus, reestablish the correct biologic width and expose the correct dimensions of the teeth. Apically repositioned flaps leaving the interproximal anatomical papillae, with osseous recontouring can restore gingival health and esthetic parameters of the smile line.

Key words

Altered passive eruption, gummy smile, clinical crown, dental esthetic parameters

Introduction

La plupart des techniques de dentisterie visant à traiter les caries dentaires, les pathologies pulpaires, les pathologies dento-faciales, les défauts et/ou les pathologies parodontaux modifient directement ou indirectement les paramètres esthétiques des dents et de la face (Belser, 1982). L’analyse des structures dento-faciales et de leur impact sur l’aspect esthétique doit occuper une large part de l’examen dentaire global.

Il est essentiel d’analyser plusieurs caractéristiques :

– la symétrie faciale ;

– la ligne bipupillaire (régulière ou irrégulière) ;

– la relation entre la ligne médiane de la face et celle des dents ;

– la relation entre le plan incisif et le plan occlusal ;

– la symétrie des lèvres et de la face durant le sourire ;

– l’exposition des gencives ;

– le niveau des gencives marginales ;

– l’alignement des gencives marginales (taille des dents et proportions) ;

– la ligne du sourire (haute, moyenne, basse) (Tjan et al., 1984 ; Rufenacht, 1990 ; Chicche et Pinault, 1994 ; Goldstein, 1998).

On peut dire qu’un sourire est plaisant lorsque les dents maxillaires sont totalement exposées et situées à environ 1 mm du tissu gingival vestibulaire.

Cependant, une exposition de gencive ne dépassant pas 2 à 3 mm est également considérée comme plaisante alors qu’une exposition excessive (> 3 mm) est généralement perçue comme déplaisante par beaucoup de patients (Allen, 1988).

Si l’on s’intéresse plus précisément à l’analyse de la ligne du sourire, les patients qui présentent une ligne de sourire haute et des dents antérieures courtes découvrent une large portion de tissu gingival et se plaignent souvent de leur « sourire gingival ». Chez la plupart des patients, le rebord inférieur de la lèvre supérieure est modelé en « ailes de goéland », ce qui limite la quantité de tissu gingival exposé lors du sourire. Dans la relation lèvres/gencives/dents, l’aspect inesthétique a plusieurs causes, en raison des différentes structures anatomiques impliquées individuellement et/ou en association (Levine et McGuire, 1997).

Plusieurs auteurs ont insisté sur l’importance d’une évaluation correcte des lèvres chez les patients présentant des problèmes parodontaux et des exigences esthétiques (Goldstein, 1998 ; Tjan et al., 1984 ; Abrams et Presser, 1998). Les lèvres limitent le nombre de dents et la quantité de tissu mou exposés. Il est fondamental d’analyser la position, la taille et la forme de la lèvre supérieure durant l’élocution et durant un sourire ouvert et détendu. Si la taille et la forme des dents ainsi que le niveau des gencives marginales sont parfaitement normaux, une exposition excessive de gencive peut être due soit à la position de l’os maxillaire, lors d’un excès vertical, soit à la taille inadéquate de la lèvre supérieure. Dans le premier cas, la solution consiste à intervenir sur l’os maxillaire par une chirurgie maxillo-faciale ; dans le second cas, il n’y a pas de traitement connu.

Au repos, la distance entre la limite inférieure du nez et la limite supérieure de la lèvre supérieure devrait être de 22 à 24 mm chez les hommes et de 20 à 22 mm chez les femmes. Si l’altération de l’esthétique faciale n’est pas due aux lèvres, il faut alors réaliser une analyse plus détaillée des autres facteurs, qui peuvent ne pas être forcément significatifs dans le cadre de la dentisterie :

– la position de la gencive marginale par rapport à la ligne muco-gingivale et à la crête osseuse ;

– la relation entre la couronne, la racine et l’os alvéolaire.

Éruption passive

Gottlieb et Orban ont émis la théorie du concept de l’éruption continue, en la définissant comme étant le mouvement occlusal continu des dents durant toute la vie, sans s’arrêter au contact de la dent antagoniste (Gottlieb et Orban, 1933).

Il existe principalement deux types d’éruptions dentaires : l’éruption active et l’éruption passive. L’éruption active est divisée en éruption active préfonctionnelle et en éruption active fonctionnelle. La première est le mouvement qu’effectue la dent à partir de sa position de développement à l’intérieur de la mâchoire, à travers l’épithélium buccal, au sein de la cavité buccale, jusqu’à une position terminale en occlusion fonctionnelle. Lorsque la dent est en occlusion fonctionnelle, l’usure normale est compensée par une légère éruption dentaire et une apposition de cément à l’apex afin de maintenir le contact occlusal, et la croissance verticale continue de la face est compensée par une légère apposition d’os alvéolaire. Cela s’appelle l’éruption fonctionnelle active et elle continue durant toute la vie (Murphy, 1964).

L’éruption passive commence après l’éruption complète de la couronne anatomique de la dent et semble très certainement due à une prolifération apicale de l’épithélium jonctionnel, le long de la surface dentaire (Dolt et Robbins, 1997 ; Weinberg et Eskow, 2000). La prolifération épithéliale ne peut se produire que lorsque les fibres principales et les plus cervicales du ligament parodontal dégénèrent et qu’elles se détachent simultanément du cément. Est-ce que la désinsertion et l’atteinte des fibres après ­l’altération initiale du cément ou de l’épithélium jouent un rôle actif dans la dégénérescence des fibres ?, voilà une question qui n’a toujours pas de réponse à ce jour (Lloyd Dubrul, 1988).

Le glissement apical de la jonction dento-gingivale se poursuit, atteignant une distance physiologique allant de 0,5 à 2 mm coronairement à la jonction émail-cément (Loë et Ainamo, 1966).

En 1961, Gargiulo a décrit les 4 stades de l’éruption passive en se fondant sur la position de la jonction dento-gingivale (Gargiulo et al., 1961) :

– stade 1, la jonction dento-gingivale est située sur la surface de l’émail ;

– stade 2, elle est située sur l’émail et sur le cément ;

– stade 3, elle est située entièrement sur le cément et la gencive marginale est située coronairement à la jonction émail-cément ;

– stade 4, elle est située sur le cément et la gencive marginale est située apicalement à la jonction émail-cément. La surface radiculaire est exposée (récession gingivale).

À la lumière des connaissances actuelles, on peut dire que l’hypothèse de Gargiulo ne peut pas être juste étant donné que la migration de la jonction dento-gingivale par rapport à sa position physiologique (c’est-à-dire sur l’émail) est toujours un processus pathologique.

Dans certains cas, l’altération de l’éruption passive peut aboutir à des couronnes cliniques courtes. La dent a atteint sa position occlusale terminale mais la gencive marginale reste sur l’émail du tiers cervical de la couronne clinique. Ce phénomène est défini comme étant l’éruption passive retardée et on peut l’observer durant la dentition mixte (Carnagiu et al., 2007). Il disparaît lorsque les dents sont en position terminale d’occlusion fonctionnelle et se stabilisent dans une relation interarcades convenable.

Il est possible que, chez les adultes, l’unité gingivale reste positionnée sur la proéminence convexe de l’émail plutôt qu’au niveau ou à proximité de la jonction amélo-cémentaire, de sorte que la relation entre la jonction dento-gingivale et les tissus durs n’est plus physiologique. Dans ce cas, on dit que l’éruption passive est altérée.

Relations gencive/couronne anatomique

Coslet et al. ont proposé la classification ci-après, qui sert de guide lors de l’établissement du plan de traitement (Coslet et al., 1977) :

– type 1, la gencive marginale est coronaire à la jonction émail-cément avec une hauteur gingivale allant de la gencive libre à la ligne muco-gingivale qui est plus importante que la moyenne généralement acceptée. La ligne muco-gingivale est habituellement apicale à la crête alvéolaire ;

– type 2, la distance allant du bord de la gencive libre à la ligne muco-gingivale revient dans l’écart normal, comme l’ont décrit Loë et Ainamo (Loë et Ainamo, 1966). Dans ce cas, toute la gencive est située sur la couronne anatomique, la ligne muco-gingivale étant située au niveau de la jonction émail-cément.

Pour ce qui est de la relation crête alvéolaire/jonction émail-cément, deux sous-groupes ont été identifiés :

– sous-groupe A, la relation crête alvéolaire/jonction émail-cément correspond à peu près à la distance de 1,5 mm considérée comme normale. Cette distance permet une insertion normale du système des fibres gingivales à l’intérieur du cément ;

– sous-groupe B, la crête alvéolaire est presque au niveau de la jonction émail-cément. Cette relation est souvent observée durant la phase de dentition mixte de l’éruption active.

Dans les sous-groupes 1B et 2B, il est nécessaire de réaliser une ostéo­tomie pour créer de l’espace afin de rétablir la distance biologique.

Si l’examen clinique révèle la présence de dents avec une couronne clinique courte, il est nécessaire, tout d’abord, de réaliser un diagnostic différentiel entre l’éruption passive et les autres situations cliniques telles que l’usure occlusale ou un morphotype dentaire particulier. Pour établir un diagnostic, il faut rechercher avec soin la position de la jonction émail-cément à l’aide d’une sonde. Si cette jonction est située dans la position physiologique, c’est-à-dire dans le sulcus gingival, cela veut dire que le patient ne présente pas une éruption passive altérée. Au contraire, si elle ne peut être sondée à l’intérieur du sulcus, le diagnostic d’une éruption passive alté­rée est posé. Pour différencier les sous-groupes A et B, il est nécessaire de réaliser un sondage osseux. Si la jonction émail-cément sous-gingivale ne peut pas être sondée, l’éruption passive appartient à la classe A ; mais si la crête osseuse est atteinte sans détecter la présence de la jonction émail-cément, l’éruption passive appartient à la classe B.

Le diagnostic différentiel entre A et B peut être facilité par la radiographie endobuccale, qui permet de vérifier la relation couronne/racine et os, et qui, dans certains cas, peut aider à localiser la jonction émail-cément. Il peut y avoir absence de tout autre signe pathologique, tel que le saignement au sondage, la suppuration, l’inflammation ou la perte osseuse radiographique. Clini­quement, le signe le plus évident est une dent d’apparence courte mais, dans certains cas, le tissu gingival en excès interfère avec l’hygiène buccale et permet ainsi à la plaque de s’accumuler. La profondeur de sondage révèle souvent un sulcus plus profond que la normale qui entraîne une inflammation marginale des tissus gingivaux. En l’absence de problèmes pathologiques ou esthétiques, aucune technique correctrice n’est indiquée.

Le but de cette étude est de décrire la technique de chirurgie parodontale préconisée pour les patients présentant une éruption passive altérée.

Les objectifs du traitement sont :

– de répondre aux impératifs esthétiques du patient ;

– d’éliminer les « fausses poches » afin de faciliter une meilleure hygiène bucco-dentaire quotidienne par le patient ;

– d’apporter aux dents traitées une hauteur et une épaisseur adéquates de tissu, ainsi qu’une gencive marginale harmonieuse et festonnée.

Présentation de cas cliniques

Deux jeunes patientes sans antécédents médicaux ont été sélectionnées ; elles ont été dirigées vers le Département de science odontostomatologique de l’Université de Bologne. Après un examen approfondi, elles ont bénéficié d’une séance de prophylaxie incluant une instruction aux mesures d’hygiène appropriées, un détartrage et un nettoyage dentaire professionnel à l’aide d’une cupule en caoutchouc et d’une pâte peu abrasive. Le traitement chirurgical n’a été programmé que lorsque les patientes ont correctement maîtrisé le contrôle de plaque supragingivale et qu’il y avait absence de saignement au sondage sur les sites à traiter.

Cas n° 1 (fig. 1 à 11)

La patiente est une étudiante âgée de 21 ans. Son motif de consultation principal est l’aspect esthétique, car elle a observé qu’elle découvrait trop ses gencives lorsqu’elle souriait et que ses dents semblaient trop courtes et carrées par rapport à son allure phénotypique, très longiligne.

L’analyse clinique met en évidence une différence de longueur au niveau des couronnes des deux incisives centrales, ce qui altère en partie l’harmonie de son sourire. L’analyse endobuccale complète ne montre aucun défaut osseux, permettant ainsi de considérer que la patiente est saine d’un point de vue parodontal. La profondeur de sulcus est enregistrée et associée à un sondage osseux afin de déterminer le type d’éruption passive altérée. Le diagnostic est celui d’une éruption passive altérée de type 1B, vestibulaire dans le secteur II. La difficulté à obtenir une hygiène buccale correcte est due à une position altérée de la gencive marginale, qui a entraîné la formation d’une fausse poche de 4 mm sur la 21.

Après une anesthésie locale effectuée en vestibulaire de 14 à 24, on réalise un lambeau en enveloppe, sans incisions de décharge, de 13 à 23 ; l’épaisseur de l’incision est mixte : partielle/totale/partielle. On réalise des incisions croisées en parabole et parasulculaires à l’aide d’une minilame, au niveau des papilles interdentaires. Elles sont biseautées au niveau des papilles interdentaires et perpendiculaires à la zone du futur sulcus. La distance entre l’angle incisif et le point le plus profond de l’incision parabolique est déterminée grâce à :

– la hauteur de tissu kératinisé, de façon à en laisser 3 mm pour protéger les dents ;

– lla morphologie des dents ;

– lles standards de la dentisterie esthétique selon lesquels la gencive marginale des incisives latérales est située dans une position plus coronaire que celle des canines et des incisives centrales (classe gingivale de type I) (Rufenacht, 1990).

Dans la zone où les paraboles se croisent, au niveau interproximal, les papilles chirurgicales sont soulevées en épaisseur partielle, alors que l’autre partie du lambeau est élevée en épaisseur totale, jusqu’à ce que la crête osseuse soit totalement exposée. De ce fait, le lambeau est soulevé partiellement de façon à permettre le glissement et l’ancrage apical.

Le lambeau secondaire n’est pas soulevé dans sa totalité. En particulier, la papille anatomique est préservée alors que le tissu kératinisé vestibulaire est éliminé à l’aide de curettes.

On réalise une décontamination des surfaces radiculaires aux ultrasons. Pour restaurer une architecture osseuse physiologique et pour obtenir si possible une bonne adaptation du lambeau, on réalise une ostéotomie et une ostéoplastie dans la partie vestibulaire. Les zones trop épaisses de l’os vestibulaire sont réduites à l’aide de fraises diamantées et les bords festonnés de la crête osseuse vestibulaire sont remodelés en créant des rainures verticales pour réduire la taille des zones interdentaires en vestibulaire et en lingual. Les dents présentant une éruption passive altérée de type 1B ont subi une ostéotomie à l’aide de ciseaux à os (Ochsenbein n° 1 et 2) ou de fraises diamantées cylindriques à tête plate. Cet os support est éliminé pour obtenir une bonne relation entre la jonction émail-cément et la crête alvéolaire, c’est-à-dire une distance physiologique entre 1,5 et 2 mm. En fait, cette distance permet une insertion normale du système de fibres gingivales à l’intérieur du cément et permet de rétablir la distance biologique adéquate. Les papilles anatomiques sont désépithélialisées à l’aide d’une minilame 15C et de ciseaux microchirurgicaux. On réalise des sutures simples avec un fil résorbable 6.0. L’aiguille est insérée dans une direction apico-coronaire en partant du lambeau périosté pour aller pénétrer la papille anatomique. La suture est arrêtée par des nœuds simples de façon à comprimer la papille chirurgicale au-dessus.

Trois mois après la chirurgie, on réalise un traitement conservateur sur la 11. Cette dent est restaurée avec du composite en rétablissant la longueur d’origine, la morphologie, la teinte, le tissu superficiel et sa partie controlatérale.

Cas n° 2 (fig. 12 à 15)

La patiente se plaint de l’aspect esthétique qu’elle présente : d’une part, elle voudrait dissimuler son sourire gingival et, d’autre part, ses gencives saignent, en particulier dans le secteur antérieur maxillaire. L’analyse dento-faciale montre une ligne du sourire haute. Les analyses cliniques et radiologiques mettent en évidence de fausses poches dues à la mauvaise position de la gencive marginale. À l’aide d’une sonde, il est possible de diagnostiquer une éruption passive altérée de type 1B du côté vestibulaire et de type 1A du côté palatin. Dans ce cas, le tracé du lambeau décrit ci-dessus est complété par le traitement combiné de la partie palatine, l’éruption étant de classe 1A.

Contrôle de l’infection

Les patientes reçoivent une ordonnance d’antibiotiques, Augmentin® (amoxicilline + acide clavulanique : SmithKline Beecham), 1 g/j, en commençant la veille de la chirurgie et pour une durée de 5 jours. Les sutures sont déposées 14 jours après la chirurgie. Les patientes, dûment questionnées, ont indiqué qu’elles n’avaient subi aucun désagrément postopératoire : pas de douleurs ni de gêne. Elles ont reçu des instructions d’hygiène, associées à des bains de bouche avec une solution de chlorhexidine à 0,12 % deux fois par jour pendant 5 semaines. Durant cette période, elles sont revenues 1 fois par semaine pour un nettoyage dentaire professionnel.

Contrôle de plaque

À l’arrêt des bains de bouche à la chlorhexidine, les patientes ont reçu de nouvelles instructions pour le nettoyage mécanique de leurs dents dans la zone traitée, avec une brosse souple utilisée selon la technique du rouleau. Des rendez-vous pour un nettoyage dentaire professionnel et un renforcement de leur hygiène buccale leur ont été fixés à 3 mois, 6 mois et 1 an.

Discussion

Les exigences des patients désirant un traitement esthétique représentent un défi incontestable, en particulier parce qu’ils prennent souvent comme référence des célébrités de la jet-set. Les principes esthétiques ne suivent pas uniquement des paramètres dentaires mais également des paramètres gingivaux et, en particulier, l’intégration de ces derniers dans le sourire, la face et le corps de l’individu (Reddy, 2005).

L’évaluation des attentes des patients et de leur compréhension face aux solutions thérapeutiques possibles constitue le point de départ du plan de traitement. L’analyse des aspects et de l’importance de la dynamique des lèvres par rapport aux dents est réalisée en évaluant des paramètres faciaux, dento-labiaux et phonétiques (Belser, 1982 ; Chicche et Pinault, 1994). Les principes esthétiques classiques qui s’appliquent aux tissus durs et mous (Belser, 1982 ; Rufenacht, 1990) permettent – s’ils sont respectés – d’obtenir un sourire harmonieux et équilibré.

Les critères principaux de la « check-list » (Belser, 1982) sont :

– la santé gingivale ;

– les espaces interdentaires ;

– l’axe dentaire ;

– le zénith du bord festonné de la gencive ;

– des gencives marginales festonnées et équilibrées ;

– l’importance du contact interdentaire ;

– la taille des dents ;

– les caractéristiques fondamentales de la forme des dents ;

– la caractérisation des dents ;

– le tissu superficiel ;

– la teinte ;

– le type d’angle incisif ;

– la ligne de la lèvre inférieure ;

– la symétrie du sourire.

À partir de cette liste, il est facile de comprendre combien la santé gingivale et sa morphologie sont des caractéristiques fondamentales à prendre en compte lorsqu’il s’agit d’esthétique.

L’éruption dentaire peut être divisée en deux périodes distinctes : éruptions active et passive. L’éruption active concerne le mouvement qu’effectue la dent en direction coronaire jusqu’au point où les contacts occlusaux sont établis. Cette phase est suivie de l’éruption passive durant laquelle le tissu gingival et le rebord osseux se déplacent en direction apicale. À la fin de l’adolescence, le processus d’éruption est censé être terminé pour la plupart des dents et la ligne gingivale est située 1 à 3 mm coronairement à la jonction émail-cément, l’extrémité coronaire de l’épithélium de jonction coïncidant avec la jonction émail-cément. Chez certains individus, pour des raisons inconnues, la phase passive du processus d’éruption ne se produit pas ou est incomplète. Ce phénomène s’appelle l’« éruption passive altérée ». La couronne clinique des dents a tendance à être carrée et le patient expose un excès de tissu gingival lorsqu’il sourit.

Cet article rapporte les cas de patients chez qui l’éruption passive altérée modifie la perception de leur sourire et du rendu esthétique. Après un examen clinique et radiologique minutieux, les patients subissent tout d’abord un traitement parodontal chirurgical, et éventuellement, si nécessaire, un traitement conservateur.

Il faut garder à l’esprit qu’il y a un élément déterminant dans la position du tissu gingival : l’os sous-jacent. La technique chirurgicale choisie pour réaliser l’allongement coronaire doit permettre au clinicien d’accéder à l’os et, de ce fait, le lambeau parodontal est la technique de choix. La technique de gingivectomie est contre-indiquée pour traiter la majorité des cas présentant une éruption passive altérée.

La technique de chirurgie parodontale choisie permet de rétablir tous les paramètres gingivaux mentionnés ci-dessus. En particulier :

– l’incision parasulculaire permet d’obtenir la même hauteur de tissu kératinisé sur toutes les dents ;

– la conservation du tissu interproximal désépithélialisé permet de maintenir les papilles interdentaires. Contrairement à la technique d’allongement coronaire, cette méthode est efficace étant donné que l’éruption passive alté­rée peut s’observer uniquement au niveau vestibulaire et/ou palatin, et pas au niveau interproximal, où la présence du point de contact et d’un espace réduit permet toujours au processus d’éruption passive de se compléter ;

– l’ostéotomie et l’ostéoplastie, réalisées à la demande, permettent de délimiter l’espace dans lequel il est possible de rétablir la distance biologique ;

– le glissement apical du lambeau permet d’établir le feston de la gencive marginale ; de plus, il positionne le zénith de la gencive marginale en classe I, où la gencive marginale de l’incisive latérale est coronaire à celle de l’incisive centrale et de la canine.

Tous ces facteurs permettent de rétablir de bonnes relations jonction émail-cément/crête osseuse/gencive marginale et avec une cicatrisation rapide après la chirurgie.

Il est nécessaire de recréer une distance biologique adéquate pour maintenir une bonne santé gingivale et aménager un espace suffisant entre le bord de la couronne, nid de plaque potentiel, et la crête alvéolaire afin de prévenir l’apparition d’une lésion inflammatoire avec une éventuelle perte d’attache (Newcomb, 1974 ; Dello Russo, 1984).

Dans le premier cas présenté ici, il a fallu réaliser un traitement conservateur afin de respecter les paramètres dentaires de Belser (Belser, 1982). En particulier, et selon les exigences de la patiente, il n’a pas été réalisé de traitement visant à compenser l’usure occlusale des canines, mais le traitement conservateur de la 11 a eu pour objectif de copier la 21, rétablissant ainsi les dimensions correctes d’une incisive centrale.

Dans le second cas, les facettes d’usure occlusale n’ont pas été traitées à l’aide d’un traitement conservateur ou prothétique étant donné que cela ne faisait pas partie des exigences de la patiente.

Conclusion

L’esthétique représente une part importante de la dentisterie moderne. De nombreux patients sont traités uniquement pour des améliorations esthétiques. Plusieurs origines ont été évoquées pour les couronnes cliniques courtes. Parmi elles, il existe une étiologie souvent non diagnostiquée : l’éruption passive altérée qui résulte d’un manque de migration apicale normale de la gencive et/ou du système d’attache.

L’éruption passive altérée peut contribuer à une exposition excessive de gencive lorsque le patient sourit. La ligne antérieure du sourire doit être évaluée avec soin avant le traitement. Les gencives marginales des dents antérieures maxillaires doivent être parallèles à la lèvre supérieure ou à la ligne du sourire.

Cet article présente des illustrations cliniques et biologiques du traitement de l’éruption passive altérée par des techniques de chirurgie parodontale plastique telles que l’« allongement coronaire différentiel » (vestibulo-palatin vers les sites inter­proximaux). L’examen clinique et radiologique dicte l’élimination nécessaire des tissus durs et mous pour obtenir le résultat souhaité. Le rétablissement d’une distance biologique correcte conduit à d’excellents résultats cliniques, biologiques et esthétiques.

À ce jour, il y a eu peu de recherches sur la prévalence des différents types d’éruptions passives altérées et l’on sait encore peu de chose sur les causes liées au développement et spécifiques de ce phénomène.

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