Article
Frédérique RICHOU* Pierre CANAL** Paul TRAMINI*** Philippe GIBERT****
*Chirurgien-dentiste
**PU-PH
***MCU-PH
****PU-PH
*****UFR d’odontologie, Montpellier
Les objectifs de cette étude étaient de connaître l’opinion des praticiens sur la technique de la distraction alvéolaire, en plein essor.
Un questionnaire a été adressé à des praticiens français ainsi qu’à des auteurs de publications récentes. Le taux de réponses obtenues par courrier a été de 66,67 % et, par courrier électronique, de 37,5 %.
La majorité des praticiens interrogés ont pratiqué des distractions alvéolaires à la fois au maxillaire et à la mandibule, le plus souvent à l’aide de dispositifs extra-osseux. Les indications de choix de la technique pour les praticiens sont la correction d’un défaut osseux vertical ainsi que d’un défaut osseux associé à un défaut des tissus mous. Les problèmes les plus fréquemment rencontrés sont liés au dispositif, mais 80 % des praticiens interrogés ont obtenu un taux de succès de l’implantation à long terme supérieur à 90 % ; ils estiment à 73 % que la distraction alvéolaire est une technique d’avenir.
La distraction alvéolaire reste à ce jour complexe et lourde, avec des résultats peu prédictifs, mais le recul clinique et l’évolution rapide des dispositifs ouvriront la voie à de nouvelles indications pour cette technique fort prometteuse.
The purpose of this study is to know the opinion of the practitioners on this expanding technique.
A questionnaire was sent to French practitioners as well as to authors of recent publications. The rate of answer obtained by mail was 66.67 % and 37.5 % by e-mail.
The majority of the questioned practitioners practised alveolar distraction in the maxilla and in the mandible, mostly by means of extra-osseous devices. Distraction osteogenesis is generally indicated in cases of vertical bone deficiency and alveolar defects combinated with limited attached mucosa. Most of the complications are due to distraction devices. Eighty percent of the practitioners had an implant success rate higher than 90 % on long-term follow up, and 73 % consider alveolar distraction a promising technique.
Alveolar distraction osteogenesis is still a complex technique, with little predictable results, but future experimental studies and the improving of the distractors will certainly allow new indications for this promising technique.
La distraction ostéogénique se définit comme la formation simultanée d’os et de tissus mous lors du déplacement graduel et contrôlé d’un segment osseux obtenu après ostéotomie. Elle trouve ses origines dans les domaines de l’orthopédie et de la traumatologie. On doit notamment sa mise au point à Ilizarov, physicien russe, qui a établi les bases biologiques pour l’utilisation clinique de la distraction ostéogénique : une traction graduelle des tissus crée une tension qui stimule la croissance ainsi que la régénération tissulaires (Ilizarov, 1989, 1989).
La distraction alvéolaire est une technique fondée sur la loi de « stress en tension ».
En 1996, Block et al. ont rapporté le premier cas de distraction alvéolaire effectué sur un animal (Block et al., 1996 ; Block et Baughman, 2005). La même année, Chin et Toth ont décrit la première distraction alvéolaire réalisée sur une crête alvéolaire humaine après une perte dentaire d’origine traumatique (Chin et Toth, 1996).
Après quasiment 10 ans d’application, la distraction alvéolaire ostéogénique semble être un traitement prévisible et efficace pour l’augmentation verticale des crêtes alvéolaires résorbées, et il présente nombre d’avantages.
Cependant, certaines controverses concernant les indications, les limites de cette technique, le choix du dispositif, son champ d’utilisation et son évolution demeurent.
Dans ce contexte, une enquête a été réalisée avec pour objectif de connaître l’opinion de praticiens sur la distraction alvéolaire ostéogénique : les difficultés liées à cette technique constituent-elles un véritable frein à son essor ou s’agit-il d’une technique d’avenir pouvant devancer l’ensemble des techniques traditionnelles pour l’aménagement des défauts osseux ?
La population interrogée est représentée par un échantillon de praticiens français en chirurgie dentaire ou en chirurgie maxillo-faciale ayant une expérience de la technique de distraction alvéolaire, quel que soit le nombre de cas suivis. Dans un second temps, cet échantillon a été élargi en adressant le questionnaire aux auteurs de publications récentes portant sur la distraction alvéolaire. L’échantillon est qualifié de semi-aléatoire.
Un questionnaire papier accompagné d’une enveloppe de retour libre réponse a été expédié par voie postale aux praticiens français. Le taux de réponses obtenues par courrier a été de 66,67 %.
Les chirurgiens non français ont été contactés par courrier électronique, leurs adresses respectives figurant dans les publications. Le taux de réponses obtenues a été de 37,5 %.
En raison du large éventail de réponses obtenues avec les questions ouvertes, il a été procédé à un post-codage en regroupant des réponses appartenant à des modalités de même type, afin de rendre exploitable les données sur le plan statistique.
Ce questionnaire, destiné à cerner l’opinion des praticiens, servira donc de base à une enquête de nature descriptive. Il est à noter que de par le manque de puissance de l’étude, il est nécessaire de rester prudent quant aux conclusions tirées de ces résultats statistiques. Ils seront cependant comparés aux données publiées.
Seulement dix questions ont été formulées afin que le questionnaire ne constitue pas une contrainte trop importante pour le praticien interrogé. Sept des dix questions sont à réponse libre pour la collecte d’un maximum d’informations concernant l’approche de la distraction alvéolaire par les praticiens (fig. 1).
Dans cette étude (fig. 2345678910 à 11), la majorité des praticiens interrogés ont pratiqué des distractions alvéolaires à la fois au maxillaire et à la mandibule. Les distracteurs extra-osseux (Track, Medartis, ROD-5) sont préférés aux intra-osseux (LEAD) et aux implants distracteurs (DISSIS).
Pour 38 % des praticiens de l’étude, la correction d’un défaut osseux vertical est une indication de la technique primant sur celle de la correction d’un défaut osseux associé à un défaut des tissus mous (28 %), et 17 % estiment que cette technique n’est pas adaptable au maxillaire. Concernant les contre-indications, la majorité des praticiens (28 %) considèrent l’altération de l’état général comme une contre-indication absolue à l’intervention.
Les problèmes les plus fréquemment rencontrés (27 %) par les chirurgiens lors de la distraction sont liés au dispositif et incluent les difficultés de positionnement, l’antirotation du distracteur, les interférences occlusales, la fracture ou la perte du système. Seulement deux cas de fracture osseuse ou de consolidation précoce ne signifiant cependant pas l’échec de la technique ont été relevés. Trente-cinq pour cent des complications rencontrées après la distraction concernent l’insuffisance d’os néoformé entre le segment transporté et l’os basal, 30 % sont liées à une infection, une résorption ou une paresthésie et 18 % sont en rapport avec le maintien du distracteur sur le site pendant la période de consolidation (instabilité, inconfort…). Pour la majorité de ces complications (30 %), il n’existe pas de solution définie ; chaque cas est unique et doit être traité en fonction de la situation. La réalisation d’une greffe dans un second temps semble cependant être la solution dans les cas de résorption ou de formation d’un défaut osseux. La réintervention peut également s’imposer.
Quatre-vingts pour cent des praticiens interrogés ont obtenu un taux de succès de l’implantation à long terme supérieur à 90 % et 46,7 % un taux supérieur à 95 %.
Les valeurs relevées montrent que 59 % des praticiens interrogés trouvent un intérêt à la technique bidirectionnelle, 18 % estiment qu’elle n’a aucune indication et 23 % ne connaissent pas cette technique.
Soixante-treize pour cent des praticiens interrogés estiment que la distraction alvéolaire est une technique d’avenir. Les 27 % restants sont des praticiens confrontés à des complications liées au distracteur et à un résultat décevant, voire à un échec de la technique.
Les faibles taux de réponses à cette enquête sont à relier à un manque de temps de la part des personnes interrogées pour répondre aux nombreuses questions ouvertes du questionnaire.
Ce manque de puissance de l’étude fait qu’il convient de rester prudent quant aux conclusions à tirer à partir des résultats. Toutefois, ces résultats restent comparables à ceux présentés dans les revues de la littérature médicale récente.
La reconstruction du procès alvéolaire résorbé est souvent complexe car le déficit concerne à la fois le tissu osseux et les tissus mous.
De même que les techniques conventionnelles d’augmentation verticale de crête osseuse alvéolaire (Clarizio, 2002 ; Hammerle et al., 2002 ; McAllister et Haghighat, 2007), la distraction alvéolaire est indiquée dans les cas de perte osseuse faisant suite à un traumatisme, une extraction ou une maladie parodontale. Elle est également indiquée dans les cas de déficits osseux verticaux associés à une gencive rétractée et cicatricielle, et permet de limiter les complications liées aux risques d’exposition osseuse.
D’après les résultats de l’étude, 17 % des praticiens interrogés limitent les indications de la distraction alvéolaire à la mandibule. L’explication de ce résultat est donnée dans la littérature médicale (Clarizio, 2002 ; Saulacic et al., 2008). Selon les auteurs, les défauts verticaux du maxillaire postérieur peuvent être facilement traités par d’autres techniques telles qu’une greffe osseuse d’apposition ou une technique d’élévation sinusienne. La reconstruction prothétique peut alors nécessiter des couronnes sur implants plus longues, mais qui seront facilement acceptées par le patient car l’esthétique joue un rôle moins important au niveau des secteurs postérieurs qu’antérieurs. Par ailleurs, les résultats obtenus avec la technique de distraction alvéolaire au maxillaire sont souvent décevants à cause de l’inélasticité de la muqueuse palatine à l’origine d’une déviation du vecteur de distraction (Garcia Garcia et al., 2004 ; Mazzonetto et al., 2007). En ce qui concerne la mandibule postérieure, la distraction alvéolaire est préférée à la greffe ou au repositionnement du nerf alvéolaire inférieur, en raison des risques et inconvénients liés à ces techniques. Cependant, dans leur analyse d’articles sur la distraction alvéolaire parus entre janvier 1996 et décembre 2006, Saulacic et al. observent que la technique de distraction est fréquemment utilisée au niveau antérieur, notamment pour permettre la mise en place d’implants symphysaires à la mandibule et pour des procédures de reconstruction du maxillaire antérieur où l’esthétique est importante (Saulacic et al., 2008).
Les contre-indications à la technique de distraction alvéolaire sont en premier lieu celles de la chirurgie buccale. Elles concernent l’état de santé général du patient (cardiopathies, troubles du métabolisme osseux, radiothérapie…) (Bianchi et al., 2008). Les contre-indications relatives – celles liées à la coopération du patient (Allais et al., 2007), telles que le non-respect des conseils postopératoires et des instructions concernant la mise en œuvre de la technique, et celles liées à l’anatomie (Rachmiel et al., 2001), telles qu’un niveau osseux insuffisant pour la réalisation d’une ostéotomie, une crête alvéolaire trop fine ou « en lame de couteau », un risque de lésion du nerf alvéolaire inférieur ou de pénétration du sinus ou de la cavité nasale – sont également à prendre en compte car elles peuvent conduire à l’échec de la distraction alvéolaire. Perdijk et al. rapportent que les cas de mandibule très résorbée, avec une hauteur verticale préopératoire inférieure à 10 mm, doivent être considérés comme une contre-indication à cette méthode (Perdijk et al., 2007). D’autres études recommandent une distance minimale de sécurité de 5 à 6 mm vis-à-vis du canal mandibulaire pour éviter les complications « majeures » (Chiapasco et al., 2004).
C’est au clinicien qu’il revient de choisir le type de distracteur. Cette décision doit tenir compte des dimensions du segment distracté, de la taille et de la forme du défaut osseux, du gain vertical souhaité, de la distance avec l’arcade antagoniste ainsi que de la demande esthétique et de la tolérance du patient.
Dans cette enquête, les distracteurs de type extra-osseux sont les dispositifs majoritairement utilisés par les praticiens interrogés. Cela s’explique par le fait qu’ils sont facilement adaptables à la majorité des défauts osseux (Uckan et al., 2007). En effet, bien que les distracteurs intra-osseux soient mieux tolérés par les patients car moins encombrants et plus fins, leur utilisation pour des segments distractés de taille supérieure à 2 cm ne permet pas un contrôle correct du vecteur de distraction (Garcia Garcia et al., 2008) et la mise en place de deux ou plusieurs systèmes sur le même segment est techniquement difficile (Uckan et al., 2007). Garcia Garcia et al. annoncent que deux ou plusieurs systèmes intra-osseux mis en place sur des segments longs doivent être parfaitement parallèles pour éviter une inclinaison consécutive aux différentes résistances au déplacement. Leur mise en place est également délicate lorsqu’il s’agit de segments étroits car le risque de fracture du segment transporté est élevé (Garcia Garcia et al., 2002).
Dans une étude récente, Uckan et al. comparent les deux types de distracteurs et observent un taux de complications supérieur lors de l’utilisation de systèmes intra-osseux, dont des complications jugées majeures (Uckan et al., 2007). De même, Enislidis et al. rapportent 20 complications pour 14 distracteurs intra-osseux contre 32 complications pour 31 dispositifs extra-osseux (Enislidis et al., 2005).
Aussi, l’utilisation des dispositifs intra-osseux offre souvent un résultat décevant avec la formation d’un défaut osseux en vestibulaire. Garcia Garcia et al. rapportent la formation d’un défaut osseux après la période de distraction dans 4 cas sur 7 distractions réalisées chez 5 patients (Garcia Garcia et al., 2003). À l’inverse, ce type de défaut est peu rapporté pour les distracteurs extra-osseux. Par ailleurs, ces derniers autorisent la mise en place, après ostéotomie, d’une membrane de régénération associée au distracteur, jouant le rôle de barrière contre la migration du tissu conjonctif (Dergin et al., 2007). Il faut également noter que les dispositifs extra-osseux récents sont équipés d’une plaque de fixation supplémentaire verticale, dite de stabilisation, ou d’une seconde vis de distraction transversale (distracteurs bidirectionnels) qui sont autant de moyens pour mieux contrôler le vecteur de distraction (Cano et al., 2006 ; Iizuka et al., 2005 ; Stucki-McCormick et al., 2002).
Enfin, les implants distracteurs peuvent représenter une solution attirante, mais cette double fonction (implant et distracteur) peut devenir un désavantage dans le sens où le meilleur site de distraction ne correspond pas nécessairement à celui de l’implant. En outre, la perte du dispositif implique également celle de l’implant (Gaggl et al., 2001 ; Gaggl, 2002).
Les chirurgiens interrogés font état de complications rencontrées lors des phases per-distractionnelles et post-distractionnelles. Dans la littérature médicale, le pourcentage total de complications est compris entre 0 % (McAllister, 2001) et 100 % (Garcia Garcia et al., 2003). En 2005, Enislidis et al. rapportent un taux de complications de 75,7 % dans une étude menée sur 37 patients traités pour un total de 45 sites (Enislidis et al., 2005). En 2007, une étude menée par Wolvius et al. sur 20 patients présente un taux de complications de 55 % (Wolvius et al., 2007). La même année, Saulacic et al. analysent les complications rencontrées lors de 29 distractions réalisées sur 23 patients (79,31 %) (Saulacic et al., 2007). D’autres études publiées rapportent un taux de complications compromettant le résultat final compris entre 2,7 et 20 % (Chiapasco et al., 2004 ; Jensen et al., 2002 ; Kunkel et al., 2005), mais l’établissement d’un plan de traitement et la réalisation d’un bilan préopératoire précis (Chiapasco et al., 2004), une sélection rigoureuse des patients et un suivi régulier permettent la diminution de leur prévalence. Enfin, le plus souvent, ces complications sont de nature mineure et ont des solutions simples (Enislidis et al., 2005 ; Garcia Garcia et al., 2002 ; Saulacic et al., 2007).
L’infection et l’inflammation seront traitées par antibiotiques, anti-inflammatoires et usage d’antiseptiques locaux (Cano et al., 2006 ; Saulacic et al., 2007).
Les problèmes liés au distracteur peuvent survenir lors des phases peropératoires et postopératoires. Dans la littérature médicale, seuls le blocage mécanique du dispositif et sa fracture imposent l’arrêt du traitement et le remplacement du dispositif (Cano et al., 2006 ; Enislidis et al., 2005 ; Mazzonetto et al., 2005 ; Muglali et al., 2008).
La direction incorrecte du vecteur de distraction est le plus souvent due à la traction de la muqueuse du palais ou des muscles du plancher de la langue, ou à une mise en place incorrecte du dispositif de distraction (Garcia Garcia et al., 2002 ; Günbay et al., 2008). La fréquence d’inclinaison du vecteur est également à relier au niveau d’augmentation de l’os. Saulacic et al. notent une direction incorrecte du vecteur de distraction pour des cas d’augmentation supérieure à 5 mm (Saulacic et al., 2007), ce qui correspond aux résultats énoncés par Jensen et al. (Jensen et al., 2002). La correction du vecteur peut être réalisée à l’aide de moyens prothétiques, de moyens orthodontiques, de moyens liés au dispositif ou, le cas échéant, par ostéotomie et repositionnement du fragment en fin de période de consolidation (Cano et al., 2006 ; Günbay et al., 2008 ; Mehra et Figueroa, 2008 ; Riccardi et al., 2006). Une autre méthode consiste à prépositionner le distracteur par une plastie osseuse réalisée aux dépens de la partie alvéolaire bordant la zone distractée, en fonction de la direction du mouvement choisi. Ainsi positionné contre les dents adjacentes, le dispositif ne peut subir de mouvements parasites (Rousseau, 2003). Aussi, la réalisation de modèles stéréolithographiques pour simuler la distraction et étudier les volumes osseux permet de prévenir les problèmes peropératoires et constitue une aide à la détermination du vecteur de distraction (Gaggl et al., 2000).
Les complications qui intéressent l’os sont essentiellement la fracture du segment transporté ou de l’os basal et la consolidation prématurée (Cano et al., 2006 ; Enislidis et al., 2005 ; Saulacic et al., 2007). La fracture de l’os basal peut être traitée par fixation intermaxillaire, mais nécessite d’être réduite et fixée par des plaques d’ostéosynthèse. Elle ne signifie cependant pas l’échec du traitement. Le segment transporté fracturé sera également fixé à l’aide de plaques d’ostéosynthèse, mais s’il est de petite taille, il sera éliminé. En cas de consolidation prématurée, une nouvelle ostéotomie doit être réalisée.
Les paresthésies temporaires montrent une résolution en 6 à 8 semaines avec un traitement par vitamine B (Gaggl et al., 2000 ; Günbay et al., 2008). L’utilisation d’un ostéotome à ultrasons réduirait le risque de lésions nerveuses lors de la phase chirurgicale (Gonzalez Garcia et al., 2007 ; Günbay et al., 2008 ; Saulacic et al., 2007).
L’existence de défauts osseux localisés nécessitant la réalisation d’une greffe secondaire est rapportée par les auteurs lors de la dépose du distracteur ou de la mise en place d’implants (Enislidis et al., 2005 ; Garcia Garcia et al., 2004 ; Mazzonetto et al., 2007). Ce défaut est généralement situé sur la face vestibulaire de l’os néoformé et son importance va de la simple déhiscence ou fenestration osseuse autour de l’implant à un défaut osseux sévère dans la zone régénérée. Il pourrait être relié à une augmentation de plus de 6 mm ou 25 % de la hauteur osseuse initiale (Block et al., 2005 ; Saulacic et al., 2007) ou à une longueur trop importante de la vis de distraction qui entraînerait l’instabilité du segment transporté. Il peut également être relié à d’autres complications telles que la fracture du segment transporté ou une direction incorrecte du vecteur de distraction.
Cependant, ces défauts ne sont pas considérés comme un échec de la distraction et les techniques de distraction alvéolaire et de greffe osseuse d’apposition peuvent être complémentaires (Garcia Garcia et al., 2004 ; Polo et al., 2005). Dans les cas de conditions préopératoires défavorables, la formation d’un défaut osseux ne doit pas être incluse dans le taux de complications et la réalisation d’une greffe doit alors être considérée comme une des étapes du traitement par distraction (Saulacic et al., 2007). En effet, la distraction alvéolaire permet un gain de tissus mous sans modification de la profondeur vestibulaire et une croissance osseuse verticale prévisible, assurant un lit vasculaire à la greffe osseuse (Saulacic et al., 2007 ; Zahrani, 2007). La tension exercée sur les tissus mous est réduite, ce qui diminue les risques d’exposition et de résorption de la greffe. Idéalement, le choix d’une approche en deux étapes devrait être fait tôt dans l’établissement du plan de traitement, après étude de la morphologie du procès alvéolaire.
Les résultats de l’étude présentée ici montrent que 20 % des praticiens interrogés n’ont jamais recours à la greffe osseuse en complément de la technique de distraction alvéolaire, 47 % sont parfois amenés à réaliser une greffe secondaire et 33 % associent régulièrement ces deux techniques afin d’obtenir un résultat satisfaisant.
Les cas de greffes secondaires rapportés dans la littérature médicale sont variables. Garcia Garcia et al. observent la présence d’un défaut osseux dans 59 % des cas (concavité : 24 %, procès alvéolaire étroit et concavité : 29 %, absence de formation osseuse : 6 %) (Garcia Garcia et al., 2004). Pour Mazzonetto et al., une greffe a été réalisée chez 38 % des patients, principalement dans la région maxillaire antérieure (Mazzonetto et al., 2007). Enislidis et al. rapportent qu’une greffe a été nécessaire dans 24 % des cas (Enislidis et al., 2005).
Les dispositifs de distraction bidirectionnelle ont été mis au point pour compenser la morphologie de la crête osseuse résorbée et/ou l’orientation linguale du vecteur de distraction liée à la tension exercée par l’environnement musculaire et le périoste lingual rattaché au segment transporté. Dans une étude récente, Schleier et al. comparent les gains osseux obtenus avec deux types de dispositifs (unidirectionnel et bidirectionnel) et ils évaluent le besoin d’une greffe secondaire selon le système utilisé (Schleier et al., 2007). La différence de gain vertical observé entre les groupes unidirectionnel et bidirectionnel (5,3 ± 1,8 mm contre 6,1 ± 2,3 mm) n’est pas significative sur le plan statistique. Pour le groupe unidirectionnel, une greffe a été nécessaire dans 6 cas sur 10 patients, alors que 2 greffes sur un total de 11 patients ont été réalisées dans le groupe bidirectionnel. Les auteurs en concluent que la réalisation d’une greffe osseuse complémentaire peut être évitée quand le contrôle du vecteur de distraction est optimisé, ce qui est le cas lors de l’utilisation d’un dispositif bidirectionnel.
D’autres auteurs présentent les taux de succès et de survie implantaire à long terme. Chiapasco et al. rapportent un taux de succès de 94,2 % et un taux de survie de 100 % à 4 ans (Chiapasco et al., 2004). Dans trois études récentes, ils obtiennent des taux de succès et de survie de 94,1 et 100 % à 3 ans (Chiapasco et al., 2004), de 95 et 100 % à 2 ans (Chiapasco et al., 2006) et de 94,7 et 100 % à 5 ans (Chiapasco et al., 2007). Jensen et al. obtiennent des taux de succès de 90,4 % à 5 ans sur un total de 84 implants (Jensen et al., 2002). Enislidis et al. annoncent un taux de survie de 95,7 % à 3 ans (Enislidis et al., 2005). Kunkel et al. obtiennent un taux de survie de 90 % après reconstruction de défauts osseux consécutifs à l’ablation chirurgicale de tumeurs (Kunkel et al., 2005). Bianchi et al. rapportent des taux de succès et de survie de 93,7 et 100 % respectivement après une moyenne de 30 mois (18-38) de suivi postopératoire (Bianchi et al., 2008). Ces résultats confirment que les implants placés dans du tissu osseux régénéré par distraction alvéolaire sont capables de résister sur le plan mécanique à la mise en charge prothétique. Ils sont comparables aux résultats obtenus pour des implants placés dans l’os natif non régénéré.
Dans l’étude présentée ici, 73 % des praticiens interrogés considèrent la distraction alvéolaire comme une technique d’avenir. Parmi les techniques conventionnelles d’augmentation de crête osseuse, c’est la seule qui permette l’augmentation simultanée des tissus osseux et des tissus mous. D’après la littérature médicale, elle offre des résultats prévisibles avec un gain osseux vertical pouvant aller jusqu’à 15 mm (Chiapasco et al., 2001, 2004), et ce, en une durée de traitement de 8 à 14 semaines (Cano et al., 2006 ; Veziroglu et Yilmaz, 2008). Réalisée sous anesthésie locale le plus souvent, elle va concerner non seulement des segments édentés partiels ou totaux mais également des segments dentés. Encore limitée à l’heure actuelle par le coût et l’aspect unidirectionnel du système, cette technique en perpétuelle évolution tend à être de plus en plus souvent comparée aux techniques conventionnelles telles que la régénération osseuse guidée (ROG) ou la greffe osseuse d’apposition (GOA) (Bianchi et al., 2008 ; Enislidis et al., 2005 ; Lambrecht et al., 2007).
La ROG est une technique fondée sur l’interposition d’une membrane entre le défaut osseux et le tissu conjonctif muqueux pour permettre aux cellules osseuses de coloniser l’espace entre la membrane et l’os sans que les cellules conjonctives inhibitrices de la néoformation osseuse s’interposent. Des études montrent qu’un gain vertical moyen de 4 à 5 mm est obtenu avec un enfouissement d’une durée de 9 à 12 mois nécessaire pour que la néoformation osseuse soit suffisamment mature (Chiapasco et al., 2004 ; McAllister et Haghighat, 2007). Les résultats d’une étude récente menée par Chiapasco et al. comparant les deux techniques conduisent à affirmer que la distraction alvéolaire offre à long terme un meilleur pronostic en termes de gain vertical et de résorption que la régénération osseuse guidée (Chiapasco et al., 2004). D’autres études ont permis d’observer que les implants placés dans les secteurs traités par distraction alvéolaire ont des résultats égaux, voire supérieurs, à ceux des implants placés dans le tissu obtenu par régénération osseuse guidée (Hammerle et al., 2002 ; Juodzbalys et al., 2007).
De manière simplifiée, la greffe osseuse autogène d’apposition correspond à la mise en place d’une pièce osseuse naturelle, dont le prélèvement peut être intrabuccal ou extrabuccal, chez un patient qui est à la fois le donneur et le receveur. D’après différentes études, on constate que les gains verticaux obtenus avec cette technique sont en moyenne de 3 à 5 mm mais avec des taux de résorption non négligeables, et ce, en une durée moyenne de cicatrisation de 5 à 6 mois (McAllister et Haghighat, 2007 ; Proussaefs et Lozada, 2005 ; Cordaro et al., 2002). Une étude comparant les deux techniques montre que les gains osseux obtenus par greffe autogène d’apposition et distraction alvéolaire semblent stables dans le temps, bien qu’une résorption plus importante avant implantation soit observée dans le cas de la greffe (Chiapasco et al., 2007). Il n’apparaît aucune différence significative entre les taux de succès et de survie implantaire. Perez Sayans et al. rapportent, dans une étude menée sur 37 implants placés dans de l’os distracté, que la résorption péri-implantaire est similaire à celle observée pour des implants placés dans de l’os natif non régénéré (Perez Sayans et al., 2008). Une étude sur des modèles canins compare l’ostéo-intégration d’implants placés dans des sites distractés ou greffés (Perry et al., 2005). Ses auteurs concluent à une capacité d’ostéo-intégration supérieure pour l’os distracté. Une autre étude comparative de ces deux techniques sur des modèles canins conclut à un remodelage plus rapide de l’os distracté par rapport à l’os greffé (Hodges et al., 2006). Bianchi et al. comparent deux groupes traités respectivement par distraction alvéolaire ou greffe osseuse pour les secteurs postérieurs et rapportent les résultats suivants : le gain osseux obtenu pour l’os distracté est supérieur à celui obtenu pour l’os greffé (10 mm contre 5,8 mm) avec un taux de résorption postopératoire similaire (14 % contre 14,2 %) (Bianchi et al., 2008). Cependant, ils relèvent 60 % de complications pour la technique de distraction alvéolaire et 14,3 % pour la greffe d’apposition, et concluent que la distraction est plus sujette aux complications, bien que ces dernières soient rapidement résolues et ne compromettent pas le résultat final. Enfin, concernant la perception des patients lors de ces techniques, une étude récente menée sur 50 patients candidats à la distraction rapporte que 78 % d’entre eux sont satisfaits et prêts à recommencer l’expérience et que 70 % des patients ayant subi une greffe complémentaire l’ont décrite comme étant plus douloureuse que la distraction (Allais et al., 2007).
La distraction alvéolaire est une technique fort prometteuse, bien que relativement récente, dans l’arsenal thérapeutique destiné à l’augmentation osseuse. C’est une technique aux résultats relativement prévisibles, offrant de nombreux avantages mais non exempte de complications. Bien que 73 % des praticiens interrogés pour l’enquête considèrent la distraction alvéolaire comme une technique nécessaire et fort prometteuse, ils s’accordent cependant sur le fait qu’elle reste à ce jour complexe et lourde à mettre en œuvre, et qu’elle doit faire l’objet d’une sélection rigoureuse des patients.
Le recul clinique et l’évolution rapide des dispositifs permettront, nous l’espérons, l’amélioration de cette technique porteuse d’un grand potentiel d’avenir.