Article
Chirurgien Dentiste, exercice libéral, Paris
Résumé
La crise sanitaire du Covid-19 met en exergue les limites de la science et de la médecine face à un virus inconnu. Ce nouveau coronavirus nous met face à l'inégalité entre patients à un niveau inattendu. En chirurgie orale, la notion de terrain et de son impact sur la cicatrisation et le pronostic a toujours été un élément clé. Il en est de même pour la sensibilité aux infections, les réactions immunitaires, innés et acquises. L'auto-protection, le renforcement des systèmes de défense, les impacts des microbiotes, de l'alimentation ou encore du stress sont de mieux en mieux décodés. La vision d'ensemble qui se dessine au gré des découvertes et des preuves scientifiques qui s'additionnent doit impacter nos pratiques, nous amener à reconsidérer nos acquis et à nous intéresser encore plus au patient. Ces études permettent de définir un guide proactif à intégrer dans les recommandations à la population, aux praticiens et à nos patients. Ce guide favorisera au niveau individuel, tout comme au niveau de la population, notre résistance naturelle aux agressions de toutes formes. Elle peut être une opportunité pour améliorer la santé de la population et ainsi limiter les risques de contamination bactérienne, fongique et virale.
The Covid-19 health crisis highlights the limits of science and medicine in the face of an unknown virus. This new coronavirus confronts inequality between patients at an unexpected level. In oral surgery, the notion of terrain and its impact on wound healing and prognosis has always been a key element. It is the same for susceptibility to infections, immune reactions, innate and acquired. Self-protection, strengthening of defense systems, the impacts of microbiota, food and stress are increasingly being decoded. The big picture that emerges with the discovery and scientific evidence that add up must impact our practices, lead us to reconsider our achievements and to pay even more attention to the patient. These studies make it possible to define a proactive guide to be incorporated into recommendations for the general public, practitioners and our patients. This guide will promote, at the individual level, as well as at the population level, our natural resistance to aggression of all forms. It can be an opportunity to improve the health of the population and thus limit the risks of bacterial, fungal and viral contamination.
Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, il serait rassurant d'avoir un médicament miracle comme cela a pu être annoncé, mais la réalité est bien plus complexe et perverse. Dans l'attente d'un vaccin hypothétique, il est sage de se concentrer sur le patient et sur nos capacités de défenses naturelles. On ne peut nier le contexte général de réticence d'une partie de la population à la vaccination. La couverture vaccinale qui en résulte ne permet pas d'endiguer les épidémies saisonnières des infections respiratoires classiques comme les grippes.
Il faut donc limiter le risque d'infection par le SARS-CoV-2. Nous savons que les yeux, le nez et la bouche sont des voies de contamination de ce nouveau coronavirus. Les gestes barrière permettent de nous protéger de l'infection. Mais nous pouvons aborder la situation sous un angle différent et observer ce qui favorise l'entrée du virus : manque de mucus, muqueuses inflammatoires, muqueuses desséchées, absence de lunettes de protection...
Aucun vaccin ou anti-viral efficace n'est actuellement disponible au niveau mondial. Les approches alternatives qui renforcent le système immunitaire pourraient être le complément essentiel aux gestes barrières que, bien sûr, rien ne remplace.
Nous savons que les principales portes d'entrée du SARS-CoV-2 sont les muqueuses nasales, buccales et ophtalmiques. Il y a les barrières physiques constituées par les masques FFP2, les lunettes/écrans, mais ces barrières ne sont pas absolues et une protection intégrale par EPI est illusoire. La deuxième barrière muqueuse vient alors prendre toute son importance. Elle est constituée de la barrière cellulaire mais également de couches de mucus et d'une flore appelée microbiote.
Ces microbiotes sont des écosystèmes complexes en symbiose avec l'hôte. Les avancées scientifiques des interactions entre les flores bactériennes et la santé humaine ont changé nos approches thérapeutiques dans certaines situations. Le microbiote en médecine permet des approches préventives et curatives.
Si le terme de microbiote est le plus souvent associé à la flore digestive, chaque muqueuse comme l'épiderme en possède un dont la composition est complexe et variable. Les microbiotes digestifs, oraux et cutanés sont très différents. Le microbiote nasal est lui très proche du microbiote cutané. Ce microbiote nasal influe sur la susceptibilité aux infections en jouant un rôle de filtre. Il a également une influence sur d'autres microbiotes comme le microbiote digestif.
Le caractère très récent de l'infection à SARS-CoV-2 est responsable de la faible quantité de données disponibles. Cependant, nous pouvons utiliser les connaissances acquises sur d'autres virus respiratoires comme ceux de la grippe et analyser leurs liens avec le microbiote nasal.
La transposition de connaissances entre des épidémies différentes nécessite beaucoup de prudence mais reste la seule approche disponible dans le contexte actuel.
Un microbiote nasal sain joue un rôle préventif important grâce à sa fonction barrière et à son impact sur les différentes phases de la réaction inflammatoire de l'hôte :
• symbiose hôte-microbiote ;
• activation/inhibition de synthèses de médiateurs.
Les microbiotes pauvres favorisent le risque de dysbioses avec colonisations à staphylocoques, streptocoques, Pseudomonas ou Corynebacterium. La présence de ces pathogènes influence la réponse immunitaire de l'hôte et conditionne la sévérité des symptômes (Cope et al., 2017).
Le microbiote respiratoire a donc un impact sur la transmission et la sévérité de l'infection (Kyu Han Lee, 2018).
Le microbiote intestinal comporte plus de 40 000 milliards de bactéries et pèse près de 2 kg.
Ses principales fonctions sont :
• la digestion (absorption) ;
• l'immunité ;
• les échanges avec le système nerveux ;
• le métabolisme (osseux...).
Chaque microbiote est unique, spécifique et fragile.
Ils sont influencés par la génétique, la diversification alimentaire, les traitements médicaux reçus et l'environnement. Tout déséquilibre de la flore, surtout s'il est associé à une perméabilité intestinale, peut conduire à des pathologies auto-immunes, une inflammation digestive ou des maladies métaboliques. C'est la dysbiose.
Les fonctions immunitaires de régulation des immunités innées et acquises dépendent de nombreux processus dont certains sont encore mal compris. Nous savons par exemple que la bactérie segmentée filamenteuse (commensale) qui s'ancre à la surface des cellules épithéliales de l'iléon est hautement immuno-stimulatrice. Elle module la production de chimiokines et de cytokines, de médiateurs permettant l'activation de certaines cellules lymphoïdes innées, des synthèses anti-microbiennes et d'IgA, tout en renforçant la barrière intestinale.
Les cellules dendritiques intestinales, sous l'influence de l'homéostasie intestinale, vont participer aux réponses immunitaires adaptatives par leur pouvoir de migrer vers les ganglions lymphatiques et d'exprimer des médiateurs clés. Elles participent à la réponse immunitaire induite par le microbiote qui va activer la production de lymphocytes T (Bekiaris et al., 2014).
Les pathologies infectieuses (grippe) ou la maladie athéromateuse (AVC) peuvent engendrer une dysbiose qui peut être suivie d'un dérèglement de la réponse immunitaire (notamment de l'immunité pulmonaire). Ceci peut jouer un rôle fondamental dans la pathogénie du Covid-19 (Trottein, 2020).
Avec l'âge, les microbiotes évoluent et la susceptibilité à une forme grave de la grippe ou du Covid-19 augmente. Une analyse objective relève des facteurs potentiels de prédisposition qui influencent le niveau de protection et la nature des interactions (Claesson, 2012).
Chez le senior, des changements majeurs du microbiote ont été identifiés : diminution significative des espèces Bifidobacteria (en nombre et en diversité d'espèces) et augmentation significative des anaérobies facultatifs, des Fusobacterium, Clostridia, Bacteroidetes et Eubacteria. De plus, les seniors vivant en maison de repos ou hospitalisés au long cours vont présenter les altérations les plus marquées du microbiote, avec une prolifération de Bacteroidetes, Alistipes et Oscillibacter (Woodmansey, 2007).
Le lien avec une augmentation de fragilité dans ces contextes de vie peut être évoqué.
Au niveau digestif, les grosses molécules ne doivent pas passer la barrière intestinale. Les protéines, lipides et glucides vont être dégradés par des enzymes. Ensuite, les petites molécules dégradées vont traverser la barrière intestinale de façon passive, par endocytose ou liées à d'autres molécules de transfert.
Il faut favoriser une alimentation saine, hypotoxique, pour ne pas dérégler la symbiose flore intestinale-hôte, ni agresser les cellules (entérocytes) ou encore perméabiliser les joints intercellulaires.
L'alimentation a ainsi un impact direct et indirect sur la santé, au travers :
• des nutriments apportés ;
• des mécanismes d'amélioration ou d'inhibition des bio-disponibilités ;
• du caractère pro ou anti-inflammatoire direct de certaines substances ;
• des carences quantitatives potentielles ;
• de son impact direct sur le microbiote.
Le métabolisme nécessite plus de 15 000 enzymes, indispensables en très faible quantité, qui fonctionnent comme autant de cofacteurs, au même titre que les vitamines et oligo-éléments. Le capital enzymatique est spécifique de chacun et dépend des gènes, de leur expression (l'épigénétique) et du microbiote ; de plus, il demande la présence de tous les co-facteurs nécessaires.
Le fonctionnement est donc fragile, instable et dépendant du stress, des perturbateurs endocriniens, des modifications du microbiote, des apports alimentaires...
Tous ces éléments constituent une machinerie fantastique de complexité, où des cascades de réactions en chaîne permettent de transformer, casser, associer, éliminer des produits. Ces informations vont dans le sens de la micro-nutrition qui influence, entre autres, les fonctions immunitaires. Tout appauvrissement induit des dysfonctions souvent silencieuses pendant longtemps, mais qui font le lit de pathologies.
L'alimentation doit être source de pré-biotiques (fibres, fructo-oligosaccharides) essentiels pour les probiotiques (flore digestive). L'ensemble permet une digestion optimale, en limitant les agressions du système digestif, en réduisant les risques de dysbiose et en favorisant la symbiose microbiote-hôte.
L'alimentation doit donc apporter :
• des éléments nutritifs variés sans carence ;
• des fibres pour la flore, pour permettre une parfaite dégradation et maintenir la symbiose ;
• des facilitateurs d'assimilation.
Et elle doit être dépourvue :
• d'agresseurs qui pourraient altérer la barrière digestive au niveau du mucus ou pénétrant dans les espaces inter-cellulaires ;
• d'anti-nutriments (composés chimiques, naturels ou synthétiques) qui interfèrent avec l'absorption des nutriments essentiels (actions anti-protéases, anti-vitamines, limitant l'absorption d'oligo-éléments...).
La vitamine C est un micro-nutriment essentiel avec des fonctions pléiotropes liées, entre autres, à sa capacité à donner des électrons.
Elle a des fonctions essentielles :
• d'antioxydant ;
• de cofacteur d'enzymes de biosynthèse ;
• de régulation des gènes ;
• de défense immunitaire innée et adaptative ;
• de soutien de la fonction de barrière épithéliale contre les agents pathogènes.
La vitamine C s'accumule dans les cellules phagocytaires, telles que les neutrophiles, pour améliorer la chimiotaxie, la phagocytose, la destruction microbienne puis l'apoptose des cellules de défenses.
Le rôle de la vitamine C dans les lymphocytes est moins clair mais il a été démontré qu'elle améliore la différenciation et la prolifération des cellules B et T, probablement en raison de ses effets de régulation des gènes.
Une carence en vitamine C entraîne :
• une immunité altérée (induisant une plus grande sensibilité aux infections) ;
• une inflammation accrue (modifiant la réponse aux infections).
La supplémentation en vitamine C semble à la fois prévenir et traiter les infections respiratoires et systémiques (Hunt, 1994).
La prophylaxie des infections nécessite des apports alimentaires en vitamine C qui fournissent des niveaux plasmatiques suffisants ou saturants (c'est-à-dire 100-200 mg/jour). En revanche, le traitement des infections établies nécessite des doses significativement plus élevées de vitamine C pour compenser l'augmentation de la réponse inflammatoire et de la demande métabolique.
C'est ceci qui est à l'origine du traitement par vitamine C en intraveineuse dans le cadre du Covid-19.
Les propriétés antivirales et anti-oxydantes des injections IV de vitamine C s'ajoutent à ses effets sur le système immunitaire. Ceci semble notamment aider dans la réponse spécifique à la tempête des cytokines (caractéristique du syndrome de détresse respiratoire aiguë qui survient au cours du dernier cycle de la maladie infectieuse Covid-19) (Hemilä, 2019 ; Erol, 2020).
Les fonctions de la vitamine D sont nombreuses et dépassent largement l'homéostasie osseuse.
Le récepteur de la vitamine D est directement exprimé dans les cellules de défense comme les cellules B ou T et les cellules présentant l'anti-gène (APC) (Aranow, 2011).
Toutes les cellules de l'immunité sont capables de synthétiser de façon autocrine le métabolite actif de la vitamine D qui, parmi ses multiples fonctions, permet de moduler les réponses immunitaires innées et adaptatives. Toute carence en vitamine D va diminuer les défenses et augmenter la sensibilité aux infections.
Il y a beaucoup de divergences dans les recommandations de supplémentation en vitamine D mais il faut rappeler que la synthèse endogène sous l'effet des UV-B devrait être la principale source. Il faut se méfier des fortes doses pour lesquelles sont décrits des effets opposés et qui induisent ou augmentent des carences en magnésium (ce dernier étant essentiel pour l'activation de la vitamine D).
Le lien entre les taux de vitamine D et les taux de grippe ainsi que d'autres infections a été établi par de nombreuses études transversales (Cannell, 2006). Une étude randomisée en double aveugle a montré que l'administration de 1200 UI/jour de vitamine D entraîne une diminution significative (42 %) de l'incidence des infections grippales (Urashima, 2010).
Parmi les effets immunitaires intéressants de la vitamine D dans le cadre de la Covid-19, il faut noter la diminution de la production de cytokines inflammatoires (IL-17, IL-21) et l'augmentation de la production de cytokines anti-inflammatoires (IL-10). On constate également une action inhibitrice sur la production par les monocytes de cytokines inflammatoires (IL-1, IL-6, IL-8, IL-12 et TNFα) (Almerighi, 2009).
La micro-nutrition est une discipline passionnante. L'alimentation moderne a appauvri nombre d'aliments, tout comme certains modes de cuisson et encore certains modes de culture.
Le cocktail régime alimentaire déséquilibré, manque de variété, aliments de base appauvris, alcool, stress et manque de soleil conduit à une population globalement multi-carencée et fragilisée. Les personnes n'en ont pas conscience car les carences, même sévères, ne se ressentent qu'à des stades très avancés.
Il faut plus de 3 mois d'ascorbie totale pour débuter un scorbut. Les hôpitaux de Paris (AHP) ont alerté la HAS de la recrudescence des carences en vitamine C dans la population française, notamment chez les personnes âgées en EHPAD, avec des impacts majeurs sur les tissus conjonctifs et le système immunitaire (Colombo, 2001).
Le marché des compléments alimentaires est cependant un marché très contestable, disparate, dénoncé à maintes reprises par l'INSERM en raison de l'absence de toute régulation et des dérives de l'auto-indication. Les compléments alimentaires sont loin d'être anodins. Ils sont responsables de plus de 200 effets secondaires. Certains peuvent même être cancérigènes.
Loin des évidences, les formulations et concentrations peuvent avoir des effets paradoxaux.
Les macrodoses de vitamine D induisent une fuite de magnésium. Ce magnésium est pourtant indispensable à l'activation de la vitamine D et pour de nombreuses autres fonctions cellulaires. Ceci est d'autant plus délétère que le pourcentage de personnes en manque de magnésium est important (20 à 70 % de la population) et que le déséquilibre Ca/Mg augmente les troubles de la minéralisation.
Retenons que les sources principales de vitamines et d'oligo-éléments doivent se trouver dans la diversité alimentaire. Les supplémentations n'ont de sens que dans le cadre d'une alimentation optimale, avec un microbiote équilibré permettant une bonne absorption, avec des dosages physiologiques pour limiter les éventuels effets secondaires.
Rappelons que nombre de vitamines comme celles du groupe B sont des cofacteurs enzymatiques essentiels. La vitamine A permet la synthèse de la mélanine qui sert à la peau pour synthétiser la vitamine D ; la vitamine C est anti-oxydante, participe à la synthèse du collagène et permet aux leucocytes d'assurer leur fonction de défense.
À ces compléments alimentaires (généralement des associations de vitamines et oligo-éléments essentiels), il est fondamental d'adjoindre des probiotiques (comme Lactibiane® Choc) ou, mieux, des associations symbiotiques pré et pro-biotiques (comme Lactospectrum®) dont nous connaissons les effets immunomodulateurs sur l'hôte. Ils potentialisent la réponse immunitaire, améliorent les réponses vaccinales et limitent les sur-réactions immunitaires grâce à des mécanismes d'activations de gènes qui stimulent ou inhibent des interleukines et des cytokines spécifiques (Fan Yan, 2012).
Le stress est connu pour perturber la fonction immunitaire et augmenter la sensibilité aux infections et au cancer. Paradoxalement, le stress est également connu pour exacerber l'asthme et les maladies allergiques, auto-immunes et inflammatoires, alors que ces maladies devraient être améliorées par l'immunosuppression. Ces observations suggèrent que le stress peut supprimer la fonction immunitaire dans certaines conditions tout en l'améliorant dans d'autres.
Il faut distinguer stress aigu et stress chronique qui ont des actions et des impacts opposés.
Il est favorable, dynamisant et donc protecteur pour l'organisme. Il améliore la capacité de réaction et d'adaptation, tout en améliorant le système immunitaire (inné/primaire et adaptatif/secondaire) (fig. 1).
Le stress chronique est un cofacteur pathogénique qui participe aux dérèglements physiologiques. Ce stress (psychologique, fonctionnel ou physique) supprime ou dérégule les réponses immunitaires innées et adaptatives en modifiant notamment l'équilibre des cytokines de type 1 et de type 2. Ceci induit une inflammation chronique et diminue la fonction des cellules immuno-protectrices (Dhabhar, 2014).
De plus, le stress chronique modifie la régulation d'expression au niveau du génome, altérant ainsi les synthèses enzymatiques et les fonctions cellulaires (épigénétique).
La biologie humaine nécessite une certaine activité physique pour se maintenir, équilibrer la balance énergétique et éliminer le stress psychique. L'effet sur la santé est proportionnel à la dose d'activité physique (Kujala, 1998).
Les effets sont directs et indirects, par la stimulation, un stress aigu, la détoxification, le bénéfice psychique, la stimulation neuro-endocrinienne et se mesurent au niveau du dynamisme global mais aussi de l'homéostasie et de l'immunité.
L'activité physique diminue par exemple de 15 % le risque de contracter la grippe (Siu, 2012).
Avec l'avancement dans l'âge, les comorbidités et la baisse des activités physiques, le fragile équilibre appelé « la santé » est compromis. Ces mécanismes sont inter-dépendants.
La crise sanitaire a eu un impact important sur la pratique des sports :
• pas de rassemblement collectif important ;
• pas de sport de contact ;
• la contamination aérienne pouvant atteindre 8 m avec les micro-gouttelettes, une distance de 10 m semble nécessaire entre les personnes lors de la pratique du sport ;
• la pratique de sports extrêmes ou à risque doit être raisonnée afin de limiter le risque d'accident et ne pas mobiliser les secours, les services d'urgences (les médicaments pour anesthésie générale font défaut) (Bahl, 2020).
L'obésité partage avec la plupart des maladies chroniques la présence d'une composante inflammatoire qui explique le développement de maladies métaboliques et d'autres altérations de la santé associées.
Elle va impacter le pronostic par rapport à :
• l'immuno-dysfonction ;
• la carence en vitamine D induite ;
• l'état pro-inflammatoire associé ;
• l'impact du physique en cas de réanimation.
L'obésité engendre une dysfonction immunitaire par insuffisance fonctionnelle des monocytes et des macrophages (Winfield et al., 2016).
L'obésité augmente la carence en vitamine D tout en diminuant sa biodisponibilité et en dérégulant l'expression de gènes essentiels à son homéostasie (diminution de l'expression de gènes rénaux CUBN qui est en même temps un transporteur de la vitamine B12, diminution de l'expression des 25-hydroxylases et des transporteurs de vitamine D).
Les apports chez les personnes obèses doivent ainsi être doublés du fait de la dysfonction des adipocytes qui stockent en excès cette vitamine liposoluble (Greenwood, 2018).
L'obésité, comme d'autres états de malnutrition, est connue pour altérer la fonction immunitaire (le nombre de leucocytes ainsi que les réponses immunitaires à médiation cellulaire).
L'obésité induit :
• une augmentation de la production de lectine (pro-inflammatoire) ;
• une réduction de l'adiponectine (anti-inflammatoire).
Et cette combinaison semble affecter l'activation des cellules immunitaires.
Le surpoids morbide crée une difficulté physiologique à supporter une réanimation de longue durée sous AG. L'influence intrinsèque du surpoids en cas de décubitus du patient est à lui seul un facteur très défavorable.
Les évolutions des systèmes immunitaires inné et acquis sont présentes tout au long de la vie, déclinent avec l'âge et impactent considérablement les risques d'infections, de maladies auto-immunes et de cancers (Weiskopf, 2009).
Les maladies infectieuses restent la quatrième cause de décès parmi les personnes âgées dans le monde développé. De plus, les réponses immunitaires aberrantes chez les personnes âgées peuvent aggraver l'inflammation. Le changement le plus critique du système immunitaire inné vieillissant est probablement l'augmentation des cytokines pro-inflammatoires IL-1β, IL-6, IL-18 et TNFα. Ceci peut constituer un facteur décisif dans le stade 2 de la Covid-19.
Surinformation, désinformation, mensonges de l'État, nombre de décès quotidien et histoires personnelles qui s'invitent le soir aux journaux télévisés, auxquels s'ajoute un lot de fake news et d'angoissantes découvertes..., autant d'inquiétudes alarmantes qui impactent le mental de chaque citoyen.
Si l'effet placebo est bien connu et compris via ses actions physiologiques bien réelles (sécrétions d'endorphines et de dopamine), la situation actuelle génère un effet méconnu qui n'est pourtant que le corollaire du placebo : l'effet nocebo.
Les effets (placebo et nocebo) (fig. 3) sont associés à des réponses opposées de dopamine et de neurotransmission opioïde endogène (endorphine) dans un réseau distribué de régions. Les zones cérébrales impliquées dans ces phénomènes font partie du circuit généralement impliqué dans les réponses aux récompenses et les comportements motivés. Il ne faut donc pas sous-évaluer l'impact réel de ces mécanismes endogènes puissants et addictifs (Scott, 2008).
Nombreux sont les grands économistes comme Gael Giraud qui tiraient déjà la sonnette d'alarme face à l'urgence de la situation économique, sociale et écologique bien avant la Covid-19. La pandémie de la Covid-19 traduit l'entrée brutale dans l'ère de l'anthropocène : celle des grandes ruptures marquées par les changements climatiques et les risques sanitaires à l'échelle mondiale.
Depuis des années, d'éminents scientifiques comme Jean-Marc Jancovici ou Nicolas Plain dénoncent les dangers du mode de fonctionnement qui s'est installé depuis des décennies, en s'amplifiant sans cesse, aggravant la pollution et le réchauffement climatique et épuisant les ressources.
La crise aura permis de montrer que l'arrêt massif est possible et de réveiller la conscience de l'impératif d'une orientation durable de nos modèles de sociétés.
Plus que jamais, cette nouvelle infection à coronavirus stimule les nouvelles découvertes et permet de remettre au devant de la scène les facteurs majeurs de la santé. Les liens étroits qui régissent les différentes composantes de l'homéostasie sont dans de telles inter-relations qu'il est souvent impossible de définir des causalités et des conséquences. Un minimum de réflexion nous amène à optimiser l'ensemble des facteurs qui concourent à une santé protectrice (un système immunitaire et une homéostasie optimale) pour la population, tout en ayant conscience des facteurs de risque, des moyens de protection et des stratégies de distanciation qui en découlent.
Les transpositions des résultats d'études d'autres infections virales doivent attirer notre intérêt mais restent imparfaites. Cependant, la Covid-19 ne doit pas nous focaliser sur ses spécificités exclusives mais constitue une opportunité de repenser nos fonctionnements, moyens et protocoles qui seront favorables pour l'ensemble des infections présentes et potentiellement à venir (zoonose).
De nombreuses recherches en cours et à venir, sur la génétique, l'épigénétique, les impacts des microbiotes et autres carences nous permettrons de mieux gérer notre susceptibilité aux infections.
Dans la crise sanitaire actuelle, il semble acquis que de nombreuses personnes ne sont pas mortes directement du virus mais de ses conséquences inflammatoires, ce qui a été appelé choc (ou orage) cytokinique. Les notions de terrain et de santé abordées donnent du sens à une approche pro-active et expliquent probablement le pourquoi de certains profils à risque (sujet âgé, avec comorbidités, notamment obésité et diabète) même si aucun lien direct ne peut être affirmé.
Rappelons qu'il faut rester extrêmement modeste quant à toutes nos connaissances car, même si l'élan scientifique est sans pareil, le manque de recul est majeur et des investigations ultérieures sont d'une nécessité absolue.
Notre rôle social consiste à soigner mais aussi à expliquer, conseiller, éduquer sur un plan sanitaire et dépister les personnes à risque.
La prise en compte active de la notion de terrain s'inscrit manifestement comme une des réponses aux situations épidémiques et de crises sanitaires.