Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/09/2020

 

Article

Michel SIXOU  

Professeur des Universités en Santé publique
Université Paul Sabatier (UT3), CHU Toulouse
Faculté de chirurgie dentaire, Toulouse

Résumé

Résumé

Connaître la famille très médiatique des Coronaviridae depuis quelques mois est aujourd'hui important pour comprendre d'où vient la pandémie de Covid-19. Comment ces virus fonctionnent-ils ? À quoi sont-ils sensibles ? D'autres épidémies à coronavirus risquent-elles de perturber le fonctionnement de nos sociétés ?

Il n'existe aujourd'hui aucun traitement et aucun vaccin pour contrôler les conséquences d'un des sept coronavirus humains.

Ce chapitre est important pour apporter des réponses à toutes ces questions et permettre aux chirurgiens-dentistes de comprendre les caractéristiques moléculaires, immunologiques et physico-chimiques de ces virus. Leur vision sur l'épidémie de Covid-19 et les mesures à prendre pour protéger patients et équipes de soins seront clarifiées par la lecture de cet article.

Summary

ABSTRACT

Getting to know the recently mediatic family of Coronaviridae now is important to understand where the Covid-19 pandemic comes from. How these viruses work? What are they sensitive to? Others coronavirus epidemics may disrupt functioning of our societies?

There is no treatment and no vaccine today to control the consequences of one of the seven human coronaviruses.

This chapter is important for providing answers to all of these questions and allow dentists to understand molecular, immunological and physicochemical characteristics of these viruses. Their vision on the Covid-19 outbreak and the measures to be taken to protect patients and medical teams will be clarified by this article.

Key words

Coronavirus, SARS-CoV, MERS-CoV, SARS-CoV-2.

Introduction

Pendant la première moitié du XXe siècle, les coronavirus étaient une petite famille qui intéressait principalement le monde animal (Chawla et al., 2020 ; Cunningham, 1951 ; Tyrrel, 1979 ; Delaha et al., 1954 ; Groupe, 1949) (tableau 1). La découverte de formes humaines responsables d'infections des voies aériennes supérieures (rhinite) au milieu du XXe siècle a suscité un petit regain de curiosité (Estola, 1970 ; McIntosh et al., 1969) (fig. 1). Mais les deux épidémies de 2002 (SARS-CoV) et 2012 (MERS-CoV) et la pandémie de 2019-2020 (SARS-CoV-2) ont changé la situation (Vabret et al., 2009). Des moyens sans précédent ont été réorientés sur l'étude du SARS-CoV-2, le traitement de la pathologie qui lui est associée (Covid-19) et la mise au point de stratégies vaccinales.

En pleine épidémie de grippe de Hong Kong en 1968, Tyrrell (Arnold, 2020 ; Tyrrell, 1967) caractérisait une nouvelle famille de virus appelée Coronaviridae. Cette famille comprenait des virus isolés à partir de patients humains présentant des pathologies des voies aériennes supérieures et à partir de bronchites infectieuses animales (aviaire). Deux formes virales humaines étaient considérées comme les prototypes de cette famille (B814 et 229E). Pendant longtemps, elles ont été considérées comme ayant un niveau de pathogénicité faible chez l'homme à l'origine le plus souvent de simples rhumes.

Il a fallu attendre le début des années 2000 pour que la communauté médicale change d'avis. En 2002-2003, en raison de l'épidémie de SARS (Severe Acute Respiratory Syndrome) dans la province de Guangdon en Chine, cette famille de virus a fortement intéressé l'OMS et toutes les agences de santé publique. Dix ans plus tard, en 2012, un autre coronavirus fortement pathogène apparaît dans des pays du Moyen-Orient (Arabie Saoudite), provoquant une épidémie localisée à cette région du monde. Ce virus, le MERS-CoV, provoque un syndrome de détresse respiratoire très sévère comme le SARS-CoV mais avec un taux de mortalité très élevé (36 %). Les nombreuses études que ces deux derniers virus ont suscitées entre 2002 et 2019 ont permis de beaucoup mieux connaître les réservoirs animaux, la transmission humaine par franchissement de la barrière d'espèces (zoonose) et la biologie des coronavirus (Cui et al., 2019).

Mais la pandémie de SARS-CoV-2 qui a commencé à l'automne 2019 est un vrai raz de marée scientifique qui a réorienté de très nombreuses équipes de chercheurs, les moyens financiers, les politiques nationales et internationales sur les moyens de lutte contre ce virus pour maîtriser la pandémie de Covid-19.

En 6 mois, la base médicale PubMed a répertorié plus de 25 000 articles sur le SARS-CoV-2 ou la maladie Covid-19, permettant ainsi une forte amélioration de la connaissance de cette famille de virus. Pour la première fois dans l'histoire de la recherche biomédicale, la totalité des travaux publiés concernant la Covid-19 est laissée en accès libre et gratuit à l'ensemble de la communauté scientifique et médicale. Pour la première fois dans l'histoire, tous les pays de notre planète collaborent scientifiquement pour proposer des solutions dans la lutte contre le SARS-CoV-2. Les coronavirus deviennent la principale famille de virus émergents chez l'homme.

Classification des coronavirus

Dans le cadre de la classification internationale des virus (taxonomie), la famille des Coronaviridae a été clairement créée et définie en 1975 par le Comité international de taxonomie des virus (ICTV).

– Sous-famille : Orthocoronavirinae.

– Famille : Coronaviridae (qui comprend 4 genres reposant sur l'analyse et la comparaison des génomes complets).

– Ordre : Nidovirales.

– Royaume : Riboviria.

Les coronavirus appartiennent à la famille des Coronaviridae dans l'ordre des Nidovirales. Le nom coronavirus a pour origine la morphologie de ce virus en microscopie électronique qui forme une couronne en raison de la répartition des péplomères également appelés protéines Spike autour de la membrane externe du virus. Certains auteurs parlent d'aspect en pétale des spicules portés sur leur péplos (fig. 2).

La famille des Coronaviridae comprend 4 sous-groupes ou genres sur la base d'analyses phylogénétiques : alphacoronavirus, bêtacoronavirus, gammacoronavirus et deltacoronavirus (fig. 3). L'extrémité 3' du génome de ces genres code pour des protéines de structures comprenant la glycoprotéine Spike (S), l'enveloppe (E), la membrane (M), la nucléocapside (N). La figure 4 permet de comparer le génome des 4 genres de coronavirus (α, β, χ, δ) et de ses principaux représentants.

Alphacoronavirus

Le genre alpha est présent chez de nombreuses espèces animales comme la chauve-souris, le rat, le vison, le porc. Deux espèces humaines ont été identifiées, Hco-V-229E et HcoV-NL63, responsables d'infections des voies aériennes supérieures.

Bêtacoronavirus

Les trois virus humains SARS-CoV, MERS-CoV et SARS-CoV-2 appartiennent à ce genre viral et sont à l'origine de syndromes de détresse respiratoire aiguë. Mais on retrouve également le virus de l'hépatite murine (MHV) et celui de la sialodacryoadénite du rat et du porc. Les bêtacoronavirus sont fortement présents chez les chauves-souris.

Gammacoronavirus

Le genre gamma est présent chez de nombreuses espèces d'oiseaux chez qui il provoque le plus souvent des bronchites. Il est également présent chez le béluga blanc en captivité.

Deltacoronavirus

Ils sont surtout présents chez les oiseaux et les porcs. Leur caractérisation est très récente. Ils restent aujourd'hui mal connus et absents chez l'homme.

Structure des coronavirus

Les techniques de préparation de microscopie électronique ont longtemps constitué une limite à l'analyse morphologique des coronavirus. Ce sont des virus pléomorphes de forme principalement sphérique. La capside est à symétrie hélicoïdale. La taille moyenne peut varier de 65 à 160 nm de diamètre. Ils contiennent un ARN simple brin à polarité positive de 26 à 32 kbases correspondant aux valeurs les plus élevées chez les virus à ARN (Weiss et al., 2005).

Le virus compte 4 protéines structurales (fig. 5) :

– la protéine S ou Spike (fixation à l'hôte et fusion à la membrane) ;

– la membrane M ;

– la protéine de la nucléocapside (N) ;

– l'enveloppe (E).

Le génome des coronavirus est constitué de 11 séquences codantes :

– ORF 1a et ORF 1b qui codent pour la polymérase virale ;

– 4 séquences codant pour des protéines de structures ;

– 5 séquences codant pour des protéines accessoires.

Le génome code aussi pour des protéines non structurales dont le rôle n'est pas complètement élucidé.

Ce type de virus ne dispose pas de système de réparation des acides nucléiques et est donc fortement exposé aux mutations ponctuelles qui sont de l'ordre de 0,08 à 0,01 %. Le génome étant d'une taille moyenne de 30 000 bases, on peut considérer que, à chaque cycle de réplication, des mutations se glissent dans la séquence. Des délétions ou des recombinaisons inter-génomiques sont également possibles. Ces caractéristiques expliquent la variabilité génomique importante des coronavirus et ses évolutions rapides et imprévues quand il est impliqué dans une épidémie.

Les coronavirus sont composés, de l'intérieur vers l'extérieur, d'une nucléocapside (brin d'ARN), d'une membrane, d'une enveloppe et d'une structure externe appelée protéine Spike (fig. 5).

Ils doivent leur nom à l'aspect en couronne des virus en microscopie électronique lié à la disposition des péplomères ou Spike protéine (fig. 2 et 6). La forme peut varier en fonction de la souche virale. Les coronavirus de l'intestin de l'homme, du chien, du chat sont plutôt arrondis (fig. 7). Ces péplomères émergent de l'enveloppe lipidique et forment une couronne autour du virus. Elle peut sembler se détacher en microscopie électronique mais est en réalité rattachée à l'enveloppe par une tige étroite. Les péplomères sont généralement espacés et mesurent 12 à 25 nm de longueur. Certains auteurs décrivent une double rangée de péplomères chez les coronavirus bovins.

Cycle de réplication des coronavirus

La réplication complète des coronavirus dans sa cellule hôte dure de 3 à 4 heures. Après pénétration par fusion des membranes, le génome est directement traduit en protéines. Parmi les protéines traduites, on retrouve des réplicases, des polymérases qui vont reproduire l'ARN viral et ainsi permettre la synthèse de nouveaux virions par assemblage et libération dans le milieu extracellulaire. Ce cycle de réplication se déroule de façon générale en 6 étapes (fig. 8). Chaque phase de ce cycle constitue une cible thérapeutique potentielle dans les pathologies humaines induites par des coronavirus comme le SARS-CoV-2:

Attachement

Les coronavirus peuvent se fixer de façon non spécifique à des cellules par l'intermédiaire de leurs protéines de surfaces acétylées ou de composés lipidiques. Mais, dans le cadre d'une infection virale, les coronavirus devront se fixer sur des récepteurs spécifiques sur la cellule hôte (fig. 8). Ils peuvent utiliser leur protéine S ou une hémagglutinine estérase du côté de la structure virale. Du côté de la cellule hôte, les structures réceptrices seront des métalloprotéinases ou des glycoprotéines contenant de l'acide sialique (N-acétylneuraminique). À titre d'exemple, HcoV-229V, qui comporte le TGEV, utilise comme récepteur cellulaire le CD13. SARS-CoV et SARS-CoV-2 utiliseront le récepteur cellulaire ACE2.

Pénétration

Le brin d'ARN monocaténaire à polarité positive est inséré dans la cellule hôte et toutes les autres structures sont abandonnées à l'extérieur de la membrane cellulaire. Ce brin d'ARN va se fixer à un ribosome cellulaire. Ces ribosomes produiront des protéines virales par traduction. La machinerie cellulaire produira en premier une ARN polymérase ARN-dépendante (protéine de 700 kDa).

Traduction primaire

L'ARN viral est d'abord transcrit en ARN polymérase (ARN-dépendant). La première protéine produite sera la réplicase qui permettra le détournement de la machinerie de la cellule hôte pour produire des copies d'ARN viral. Le produit de la traduction primaire sera modifié en plusieurs protéines par des protéases virales. La polymérase est probablement traduite pendant tout le cycle de réplication. Mais la régulation de cette production virale reste peu connue et constitue un des enjeux des traitements antiviraux.

Transcription de l'ARN viral

Le brin négatif d'ARN sert de modèle pour transcrire des petits ARN positifs (ARNm) et de l'ARN génomique. Les cellules hôtes infectées contiennent en général de 10 à 100 fois plus de brins positifs que de brins négatifs. Les brins d'ARN négatifs sont retrouvés sous la forme de doubles brins. Les fonctions des brins d'ARN sont aujourd'hui encore mal connues. Il est cependant confirmé qu'ils servent d'amorces pour la synthèse d'ARN génomique. La synthèse de l'ARNm est discontinue. Par contre, la production de l'ARN génomique doit être continue. Aussi, les mécanismes de réplication de l'ARN et ceux de transcription des ARNm subgénomique sont-ils différents. Les mécanismes exacts de la réplication des coronavirus humains restent à déterminer.

L'ARNm est traduit en une polyprotéine qui subit des modifications post-traductionnelles par l'intermédiaire de protéases virales. Ce processus conduit à la production de nombreuses protéines distinctes. Ces protéines sont divisées en protéines structurales et protéines non structurales. Les fonctions des protéines non structurales restent encore aujourd'hui très mal connues. Le cytoplasme de la cellule hôte se remplit ainsi de protéines virales.

Assemblage

La structure virale s'assemble dans le cytoplasme et le réticulum endoplasmique (protéine N, protéine M, protéine HE, protéine S, ARN...).

Exocytose

Ces nombreux nouveaux virions sont encapsulés et transportés par des vésicules golgiennes à l'extérieur de la cellule par un processus d'exocytose.

Propriétés physico-chimiques

La structure relativement complexe de ces virus dits « enveloppés » les rend sensibles à de nombreux agents physiques et chimiques donc fragiles dans le milieu extérieur. L'élimination de ces virus enveloppés à ARN par les différentes procédures d'hygiène, de désinfection et de stérilisation ne posera pas de difficultés particulières.

Chaleur

Les coronavirus sont thermosensibles. Une exposition supérieure à 1 heure à 56 oC suffit à les inactiver. Le virus SARS-CoV-2 est sensible à une exposition de 10 minutes à 56 oC.

Froid

Les coronavirus sont résistants au froid. Leur conservation à – 60 oC ne pose aucun problème. Les températures hivernales autour des 4 à 8 oC leurs conviennent parfaitement pour déclencher des épidémies animales ou humaines.

Produits chimiques

La plupart des détergents, désinfectants ou antiseptiques sont efficaces pour inactiver cette famille de virus : alcool (supérieur à 60o), iodophores (Bétadine®), chlorés (eau de Javel), tensio-actifs (sels d'acides gras ou savons), laurylsulfate de sodium, chlorure de benzalkonium, lipo-aminoacides, solvants organiques (éther, chloroforme...) (fig. 9).

À l'inverse, ils sont peu sensibles à l'hexétidine et à la chlorhexidine.

Variations de pH

Les coronavirus semblent très bien résister aux variations de pH. Ils passent, pour la plupart, la barrière gastrique grâce à leur remarquable résistance aux pH acides extrêmes. Mais ils résistent également aux pH basiques. Ces caractéristiques leur permettent de traverser sans difficulté le système digestif, de provoquer éventuellement des pathologies et de se retrouver en quantité importante dans les selles.

Pouvoir pathogène

Chez l'animal

Les coronavirus ont été signalés chez l'animal dès 1931. On les retrouve chez les poussins, le porc (diarrhées, encéphalites), le rat, le veau, la souris (pneumonies et hépatites), le chien, le chat (péritonite infectieuse), le singe, le dindon, le lapin et de nombreux animaux sauvages (chauve-souris, civette...).

Ils provoquent chez l'animal des pathologies du système respiratoire (rhinite, pneumonie) et du système digestif.

Il a été décrit chez le rat des pathologies des glandes salivaires et lacrymales (sialodacryoadénite). Des diarrhées sévères ont été identifiées chez le porc, le chien, le veau, le singe, le lapin et le dindon.

Les jeunes animaux sont les plus sensibles avec une forte létalité associée à des épidémies.

Chez l'homme

Les coronavirus humains ont été principalement étudiés dans le cadre d'infections respiratoires. Des manifestations digestives et neurologiques longtemps controversées ont été confirmées par la pandémie de SARS-CoV-2. Les virus sont fréquemment retrouvés dans les selles en quantité importante.

Les quatre premiers coronavirus pathogènes identifiés chez l'homme sont Hco-NL63, 229E, OC43 et HKU1. Ils sont responsables d'atteintes des voies respiratoires hautes, le plus souvent sous forme de rhinite bénigne. Chez des sujets ayant une immunité altérée, des infections plus sévères peuvent apparaître (jeunes enfants ou personnes âgées).

Les trois principaux coronavirus d'origine zoonotique et les plus pathogènes pour l'homme sont SARS-CoV, MERS-CoV et SARS-CoV-2 (Raoult et al., 2020). Ils sont tous les trois responsables d'un syndrome respiratoire sévère.

L'infection à SARS-CoV est responsable du tableau clinique suivant (Ye et al., 2020) :

– fièvre ;

– myalgies ;

– céphalées ;

– toux sèche ;

– difficultés respiratoires ;

– malaise ;

– atteinte gastro-intestinale (diarrhées dans 30 à 40 % des cas) ;

– des défaillances hépatiques et rénales ont également été observées ;

– sur un plan biologique : lymphopénie et hémophagocytose pulmonaire.

L'infection à MERS-CoV est responsable du tableau clinique suivant :

– fièvre ;

– toux ;

– myalgies ;

– arthralgies ;

– dyspnée évoluant rapidement vers une pneumonie ;

– détresse respiratoire ;

– choc toxique ;

– défaillance rénale ;

– diarrhées et vomissement (35 % des cas).

Les données récentes sur le SARS-CoV-2 ont montré que l'infection par ce coronavirus pouvait provoquer chez ces hôtes le tableau biologique et clinique suivant :

– élévation importante du nombre de leucocytes (70 % de neutrophiles) ;

– élévation du niveau de cytokines pro-inflammatoires ;

– fièvre (39 oC) ;

– toux ;

– pneumonie sévère ;

– lésion cardiaque aiguë ;

– anosmie ;

– agueusie.

Épidémiologie des coronavirus humains

En se fondant sur les connaissances liées à l'étude des coronavirus 229E, OC43, NL63 et HKU1, nous constatons une parfaite adaptation du virus à l'espèce humaine à partir de son hôte naturel animal, avec une circulation inter-humaine importante et sur l'ensemble de la planète. Ces espèces virales n'ont aujourd'hui plus besoin d'un réservoir animal pour perdurer chez l'homme (fig. 10 et tableau 2).

Bien que la première épidémie sévère de HcoV se soit déroulée en 2002, les modes de transmission ne sont pas complètement connus. Ces pathologies font partie des zoonoses car leur réservoir d'origine est animal (aviaire ou mammifère) (Bassetti et al., 2020 ; Ji et al., 2020). L'homme est contaminé par l'animal le plus souvent en raison d'une proximité excessive ou d'une destruction de l'habitat naturel de l'espèce animal. L'origine animale de la souche virale isolée chez l'homme est déterminée par homologie des séquences d'ADN. Les premières souches de SARS-CoV-2 humaines montraient 97 % d'homologie avec celle de la chauve-souris. Ce pourcentage élevé fait de la chauve-souris le meilleur candidat réservoir.

La transmission inter-humaine, qui est confirmée par l'existence de sujets humains porteurs n'ayant jamais eu de contact avec les animaux réservoirs, fait l'objet de nombreuses hypothèses. Les voies de transmission les plus évidentes sont le contact physique direct, les gouttelettes projetées par la toux ou les éternuements d'un patient malade. Mais la pandémie de Covid-19 a permis de démontrer l'existence de porteurs asymptomatiques (Bai et al., 2020) qui peuvent contribuer à la chaîne de contamination. La transmission par les surfaces inertes, l'air, les climatiseurs n'est pas confirmée mais constitue une hypothèse de plus en plus plausible en cours d'études. L'existence de sujets superspreader qualifiés de « supercontaminants » peut également contribuer à la diffusion rapide des épidémies (Ebrahim et al., 2020). Ce concept est apparu avec l'épidémie de SRAS en 2002 et a été confirmé par l'épidémie de Covid-19 en 2020 dans laquelle certains sujets ont joué un rôle important dans la rapidité de la dissémination du virus SARS-CoV-2.

Virus 229E (alphacoronavirus) et OC43 (bêtacoronavirus, lineage A)

Ils ont été isolés dans les années 60 chez des patients humains présentant une rhinite (un rhume) dans la période hivernale. Les signes cliniques des infections liées à ces deux coronavirus sont identiques. En outre, on ne peut pas les distinguer cliniquement des infections à rhinovirus ou virus influenza. Par contre, il n'y a pas de réactions sérologiques croisées entre eux.

Virus SARS-CoV (bêtacoronavirus, lineage B)

Il a été découvert en 2003 au cours de l'épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) qui a démarré en chine et qui a fait 775 morts sur 8273 cas détectés (taux de mortalité de 9 %). La population âgée et vulnérable avait un taux de mortalité de 50 %.

Le réservoir identifié était la chauve-souris. La transmission à l'homme s'est faite par consommation de viande de civette palmiste masquée qui est un animal sauvage vendu et consommé dans les marchés du sud de la Chine (province de Guangdong) (fig. 10). L'épidémie a démarré en novembre 2002. La chaîne de transmission à l'homme a donc fait intervenir un hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l'homme : la civette.

Les cibles de ce virus sont multiples et liées à la présence d'un récepteur spécifique ACE2 (poumons, cœur, tractus gastro-intestinal, rein, cerveau, foie). Le tableau clinique de la pathologie induite par le SARS-CoV est caractérisé par un syndrome de détresse respiratoire aigu. Des dommages des alvéoles pulmonaires sont observés de façon diffuse. Des lésions du foie sont également observées. Trente à 40 % des patients infectés présentent des diarrhées. La fièvre est systématiquement présente. La période d'incubation est de 2 à 11 jours. Il n'y a pas de traitement étiologique ni de vaccin. Le virus SARS-CoV est considéré comme éradiqué aujourd'hui alors que les scientifiques n'ont pas clairement compris les raisons de sa disparition.

Virus NL63 (alphacoronavirus)

Il a été isolé aux Pays-Bas chez des jeunes enfants de 7 mois présentant une bronchiolite en 2004. Il a également été retrouvé chez un sujet de 8 mois qui développait une pneumonie. En 2005, une épidémie de pneumonie à New Haven aux États-Unis a concerné 895 enfants. Le virus incriminé a été initialement appelé HcoV-NH mais l'étude phylogénétique a démontré qu'il s'agissait d'une infection à NL63 qui, en général, provoque des infections des voies aériennes supérieures pouvant se compliquer par une atteinte pulmonaire. Il n'y a pas de traitement étiologique ni de vaccin. Aujourd'hui, ce virus circule sur toute la planète en transmission inter-humaine.

Le virus HKU1 (bêtacoronavirus, lineage A)

Il a été identifié à Hong Kong en janvier 2005 chez un patient âgé de 71 ans hospitalisé pour une bronchite évolutive en pneumonie. Les signes cliniques étaient fièvre, écoulement nasal, voies respiratoires supérieures inflammatoires, difficultés respiratoires. Cette infection est souvent associée à des patients présentant une méningite. Il n'y a pas de traitement étiologique ni de vaccin. Des cas sporadiques ont été détectés dans de nombreux pays des deux hémisphères.

Le virus MERS-CoV (bêtacoronavirus, lineage C)

Il a été identifié en Arabie Saoudite en 2012, chez un patient de 60 ans qui est décédé d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë. Les manifestations cliniques de cette infection peuvent aller de formes asymptomatiques à des formes plus sévères de détresse respiratoire aiguë, choc septique, défaillance rénale conduisant au décès du patient. Les signes classiquement rencontrés sont fièvre, rhume, courbatures, douleurs articulaires, toux avec évolution rapide vers un tableau de pneumonie. En général, 30 % des patients présentent des manifestations gastro-intestinales (diarrhées, vomissements) ; 75 % des patients sévères présentent des facteurs de comorbidité. La durée d'incubation est de 5 à 15 jours. La région autour de la péninsule arabique est la région d'endémie du MERS-CoV. Le dromadaire est le réservoir du virus (fig. 10). La transmission à l'homme se fait par contact direct avec l'animal ou par la consommation du lait cru de dromadaire. La transmission inter-humaine est démontrée. Au 1er janvier 2016, 1621 cas étaient officiellement identifiés avec 584 décès (taux de mortalité de 36 %) ; 26 pays différents ont déclaré des cas. Il n'y a pas de traitement étiologique ni de vaccin. Ces chiffres font du MERS-CoV un des virus les plus dangereux de la planète. Les raisons de sa localisation à la péninsule arabique sont inconnues. Ce virus fait partie des plus surveillés au monde par l'OMS avec le virus Ebola.

Le virus SARS-CoV-2 (bêtacoronavirus, lineage B)

Il est apparu à Wuhan en Chine en novembre 2019. Le réservoir d'origine serait la chauve-souris avec 97 % d'homologie avec l'ARN du SARS-CoV-2 isolé sur des patients humains. Il existerait un hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l'homme qui n'est pas clairement identifié aujourd'hui. Le pangolin a été un temps incriminé à tort.

Les patients présentaient un rhume avec une charge virale très élevée constatée à partir d'un prélèvement nasal. Des charges virales importantes pouvaient également être retrouvées chez des patients asymptomatiques (Rothe et al., 2020). Le SARS-CoV-2 est présent dans les selles, la salive, les larmes, les muqueuses du système respiratoire, les gouttelettes de l'air expiré et peut-être dans l'air. La transmission transplacentaire du fœtus n'a pas été démontrée. Les patients étaient contagieux avant, pendant et après la présence des symptômes. Certains patients avaient la capacité à contaminer des dizaines d'autres personnes (superspreaders) (Ebrahim et al., 2020). Le virus peut survivre sur des surfaces plusieurs jours. Le tableau clinique de la Covid-19 est proche de celui du SRAS et du MERS avec un taux de mortalité plus faible. En fonction des études, il varie entre 0,5 et 3,4 % alors que le taux de mortalité du SRAS était de 9 % et celui de MERS de 36 %. Par contre, le taux de transmission de la Covid-19 est beaucoup plus important que celui du SRAS ou du MERS (Singhal, 2020).

Les coronavirus semblent être aujourd'hui la principale famille de virus émergents qui font l'objet de procédures particulières : surveillance syndromique, isolement des cas potentiels, quarantaine des cas exposés (fig. 11). Nous ne disposons d'aucune solution thérapeutique ou vaccinale pour les 7 coronavirus humains aujourd'hui identifiés.

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