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Roger A. MONTEIL * Hélène RAYBAUD ** Annick FAFET ***
*Laboratoire de pathobiologie orale Université de Nice-Sophia Antipolis
Nice, France
L'expression « gingivite desquamative », bien que consacrée par l'usage, est à la fois incorrecte et ambiguë. Incorrecte car, comme le fait justement remarquer Kuffer (1987), la desquamation est un processus physiologique. De plus, des formes de desquamation pathologiques existent. Enfin, par définition, la desquamation - normale ou pathologique - intervient au niveau du stratum corneum. Or, comme nous le verrons, la « gingivite...
La gingivite desquamative est une expression incorrecte et ambiguë employée pour décrire des lésions gingivales chroniques courantes, caractérisées par un érythème, des érosions, des éruptions vésiculo-bulleuses, des ulcérations ainsi que la « desquamation » de la gencive libre et/ou de la gencive attachée. Alors que de nombreuses maladies ou états ont été proposés comme causes de la gingivite desquamative, des études en immunofluorescence directe de matériel biopsique congelé ont démontré que la grande majorité des cas était causée par la pemphigoïde cicatricielle-pemphigoïde des muqueuses, le pemphigus vulgaire et le lichen plan. Dans cet article, les concepts pathogéniques les plus récents ainsi que les critères pour le diagnostic anatomopathologique de ces trois maladies sont analysés.
L'expression « gingivite desquamative », bien que consacrée par l'usage, est à la fois incorrecte et ambiguë. Incorrecte car, comme le fait justement remarquer Kuffer (1987), la desquamation est un processus physiologique. De plus, des formes de desquamation pathologiques existent. Enfin, par définition, la desquamation - normale ou pathologique - intervient au niveau du stratum corneum. Or, comme nous le verrons, la « gingivite desquamative » inclut principalement des lésions qui affectent le corps muqueux de Malpighi et la jonction dermo-épidermique. Cette terminologie est ambiguë : elle utilise un terme histopathologique pour décrire la présentation clinique d'entités extrêmement différentes du point de vue anatomopathologique. Néanmoins, pour des raisons pratiques, certains cliniciens continuent à l'utiliser.
Des progrès significatifs ont été réalisés, ces dernières années, dans la compréhension de la pathogénie des maladies les plus fréquentes causes de la « gingivite desquamative ». Cet article fait le point sur les données les plus récentes, en particulier sur la structure, l'organisation et la localisation des antigènes, cibles d'auto-anticorps dont les dépôts sont les marqueurs biologiques, bases du diagnostic anatomopathologique de ces affections.
L'expression « gingivite desquamative » a été créée par Prinz (1932). Actuellement, la gingivite desquamative est « définie » comme étant une lésion gingivale chronique caractérisée par un érythème, des érosions, des éruptions vésiculo-bulleuses, des ulcérations, la « desquamation » de la gencive libre et/ou de la gencive attachée. Trois études en immunofluorescence directe ont montré que les causes les plus fréquentes étaient : la pemphigoïde muqueuse-pemphigoïde cicatricielle (63,6, 48,9 et 39 % respectivement), le lichen plan (25, 23,6 et 36 %) et le pemphigus (18,4, 2,3 et 15 %) (Sklavounou et Laskaris, 1983 ; Nisengard et Rogers, 1987 ; Vaillant et al., 2000). D'autres associations ont été rapportées, en particulier avec le psoriasis, la dermatite herpétiforme, la dermatose à IgA linéaire et la pyostomatite végétante. Une gingivite desquamative pourrait aussi apparaître en relation avec un lupus érythémateux, une gingivite à plasmocytes, la maladie de Crohn, une sarcoïdose, certaines leucémies, des bains de bouche, la mastication de chewing-gums, le contact avec des matériaux dentaires et, même, des pathomimies (Porter et Scully, 1994 ; Scully et Laskaris, 1998). A défaut de publications toujours convaincantes quant à leurs étiologies, certaines de ces dernières formes sont à mettre dans un groupe de gingivites desquamatives idiopathiques. Sans nier d'autres étiologies possibles, nous limiterons donc cet exposé à l'anatomie pathologique des étiologies confirmées de la gingivite desquamative : la pemphigoïde muqueuse-pemphigoïde cicatricielle, le pemphigus et le lichen plan.
Il est admis qu'un dépôt d'immunoglobulines (Ig) et/ou de fractions du complément au niveau de la jonction dermo-épidermique, ou zone de la membrane basale, est caractéristique du groupe des pemphigoïdes, maladies vésiculo-bulleuses sous-épithéliales. Les progrès de l'immunopathologie ont permis de reconnaître trois maladies : la pemphigoïde bulleuse, qui atteint des sujets âgés, est la plus fréquente et est principalement cutanée, avec seulement de 20 à 30 % de lésions buccales ; la pemphigoïde muqueuse-pemphigoïde cicatricielle, qui touche des sujets plus jeunes, avec 80 % d'atteintes buccales, 70 % de lésions de la conjonctive et 20 % de lésions cutanées ; et la pemphigoïde gravidique (« Herpes » gestationis), qui atteint les femmes enceintes au cours du dernier trimestre de la grossesse. Nous ne traiterons pas cette dernière car, à notre connaissance, un seul cas avec des manifestations buccales confirmées a été rapporté (Nicolas et al., 1993 ; Dabelsteen, 1998).
La pemphigoïde bulleuse est une maladie bulleuse sous-épidermique qui affecte les personnes âgées. Bien que ses manifestations au niveau des muqueuses orales soient moins fréquentes que celles de la pemphigoïde cicatricielle-pemphigoïde muqueuse, il est nécessaire d'en parler en premier car elle a été la plus étudiée en raison de sa très large incidence : 7 cas par million d'habitants. De plus, par comparaison, il lui est souvent fait référence. L'histopathologie de la pemphigoïde bulleuse se caractérise par la présence d'une vésicule/bulle sous-épithéliale due à un clivage dermo-épidermique net. La totalité de l'épithélium, non altéré dans les lésions jeunes, constitue le toit de la bulle. Le conjonctif papillaire, représentant le plancher de la bulle, perd rapidement son relief sous l'effet de la pression du liquide présent dans la bulle. La précision du clivage est bien visible aux extrémités de la bulle. Elle contient des cellules inflammatoires mélangées, dont des éosinophiles, mais aucune cellule acantholytique (Mehregan et al., 1995 ; Yancey et Egan, 2000). L'immunofluorescence (IFD) directe sur des coupes congelées de biopsie en zone péribulleuse permet de détecter la présence de dépôts linéaires d'IgG, le long de la zone de la membrane basale, dans 89,6 % des cas, et de C3 dans presque 100 % des cas, parfois associés à des dépôts d'IgA, rarement d'IgM. Cette méthode, qui est le standard actuel de diagnostic en routine, nécessite des tissus congelés pour préserver les antigènes qui sont dénaturés par les fixateurs formolés. Des anticorps sériques, dirigés contre des composants de la zone de la membrane basale de la peau et des muqueuses, sont présents chez la majorité des patients. Cependant, le titre des anticorps circulants et leurs variations sont indépendants de l'intensité de la maladie (Laskaris et Nicolis, 1980 ; Chorzelsky et al., 1987 ; Vaillant et al., 1998).
Deux antigènes de la pemphigoïde bulleuse ont été identifiés : le BPAG-1, ou BP-230, qui est une protéine intracellulaire de 230 kDa des hémi-desmosomes, où s'insèrent les filaments intermédiaires de kératine, et le BPAG-2, ou BP-180 ou encore collagène XVII, une protéine de 180 kDa transmembranaire, composante des hémi-desmosomes et s'étendant à travers la lamina lucida jusqu'à la lamina densa et dont la partie extracellulaire, collagénique, contient le site antigénique principal. Il a été proposé que les malades développent d'abord des autoanticorps contre le BP-180 transmembranaire, provoquant une altération de la membrane qui rend alors accessible le BP-230 et, en particulier, sa partie C terminale (Ishiko et al., 1993 ; Bédane et al., 1997 ; Perriard et al., 1999 ; Skaria et al., 2000).
La pemphigoïde cicatricielle, encore appelée pemphigoïde bénigne des muqueuses, pemphigoïde des muqueuses (PCPM) et pemphigoïde oculaire, est une maladie vésiculo-bulleuse sous-épithéliale, chronique, rare, avec une incidence de 1 cas par million d'habitants. Elle affecte surtout les femmes après 50 ans. Elle se caractérise par son atteinte élective des muqueuses et par la formation ultérieure de cicatrices ; ce dernier aspect la distingue cliniquement de la pemphigoïde bulleuse et de la pemphigoïde gravidique. Alors qu'au niveau oculaire, les symblépharons constituent des complications fréquentes de la pemphigoïde cicatricielle, au niveau de la bouche, les cicatrices surviennent rarement. C'est pourquoi, pour les manifestations buccales, certains auteurs préfèrent parler de pemphigoïde des muqueuses. Outre les muqueuses buccale et oculaire, elle peut affecter les muqueuses pharyngées, laryngées, nasales, génitales et anales. Des lésions cutanées associées ne sont présentes que dans moins de 25 % des cas et sont généralement peu nombreuses. Le plus souvent, les localisations sont multiples, mais des formes isolées existent, en particulier buccales ou oculaires (Bernard, 1993 ; Yancey et Egan, 2000). Lors des atteintes orales, chez 90 % des patients, les lésions sont situées au niveau de la gencive et du palais dur et produisent une gingivite desquamative. Cette localisation particulière serait due à l'adhésion de la muqueuse à l'os par l'intermédiaire du périoste. L'épithélium se détache à la moindre friction et peut être saisi très aisément avec une précelle : c'est le signe de Kuffer (Kuffer, 1987 ; Kuffer, 1996).
L'histopathologie d'une biopsie périlésionnelle est caractérisée, comme dans la pemphigoïde bulleuse, par un décollement sous-épidermique sans acantholyse accompagné, dans la lamina propria, d'un important infiltrat lympho-plasmocytaire avec quelques neutrophiles et éosinophiles (fig. 1). Une fibrose lamellaire, sous les lésions, est considérée comme caractéristique, mais n'est présente que tardivement. Le diagnostic se fait par l'examen en immunofluorescence directe de coupes de matériel congelé (fig. 2). La fréquence des dépôts au niveau de la zone de la membrane basale observée est de 82,88 %, avec : IgG = 69 %, IgA = 22 %, IgM = 16 % et C3 = 69 % (Dayan et al., 1999). Mais, contrairement à la pemphigoïde bulleuse, les anticorps circulants sont rares, avec de faibles concentrations (Bernard et al., 1990 ; Niimi et al., 1992).
Les données immunopathologiques récentes montrent que la PMPC n'est pas une entité unique et son démembrement intervient au fur et à mesure de la progression des connaissances sur la zone de la membrane basale. Chez la majorité des patients (78 %), l'antigène cible principal est le BP-180, dans sa partie extracellulaire où existent deux sites antigéniques : un dans le domaine non collagénique et l'autre dans la région carboxy-terminale (Balding et al., 1996 ; Roh et al., 2000). Chez d'autres patients, l'antigène cible est l'unité α3 de la laminine 5/épiligrine/kalinin/nicéine/BM600, située à la face inférieure de la lamina lucida au niveau de son interface avec la lamina densa (Kirtschig et al., 1995). Un troisième groupe de patients présenterait les deux antigènes à la fois (Kawahara et al., 1998). Un dernier groupe posséderait d'autres antigènes comme l'unité γ2 de la laminine 5 ou la laminine 6, etc. (Chan et al., 1997 ; Nousari et al., 1999). Enfin, une forme oculaire pure de pemphigoïde cicatricielle, représentant une entité distincte, avec un antigène de 45 kDa situé dans la zone de la membrane basale a été rapportée (Chan et al., 1993 ; Pazderka Smith et al., 1993).
Le terme pemphigus désigne un groupe de maladies bulleuses auto-immunes de la peau et des muqueuses de l'adulte, relativement peu fréquentes, de 1 à 5 cas par million d'habitants, caractérisées par la production d'auto-anticorps dirigés contre les systèmes de jonction interkératinocytaires, produisant des bulles acantholytiques, cutanées et/ou muqueuses. Une association forte avec certains haplotypes (HLA-DR4 et DR6) suggère une prédisposition de certains sujets. Cinq types de pemphigus sont actuellement individualisés : le pemphigus vulgaire et sa forme réactive, le Pemphigus vegetans ; le pemphigus foliacé et sa variante, le pemphigus érythémateux ; le pemphigus médicamenteux iatrogène ; le pemphigus à IgA ; le pemphigus paranéoplasique, associé à des proliférations malignes souvent d'origine hématopoïétique. Le pemphigus vulgaire, qui peut être létal, est le plus fréquent et, surtout, présente des manifestations buccales qui précèdent les atteintes cutanées. Celles-ci, sous la forme d'une gingivite desquamative, peuvent être l'objet de la consultation du patient (Shklar et al., 1978 ; Nicolas et al., 1995 ; Cohen et al., 1997 ; Sirois et al., 2000). Pour ces raisons, notre exposé sera limité à cette forme.
L'image histopathologique caractéristique du pemphigus vulgaire est une bulle acantholytique, à prédominance suprabasale, avec les kératinocytes basaux à la fois attachés à la zone de la membrane basale et séparés les uns des autres produisant, selon la description classique, un aspect en « rangée de pierres tombales » (fig. 3). Le toit d'une bulle récente est constitué par les couches hautes de l'épithélium, demeurées intactes. Dans la bulle, des kératinocytes acantholytiques, arrondis avec un cytoplasme densifié en périphérie (en « cerne de deuil »), et avec un noyau volumineux, parfois monstrueux, appelés cellules de Tzanck, sont présents isolés ou en groupe (fig. 4). Avant la généralisation des techniques d'immunofluorescence, la cytologie d'une bulle fraîchement ouverte servait à établir le diagnostic par la mise en évidence des cellules de Tzanck (Civatte et Belaïch, 1964 ; Cohen et al., 1997). Le pemphigus vulgaire est causé par des auto-anticorps directement pathogènes, principalement des IgG4, dirigés contre des antigènes de surface des kératinocytes suprabasilaires. Des anticorps circulants sont toujours retrouvés. Des dépôts d'IgG intercellulaires disposés en résille et présents dans 80 à 90 % des cas sont démontrés par immunofluorescence directe sur coupes de tissu périlésionnel congelé (fig. 5) ; ils permettent un diagnostic formel (Nicolas et al., 1995).
Les antigènes cibles du pemphigus vulgaire sont la desmogléine 1 (Dsg1), de 160 kDa, et/ou la desmogléine 3 (Dsg3), de 130 kDa, qui sont des molécules d'adhésion intercellulaire de la famille des cadhérines, présentes dans les desmosomes des épithélia pavimenteux stratifiés. La Dsg1 prédomine dans les couches hautes de l'épithélium et la Dsg3 se retrouve surtout au niveau des couches basale et immédiatement suprabasales. Il semble que les autoanticorps se fixent dans le domaine intercellulaire des desmosomes. Les patients avec un pemphigus vulgaire cutanéo-muqueux ont des anticorps anti-Dsg1 et anti-Dsg3, alors que les patients avec un pemphigus vulgaire muqueux n'ont que des anti-Dsg3. Du C3 est parfois présent dans les lésions, mais non en périphérie (Ding et al., 1999 ; Amagai et al., 1999).
Le lichen plan (LP) est une maladie cutanéo-muqueuse relativement commune qui affecte de 1 à 4 % de la population et dont l'étiologie demeure inconnue. La prévalence du lichen plan buccal est de l'ordre de 0,7 à 1,89 % et la prédominance féminine y est encore plus nette que dans le lichen plan cutané. Un syndrome gingivo-vulvo-vaginal est connu et des localisations au niveau du cuir chevelu, des ongles, de l'Ïsophage et des yeux ont été rapportées en association avec les lésions orales. Le phénomène de Koebner, ou réponse isomorphe, est courant dans le lichen plan et tout type de trauma est susceptible de l'induire. Contrairement aux lésions cutanées, qui présentent une rémission spontanée en une ou quelques années, et parfois plus, les lésions des muqueuses ont, en règle générale, un caractère chronique. Une relation entre certains cas de lichen plan érosif buccal et l'hépatite virale C chronique est désormais établie ; des lésions de type lichénien ont aussi été rapportées en relation avec de très nombreux traitements médicamenteux ; elles ont aussi été décrites dans la maladie du greffon contre l'hôte. Les lésions gingivales ont été classées en quatre catégories : kératoses papulaires blanches, lésions vésiculo-bulleuses, lésions érosives ou ulcérées et atrophies, ces dernières correspondant souvent au diagnostic clinique de gingivite desquamative. Il a été observé que l'incidence des gingivites desquamatives, chez les patients avec un lichen plan oral, est accrue en présence de plaque et de tartre (Thorn et al., 1988 ; Bork, 1988 ; Pelisse, 1989 ; Mattsson et al., 1992 ; Dupond et al., 1998 ; Eisen, 1999 ; Ramon-Fluixa et al., 1999).
Du point de vue histopathologique, la caractéristique principale du lichen plan s'observe à l'interface épithélio-conjonctive : c'est la dégradation de la couche basale/couche germinative de l'épithélium, par un processus de dégénérescence hydropique et de nécrose kératinocytaire. Celui-ci est lié à la présence d'un infiltrat lymphocytaire et histiocytaire, plus ou moins dense, disposé en bande sous-épithéliale dans le conjonctif papillaire et de la lamina propria, bien limité en profondeur mais qui envahit les couches basales et suprabasales de l'épithélium. Un grignotage des crêtes épithéliales leur donne un aspect en dents de scie et la zone de la membrane basale devient floue (fig. 6). Parfois, de petits clivages dermo-épidermiques, ou fentes de Max Joseph, peuvent apparaître ; elles précéderaient la formation des bulles dans le lichen plan bulleux. Certains kératinocytes altérés donnent naissance à des corps colloïdes, ou corps de Civatte, qui se retrouvent dans les couches profondes de l'épithélium ou dans le conjonctif juxta-épithélial. Secondairement, les altérations chroniques des couches superficielles de l'épithélium apparaissent : une hyperkératose (ortho) et une hypergranulose irrégulière (Lauffer et Kuffer, 1970 ; Mehregan et al., 1995).
La population de cellules mononucléées présente dans le conjonctif est composée majoritairement de lymphocytes T CD4 et CD8, et le nombre de cellules de Langerhans est accru et/ou elles sont activées. Le lichen plan est considéré comme une réaction d'hypersensibilité retardée. Il a été montré que la production des cytokines pro-inflammatoires interféron gamma et interleukine 6 était augmentée, modulant la différenciation et la prolifération des lymphocytes T cytotoxiques, à l'origine de l'apoptose des kératinocytes basaux indiférenciés (Takeuchi et al., 1988 ; Farthing et al., 1990 ; Fayyazi et al., 1999). Un antigène spécifique (LPSA), présent au niveau du corps muqueux et de la couche granuleuse, a été identifié chez 80 % des patients ayant un lichen plan cutané, mais pas au niveau de toutes leurs lésions, alors qu'il était absent dans les lichens plans oraux. Les anticorps anti-LPSA n'étant pas détectés chez tous les patients, ils sont considérés comme une expression de la maladie et non sa cause. Il en va de même pour les dépôts de fibrinogène, couramment identifiés en immunofluorescence directe au niveau de zone de la membrane basale et s'étendant dans la lamina propria (Olsen et al., 1984 ; Camisa et al., 1986). Ainsi, le diagnostic anatomopathologique du lichen plan est fondé sur la seule histopathologie de routine, contrairement à ce que nous avons vu pour la pemphigoïde bulleuse, la PMPC et le pemphigus vulgaire, pour lesquels l'étude en immunofluorescence directe de matériel congelé est indispensable.
Ce travail n'est pas une démarche nosologique gratuite, conduisant simplement au démembrement théorique de la gingivite desquamative. L'expression « gingivite desquamative », aussi erronée qu'elle soit, peut être conservée à condition qu'elle ne serve pas d'alibi pour éluder la démarche diagnostique indispensable. Le diagnostic anatomopathologique, en étiquetant la maladie qui se cache derrière une gingivite desquamative, permet une réelle prise en charge du patient. En particulier, il établit ou élimine l'existence de deux affections graves : la PCPM et le pemphigus vulgaire qui, ensemble, représentent entre 41,3 et 82 % des causes de gingivite desquamative. La PCPM peut évoluer vers la formation de cicatrices et de synéchies très invalidantes. Le pemphigus vulgaire est une maladie potentiellement létale, dont la phase initiale est généralement limitée à la muqueuse orale. Le traitement précoce de la PCPM et du pemphigus vulgaire en modifie le pronostic.
Demande de tirés à part
Roger A. MONTEIL, Laboratoire de pathobiologie orale, Université de Nice-Sophia Antipolis, 24 avenue des Diables-Bleus, 06357 NICE Cedex 4 - FRANCE. E-mail : monteil@unice.fr