Le point de vue de la SFPIO
Émile Boyer Martine Bonnaure-Mallet Vincent Meuric
Le fer est l'atome métallique le plus abondant du corps humain. Cet élément est nécessaire à la survie de presque tous les organismes. Il participe à de multiples fonctions biologiques, y compris le transport de l'oxygène (hémoglobine, myoglobine), la respiration cellulaire et la synthèse de l'ADN. De plus, ce porteur d'électrons contribue en tant que catalyseur redox aux réactions de Fenton et Haber-Weiss, générant des espèces oxydantes réactives (ROS)...
Résumé
Afin d'étudier l'association entre l'état parodontal et le métabolisme du fer, un examen parodontal a été réalisé chez 84 patients atteints d'hémochromatose héréditaire. Responsable d'une surcharge en fer, cette pathologie se traduit notamment par une augmentation de la saturation en fer de la transferrine, un biomarqueur sérique de sa biodisponibilité. Dans cette population, il y avait une association positive entre une saturation en transferrine > 45 % et la gravité de la parodontite. Le fer étant essentiel pour les agents pathogènes bactériens, y compris ceux impliqués dans la parodontite, un prélèvement de microbiote sous-gingival a également été étudié. Alors que la transferrine est fortement suspectée d'être une source de fer pour les pathogènes parodontaux, nos résultats montrent une corrélation significative entre l'abondance de Porphyromonas et Treponema et la saturation de la transferrine. Au-delà de 45 % de saturation, des formes particulières de fer non lié à la transferrine apparaissent et pourraient bouleverser l'équilibre hôte-microbiote et abolir toute compétition nutritionnelle, ce que suggère l'absence de corrélations négatives entre bactéries. Ces résultats indiquent que la biodisponibilité du fer dans les fluides biologiques fait partie de l'équilibre entre l'hôte et son microbiote et qu'une surcharge en fer est susceptible de favoriser une dysbiose bactérienne ainsi qu'une parodontite sévère.
Le fer est l'atome métallique le plus abondant du corps humain. Cet élément est nécessaire à la survie de presque tous les organismes. Il participe à de multiples fonctions biologiques, y compris le transport de l'oxygène (hémoglobine, myoglobine), la respiration cellulaire et la synthèse de l'ADN. De plus, ce porteur d'électrons contribue en tant que catalyseur redox aux réactions de Fenton et Haber-Weiss, générant des espèces oxydantes réactives (ROS) impliquées dans l'immunité (macrophages) mais pouvant également être nocives dans le milieu extracellulaire et à des niveaux plus élevés. Par conséquent, sa biodisponibilité chez l'homme est rigoureusement régulée tout au long de son métabolisme, de son absorption à son stockage en passant par son transport.
Cette homéostasie est assurée par un système endocrinien. Dans celui-ci, l'hepcidine, une hormone principalement dérivée du foie (codée par le gène HAMP), sert à la fois de senseur et de régulateur du taux de fer systémique (fig. 1). Des taux croissants de fer dans le sang se traduisent ainsi par une augmentation de la saturation de la transferrine et favorisent la production d'hepcidine. L'hepcidine agit alors en bloquant le relargage sanguin de fer, ce qui a pour effet de réduire l'afflux de fer à partir des réserves (fer lié à la ferritine) et de bloquer l'absorption ultérieure de fer alimentaire. Lorsque les taux de fer dans le corps diminuent, la production d'hepcidine est réduite en conséquence, ce qui permet la reprise de l'absorption du fer et l'augmentation de ses niveaux dans le plasma.
La majorité du fer présent dans la circulation est étroitement liée à la transferrine, ne laissant qu'une petite fraction de fer libre (environ 10-18 M) (Bullen, 1981), ce qui est insuffisant pour soutenir la croissance bactérienne qui nécessite 10-5 M ou 10-6 M de fer par cellule (Weinberg, 1971). La « bataille du fer » devient alors une lutte acharnée entre les bactéries qui composent le microbiote humain et susceptibles d'infecter leur hôte. La plupart des agents pathogènes mettent donc en place des stratégies d'acquisition du fer pour contourner l'immunité nutritionnelle. Les protéines impliquées peuvent varier d'une bactérie à l'autre mais les stratégies sont communes : entrer en compétition avec l'hôte grâce à des chélateurs de très haute affinité (les sidérophores), ou dégrader les protéines porteuses d'hème et de fer (comme l'hémoglobine) via les hémophores.
Le fluide gingival étant issu d'un exsudat sérique, il contient plusieurs protéines possédant du fer ; la transferrine et l'albumine sont ainsi des composants majeurs du fluide gingival. Au total, la concentration en fer moyenne est estimée à 1 mg.L-1 dans un fluide gingival sain et peut atteindre 5 mg.L-1 chez les patients atteints de parodontite (Mukherjee, 1985). Les sources potentielles de fer sont plus importantes lors d'un état inflammatoire, du fait de la vasodilatation et des saignements gingivaux qui l'accompagnent.
L'hémochromatose héréditaire (HFE-HH) est le syndrome de surcharge ferrique le plus couramment rencontré chez les individus caucasiens (Powell et al., 2016). Majoritairement causée par la mutation majeure C282Y (p.Cys282Tyr) du gène codant la protéine HFE, celle-ci affecterait le mécanisme senseur permettant à l'hépatocyte de réguler sa production d'hepcidine selon le niveau de fer circulant. Les perturbations biologiques liées à ce déficit d'hepcidine incluent une augmentation de la saturation de la transferrine (au-delà de 45 %), puis de la ferritine sérique (au-delà de 300 μg.L-1) (Brissot et al., 2012). Des manifestations ostéo-articulaires (arthropathie, déminéralisation osseuse, phénotype ostéoporotique) sont fréquemment observées chez ces patients. En revanche, le tableau clinique « historique » de la maladie (diabète, cirrhose et pigmentation cutanée) est de moins en moins rencontré grâce à un diagnostic et une prise en charge précoces. Le traitement a pour but de diminuer la charge ferrique de l'organisme en effectuant des saignées ou phlébotomies répétées (Deugnier et al., 2011).
L'objectif de ce travail, qui a fait l'objet de deux publications internationales récentes (Boyer et al., 2018 ; Meuric et al., 2017), était de mieux comprendre le rôle du fer dans la physiopathologie des parodontites en étudiant l'état parodontal clinique et bactériologique de patients atteints d'hémochromatose héréditaire.
Une étude transversale a été réalisée sur 84 patients. Tous les participants ont été recrutés à l'unité d'hépatologie du CHU de Rennes. Ils ont donné un consentement écrit et ont été informés sur la prévention et le traitement des parodontites ainsi que sur les procédures d'hygiène buccale. Les critères d'inclusion étaient l'homozygotie pour la mutation HFE C282Y et la présence d'au moins 10 dents naturelles. Les critères de non-inclusion étaient la grossesse, la présence d'une autre maladie systémique, une thérapie parodontale au cours des 12 derniers mois et le traitement par des antibiotiques systémiques ou des médicaments connus pour provoquer un accroissement gingival au cours des 3 derniers mois. Les données cliniques enregistrées au moment de l'examen dentaire incluaient l'indice de masse corporelle (IMC), le statut tabagique (non-fumeur, fumeur actuel ou ancien), les habitudes de brossage des dents (une, deux fois ou plus par jour) et les visites dentaires par an (< 1 ou ≥ 1). Les taux sériques de ferritine, de fer et de transferrine ainsi que la saturation de la transferrine ont été collectés à partir des dossiers médicaux. Un examen parodontal complet, à l'exception des troisièmes molaires, a été effectué et les paramètres suivants ont été évalués : profondeur de poche (PP), perte d'attache (PA), indice de saignement gingival (GBI) (Mombelli et al., 1987), indice gingival (GI) (Lobene et al., 1986) et indice de plaque visible (VPI) (Silness et al., 1964). Pour évaluer la présence et la sévérité de la parodontite, les définitions du Center for Disease Control and Prevention et l'American Academy of Periodontology (CDC/AAP) ont été utilisées (Eke et al., 2012). Pour des raisons de compréhension, une conversion dans la classification actuelle des maladies parodontales (Chicago, 2017) a été effectuée a posteriori en tenant compte de la PA inter-dentaire sur deux dents non adjacentes et de la perte dentaire (Graetz et al., 2019 ; Tonetti et al., 2018).
Le prélèvement du microbiote de chaque sujet a été réalisé avec des pointes de papier endodontique stériles (Henry Schein, France) insérées dans la poche parodontale la plus profonde pendant 30 secondes après le retrait de la plaque supra-gingivale. L'ADN bactérien a été extrait et amplifié par PCR. L'analyse bio-informatique a permis d'identifier les genres et les espèces bactériennes présents dans les échantillons (la taxonomie), par comparaison avec des bases de données de référence (Ribosomal Database Project et Human Oral Microbiome Database) (Chen et al., 2010 ; Cole et al., 2014). Pour pouvoir caractériser et comparer les microbiotes échantillonnés, plusieurs indices de diversité ont été mesurés : la diversité intra-échantillon (alpha diversité) et inter-échantillon (bêta diversité). La méthodologie bio-informatique est détaillée dans une autre publication (Boyer et al., 2018).
La distribution des variables continues a été évaluée à l'aide du test de Shapiro-Wilk. Pour analyser l'association entre la sévérité de la parodontite et le niveau des biomarqueurs sériques, les tests de Student et de Mann-Whitney ont été utilisés. Le test χ2 a été utilisé pour l'analyse des variables catégorielles. L'association entre la gravité de la parodontite (parodontite légère ou modérée versus sévère) et la saturation en transferrine supérieure à 45 % a été évaluée à l'aide d'une analyse de régression logistique ajustée pour les variables confondantes (âge, sexe, habitude tabagique, indice de plaque, visite dentaire et temps écoulé entre le diagnostic d'hémochromatose et l'examen dentaire). Pour la partie microbiologique, les indices d'alpha et de bêta diversité ont été comparés respectivement avec les tests de Mann-Whitney, de Student et Permanova. Les variations d'abondance bactérienne ont été analysées en utilisant l'algorithme LEfSe (Segata et al., 2011). L'analyse des interactions bactériennes a été effectuée à l'aide de Cytoscape (version 3.2.1) avec le plugin CoNet (Faust et al., 2016) selon des paramètres décrits dans une autre publication (Boyer et al., 2018).
Au moment du diagnostic d'hémochromatose, 33 % des participants présentaient une asthénie chronique, 29,8 % une ostéo-arthropathie, 5,8 % une hépatopathie clinique et biochimique et 2,4 % une cardiopathie. Les taux sériques moyens de ferritine étaient de 815 ± 728 μg.L-1 (valeurs normales : 20-150 μg.L-1 chez les femmes pré-ménopausées et 20-400 μg.L-1 chez les femmes ménopausées et les hommes). La saturation de la transferrine était supérieure à 60 % (plage normale : 20-40 %) chez les trois quarts des patients. La concentration hépatique moyenne en fer évaluée par IRM était de 195 ± 79 μmol.g-1 de foie sec (limite supérieure de la normale : 36 μmol.g-1). Tous les patients avaient des niveaux normaux de protéine C réactive (c'est-à-dire < 5 mg.L-1). Vingt-six patients ont subi une biopsie hépatique. Deux présentaient une fibrose importante. La biopsie hépatique n'a pas été réalisée chez les autres patients en raison de taux sériques de ferritine < 1000 μg.L-1 indiquant l'absence de cirrhose (Guyader et al., 1999). Lors du traitement initial de l'excès de fer par phlébotomie hebdomadaire, la quantité de fer éliminée variait de 0,5 à 24 g (moyenne : 4,6 ± 3,9 g).
Au moment de l'examen dentaire, 88,1 % des patients étaient déjà traités par des phlébotomies régulières et 11,9 % n'avaient pas été préalablement phlébotomisés. La ferritine sérique était à 174,5 ± 418,1 μg.L-1 et le fer sérique à 26,7 ± 9,1 μmol.L-1, la transferrine sérique à 2,1 ± 0,3 g.L-1 et la saturation en transferrine à 51,5 ± 18,3 %. Le temps moyen qui s'était écoulé entre le diagnostic d'hémochromatose et l'examen dentaire était de 10,1 ± 7,7 ans.
Sur la base de la définition CDC/AAP publiée par Eke et al. en 2012, 44 % des patients avaient une parodontite modérée et 54,8 % une parodontite sévère (tableau 1) (Eke et al., 2012). Aucune différence n'a été retrouvée entre hommes et femmes et 36 % étaient non fumeurs. Selon la classification actuelle des maladies parodontales (Chicago, 2017), tous les patients présentaient une parodontite de stade II (3/84 patients, 3,6 %), de stade III (67/84, 79,8 %) ou de stade IV (14/84, 16,6 %) (Graetz et al., 2019 ; Tonetti et al., 2018). Les caractéristiques des patients au moment de leur diagnostic d'hémochromatose ne différaient pas selon la gravité de la parodontite.
Seule la saturation de la transferrine était significativement plus élevée dans le groupe avec une parodontite sévère par rapport au groupe avec une parodontite légère ou modérée (55,1 % contre 47,2 %, p = 0,029). Les sujets avec une saturation en transferrine > 45 % avaient un risque 4 fois plus élevé (OR = 4,27 [IC 95 % = 1,68-11,37], p = 0,003) de parodontite sévère que ceux avec une saturation en transferrine ≤ 45 %. Après ajustement pour les variables confondantes, ce risque est resté élevé (OR = 5,49 [IC 95 % = 1,85-16,28], p = 0,002).
Les bactéries retrouvées lors de l'analyse sont caractéristiques des pathologies parodontales. Du fait de l'importance du rôle de la saturation de la transferrine dans la pathologie, les variations bactériologiques ont été analysées en fonction de cette dernière. La comparaison des indices d'alpha diversité et de bêta diversité n'a montré aucune différence significative selon le niveau de saturation de la transferrine. De plus, peu de bactéries voyaient leur abondance varier de façon significative. Le genre bactérien Desulfobulbus et l'espèce Treponema lecithinolyticum étaient les principaux taxons augmentés chez les patients avec une saturation de la transferrine > 45 %.
L'analyse des interactions bactériennes a cependant permis d'identifier des profils bactériens distincts selon le niveau de saturation de la transferrine (fig. 2 et 3). En effet, chez les patients avec une saturation de la transferrine ≤ 45%, de nombreuses corrélations négatives permettaient de séparer leur microbiote en deux groupes distincts de bactéries (fig. 2). À l'inverse, chez les patients avec une saturation de la transferrine > 45 %, très peu de corrélations négatives étaient observées (fig. 3). Par ailleurs, les genres bactériens Porphyromonas et Treponema présentaient une corrélation positive avec la saturation de la transferrine, tant que celle-ci restait inférieure à 45 %. Ces mêmes genres bactériens ainsi que Tannerella, Eubacterium et Mogibacterium présentaient des corrélations positives avec l'atteinte parodontale chez les patients avec une saturation de la transferrine > 45 %.
L'hémochromatose héréditaire liée au gène HFE est associée à des complications qui sont fréquemment rencontrées chez les patients atteints de parodontite, comme le diabète et des atteintes osseuses. Les marqueurs du métabolisme du fer (hepcidine et fer sérique) ont auparavant été explorés chez des patients atteints de parodontite, sans montrer de différence avec une population contrôle (Carvalho et al., 2016). Une augmentation de la CRP et des niveaux de ferritine plus élevés ont également été rapportés dans des cas de parodontite (Chakraborty et al., 2014). Cependant, cette étude est la première à explorer l'état parodontal de patients atteints d'hémochromatose.
Chez ces patients, la CRP était normale, les taux sériques initiaux de ferritine étaient élevés et bien corrélés avec la quantité de fer éliminée lors des traitements par saignées. Ainsi, il est peu probable que l'inflammation parodontale puisse expliquer la surcharge en fer. En effet, tous les patients présentaient une augmentation des réserves de fer corporel au moment du diagnostic d'hémochromatose et tous avaient une parodontite au moment de l'examen dentaire, qui a été réalisée après déplétion en fer chez 74 des 84 patients.
Pour déterminer si les indicateurs de l'homéostasie du fer étaient associés à la gravité de la maladie parodontale, la population a été divisée en deux groupes (parodontite légère et modérée versus parodontite sévère). Le risque de présenter une parodontite sévère était 5,49 fois plus élevé lorsque la saturation de la transferrine dépassait 45 %, même après ajustement pour les variables confondantes, dont le temps écoulé entre le diagnostic d'hémochromatose et l'examen dentaire. Le seuil de 45 % a été choisi car il correspond à l'apparition de fer non lié à la transferrine. Cette forme de fer hautement réactive peut être plus biodisponible pour les bactéries et elle est considérée comme le facteur clé de la toxicité ferreuse dans l'apparition des dommages aux organes dans le cadre de l'hémochromatose héréditaire (Brissot et al., 2012). Chez ces patients présentant une saturation de la transferrine anormalement élevée, la biodisponibilité du fer est augmentée dans les liquides biologiques, y compris ceux de la cavité buccale, ce qui pourrait expliquer un risque accru de parodontite sévère via les bactéries présentes dans le sillon gingivo-dentaire ou la poche parodontale. De plus, la présence de dépôts de fer dans les tissus buccaux des patients atteints d'hémochromatose a été décrite à plusieurs reprises dans la littérature (Frantzis et al., 1972 ; Gorlin et al., 1970) et ne peut être exclue.
Les microbiotes parodontaux de ces patients ont été analysés afin d'établir s'il existait une relation entre les bactéries présentes et le statut en fer. Les premiers résultats confirment la présence de bactéries classiquement décrites dans les maladies parodontales chez l'ensemble de la population étudiée. Toutefois, des variations significatives d'abondance bactérienne ont été détectées. Chez les patients présentant une saturation de la transferrine > 45 %, les principaux taxons augmentés étaient Desulfobulbus et Treponema lecithinolyticum. Bien qu'ils n'aient pas été décrits par Socransky, ces taxons bactériens ont été récemment associés dans la littérature à la gravité de la parodontite (Camelo-Castillo et al., 2015a, 2015b ; Pérez-Chaparro et al., 2014).
La structure des communautés bactériennes et leurs relations avec les biomarqueurs du fer sérique ont ensuite été analysées en fonction de la saturation de la transferrine. Chez les patients présentant une saturation de la transferrine ≤ 45 %, deux groupes bactériens étaient concurrents. Un groupe était formé des genres impliqués dans la santé parodontale, tel que Corynebacterium (Ling et al., 2013 ; Moutsopoulos et al., 2015). Les genres Porphyromonas et Treponema étaient retrouvés au sein d'un second groupe contenant de nombreux pathogènes (les genres Filifactor, Prevotella...) et se sont révélés positivement associés à la saturation de la transferrine (fig. 2). Ceci peut s'expliquer par le fait que, lorsque la saturation de la transferrine est faible (< 45 %), le fer n'est accessible qu'aux bactéries en capacité de dégrader les protéines de l'hôte qui le portent. Des fragments de transferrine dans des échantillons sous-gingivaux de patients atteints de parodontite suggèrent cette dégradation potentielle (Goulet et al., 2004). De plus, plusieurs études ont montré la capacité de bactéries des genres Porphyromonas et Treponema à utiliser la transferrine comme source de fer (Inoshita et al., 1991 ; Alderete et al., 1981).
Dans l'ensemble, cette étude soutient l'association entre la charge en fer, en particulier une saturation de la transferrine élevée, et la gravité de la parodontite (Meuric et al., 2017). L'élévation du fer liée à la transferrine en circulation pourrait faciliter la dysbiose en favorisant les agents pathogènes clés, tels que Porphyromonas et Treponema (Gosset et al., 2018). Une fois que la saturation de la transferrine dépasse 45 %, l'acquisition de fer ne serait plus un défi pour le microbiote, comme le suggère le faible nombre de corrélations négatives dans le réseau d'interactions du microbiote de ces patients (fig. 3). Le fer non lié à la transferrine, plus accessible aux bactéries, profiterait à l'ensemble de la communauté bactérienne. Ces données suggèrent que les patients présentant une hémochromatose héréditaire doivent être étroitement suivis, non seulement pour leur surcharge en fer mais également d'un point de vue parodontal.
É. Boyer, Faculté de chirurgie dentaire de Rennes
M. Bonnaure-Mallet, INSERM, INRAE, Université Rennes, CHU Rennes
V. Meuric, Institut NUMECAN (Nutrition Metabolisms and Cancer), Rennes