Article
Francis MORA* Benoît BROCHERY** Stéphane KERNER*** Stéphane KORNGOLD**** Daniel ÉTIENNE***** Philippe BOUCHARD******
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*****MCU-PH
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Département de parodontologie
Université Paris-Diderot, Paris-7
La régénération des lésions parodontales demeure un défi du traitement parodontal. Notre attention s’est portée sur les principes qui régissent la cicatrisation parodontale et les concepts biologiques qui favorisent la formation de tissus cémentaire, conjonctif et osseux : la sélection cellulaire (membranes non résorbables ou résorbables) et des médiateurs biologiques (dérivés de la matrice amélaire). Il semble que l’application de nouvelles thérapies fondées sur l’utilisation de nouveaux substituts osseux, d’agents bioactifs, de facteurs de croissance synthétiques et sur l’ingénierie tissulaire a un impact dans la reconstruction de l’anatomie parodontale. Ces thérapies portent l’espoir d’une amélioration de la cicatrisation des différentes composantes anatomiques détruites par la maladie infectieuse.
The regeneration of periodontal defects is an ongoing challenge in clinical periodontics. Our attention is focused on the principles of periodontal wound healing and the biological concepts that lead to the formation of new cementum, connective and osseous tissues. Membranes (non-resorbable or resorbable) may be used for cellular selection, or biological mediators (e.g. enamel matrix derivative) may be employed. It seems that the application of new therapies based on new osseous substitutes, bioactive agents, recombinant growth factors as well as tissue engineering has an impact on the reconstruction of the periodontium. They promise an improvement in healing of the various periodontal components that have been destroyed by the infectious disease.
La reconstruction d’organes et de tissus détruits par une infection ou un traumatisme lance de nouveaux défis à la médecine et à la dentisterie contemporaines. Cet objectif se confond souvent avec la recherche de qualité de vie de patients qui sont meurtris dans leurs fonctions physiologiques (Patel et al., 2008). La compréhension récente de relations fortes entre le système immunitaire et la biologie osseuse dans certaines maladies inflammatoires, notamment la maladie rhumatoïde et la parodontite, a favorisé l’émergence de paradigmes nouveaux dans la pathogenèse des maladies parodontales (Takayanagi, 2005 ; Han, 2007). Ainsi, la destruction ostéo-desmodontale peut être ralentie considérablement en inhibant l’activité de RANK-L (receptor activator of nuclear factor kappa B ligand), expression des lymphocytes T et B, de cytokines pro-inflammatoires, des ostéoblastes et des cellules stromales de la moelle osseuse. Si RANK-L se lie à son récepteur RANK situé sur les cellules précurseurs des ostéoblastes, la résorption osseuse démarre. Mais une autre cytokine, l’ostéoprotégérine (OPG), produit l’effet inverse, stoppant l’ostéoclastogenèse si elle se fixe sur RANK-L. Aussi, l’axe RANK/ RANK-L/OPG associe les acteurs majeurs d’un scénario qui anime et régule la différenciation ostéoclastique. Dans les conditions de la parodontite, la concentration diminuée d’OPG, voire une augmentation du rapport RANK-L/OPG, détectées dans le fluide gingival, contribuent à la résorption osseuse pathologique (Bostanci et al., 2007). L’identification de ces mécanismes de contrôle de la balance osseuse a suscité la mise au point de médicaments (Taubman et al., 2007) dont l’objectif est de bloquer l’ostéoclastogenèse et de ralentir le processus de destruction (Han, 2007). L’autre objectif des traitements parodontaux est la régénération tissulaire qui porte la perspective d’édifier de nouvelles structures anatomiques remplaçant les tissus atteints dans leur intégrité. Il ouvre un espace d’investigation très large où convergent les procédures de sélection cellulaire (régénération tissulaire guidée et induite), l’ingénierie tissulaire et les thérapies géniques et cellulaires.
Certaines innovations thérapeutiques réclament des supports ou des vecteurs capables de favoriser in situ soit la diffusion de facteurs de croissance, soit la libération de cellules souches mésenchymateuses (Silva et al., 2007). Dans la régénération parodontale, trois lignées cellulaires sont des candidates naturelles pour œuvrer aux processus de reconstruction tissulaire (voir revue dans Bartold et al., 2006a) : les cellules indifférenciées contenues dans les aires profondes du ligament parodontal, celles siégeant dans le follicule dentaire et les cémentoblastes. Beaucoup d’interrogations néanmoins subsistent et concernent :
– le potentiel et l’impact du programme génétique pour induire la régénération tissulaire ;
– la plasticité, quoique remarquable, des cellules indifférenciées à affronter le défi de la reconstruction du système d’attache ;
– l’influence de l’écosystème buccal tel un facteur limitatif irréductible et définitif pour la reconstruction ad integrum de l’architecture parodontale ;
– la capacité de nouveaux concepts biologiques et innovations technologiques à restaurer, avec une forte reproductibilité, le compartiment ostéo-desmodontal dans sa globalité et sa diversité (des tissus différents se rencontrent et cohabitent dans un espace biologique limité) afin d’assurer la fonctionnalité et la pérennité de l’organe dentaire.
Sur le plan biologique, la réparation des surfaces cémentaires et l’attache de fibres collagéniques assurant la liaison entre le cément radiculaire et le tissu osseux alvéolaire représentent les événements clés de la régénération parodontale (Bosshardt, 2008). Celle-ci doit néanmoins prendre en compte certains défis qui s’imposent à elle :
– l’environnement inflammatoire, étroitement lié à l’infection, qui contraint certains des acteurs biologiques à modifier le programme de pathogénicité et à s’orienter dans une approche plus sélective ;
– la nécessité de déterminer les interactions des lignées cellulaires indispensables à la régénération parodontale, à l’origine du cément, du ligament parodontal et du tissu osseux alvéolaire ;
– la supériorité des thérapies cellulaires, déployant une attraction endogène vers les cellules pluripotentes (Pitaru, 2004) ;
– la résistance, peu étudiée, des tissus parodontaux régénérés au stress mécanique puisque ceux-ci transmettent des forces à leur environnement grâce à des mécanorécepteurs (Rahaman et Mao, 2005).
La reconstruction parodontale dépend de l’influence biologique de lignées cellulaires, de facteurs angiogéniques, de facteurs de croissance et d’enzymes protéolytiques autant que de la hiérarchisation, imparfaitement établie, des étapes de la cicatrisation au sein de la plaie chirurgicale (pour revue, voir Polimeni et al., 2006).
Le caillot sanguin, maillon essentiel de la réparation des tissus, peut être considéré comme une matrice réservoir provisoire abritant ces facteurs moléculaires. Son adsorption à l’interface cémentaire, rendue biologiquement compatible après décontamination et/ou débridement, ne doit être perturbée ni par l’interposition de molécules antiagrégantes (Wikesjö et al., 1991 ; Koo et al., 2004 ; Baker et al., 2005 ; Polimeni et al., 2006), ni par les forces de traction centripètes s’exerçant sur les berges de la plaie susceptibles de déstabiliser le lien biologique délicat qui se dessine et se densifie à l’interface racine/caillot (Wikesjö et Nilveús, 1990 ; Haney et al., 1993). S’affranchissant du modèle classique de la réparation dermique, le caillot dans la lésion parodontale subira classiquement les étapes d’inflammation (phase précoce), de formation et de maturation en tissu de granulation (phase tardive), dont la réduction volumétrique est synchrone de son enrichissement en fibres collagéniques, puis sa transformation en une matrice qui évoluera par remodelage (Clark, 1988). Dans ce schéma cicatriciel, les plaquettes plasmatiques occupent un rôle privilégié puisqu’elles libèrent des molécules signal (facteurs de croissance) tels le facteur de croissance dérivé des plaquettes BB, ou bécaplermine (PDGF-BB, platelet-derived growth factor BB), le facteur de croissance des fibroblastes (FGF, fibroblast growth factor) et les protéines de la morphogenèse osseuse (BMP, bone morphogenetic protein). Ces médiateurs biologiques accélèrent la régénération parodontale et osseuse (tableau 1) autant que les cytokines qui contrôlent et coordonnent la fonction et la destinée des lignées cellulaires impliquées dans la cicatrisation.
L’hypothèse de Melcher (Melcher, 1976) selon laquelle les cellules capables de coloniser la surface radiculaire détermineront la nature de l’attachement parodontal est largement soutenue, validée par les travaux de Wikesjö et Nilveús (Wikesjö et Nilveús, 1990), Wikesjö et Selvig (Wikesjö et Selvig, 1999), Wikesjö et al. (Wikesjö et al., 1994, 2003). Les précurseurs des cémentoblastes, fibroblastes, ostéoblastes, myofibroblastes, cellules endothéliales, cellules nerveuses et épithéliales animeront une compétition cellulaire qui déterminera le modèle cicatriciel final. Le renouvellement des lignées cellulaires du ligament est l’un des plus élevés dans l’organisme puisque la production des cellules desmodontales est trois fois supérieure à celle des cellules stromales (Seo et al., 2004). De plus, ces cellules mésenchymateuses possèdent une longévité extrême car elles expriment une enzyme, une télomérase, garantissant la stabilité chromosomique durant la division cellulaire (Burns et al., 2005).
La caractérisation de ces cellules leur attribue une grande variété d’antigènes associés à l’endothélium des vaisseaux (CD106, CD146, 3G5) et aux collagènes de types I et III, apportant une preuve supplémentaire de leur implication dans les mécanismes moléculaires régulant la formation cémentaire et osseuse (Bartold et al., 2006a). Récemment, il a été observé que le ligament parodontal, chez l’homme, peut être considéré comme une niche pour les cellules souches dérivées de la crête neurale sur le plan embryologique en isolant et traçant des cellules parodontales humaines par des techniques immunocytochimiques (Coura et al., 2008). Il faut néanmoins émettre des réserves sur l’implication des cellules souches mésenchymateuses issues de la moelle osseuse dans la régénération parodontale : la réponse aux marqueurs spécifiques est faible dans la moelle et inexistante dans le ligament parodontal (Ohta et al., 2008). Après que différentes hypothèses aient été formulées sur l’origine des cellules souches desmodontales, principalement à partir d’observations chez les rongeurs (Pitaru, 2004), il semble possible d’affirmer, avec Bartold et al. (Bartold et al., 2006a), que la source des cellules indifférenciées pluripotentes est localisée définitivement dans le ligament parodontal. Puisque le caillot sanguin est l’épicentre de la réponse biologique dans la réparation tissulaire, la nécessité d’organiser un espace de régénération a trouvé dans le concept de régénération tissulaire guidée une réponse biologique et technique. Ainsi, l’interposition de membranes barrières (Wikesjö et al., 2003 ; Sigurdsson, 1994) enfouies sous des lambeaux bien passivés soutient ces projets thérapeutiques et s’affranchit du rôle de rupteur aux forces de cisaillement accompagnant les phases précoces de la cicatrisation. Ces membranes participent à la stabilisation du caillot et à sa protection, à l’exclusion des cellules épithéliales puis conjonctives du processus cicatriciel. D’autres facteurs participent à la cicatrisation, notamment l’architecture de la lésion, le contrôle d’une possible contamination bactérienne, la sélection du patient (pour revue, voir Polimeni et al., 2004, 2006).
Sur le plan clinique, la reconstruction osseuse suit une relation arithmétique directement proportionnelle au volume occupé par le caillot si l’on a pris soin d’optimiser l’espace de régénération sous les lambeaux (Haney, 1993 ; Wikesjö et al., 2003). Dans un modèle de défaut osseux parodontal supra-alvéolaire, les réparations osseuse et cémentaire se combinent avec la restructuration normale du ligament parodontal (fibres de collagène perpendiculaires au grand axe radiculaire) et précèdent la maturation d’un nouvel attachement conjonctif (Kim et al., 1998 ; Wikesjö et al., 2003). Il semble, enfin, que le dogme de l’exclusion cellulaire soit remis en cause au profit de la qualité du « scellement » du caillot fibrineux à l’interface radiculaire, interférant avec les desseins des cellules épithéliales qui considèrent la racine dentaire tel un obstacle à contourner (Polimeni et al., 2004).
Un autre raisonnement biologique émet l’hypothèse que lors de l’édification radiculaire, les dérivés protéiniques de la matrice amélaire (DMA) activent la prolifération des cellules mésenchymateuses du ligament parodontal ainsi que la production des fibroblastes gingivaux et des lignées chondrocytaires et ostéoblastiques. Ces dérivés protéiniques exercent de puissants effets biologiques sur des lignées ostéoblastiques et favorisent l’expression de marqueurs spécifiques de l’édification osseuse. Parmi ces polypeptides, une amélogénine de faible poids moléculaire (5 kDa) disposerait de propriétés ostéo-inductrices et induit la néoformation cémentaire, mais aucune preuve scientifique ne permet d’affirmer le potentiel des DMA à promouvoir la reformation de cément acellulaire à fibres extrinsèques (Palmer et Cortellini, 2008). Ceux-ci accélèrent le processus cicatriciel de la lésion par la croissance de nouveaux vaisseaux et des ostéoblastes. Ils influencent l’expression de facteurs de transcription associés à la différenciation cémentoblaste/ostéoblaste (fig. 1).
Outre leurs propriétés anti-inflammatoires, essentiellement liées à la composition du support acide polyglactique (PGA), ils atténuent la régulation du mécanisme d’expression des gènes codant la réparation. Enfin, ils apparaissent indirectement associés à la croissance osseuse en agissant sur le triptyque RANK-RANK-L-OPG puisque de récentes observations ont révélé que l’OPG est activée par les DMA qui diminuent l’activité de RANK-L.
Une nouvelle génération de matériaux de substitution osseuse (Trombelli et al., 2002) s’inscrit dans une démarche biologique (bioactivité, biomimétisme, biorésorbabilité, biocompatibilité), apportant le soutien physique au caillot sanguin en optimisant l’espace de régénération afin de prévenir le collapsus des lambeaux sur le site à réparer, le contrôle de la migration cellulaire et de la prolifération des cellules cibles qui s’attacheront sur la matrice grâce aux intégrines et adhésines. Être un vecteur pour diffuser localement des molécules signal sur la lésion à régénérer (tableau 2) est une mission nouvelle attribuée à ces substituts, dans le cadre de l’ingénierie tissulaire (Bartold et al., 2006b).
L’expertise humaine de la régénération tissulaire guidée (RTG) est proposée dans une série d’études multicentriques et randomisées, et de revues systématiques collectant les paramètres cliniques avec de hauts standards de qualité (Tonetti et al., 1998 ; Sanz et Giovanolli, 2000 ; Jepsen et al., 2002 ; Needelman et al., 2005). Celles-ci mettent en lumière une reproduction constante des bénéfices cliniques et une relation forte entre les caractéristiques du défaut à régénérer, précisent la nécessaire maîtrise de l’acte chirurgical capable d’épouser toutes les variables susceptibles d’influencer le pronostic thérapeutique et le bénéfice pour le patient de conserver la/les dents dont le support parodontal est fragilisé. Peu d’études prospectives à long terme définissent le potentiel de morbidité de ces approches thérapeutiques qui restent sous l’influence critique du maintien de standards élevés d’hygiène orale ainsi que sous la dépendance du spectre bactérien et de facteurs environnementaux déterminants telle la consommation tabagique (Eickholz et al., 2007). Cortellini et Tonetti (Tonetti et Cortellini, 2005) ont proposé des schémas d’aide à la décision thérapeutique rassemblant tous les facteurs liés au patient (locaux, systémiques, environnementaux), susceptibles de modifier la réponse au traitement et de sécuriser la reproductibilité et la prévisibilité du résultat thérapeutique. Ainsi, les lésions parodontales, notamment larges et peu profondes, ont un faible potentiel pour reconstruire leurs composantes alors que les défauts osseux étroits et profonds ont une capacité très élevée de se régénérer structurellement sur les plans clinique et histologique (Gottlow et al., 1984 ; Tonetti et Cortellini, 2005). Il est par conséquent acquis que ces techniques chirurgicales, très sensibles, s’adressent au traitement de défauts parodontaux dont le potentiel cicatriciel peut être exploité avec une haute prévisibilité. Le recours aux membranes standard en polytétrafluoroéthylène expansé (PTFE-e) suscite l’attraction, dans des proportions élevées, de cellules ostéoprogénitrices (activité phosphatase alcaline positive) siégeant à la face interne de la membrane (Kuru et al., 1999) et la présence de BMP-2 et 4 (Amar et al., 1997) ainsi que de collagène de types I et III (Ivanovski et al., 2000). Les événements succédant à la phase chirurgicale sont orchestrés par une variété de cellules produisant des médiateurs inflammatoires et des facteurs de croissance. L’expression temporelle et spatiale de ces cytokines influencera le modèle cicatriciel soit en direction de la régénération, soit vers la réparation. Les cellules associées à la régénération produisent des cytokines telles que l’interleukine 1 (IL-1), l’interleukine 4 (IL-4) et l’interféron (Wakabayashi et al., 1997), mais il est délicat de spéculer sur le rôle exact attribué à celles-ci dans le succès ou l’échec des techniques de régénération.
L’épreuve histologique, chez l’homme, a confirmé la difficulté de reproduire toutes les composantes parodontales. Récemment, Lin et al. (Lin et al., 2008), prélevant des tissus régénérés autour de molaires chez 3 patients volontaires, ont individualisé, par marquage immunohistochimique, la présence de cellules mésenchymateuses capables de déposer du matériel minéralisé mais aussi d’adopter un phénotype adipocytaire. Or, le niveau de minéralisation des lésions parodontales, cicatrisant, s’avère être moindre par rapport à celui de patients indemnes de maladie parodontale indépendamment de l’origine des cellules mésenchymateuses (ligament parodontal ou moelle stromale). L’implication des restes épithéliaux de Malassez dans la régénération des lésions parodontales a fait l’objet de nombreuses spéculations et controverses. Chez les primates, dans des défauts expérimentaux, l’application des principes de RTG ne s’accompagne pas, dans la portion de ligament parodontal régénéré, de la présence objective des restes épithéliaux, suggérant la difficulté, voire l’impossibilité, d’une repousse osseuse et de la formation d’un nouvel attachement conjonctif (Sculean et al., 1998). Il semble que le facteur génétique (polymorphisme génétique à IL-1) n’influence pas le résultat clinique (Christgau et al., 2003). Récemment, Lima et al. (Lima et al., 2008) se sont interrogés, dans une étude contrôle, sur l’expression et l’impact des gènes impliqués dans la cicatrisation des défauts parodontaux humains traités par RTG. L’activité ARN messager est plus élevée pour les marqueurs de la cicatrisation des défauts soumis à la RTG – phosphatase alcaline, ostéoprotégérine, ostéopontine, sialoprotéine osseuse, FGF, IL-1, IL-6, métalloprotéinases (MMP) 2 et 9 – et, par rapport aux sites traités par assainissement, l’ostéocalcine révèle des niveaux de concentration faibles. En conséquence, la présence de certains gènes permet la régulation du processus régénératif mais leur implication dans les mécanismes cicatriciels doit être débattue.
Les membranes résorbables, outre qu’elles soustraient le patient du temps chirurgical de la dépose, ont des capacités d’attraction des cellules ostéoblastiques à leur voisinage et potentialisent le gain osseux du défaut à traiter. La structure de la membrane, sa composition chimique, son temps de dégradation, sa capacité d’espacement et la réaction inflammatoire sont des éléments de la plus haute importance (Takata et al., 2001). Le collagène et le rapport PGA/PLA (acide polylactique) permettent l’attachement et la prolifération des fibroblastes gingivaux humains (Wang et al., 2005). Cependant, l’adhérence et la distribution des cellules sont plus homogènes avec les membranes synthétiques. Les composants chimiques intrinsèques de ces polymères en général (acideslactique et glycolique en association) disposent d’une cinétique de dégradation qui contribue à des réponses biologiques cohérentes. Néanmoins, leur impact sur la qualité des tissus régénérés reste à élucider (Wang et Carroll, 2001, Wang et al., 2002, 2005). La réponse inflammatoire initiale, polymorphonucléaire dépendante, montre des variations dans sa précocité si l’on compare les effets des acides lactique et glycolique sans que soit affecté le processus de cicatrisation global (Buchmann et al., 2008). Le tissu cémentaire est réhabilité par plages ou îlots, les fibres de Sharpey autant que les trousseaux fibreux collagéniques ancrant la dent à son support osseux. Les membranes résorbables possèdent d’autres arguments favorables à leur utilisation clinique : une simplification des techniques chirurgicales, l’augmentation du champ d’application, la diminution de la morbidité et, enfin, un rapport bénéfice/risque meilleur. À ces arguments positifs s’oppose l’effet barrière auquel s’ajoute la difficulté à maîtriser le processus de résorption. Sur le plan clinique, le manque de rigidité impose parfois la nécessité d’un matériau de support pour contrôler le volume souhaité de l’espace de régénération. Les différentes études de validation et d’application de ces membranes pour la reconstruction parodontale montrent l’absence de réaction immunitaire, la mise en place aisée du caillot sanguin, la capacité de promouvoir l’attraction, l’adhésion et la prolifération des fibroblastes et des ostéoblastes ainsi que l’inhibition de la migration épithéliale. Les membranes de collagène, quant à elles, présentent une résorption rapide dépourvue de réaction inflammatoire, plus lente et légèrement inflammatoire lorsqu’elles sont de structure croisée. La dégradation serait plus rapide en présence de pathogènes parodontaux.
Les mécanismes par lesquels le collagène de types I et III de la membrane permet une différenciation ostéogénique restent inconnus. On attribuerait aux fibres de collagène de la membrane la capture des protéines ostéo-inductrices telles que les BMPs, les TGF (transforming growth factor) et la capacité d’attirer les protéines de la matrice extracellulaire afin de promouvoir les facteurs ostéo-inducteurs. Le collagène de type I a peut-être un rôle direct dans la différenciation ostéoblastique. La migration ostéoblastique est plus grande sur les membranes synthétiques alors que le transfert de cellules est moins intense sur les membranes résorbables non collagéniques et collagéniques. Les membranes de collagène non croisées de types I et III présentent une intégration tissulaire parfaite, facilitent une vascularisation rapide et la dégradation est rapide et complète en 4 semaines. La vascularisation et la dégradation sont ralenties quand les membranes collagéniques ont une structure croisée. On peut conclure que l’adhésion et la prolifération cellulaire, quel que soit le type de membrane, sont identiques, la vitesse de résorption étant plus faible pour les membranes synthétiques accompagnée d’une réaction inflammatoire et d’une encapsulation fibreuse (Strietzel et al., 2006). L’exposition des membranes, qu’elles soient résorbables ou non, conduit à une diminution de la régénération osseuse. La grande disparité des données actuelles de la littérature scientifique met en lumière des bénéfices cliniques pour le patient mais ne permet pas de dégager un consensus sur le type de membrane à privilégier en fonction d’une situation clinique toujours particulière (type de défaut, sélection des patients).
Kim et al. (Kim et al., 1998), Wikesjö et al. (Wikesjö et al., .2003), Polimeni et al. (Polimeni et al., 2004) et Koo et al. (Koo et al., 2005), au cours d’une série de travaux précliniques (défaut osseux supra-alvéolaire), associent des membranes non résorbables à des particules de carbonate de calcium insérées dans des lésions expérimentales. Histologiquement, la reformation cémentaire est limitée, une combinaison d’os immature et lamellaire a été observée. La présence des cristaux de carbonate de calcium optimise la néoformation de tissu osseux et sa maturation, et l’individualisation de plages de résorption traduit une dynamique de remaniement. Sur le plan histomorphométrique, le tissu conjonctif s’interpose à l’interface racine instrumentée/os après 4 semaines de cicatrisation. Aucun effet indésirable (ankylose, interposition épithélium jonctionnel) n’a été mis en évidence dans cette association. Dans les lésions interradiculaires, les ambitions de réparation sont limitées ; néanmoins, soit en reproduisant la maladie parodontale (Caffesse et al., 1993) soit à partir de défauts artificiels (Deliberador et al., 2006), la combinaison greffe osseuse autogène et membrane à base de sulfate de calcium produit une formation osseuse limitée (50 %), la présence d’un épithélium jonctionnel, un infiltrat inflammatoire, des plages de formation cémentaire et un ligament parodontal richement vascularisé composé de fibres de collagène orientées perpendiculairement/parallèlement à l’axe radiculaire. Les tentatives de Caffesse et al. (Caffesse et al., 1993), qui utilisaient des combinaisons différentes (membranes polycarbonate/PTFE-e + substituts), reproduisent des résultats évalués histomorphométriquement limités (pour revue, voir Sculean et al., 2008). Parce que le potentiel de cicatrisation naturelle des défauts infra-osseux est plus élevé, les tentatives expérimentales les concernant ont abouti, chez les primates, à une augmentation de la quantité de tissu régénéré, lorsque l’on a combiné les effets des membranes résorbables synthétiques et d’origine collagénique (Kim et al., 1998 ; Blumenthal et al., 2003) à des substituts osseux (fig. 2). La reproduction expérimentale de récessions gingivales par élimination partielle de la corticale osseuse externe sur la face vestibulaire de canines chez des chiens montre que l’interposition d’un matériau d’espacement recouvert d’une membrane non résorbable ou d’origine collagénique ne favorise pas la croissance osseuse ni la reconstruction cémentaire ; en revanche, le choix d’une membrane collagénique serait un facteur prédominant pour la reconstruction cémentaire et osseuse. La synthèse récente de Sculean et al. (Sculean et al., 2008) précise que :
– l’association de membrane et substitut osseux aboutit à l’évidence histologique d’une régénération parodontale, à prédominance osseuse, particulièrement pour les lésions intra-osseuses à deux parois et les défauts supra-alvéolaires ;
– la combinaison des traitements n’apporte pas d’effets bénéfiques dans les lésions intra-osseuses à trois parois, les lésions furcatoires de classe 2 et les fenestrations ;
– les bénéfices de l’association greffe et membrane sont supérieurs, pour les défauts supra-osseux, aux effets obtenus par le substitut osseux seul.
Les effets thérapeutiques des DMA sont confirmés dans des séries de cas cliniques, lors d’études contrôlées (Sculean et al., 1999), par la fermeture des défauts intra-osseux alors que ceux-ci sont minimes dans les lésions interradiculaires (Trombelli et al., 2002 ; Esposito et al., 2005) incluant des approches chirurgicales minimalistes. L’épreuve histologique, chez l’homme, confirme la régénération du cément en proportion élevée (> 70 %), la quantité d’os régénéré voisine de 65 % et le rétablissement d’une nouvelle attache conjonctive (Heijl, 1997). Des études muticentriques et contrôlées ont rapporté des résultats reproductibles pour les défauts intra-osseux, plus modestes mais encourageants pour les lésions furcatoires, qui ont contribué au succès de cette approche thérapeutique durant cette décennie (pour revue, voir Trombelli et Farina, 2008). La stabilité des résultats acquis a pu être mesurée sur une période de 5 années et a renforcé la pertinence d’utilisation des DMA (Heden et Wennström, 2006).
Dans le domaine exaltant de l’ingénierie tissulaire, la combinaison de vecteurs (substituts osseux) et de médiateurs biologiques directement impliqués dans la cicatrisation parodontale, tels que le VGEF (vascular endothelial growth factor), les BMPs, le facteur de croissance insulinique (IGF, insulin growth factor), le FGF, le PDGF, la parathormone (PTH) et le TGF, est prometteuse car certains sont présents dans le caillot sanguin ou interviennent sur l’édification de la matrice extracellulaire autant que l’attachement des cellules entre elles, sur leur activité métabolique, sur leur croissance et sur leur différenciation.
Le génie génétique a permis la synthèse de facteurs de croissance telles les protéines recombinantes morphogénétiques osseuses humaines recombinantes (rhBMP 2 et 7), qui trouvent une expression clinique dans le domaine orthopédique (fracture ouverte du tibia, par exemple). En parodontie, les doses utiles restent très élevées et compensent la dilution de cette protéine recombinante dans les fluides biologiques (Howel et al., 1997 ; Wikesjö et al., 2005). Aussi, la conception de supports biocompatibles et biodégradables a été proposée pour faciliter la diffusion de ces molécules sur leur site d’action et respecter l’environnement immédiat autant que les différentes étapes du processus cicatriciel (Hutmacher et al., 2007). Le champ émergent des nanotechnologies est un domaine en expansion puisque pas moins de 300 brevets, en médecine, sont déposés dans le monde chaque jour. Sur le plan clinique, les promesses offertes par l’utilisation de ces agents biologiques ont été peu ou pas documentées (Trombelli et Farina, 2008). Une étude clinique humaine contrôlée a évalué la combinaison de rh-platelet derived growth factor (rh-PDGF-BB) et rh-insulin-like growth factor-1 (rh-IGF) à des dosages faibles (50 g/ml) et élevés (150 g/ml) dans des défauts interproximaux : si aucune réaction indésirable n’a été détectée, il semble que rh-IGF ne produit pas les effets cliniques escomptés dans cette association (Nevins et al., 2005). L’incorporation de rh-PDGF-BB à un substitut osseux tel le phosphate tricalcique (β-TCP) présente des bénéfices en termes de gain osseux et de niveau d’attache (Camelo et al., 2003 ; McGuire et al., 2006) dans les lésions interradiculaires et infra-osseuses. Récemment, un essai clinique contrôlé randomisé de phase 2 au Japon a testé les effets de l’application topique dans des lésions osseuses proximales du FGF-2 : l’évaluation clinique et les radiographies standardisées montrent des gains d’attache et osseux mais les effets à distance pour la santé générale appellent à la vigilance (Kitamura et al., 2008). Des résultats cliniques favorables ont été confirmés dans l’association d’une séquence d’une chaîne de 15 acides aminés de collagène de type I et d’une hydroxyapatite d’origine animale dans le traitement de défauts parodontaux chez l’homme (Yukna et al., 2002). A contrario, la reformation cémentaire et l’ancrage de fibres de collagène nouvellement formées apparaissent limités par l’incorporation de BMP de synthèse (rhBMP-2) dont le potentiel et l’impact biologiques sont puissants dans la reconstruction osseuse (Sorensen, 2004). Aucune information n’est disponible concernant la combinaison des BMPs avec des substituts osseux ou en association avec la régénération tissulaire guidée. La performance clinique des DMA peut être magnifiée grâce à l’apport de greffes osseuses autogènes (Trombelli et al., 2006 ; Guida et al., 2007). Mais il n’y aurait pas de bénéfices réciproques à la combinaison de membranes et de DMA. Tant sur le plan clinique qu’histologique, l’association de DMA et d’hydroxyapatite d’origine bovine optimise la réparation cémentaire (nouveau tissu conjonctif + cément cellulaire et fibres collagéniques extrinsèques). La fermeture des lésions intra-osseuses est accompagnée par la réduction des poches parodontales et un gain d’attache significatif est enregistré (Scheyer et al., 2002 ; Sculean et al., 2003). L’association de substituts bioactifs comme les bioverres avec les DMA (fig. 3) apporte des performances cliniques très favorables (Kuru et al., 2006). Mais le TCP n’optimise pas ses effets lors de sa combinaison avec les DMA sur le plan clinique (Jepsen et al., 2008).
Surtout axées sur la chirurgie plastique parodontale, les thérapies cellulaires poursuivent deux objectifs :
– reconstruire le tissu gingival sans prélèvement de tissu autologue ;
– obtenir un néo-tissu satisfaisant aux exigences esthétiques et fonctionnelles.
Des fibroblastes gingivaux sont prélevés puis cultivés pour leur croissance sur une matrice tridimensionnelle d’ester d’acide hyaluronique. Le néo-tissu gingival autologue constitué présente des caractéristiques anatomiques voisines de celles d’un greffon épithélio-conjonctif. Les résultats cliniques montrent des variations dans l’augmentation de la gencive attachée (Pini Prato et al., 2003 ; Hou et al., 2003). Des fibroblastes humains provenant de banques de tissus ont été cultivés sur des membranes résorbables en polyglactine pour élaborer des néogreffes gingivales destinées à augmenter les dimensions gingivales (McGuire et Nunn, 2005). Cette procédure d’ingénierie tissulaire apporte des résultats cliniques superposables à ceux des greffes autologues mais une contraction tissulaire et une diminution de la hauteur de tissu kératinisé sont fréquemment observées. Quand la greffe est enfouie, les effets cliniques sont comparables aux procédures conventionnelles. La combinaison de néogreffes gingivales avec des facteurs de croissance de synthèse est en cours d’expérimentation (Kao et al., 2009).
Il apparaît aujourd’hui délicat de privilégier une lignée cellulaire ou un concept biologique capable d’assurer la reconstruction des tissus parodontaux détruits par l’infection bactérienne. L’établissement du caillot sanguin envahissant la plaie chirurgicale semble être un processus incontournable. Le défi de la régénération suppose que la ou les lignées cellulaires et les facteurs de croissance engagés dans le processus cicatriciel s’ordonnancent selon des étapes et des mécanismes qui ne sont pas totalement élucidés. La perspective offerte par les thérapies géniques et le génie cellulaire favorisera l’avènement de nouvelles technologies qui guideront, demain, les applications cliniques des desseins exaltants conçus par la biologie.