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Jean-François MICHEL * Guy CATHELINEAU **
*MCU
**Professeur des Universités
Laboratoire de biomatériaux en site osseux,
Rennes, France.
De nombreuses maladies virales présentent des manifestations buccales et/ou parodontales. Les circonstances les plus fréquentes d'apparition de ces lésions sont l'herpès virus et ses lésions associées, les manifestations buccales du sida, le zona, les papillomes, la varicelle, les manifestations du virus d'Epstein-Barr, la gingivite ulcéro-nécrotique aiguë et les infections à cytomégalovirus. Les praticiens sont amenés à traiter des patients présentant...
Le praticien généraliste comme le spécialiste sont fréquemment confrontés à des lésions buccales plus ou moins douloureuses, parfois spectaculaires, d'origine virale. De nombreuses maladies virales présentent, en effet, des manifestations buccales et/ou parodontales. Les circonstances les plus fréquentes d'apparition de ces lésions sont l'herpès virus et ses lésions associées, les manifestations buccales du sida, les papillomes, la varicelle, les manifestations du virus d'Epstein-Barr, la gingivite ulcéro-nécrotique aiguë et les infections à cytomégalovirus. Les praticiens sont amenés à traiter des patients présentant de telles lésions en pratique quotidienne s'ils sont attentifs au dépistage de celles-ci. Certaines d'entre elles sont spécifiques, d'autres non. Ces différentes situations sont répertoriées et des propositions thérapeutiques sont faites à partir d'exemples cliniques et des données publiées. Les choix thérapeutiques seront fonction du diagnostic, de la douleur et du pronostic. Les prescriptions associées aux traitements locaux devront respecter des règles précises, ainsi que les indications et les contre-indications des molécules choisies.
De nombreuses maladies virales présentent des manifestations buccales et/ou parodontales. Les circonstances les plus fréquentes d'apparition de ces lésions sont l'herpès virus et ses lésions associées, les manifestations buccales du sida, le zona, les papillomes, la varicelle, les manifestations du virus d'Epstein-Barr, la gingivite ulcéro-nécrotique aiguë et les infections à cytomégalovirus. Les praticiens sont amenés à traiter des patients présentant de telles lésions en pratique quotidienne s'ils ont su les dépister. Certaines d'entre elles sont spécifiques, d'autres sont rencontrées également chez les patients non infectés mais sont en général moins évolutives ou moins spectaculaires. Ces différentes situations sont répertoriées et des propositions thérapeutiques sont faites à partir d'exemples cliniques et des données récentes publiées.
Les causes systémiques d'ulcération buccale ou gingivale peuvent être traumatiques, virales, bactériennes, aphteuses, hématologiques, digestives ou malignes (Porter et al., 1992) Parmi les causes virales, les infections herpétiques sont fréquentes et leurs conséquences sur la maladie parodontale sont de plus en plus souvent citées. La primo-infection herpétique survient en général chez le nourrisson ou l'enfant et peut s'accompagner de signes prodromiques de fièvre, malaise ou nausées. L'infection peut également passer inaperçue (subclinique), ou s'accompagner de pharyngite (Greenberg, 1996). En général, elle est caractérisée par des vésicules muqueuses, gingivales ou pharyngées qui se rompent en provoquant une ulcération. Une gingivite marginale érythémateuse généralisée peut alors accompagner les lésions (Greenberg, 1996). La lésion labiale classique accompagne souvent ces lésions muqueuses. Des lymphadénopathies cervicales associées sont possibles. La primo-infection peut survenir durant la grossesse ; dans ce cas, la mortalité périnatale est importante (Young et al., 1996). Les lésions herpétiques sont de localisation variable sur la muqueuse buccale et la gencive ; elles sont souvent discrètes, mais peuvent être douloureuses, et atteignent parfois une taille importante (plus de 1 cm de diamètre). La lésion initiale est vésiculeuse, d'aspect jaunâtre et bordée par un érythème (fig. 1). Son apparition est souvent précédée de sensations de brûlure qui diminuent quand elle est formée. Son association avec une lésion labiale rend facile le diagnostic (fig. 2).
En général, les patients immunocompétents présentant des lésions de la muqueuse buccale ou gingivale induite par le HSV (Herpes simplex virus) ne nécessitent qu'une thérapeutique symptomatique, en particulier la prise de liquides en quantité suffisante, d'antipyrétiques, d'analgésiques et d'antiseptiques topiques (Scully, 1989). Une large variété d'autres thérapeutiques a été suggérée pour traiter les infections herpétiques incluant des antiviraux, des immunomodulateurs (par exemple : le levimasole, l'inosine, le pranobex, l'interféron) et plusieurs traitements de valeur plus douteuse ont également été proposés, comprenant des antibiotiques, des stéroïdes en application topique, le laser et l'acupuncture (Scully, 1989 ; Coeugniet, 1989 ; Ho, 1990 ; Amsterdam et al., 1990 ; Apisariyakulm et al., 1990 ; Mamedova et al., 1991 ; Mindel, 1991).
Une thérapeutique antivirale est cependant indiquée uniquement quand l'infection est sévère (fig. 3) ou lorsque le patient présente une immunodéficience ou une immunosuppression et que l'infection risque de gagner la peau, l'Ïsophage ou de s'étendre de façon systémique (Schubert et al., 1985 ; Barrett, 1986 ; Montgomery et al., 1986 ; Redding et al., 1987 ; Cohen et Greenberg, 1989 ; Epstein et al., 1990). L'aciclovir par voie orale ou intraveineuse est actuellement l'antiviral de choix dans la prise en charge de l'infection due à l'Herpes simplex (Mindel, 1991), car il permet une réduction substantielle de la prolifération (shedding) virale et la persistance des signes et symptômes (Chou et al., 1981 ; Wade et al., 1982 ; Whitley et al., 1984 ; Shepp et al., 1985). Une couverture prophylactique d'aciclovir par voie orale à une dose de 200 g 4 fois par jour peut limiter la récidive ou réduire significativement les symptômes chez les patients immunodéprimés, ainsi que les symptômes prodromiques (Gluckman et al., 1983 ; Anderson et al., 1984 ; Seale et al., 1985 ; Redding et Montgomery, 1989). La prophylaxie à l'aciclovir est particulièrement indiquée chez les patients immunodéprimés présentant des anticorps HSV car 9 % de ceux-ci peuvent présenter des infections secondaires particulièrement sévères (Heirndahl et al., 1989 ; Holland et Saral, 1985 ; Epstein et al., 1990 ; Redding et al., 1987), alors que seulement 7 % des patients HSV séronégatifs développent ce type d'infection.
La résistance à l'aciclovir en relation avec une thérapie prophylactique devient actuellement un problème important et survient chez une minorité de patients immunodéprimés (Epstein et Scully, 1991 ; Molin et al., 1991 ; Crumpacker et al., 1988 ; Sacks et al., 1989). Elle s'observe chez des patients recevant des doses élevées d'aciclovir (Christophers et Sutton, 1987 ; Collins, 1988 ; Field, 1989 ; Safrin et al., 1990). Elle est le plus souvent due à des souches mutantes qui produisent une thymidine kinase non fonctionnelle (Collins, 1988 ; Field, 1989), en présentent une altérée ou une ADN polymérase altérée (Furman et al., 1981 ; Larder et al., 1983). Les patients porteurs de souches HSV résistantes à l'acyclovir sont également porteurs, le plus souvent, de souches sensibles qui, elles, répondent à des doses importantes d'aciclovir en intraveineux (Nugier et al., 1992). Cependant, en cas de réponse clinique défectueuse, l'indication peut être posée de prescrire un hexahydrate trisodium phosphonoformate ou un traitement à base de vidarabine (Safrin et al., 1990 et 1991).
Aucun vaccin efficace n'est actuellement disponible (Altmeyer et al., 1991). Certains patients présentant un érythème multiforme associé au HSV peuvent répondre favorablement à l'aciclovir, mais certains seulement (Leigh, 1988 ; Detien et al., 1992).
De nombreuses études épidémiologiques ont suggéré que le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ne se contracte pas par simple contact, mais plutôt par une exposition parentérale au sang contaminé, par les relations sexuelles avec une personne contaminée et par les enfants d'une femme séropositive (Royce et al., 1997). La transmission du VIH par la salive n'a jamais été démontrée. La présence du VIH-1 dans la salive de patients infectés a été montrée dans une étude (Gershon et al., 1990). Cependant, la cavité buccale est rarement citée comme un site de transmission du VIH malgré la présence du virus détectable dans la salive et la prévalence relativement fréquente de parodontopathies chez les patients infectés, en dépit de l'excrétion riche en cellules mononucléaires du fluide gingival (Maticic et al., 2000).
Les manifestations buccales varient selon le stade de l'infection. Si l'on se réfère à la classification internationale de 1993, les sujets séropositifs de la catégorie A sont asymptomatiques ou lymphadénopathiques. Il n'y a donc aucune manifestation buccale. Les patients de catégorie B présentent des manifestations cliniques mineures : candidose pharyngée, leucoplasie chevelue de la langue. Face à l'apparition de ces pathologies, le praticien devra immédiatement rechercher une séropositivité VIH. Les patients de la catégorie C répondent à la définition du sida. A ce stade, on note des lésions beaucoup plus fréquentes de la cavité buccale : candidoses fréquentes, infections à cytomégalovirus, infections herpétiques, sarcome de Kaposi (fig. 4), lymphome de Burkitt.
Chez les patients infectés, le sarcome de Kaposi se présente typiquement sous forme de lésions hémorragiques multiples. Au niveau de la cavité buccale, le palais et la gencive sont fréquemment atteints (Flaitz et al.,1995). L'aspect clinique peut parfois varier , le Kaposi prenant alors l'aspect d'une lésion aggravée, hémorragique, voire nécrotique et extensive (fig.5 et 6) (Fowler, 1999). La thérapeutique dépend de l'extension de la lésion, de sa localisation et du taux de lymphocytes CD4+. Sur un comptage de CD4+ supérieur à 500/ml, seul un traitement palliatif local est nécessaire. Les lésions répondent bien à la radiothérapie. Lorsque le taux de CD4+ se situe au-dessous de ce seuil, l'utilisation de l'interféron alpha ou une chimiothérapie systémique est recommandée. Les lésions buccales peuvent être traitées par chimiothérapie intralésionnelle ou injection d'agents sclérosants afin de contrôler le saignement (Epstein et al., 1989).
Les papillomavirus humains sont composés de plus de 60 espèces sérologiques (Dhariwal et al., 1995). Ils causent des lésions dans de nombreuses parties du corps et, en particulier, sur les muqueuses génitales, nasales, digestives et buccales. C'est le plus souvent l'aspect histopathologique qui permet l'établissement du diagnostic. Les caractéristiques sont la koïlocytose, l'acanthose et la papillomatose qui, en association avec la lésion clinique, confirment le diagnostic (Marsland et Fox, 1977 ; Dhariwal et al., 1995). La plupart des lésions cliniques sont squameuses (Reichart, 1991 ; Yadav et al., 1996), ont l'aspect de condylome (Garlick et Taichman, 1991), de verrue ou encore d'hyperplasie épithéliale (Garlick et Taichman, 1991 ; Reichart, 1991).
Le papillome cellulaire squameux est classiquement décrit comme un bourgeonnement (à la façon d'un chou-fleur) à base étroite. Il est de petite taille, rosé, situé sur la muqueuse buccale ou la gencive (fig.7 et 8). Le condylome est souvent identique mais multiple et décoloré. Ces lésions seraient surtout dues aux papillomavirus humains de types 6 et 11 (Praetorius, 1997 ; Zeuss et al., 1991). Leur traitement est l'excision chirurgicale.
L'aspect verruqueux est une excroissance à base large ou sessile et de texture ferme. La lésion apparaît le plus souvent sur la gencive, sur la muqueuse labiale, la commissure, le palais dur et la langue (Miller, 1996 ; Praetorius, 1997). Les papillomavirus humains de types 2 et 57 ont été identifiés dans ces lésions (Padayachee, 1994). Là encore, le traitement chirurgical d'exérèse est la règle.
Les formes hyperplasiques sont décrites sous le nom de maladie de Heck. Il s'agit de lésions papuleuses plates, ou encore convexes, apparaissant généralement chez l'enfant (Cohen et al., 1993). Leur couleur varie du rouge grisé au blanc et elles concernent exclusivement la muqueuse buccale (Praetorius, 1997). Il peut s'agir d'une prédisposition génétique, mais, contrairement aux rapports initiaux sur ce sujet, il semble que la survenue de ces formes ne soit pas liée à certains groupes ethniques (Premoli-de-Percoco, 1993). Les lésions sont bénignes et peuvent régresser spontanément. Les papillomavirus humains de types 13 et 32 sont cités comme facteurs étiologiques de déclenchement (Obalek et al., 1993 ; Praetorius, 1997).
D'autres lésions orales ont été associées aux papillomavirus humains : des plaques érythémateuses (HPV-16) (Praetorius, 1997), des leucoplasies verruqueuses (HPV-16) (Palefsky et al., 1995), des leucoplasies candidosiques (Wen et al., 1997), des carcinomes squameux (HPV-16 et HPV-19) (Balaram et al., 1995 ; Mao et al., 1996 ; Praetorius, 1997 ; Wen et al., 1997) et des lichens plans (HPV-6, 11 et 16) (Jontell et al., 1990 ; Praetorius, 1997 ; Vesper et al., 1997). Les types 2, 4, 6, 11, 13 et 32 sont associés à des lésions bénignes alors que les types 16 et 18 sont généralement associés à des lésions malignes (Garlick et Taichman, 1991). La transmission virale peut survenir par contact direct et/ou au cours de l'accouchement (Puranen et al., 1996).
L'agent responsable de cette pathologie est le Varicella zoster virus, ou VZV (nomenclature internationale : HHV-3). Le Varicella zoster virus provoque la varicelle en tant que primo-infection virale surtout chez l'enfant. Ultérieurement, chez l'adulte, sa réactivation provoque une pathologie similaire à celle de l'enfant, accompagnée d'une forte fièvre. La varicelle est une infection hautement contagieuse transmise par l'inhalation de gouttelettes infectées et par contamination directe avec les lésions. Elle évolue avec des formes cliniques plus sévères chez l'adulte que chez l'enfant.
Le rash prurigineux des lésions cutanées se manifeste par des macules, des papules, des vésicules et, finalement, des croûtes avant la guérison finale qui survient en 2 ou 3 semaines. Les lésions buccales se manifestent par des vésicules sur les lèvres, le palais dur et le palais mou (Miller, 1996). Après la primo-infection, le virus reste latent dans la racine ganglionnaire dorsale (sa localisation dans les neurones ou dans les cellules satellites avant d'être réactivé n'est pas claire). L'Herpes zoster résulte de la réactivation du virus latent. Chez des individus immunodéprimés, en particulier ceux porteurs du VIH, on observe alors une augmentation de l'incidence et de la récurrence de l'infection herpétique (Rivirea-Hidalgo et Stanford, 1999).
Le virus d'Epstein-Barr (EBV) appartient à la famille des Herpes viridae (c'est l'Herpes virus de type 4 ou HHV-4). Il est transmis par la salive et le sang. Il pénètre au niveau de l'oropharynx et s'attache spécifiquement à certaines cellules épithéliales. Il s'y multiplie, expliquant la richesse de la salive en virions. Il persiste alors dans l'organisme toute la vie après cette primo-infection, par la présence probable de foyers de réplication dans la muqueuse oro-pharyngée (Yao et al., 1991). Lors de la réactivation, des quantités très importantes de virions salivaires et de nombreux lymphocytes B infectés sont libérés.
Les manifestations cliniques sont variées. La mononucléose infectieuse présente les signes cliniques suivants : fièvre avec asthénie, angine ou rhinopharyngite et adénopathies de toutes localisations. Des manifestations buccales sont parfois décrites : ulcérations, pétéchies sur le palais, ulcérations gingivales. La guérison a lieu en 2 ou 3 semaines avec du repos et des antalgiques.
La pathologie à EBV chez le patient immunodéprimé est également bien décrite : les receveurs de greffe, en fonction du type de traitement immunosuppresseur, sont prédisposés à la survenue d'un lymphome B malin à EBV, de même que les malades VIH+ au stade de sida (Nadal et al., 1994).
Il faut enfin citer les syndromes malins associés à l'EBV chez le sujet immunocompétent : le lymphome de Burkitt dans les zones endémiques africaines, le cancer du naso-pharynx fréquent en Chine et d'autres carcinomes buccaux parfois associés à l'EBV (Flaitz et al., 1995). La maladie de Hodgkin est associée à l'EBV dans 40 % des cas (Seigneurin, 1996).
La pratique odontologique peut confronter le praticien à la gingivite ulcéro-nécrotique aiguë (GUNA). Si cette situation clinique d'urgence ne met pas en péril la vie du patient, ses conséquences ont des retentissements systémiques pouvant conduire à des troubles importants. La douleur, l'infection et le risque d'atteinte générale nécessitent un diagnostic correct et une thérapeutique adaptée.
Atteinte aiguë, brutale, récidivante de la gencive, la gingivite ulcéro-nécrotique aiguë est une infection concernant le plus souvent l'adulte jeune et présentant des formes épidémiques. Elle s'accompagne de douleurs violentes, irradiées et amène le patient à consulter en urgence. On observe le plus souvent l'association de 3 types de signes :
- signes locaux : la gencive est rouge vif, recouverte d'un enduit blanc grisâtre bordé d'un érythème linéaire. Les papilles ont un aspect décapité et le contour gingival est altéré (fig. 9) ;
- signes loco-régionaux : il s'agit d'adénopathies cervicales et/ou sous-angulo-mandibulaires ;
- signes généraux : la fièvre est constante (39-40 °C), l'asthénie et l'anorexie sont la règle, des malaises digestifs sont possibles avec, parfois, une tachycardie pouvant aboutir à des malaises lipothymiques ou encore des céphalées.
D'une façon constante, on observe l'association de facteurs locaux de déclenchement et de facteurs généraux de prédisposition. En ce qui concerne les premiers, l'analyse bactériologique des plaques associées à la gingivite ulcéro-nécrotique aiguë révèle la présence fréquente de l'association bacilles fusiformes-spirochètes, autrefois décrite sous le nom de flore de Vincent. Ces bactéries anaérobies particulièrement virulentes sont responsables de la sévérité des lésions observées. Lindhe (1983) et Sabiston (1986) ont également impliqué des étiologies virales dans les gingivites ulcéro-nécrotiques aiguës (cytomégalovirus, sida) et, particulièrement, dans celles récidivantes. L'hygiène défectueuse ou absente est évidemment un facteur important favorisant la progression des lésions. Les facteurs généraux de prédisposition se rapportent à des circonstances de stress très variables selon les individus car perçues selon leur sensibilité propre (stress affectif, stress professionnel, situation d'enfermement). Cette composante pourra être prise en charge par un psychologue ou un psychiatre si le patient l'accepte.
Comme pour toute urgence infectieuse, il est souhaitable d'associer à la prescription générale (antibiotique) un geste local spécifique. Lorsque l'étiologie est virale, cette prescription n'évitera que la surinfection bactérienne.
Les trois questions que pose la prescription antibiotique sont : que prescrire, pourquoi et pour combien de temps ? Nous savons, par les données publiées, que nous devons prescrire des antibiotiques actifs sur les anaérobies responsables de l'infection, présentant une bonne concentration dans la salive et le fluide gingival et d'une faible toxicité avec un risque allergique réduit (Loesche et al., 1991). Enfin, ces antibiotiques doivent avoir une concentration minimale inhibitrice basse pour les germes concernés.
Toutes les études s'accordent sur l'intérêt de l'utilisation des antibiotiques en traitement systémique au cours d'une gingivite ulcéro-nécrotique aiguë. Leur administration systémique permet, par une pénétration du fluide gingival dans la poche parodontale, d'atteindre directement les bactéries. Dans tous les cas, une dose efficace pour inhiber la croissance de la plupart des espèces bactériennes impliquées est obtenue par une telle administration (tableau I). Trois molécules semblent particulièrement intéressantes par leur concentration aux doses thérapeutiques habituelles dans le fluide et le sérum : les cyclines, le métronidazole et l'amoxicilline (associée à l'acide clavulanique). Cependant, pour adapter la prescription au spectre d'activité souhaité, la prescription d'amoxicilline (en association avec l'acide clavulanique) ou de métronidazole sera de préférence choisie à celle des cyclines.
La prescription locale d'antiseptiques (chlorhexidine) a montré, dans de nombreuses études, une réduction des paramètres cliniques de l'inflammation (saignement au sondage, indice gingival) rendant légitime leur prescription en association avec la prescription systémique.
Des antalgiques non salicylés peuvent être prescrits (paracétamol seul ou associé à la codéine) selon l'intensité de la douleur. Un rendez-vous peut ensuite être programmé 8 à 15 jours après la consultation en urgence. Cette deuxième consultation permet la réévaluation et la prise de décision thérapeutique ultérieure :
- les techniques d'hygiène seront revues et accompagnées d'une prescription écrite ;
- le niveau d'attache peut être mesuré, en l'absence d'inflammation aiguë persistante ;
- des tests bactériologiques peuvent éventuellement être réalisés ;
- le traitement chirurgical des lésions résiduelles peut être décidé à ce moment.
Le traitement d'entretien comportera un contrôle tous les 3 à 6 mois, associant revue des techniques d'hygiène, détartrage-surfaçage et contrôle radiologique de la cicatrisation.
Ce geste consistera en une détersion des lésions nécrotiques à l'aide d'un écouvillon imbibé d'eau oxygénée à 10 vol. ou de chlorhexidine, ou encore aux ultrasons si les lésions ne sont pas trop douloureuses. Après traitement de l'urgence, la prise en charge du malade est analogue à celle d'un patient présentant une gingivite chronique ou une parodontite de l'adulte, si la gingivite ulcéro-nécrotique aiguë s'est étendue au parodonte profond faute d'un traitement suffisamment précoce.
La prévention des récidives est plus délicate en cas d'infection virale et, en particulier, en cas de sida, pour lequel un travail d'équipe médicale est nécessaire.
L'agent responsable est le cytomégalovirus humain (nomenclature internationale : HHV-5). Les cytomégalovirus appartiennent à la sous-famille des ß-herpes virinae, famille des Herpetoviridae comprenant de nombreux virus qui ont la particularité d'avoir un spectre d'hôte très étroit et un cycle réplicatif long (Dussaix et Brossar, 1996).
Les cytomégalovirus humains (CMVH) ont une structure et une morphologie semblables à celles des autres virus. En microscopie électronique, leurs particules ne peuvent pas être distinguées de celles de l'HSV ou du VZV (Alford et Britt, 1990). L'infection à CMVH est une pandémie à séroprévalence très élevée : elle touche de 30 à 70 % des adultes des pays d'Europe de l'Ouest, des Etats-Unis et du Canada. Son acquisition commence in utero (infections congénitales), puis elle s'intensifie durant la première année de vie à l'occasion des contacts mère-enfant (Dussaix et Brossar, 1996). La contamination progresse ensuite régulièrement : le sang et toutes les sécrétions (lait, salive…) peuvent contenir le virus.
La localisation du virus latent n'est pas claire, on le retrouve cependant, dans 25 % des cas, dans les glandes salivaires. Les cellules endothéliales et épithéliales ciliées semblent être la cible du CMVH (Jones et al., 1993). Chez le sujet sain, la primo-infection est, dans 90 % des cas, asymptomatique ou pauci-asymptomatique (syndrome pseudo-grippal). La forme clinique typique se présente sous forme d'une fièvre persistante durant de 3 à 4 semaines sans autre atteinte de l'état général. Si le tableau clinique peut faire évoquer une mononucléose infectieuse, l'angine est absente et les adénopathies cervicales ou maxillaires sont peu marquées.
Chez les sujets VIH+, l'infection prend un caractère de gravité au stade d'immunodépression avancé (moins de 100 CD4/µml). Elle se manifeste majoritairement par l'apparition de rétinite puis par l'atteinte du tube digestif (lésions hémorragiques).
Il faut signaler le risque élevé d'apparition de ces lésions après allogreffe de moelle osseuse levant la latence du virus contenu chez le receveur ou dans le greffon. L'usage de produits sanguins CMVH sécurisés évite la primo-infection.
Les lésions buccales à type d'ulcérations sont décrites chez des patients VIH+ (Jones et al., 1993 ; Regezi et al., 1996). Le diagnostic est, bien entendu, orienté par la biopsie, l'examen cytologique permettant la découverte d'inclusions intranucléaires ou d'antigènes spécifiques en immunocytochimie.
La thérapeutique consiste en une combinaison d'aciclovir par voie orale et de ganciclovir par voie systémique (Flaitz et al., 1996).
Les infections virales constituent un volet de la pathologie buccale et parodontale, leurs symptômes doivent être bien connus du praticien car elles se rencontrent de plus en plus souvent en pratique odontologique. Leur diagnostic précoce permet de mettre en place une thérapeutique adaptée.
Demande de tirés à part
Jean-François MICHEL, Laboratoire de biomatériaux en site osseux, 2, place Pasteur, 35000 RENNES - FRANCE. E-mail : jfmichel.rennes@wanadoo.fr