Article
Professeur des Universités en Santé publique
Université Paul Sabatier (UT3), CHU Toulouse
Faculté de chirurgie dentaire, Toulouse
Résumé
Le droit de prescription de tous les chirurgiens-dentistes leur permet d'avoir recours aux tests diagnostiques de la Covid-19. Cet article a pour objectif d'aider le chirurgien-dentiste à mieux comprendre les principales différences méthodologiques, les avantages et les inconvénients des tests diagnostiques moléculaires par RT-PCR ou sérologiques par identification d'IgM et d'IgG dans des situations de suspicion de Covid-19. L'intérêt respectif de ces différents tests sera discuté dans la recherche d'une infection à SARS-CoV-2. L'intérêt pour le chirurgien-dentiste d'utiliser les tests sérologiques rapides appelés TRODs sera également abordé pour apporter aux praticiens tous les outils nécessaires à la gestion de la crise sanitaire Covid-19.
The right of prescription of all dental surgeons provides access to Covid-19 diagnostic tests. This article's purpose is to assist the dental surgeon in understand the main methodological differences, the pros and cons of molecular diagnostic test by RT-PCR or serological by identification of IgM and IgG in situations of suspicion from Covid-19. The respective interest of these different tests will be discussed in the search for SARS-CoV-2 infection.The benefit to the dental surgeon of using serological testsrapids called TRODs will also be discussed to provide practitioners with all the tools necessary for management of the Covid-19 health crisis.
Le diagnostic des maladies infectieuses virales s'appuie sur une série de signes cliniques plus ou moins caractéristiques de la pathologie recherchée. Cependant, l'identification directe ou indirecte de l'agent pathogène étiologique ou des conséquences immunitaires de sa présence permet de confirmer le diagnostic clinique, d'évaluer le stade de la maladie et d'ajuster le traitement (Fang et al., 2020 ; Gupta et al., 2020 ; Hadaya et al., 2020).
Ces tests permettent également de suivre et d'analyser l'évolution de l'épidémie. Ils fournissent des informations précieuses dans la compréhension des grandes épidémies pour anticiper et contrôler leur propagation (Berger et al., 2020).
La fiabilité des tests diagnostiques s'appuie sur une chaîne d'actions qui doit aboutir à une réponse la plus représentative possible de la situation biologique réelle pour apporter une aide au clinicien. Les différentes étapes du processus comprennent le choix du site de prélèvement, la méthode de prélèvement, le milieu de transport, la méthode d'analyse, l'interprétation des résultats biologiques, la transposition clinique.
Dans le cadre de la maladie Covid-19, l'agent pathogène étiologique a été parfaitement identifié : le SARS-CoV-2 de la famille des Coronaviridae. Son matériel nucléique a été totalement séquencé : une séquence d'ARN mono-brin, à polarité positive de presque 30 kbases (fig. 1 et 2). Ces glycoprotéines de surface ont été isolées, purifiées, caractérisées et modélisées (Ibrahim et al., 2020) (fig. 3).
Le choix du site de prélèvement est fortement stratégique et conditionne le résultat du test. La connaissance des réservoirs naturels, des récepteurs spécifiques et donc des tissus cibles permet un choix éclairé du site de prélèvement. La compréhension du cycle de réplication du SARS-CoV-2 permet également de mieux cibler le virus par rapport à sa prolifération extracellulaire.
Les connaissances actuelles de la maladie ont permis d'identifier plusieurs cibles potentielles de prélèvement : les cellules épithéliales de l'arbre trachéo-bronchique (par écouvillonnage) (fig. 4), les alvéoles pulmonaires (par lavage broncho-alvéolaire), le sang (Chen et al., 2020), la salive, les selles (Chen et al., 2020), le liquide lacrymal. Les tissus cibles du virus SARS-CoV-2 sont les tissus contenant la plus forte concentration de récepteur ACE2 à l'angiotensine 2 qui interagissent avec la protéine virale Spike (Ibrahim et al., 2020) : épithélium des capillaires pulmonaires, épithélium des bronches, épithélium du naso-pharynx, cellules endothéliales du tractus digestif, reins, cœur, système nerveux central (1re et 5e paires de nerfs crâniens), les glandes salivaires. L'endothélium vasculaire semble être également une cible du virus à l'origine des phénomènes de coagulation intravasculaire.
La facilité d'accès peu invasive du naso-pharynx et la présence fréquente du virus dans les cellules épithéliales de cette zone en font un site de prélèvement de prédilection pour les examens d'identification et de semi-quantification de la charge virale par RT-PCR quantitative pour des sujets ambulatoires. Les patients hospitalisés en service de réanimation sont prélevés au niveau des alvéoles pulmonaires par un lavage des alvéoles pulmonaires.
Les tests sérologiques ont besoin d'un prélèvement sanguin pour permettre une recherche de différentes immunoglobulines (IgM et IgG). Le prélèvement de sang pourra être réalisé par ponction veineuse ou capillaire (piqûre de la pulpe d'un doigt) (fig. 5). La salive semble être également un bon candidat pour les tests sérologiques et la recherche d'IgM, IgG et IgA sécrétoires.
La méthode de prélèvement la moins invasive est l'écouvillonnage naso-pharyngé (fig. 4). Cette méthode ambulatoire est désagréable pour le patient et parfois légèrement douloureuse. La sensibilité de cette méthode de prélèvement est moyenne, de l'ordre de 60 %. Cette méthode ne prélève donc pas le virus chez 40 % des patients porteurs. Les prélèvements des expectorations profondes ou sur des lavages broncho-alvéolaires ont une meilleure sensibilité.
Le prélèvement narinaire est à proscrire car il est à l'origine d'un nombre trop important de faux négatifs. Ces méthodes de prélèvement sont réservées aux tests moléculaires par RT-PCR.
La procédure de prélèvement du SARS-CoV-2 a été parfaitement codifiée par de nombreux laboratoires d'analyses médicales (fig. 6).
Les écouvillons sont plongés dans le milieu de transport M4RT après prélèvement sur le patient. Ce milieu de transport est utilisé pour les prélèvements de virus respiratoires (grippe), l'herpès simplex virus et le virus respiratoire syncytial.
L'enveloppe du SARS-CoV-2 est fragile et l'ARN encore davantage car il peut se dégrader au contact des nombreuses protéases présentes dans l'environnement humain. L'utilisation d'un milieu de transport et son choix sont donc importants pour éviter une augmentation des faux négatifs par dégradation du prélèvement.
Le milieu de transport de choix est le M4RT (fig. 7 et 8) qui est une solution saline équilibrée de Hank modifiée et additionnée de sérum-albumine bovin, de gélatine, de sucrose et d'acide glutamique. Le pH est tamponné à l'HEPES à une valeur de 7,3. Du rouge de phényl est utilisé pour indiquer le pH. De la gentamicine et de l'amphotéricine B sont incorporées pour empêcher la croissance des bactéries et des levures concurrentes. Ce milieu est isotonique et non toxique pour les cellules hôtes. Des cryoprotecteurs sont ajoutés pour assurer la survie des organismes pendant des cycles de congélation-décongélation.
Un test de dépistage a pour objectif de déterminer, au sein d'une population en bonne santé, quelles sont les personnes atteintes d'une maladie et les personnes indemnes de cette maladie. La validité d'un test dépend de sa sensibilité, sa spécificité, sa valeur prédictive positive et sa valeur prédictive négative.
– La sensibilité d'un test est la probabilité que le test soit positif si la personne est atteinte de la maladie. Elle se calcule en divisant le nombre de positifs au test par le nombre total de personnes vraiment atteintes par la maladie. Plus un test est sensible, moins il y aura de faux négatifs. Il permet donc d'exclure de la maladie des personnes de la population.
– La spécificité est la probabilité que le test soit négatif si le sujet n'a pas la maladie. C'est donc le nombre de vrais négatifs divisé par le nombre total de sujets indemnes de la maladie. Plus un test est spécifique, moins il y aura de faux positifs. Il permet donc de mieux identifier la maladie.
Ces deux notions de spécificité et de sensibilité sont interdépendantes. L'augmentation de la sensibilité se fait le plus souvent au détriment de la spécificité. L'inverse est également vrai.
– La valeur prédictive positive (VPP) est la probabilité que la personne soit réellement malade si son test est positif. C'est le nombre de vrais positifs divisé par le nombre total de sujets dont le test est positif.
– La valeur prédictive négative (VPN) est la probabilité que la personne n'ait pas la maladie si son test est négatif. C'est donc le nombre de vrais négatifs divisé par le nombre total des sujets dont le test est négatif.
Les méthodes biologiques d'étude des micro-organismes sont schématiquement divisées en trois groupes : diagnostic par culture, diagnostic immunologique et diagnostic moléculaire. Chacune de ces méthodes présente des avantages et des inconvénients qui permettent de définir avec précision le champ d'application de chacune d'entre elles.
Dans le domaine de la virologie médicale, les techniques de culture sont peu appropriées car elles présentent de nombreuses contraintes. Elles nécessitent un support de culture cellulaire eucaryote compatible avec le virus recherché (fig. 9). Elles font souvent l'objet de co-infections bactériennes ou par levures. Elles sont longues à identifier le virus recherché et peu sensibles. L'automatisation de cette approche est difficile et les coûts sont élevés. La culture de virus est donc davantage réservée à des objectifs de recherches scientifiques.
Les diagnostics immunologiques (sérologiques) sont des techniques dites indirectes car elles mettent en évidence la réponse de l'hôte à l'infection. Le diagnostic immunologique repose sur la spécificité de la réaction antigène-anticorps (Ag-Ac). Il peut permettre la détection des antigènes viraux (détection directe du virus) ou d'immunoglobulines de type IgM ou IgG (dans le sang) ou IgAs (salivaire). La recherche d'immunoglobulines met en évidence la réaction immunitaire humorale dirigée contre le SARS-CoV-2.
– Spécificité proche de 99 %.
– Rapidité de l'ordre de quelques minutes à quelques heures.
– Travail sur des échantillons non vitaux (virus mort).
– Méthode simple, facile à standardiser (automate, campagne de tests sur des populations, kits en cabinet...).
– Coût modéré.
– Le sérotypage peut apporter des éléments d'information épidémiologique.
– Méthode ciblée de recherche des virus. On ne peut trouver que ce que l'on cherche.
– Sensibilité médiocre car il n'y a pas de phase d'amplification (de l'ordre de 10-4).
– Spécificité très variable selon les réactifs utilisés : excès de spécificité des anticorps monoclonaux et manque de spécificité des réactifs polyclonaux.
– Importance de disposer de contrôles positifs et négatifs pour interpréter le test.
– La quantification n'est souvent qu'une semi-quantification.
Les principales techniques immunologiques qui peuvent être utilisées pour le diagnostic immunologique sont le test d'agglutination, la cytométrie en flux, le test ELISA (Enzyme Linked Immunosorbent Assay), l'immunofluorescence directe ou indirecte.
De nombreux laboratoires dans le monde et en France développent des tests sérologiques unitaires pour la recherche d'immunoglobulines dirigées contre le SARS-CoV-2 dans le sang (Cassaniti et al., 2020). Des versions pour automates utilisant le principe ELISA (Enzyme Linked Immunosorbent Assay) sont également développées pour pratiquer des examens en nombre important sur la population (fig. 10). De nombreuses marques développent ces types de dispositif (Abbott, Roche...).
Le principal point faible de ces tests sérologiques est donc leur sensibilité. La campagne d'agrément des candidats tests danois a mis en évidence des variations de sensibilité de 67 à 93 % et des variations de spécificité de 93 à 100 %. Le seuil de détection positif est donc le gros point faible des approches immuno-sérologiques. Par contre, la sensibilité est le point fort des approches moléculaires par RT-PCR.
Ces tests seront disponibles sous deux formes différentes. La première forme correspond à des tests sérologiques effectués à partir de prélèvements sanguins veineux et analysés en laboratoire sur des automates par une technique de type ELISA (fig. 10). La deuxième forme correspond à des tests sérologiques effectués à partir d'une goutte de sang par piqûre de la pulpe d'un doigt et analyse par un kit sans passage par un laboratoire. Ils sont également appelés test rapide d'orientation diagnostique (TROD). Ce deuxième système délivre un résultat en quelques minutes chez soi (fig. 11).
Les diagnostics moléculaires sont des techniques dites directes qui permettent de rechercher l'agent pathogène en cause ou des fragments de celui-ci (génome : ADN ou ARN en fonction du type de virus) et, ainsi, de confirmer le diagnostic de COVID-19 (Babiker et al., 2020).
Le virus SARS-CoV-2 possède un matériel génétique unique qui est un brin d'ARN mono-caténaire. Le but du diagnostic par RT-PCR est d'identifier la présence de petits fragments de cette ARN spécifique du virus que nous recherchons (Amrane et al., 2020). Un des points forts de cette technologie est de pouvoir amplifier le matériel génétique plusieurs milliers de fois, permettant ainsi d'augmenter de façon significative la sensibilité de la méthode (Li et al., 2020).
La PCR est une technique qui a été découverte en 1992 par Higuchi. Elle a totalement bouleversé la biologie moléculaire. Une série d'avancées technologiques a permis son évolution vers la PCR en temps réel (PCRq) qui a remplacé la PCR conventionnelle en permettant de rendre la méthode quantitative.
Cette méthode de biologie moléculaire a pour objectif l'amplification de certaines parties du génome in vitro et de doser sa quantité. Elle permet donc d'amplifier une séquence d'ADN ou d'ARN connue à partir d'une très faible quantité de l'ordre de quelques picogrammes. Elle utilise des amorces d'oligonucléotides de synthèse de 20 à 25 nucléotides et une enzyme qui permet l'amplification : la Taq polymérase de Thermus aquaticus (fig. 12). Après quelques années d'amélioration, nous sommes passés de quelques centaines de copies en 12 heures à plus d'un milliard de copies en 1 heure. La PCR en temps réel est une révolution dans l'utilisation de la PCR. Cette technique mesure la quantité d'ADN polymérisé à chaque cycle grâce à un marqueur fluorescent. Elle permet, en mesurant la fluorescence, de faire des quantifications. Mais elle nécessite des automates (thermocycleurs) particuliers intégrant des fluorimètres aux coûts élevés.
Selon un avis du 6 mars 2020 de la Haute Autorité de Santé, les tests PCR doivent être réalisés sur des prélèvements obtenus par écouvillonnage du naso-pharynx ou lavage broncho-alvéolaire. Ces tests étaient limités aux professionnels de santé et aux patients symptomatiques graves en raison d'une disponibilité analytique faible. Mais, depuis le mois de mai, la capacité de dépistage par RT-PCR a fortement augmenté. Aussi, la Direction générale de la santé en a-t-elle élargi les indications aux résidents des EHPADs, aux personnes au contact de patients symptomatiques et aux personnes ayant des symptômes évocateurs.
– Sensibilité élevée si le prélèvement est bien ciblé.
– Méthode simple, facile à standardiser (automate).
– Méthode ciblée de recherche des virus. On ne peut trouver que ce que l'on cherche.
– Le virus doit être présent sur le site prélevé.
– Réactifs et automates sont coûteux.
– Risque de contamination des échantillons, donc risque de faux positifs.
– La quantification n'est souvent qu'une semi-quantification.
– Temps de gestion d'un prélèvement souvent de l'ordre de 24 heures.
La figure 13 montre la cinétique d'évolution du virus SARS-CoV-2 à travers la présence d'ARN et la cinétique d'évolution des anticorps anti-SARS-CoV-2. La première courbe qui traduit la présence du virus montre qu'elle est maximale entre le 5e et le 10e jour après infection. Concernant la production d'anticorps, il est naturel que ce délai soit plus important pour laisser le temps à l'organisme de produire des immunoglobulines spécifiques. Cette courbe sérologique est maximale entre le 24e et le 40e jour après infection.
La fiabilité des tests sérologiques augmente avec l'intensité et la qualité de la réponse immunitaire du sujet. Les symptômes apparaissent 5 à 10 jours après l'infection par le SARS-CoV-2. Les prélèvements sont donc plus significatifs à partir de la deuxième semaine faisant suite à l'apparition des symptômes (entre le 14e et le 20e jour). À l'inverse, les prélèvements entre le 7e et le 13e jour feront l'objet de plus nombreux faux négatifs. Pour l'instant, nous connaissons mal la réponse immunitaire induite par le SARS-CoV-2. À partir de quand est-elle détectable ? Combien de temps dure-t-elle ? Quelle est sa signification en termes de protection ?
Ces limites techniques suggèrent de faire appel à une autre méthode de diagnostic plus sensible et indépendante de la viabilité du prélèvement et de la réponse immunitaire pour poser un diagnostic dans la première partie de la maladie : infection et prolifération des virus (fig. 13). Les progrès de la biologie moléculaire permettent l'utilisation de nouvelles technologies utilisant le principe de l'hybridation ADN-ADN à la base de nouveaux tests d'identification des virus. Les tests moléculaires par PCR seront dépendants de la présence ou de l'absence de l'ARN viral, donc du choix du site de prélèvement et du choix du moment de prélèvement par rapport à l'apparition des premiers symptômes.
Les tests diagnostiques par RT-PCR se font donc 5 à 10 jours après l'infection, dès l'apparition des premiers symptômes. Ce type de test se fait le plus tôt possible.
Les tests biologiques sérologiques se font après la fenêtre de test PCR. Il faut attendre au moins 24 jours après infection, donc 10 à 20 jours après les premiers symptômes. Plus ce test est fait tard, plus il est fiable dans son résultat. Ce type de test ne peut pas diagnostiquer une infection débutante. Ces situations donneront des faux positifs.
D'après les données bibliographiques disponibles, la sensibilité d'un test de RT-PCR à partir d'un prélèvement naso-pharyngé varie de 53 à 83 % (donc de nombreux faux négatifs) avec une excellente spécificité de 95 à 98 % (donc très peu de faux positifs). Les cas de faux positifs observés sont le plus souvent liés à des contaminations de prélèvement par d'autres matériaux génétiques. Dans le plus grand nombre de situations, un seul test PCR négatif suffit à éliminer un diagnostic de Covid-19.
En situation de disponibilité des tests RT-PCR, ils sont indiqués en début de symptômes évoquant le Covid-19, 7 à 15 jours après infection par le SARS-CoV-2. Ils sont également indiqués sur les cas contacts présentant une forte présomption d'infection Covid-19, sachant que le virus est détectable quelques jours avant l'apparition de symptômes et que 15 à 20 % des personnes contaminées ne présenteront pas de symptômes mais seront positives à un test RT-PCR (Lacobucci, 2020).
Les tests sérologiques ne détectent pas la présence directe du virus. Ils déterminent le statut immunitaire du sujet. Un test sérologique permet de détecter les IgM, les IgG et les IgA (pour certains tests salivaires). Les IgM apparaissent en premier, au début de la contamination d'une personne, pendant les premiers jours, 5 à 10 jours après infection (fig. 14). Puis ils disparaissent rapidement (15 à 20 jours après infection). Les IgG qui apparaissent plus tardivement, entre le 7e et le 15e jour après la contamination, traduisent un effet mémoire de la réponse immunitaire vis-à-vis du SARS-CoV-2. Ils peuvent être protecteurs vis-à-vis de la ré-infection avec le virus déclencheur. Mais de plus en plus de publications mettent en garde par rapport à l'immunogénicité de la réponse qui est faible et de mauvaise qualité.
Les IgA sécrétoires sont produites en quantité importante dans la cavité buccale et sont un bon indicateur de réaction immunitaire vis-à-vis de SARS-CoV-2.
La négativité du test sérologique (absence d'IgM et d'IgG) signifie absence de contact du patient avec le virus car non-activation de sa réponse immunitaire spécifique.
La positivité à une partie du test sérologique, c'est-à-dire présence d'IgM mais absence d'IgG, traduit une infection récente (moins de 15 jours) et une activation de la réponse immunitaire spécifique du patient sans en connaître l'efficacité.
La positivité d'une autre partie du test sérologique, c'est-à-dire absence d'IgM mais présence d'IgG, traduit une infection ancienne datant de plusieurs semaines avec développement d'une réponse mémoire dont on ignore la durée dans le temps. Il y a très peu de probabilités que le sujet puisse transmettre le virus.
La positivité des deux aspects du test sérologique, c'est-à-dire présence d'IgM et d'IgG, traduit une infection récente datant de 2 à 4 semaines. La présence de virus est probable. Le patient peut donc toujours transmettre le SARS-CoV-2.
Les tests sérologiques sont indiqués pour confirmer le statut sérologique d'un patient ayant eu un test par RT-PCR positif à l'arrêt des symptômes.
Ils permettent également à une personne ayant eu des symptômes peu évocateurs de confirmer le diagnostic de Covid-19.
Ils déterminent théoriquement un statut sérologique : sain non infecté, infecté protégé, infecté et transmetteur (marge d'erreur importante pour ces statuts).
Ils peuvent rassurer psychologiquement vis-à-vis d'une exposition au SARS-CoV-2.
Ils permettent de mieux protéger des sujets appartenant à des groupes à risques par des mesures spécifiques (personnes de plus de 70 ans, IMC > 30, cancer, greffé, diabétique non équilibré...).
Les chirurgiens-dentistes font partie des professions les plus exposées à la contamination par le SARS-CoV-2. Une des niches naturelles du virus est le naso-pharynx mais également les glandes salivaires principales et accessoires. Le virus est donc présent dans la salive (Xu et al., 2020) et dans le sang (Chang et al., 2020).
Un faisceau d'éléments est en faveur d'une contamination aéroportée par des gouttelettes de taille variable pouvant générer autour du patient une zone à risque de plusieurs mètres. De nombreux actes techniques réalisés dans nos cabinets génèrent des aérosols puissants qui contaminent l'air et les surfaces de la salle de soins. Nous savons également qu'un certain nombre de personnes contaminées par le SARS-CoV-2 et contaminantes sont asymptomatiques et ne seront pas détectées par les mesures de filtrage habituelles (questionnaire, interrogatoire, prise de température...). Cette situation amène un certain nombre de sociétés savantes comme la Société odontologique de Paris à demander l'accès aux tests sérologiques aux chirurgiens-dentistes pour leurs patients. Un test salivaire appelé EasyCov a été développé par une collaboration entre le CNRS et une entreprise française et permet un résultat en quelques minutes, compatible avec l'activité en cabinet. Mais, à ce jour, la HAS n'a validé aucun dispositif de diagnostic sérologique pourtant utilisé dans de nombreux autres pays européens.
L'analyse des courbes de production des IgM et des IgG par rapport à celle de production du virus montre clairement que les tests PCR et les tests sérologiques sont complémentaires (Guo et al., 2020) (fig. 13).
Le diagnostic de l'infection Covid-19 est principalement fondé sur les tests PCR pour mettre en évidence la présence d'ARN viral dans le prélèvement naso-pharyngé obtenu par écouvillonnage (Chen et al., 2020). Ce test permet de préciser si un patient est porteur du virus à un instant précis sur le site prélevé.
Les tests sérologiques pratiqués sur quelques gouttes de sang par une technique ELISA ne répondent pas aux mêmes questions. Ils permettent de dire qu'il y a eu une infection récente (IgM) ou ancienne (IgG).
Les tests sérologiques sont parfaitement adaptés aux enquêtes séro-épidémiologiques de grande ampleur au sein de la population ou aux enquêtes de séroprévalence dans des groupes à risque comme les personnes en Ehpad ou les personnels médicaux.
Ces tests peuvent permettre également de rassurer les équipes médicale et administrative du cabinet dentaire dans ce contexte particulièrement anxiogène que génèrent les épidémies (Lagier et al., 2020).
Le chirurgien-dentiste a un accès libre aux tests diagnostiques moléculaires et sérologiques pour jouer son rôle d'acteur de santé publique pouvant contribuer à dépister les cas de Covid-19, pour mieux faire barrière à la propagation naturelle du virus et pour protéger l'équipe médicale et administrative du cabinet.