Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2020

 

Article

Mouhamadou Lamine GUIRASSY 1 / Diabel THIAM 1 / Ahmad Moustapha DIALLO 1 / Gajmoula AJEF 3 / Abdoulaye DIOUF 1 / Adam SECK-DIALLO 1 / Henri Michel BENOIST 1 / Souhaibou NDONGO 2  

1- Service de parodontologie,
Institut d'Odonto-Stomatologie,
Université Cheikh Anta Diop,
Dakar, Sénégal2- Service de rhumatologie,
Centre hospitalier universitaire hôpital Aristide Le Dantec Dakar,
Sénégal3- Praticien libéral,
Maroc

Résumé

Résumé

Introduction

La parodontite serait impliquée dans l'initiation et l'évolution de la polyarthrite rhumatoïde (PR). L'objectif de ce travail était d'évaluer le lien entre la sévérité de la parodontite et la PR dans une population sénégalaise.

Matériel et méthodes

Il s'est agi d'une étude cas-témoins réalisée chez des patients suivis dans le service de rhumatologie et dans le service d'odontologie de l'hôpital Aristide Le Dantec entre avril 2016 et février 2017. La sévérité de la parodontite a été évaluée par la perte d'attache clinique. Au total, 117 patients, dont 58 atteints de PR (cas) et 59 indemnes de PR (témoins), ont été inclus dans l'étude.

Résultats

L'âge moyen était de 41,3 ans ± 2,46. Le délai entre la survenue des premiers symptômes et le diagnostic de la PR était en moyenne de 33,86 mois. Le diagnostic de parodontite agressive a été posé chez 11,5 % des patients atteints de PR. Soixante-seize pour cent des patients atteints de PR avaient présenté une perte d'attache ≥ 5 mm, soit avec des profondeurs de poche moyennes de 3,95 mm ± 0,56. La perte d'attache moyenne était identique dans les deux groupes (PR+ : 2,7 mm ± 0,15 versus PR- : 2,7 mm ± 0,19).

Conclusion

Aucune corrélation statiquement significative n'a été retrouvée entre les variables rhumathologiques et la sévérité de la perte d'attache. La collaboration entre rhumatologues et parodontistes permettrait une prise en charge optimale du patient atteint de PR.

Summary

ABSTRACT

Introduction

Periodontitis would be involved in the initiation and progression of rheumatoid arthritis (RA). The objective of this work was to evaluate the link between the severity of periodontitis and RA in a Senegalese population.

Materials and methods

This was a case-control study performed in patients followed in the Rheumatology Department and in the Odontology Department of Aristide Le Dantec Hospital between April 2016 and February 2017. The severity of periodontitis was assessed by the clinical attachment loss. A total of 117 patients including 58 with RA (case) and 59 free of RA (controls) were included in the study.

Results

The mean age was 41,3 years ± 2,46. The time from onset of first symptoms to diagnosis of RA was, on average, 33,86 months. The diagnosis of aggressive periodontitis was made in 11,5 % of patients with RA. Seventy-six percent of RA patients had attachment loss ≥ 5 mm with mean pocket depths of 3,95 mm ± 0,56. The mean attachment loss was identical in both groups (AR+: 2,7 mm ± 0,15 versus AR-: 2,7 mm ± 0,19).

Conclusion

No statistically significant correlation was found between rheumatologic variables and the severity of attachment loss. The collaboration between rheumatologists and periodontists would allow optimal care of the patient with RA.

Key words

Periodontitis, rheumatoid arthritis, clinical attachment loss.

Introduction

La maladie parodontale (MP) est une maladie multifactorielle à étiologie infectieuse et à manifestation inflammatoire aboutissant à la destruction des tissus de soutien de la dent. Plusieurs études épidémiologiques ont apporté la preuve du lien entre les parodontites et différentes maladies systémiques telles que le diabète, les obstructions chroniques des voies respiratoires et la polyarthrite rhumatoïde (Äyräväinen et al., 2017). La polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune non spécifique d'organe caractérisée par une inflammation chronique aboutissant à la destruction du cartilage et secondairement de l'os (Klareskog et al., 2009 ; Wegner et al., 2010). Entre 0,5 et 10 % de la population mondiale en souffrent (Ogrendik, 2013).

Les parodontites et les PR partagent un grand nombre de similitudes tant dans leurs mécanismes pathogéniques que dans ceux de la destruction tissulaire (Mercado et al., 2001 ; Rutger Persson, 2012). Il s'agit de deux pathologies inflammatoires chroniques dans lesquelles les cytokines jouent un rôle majeur dans les destructions observées. Bien que ces deux pathologies chroniques diffèrent en fonction de leurs mécanismes étiologiques, un lien entre elles a été établi dans de nombreuses études cliniques et épidémiologiques (Äyräväinen et al., 2017 ; Bender et al., 2017 ; Montgomery et al., 2016). Plusieurs études ont réussi à montrer que les personnes atteintes de PR ont une prévalence accrue de la MP et, inversement, que la MP est, au moins, deux fois plus fréquente chez les patients atteints de PR, mais les résultats sont parfois controversés (de Pablo et al., 2008).

La physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde a mis en évidence des anticorps anti-protéines citrullinées. Porphyromonas gingivalis, bactérie du complexe rouge à fort pouvoir parodontopathogène, est la seule bactérie connue pour posséder une peptidyl-arginine-déiminase (PAD), responsable de la citrullination des protéines. À cet égard, la présence d'une enzyme, la peptidyl-arginine déiminase (PAD), exprimée par P. gingivalis mais absente dans d'autres procaryotes, peut avoir un impact profond sur le développement et la progression de la PR par citrullination des protéines (de Pablo et al., 2008 ; Liao et al., 2009 ; Mangat et al., 2010).

Depuis de nombreuses années, la PR a fait l'objet de plusieurs publications au Sénégal (Ndongo et al., 2011 ; Ndongo, 2015 ; Niang et al., 2004). Malgré cet enthousiasme pour cette pathologie, aucune étude ne s'est spécifiquement intéressée à l'association entre les parodontites et la PR. C'est dans ce contexte que cette étude a été réalisée en milieu hospitalier, avec comme objectif de rechercher un lien entre la sévérité de la parodontite et la PR chez le sujet sénégalais.

Matériel et méthodes

Il s'agit d'une étude cas-témoins qui s'est déroulée entre avril 2016 et février 2017. Le recrutement des malades et des témoins a été effectué au Centre hospitalier universitaire (CHU) Aristide Le Dantec de Dakar. Les patients constituant l'échantillon de cette étude ont été sélectionnés au hasard parmi les patients atteints de PR qui étaient reçus en consultation dans le service de rhumatologie et ceux venus en consultation dans le service d'odontologie.

Les cas étaient constitués par les patients atteints de PR et indemnes de tout autre affection générale venus en consultation au service de rhumatologie du CHU Aristide Le Dantec. Ces patients n'avaient pas reçu de traitement de la PR au moment de leur inclusion dans l'étude.

Les témoins étaient représentés par les patients indemnes de PR et de tout autre affection générale venus en consultation au service d'odontologie du même hôpital.

Les sujets inclus (cas et témoins) devaient être en denture partielle (au moins 16 dents en bouche) ou totale.

N'ont pas été inclus dans l'étude : les fumeurs, les sujets qui présentaient une affection générale autre que la PR, les femmes enceintes, les sujets atteints du syndrome de Gougerot-Sjögren, les sujets édentés totaux, et les sujets ayant bénéficié d'un traitement parodontal ou ayant reçu un traitement antibiotique au cours des 3 mois précédant l'étude.

La taille minimale de notre échantillon a été calculée en utilisant la perte d'attache (PA) comme paramètre de sévérité de la maladie parodontale avec un test t de niveau de précision α de 5 %, et en assumant une déviation standard de 2,00. La taille d'échantillon pour détecter une différence de 50 % en moyenne entre les groupes avec une puissance de 80 % était de 104 participants (26 par groupe). Pour prévenir les pertes liées aux désistements ou les pertes de fiches d'enquête, 13 patients en plus ont été inclus, soit une taille d'échantillon de 117 patients.

Les sujets sont regroupés en quatre groupes :

– sujets atteints de PR avec parodontite (PR+, Paro+) = cas ;

– sujets atteints de PR sans parodontite (PR+, Paro-) ;

– sujets indemnes de PR avec parodontite (PR-, Paro+) = témoins ;

– sujets indemnes de PR sans parodontite (PR-, Paro-).

Les données de l'examen clinique ont été colligées sur une fiche d'observation établie à cet effet. Le diagnostic de PR a été posé par le rhumatologue en fonction des critères définis par l'American College of Rheumatology (ACR) (de Pablo et al., 2008).

La présence de profondeurs de poches ≥ 4 mm et de perte d'attache clinique ≥ 3 mm sur une ou plusieurs dents a été prise comme critère de diagnostic de la parodontite en se basant sur la classification de Armitage qui était de vigueur au moment de cette étude réalisée en 2016 (Armitage, 1999). Les parodontites sont localisées lorsqu'il y a moins de 30 % de sites atteints, et généralisées lorsque plus de 30 % de sites sont atteints. La parodontite chronique est caractérisée par une altération de la couleur, de la texture gingivale, une tendance au saignement au sondage et la relation entre la quantité du biofilm et la sévérité de l'atteinte.

La parodontite agressive est caractérisée par l'absence de corrélation entre la quantité de plaque et la sévérité de la destruction. On observe dans ces cas une perte d'attache et une destruction osseuse relativement rapides, mais la destruction se produit sur une courte période de la vie de ces jeunes adultes. Il y a peu de signes d'inflammation lorsque la maladie n'est pas en phase active ; en période d'activité, l'inflammation est sévère et associée à une prolifération gingivale.

Trois types de données ont été recueillis chez les sujets inclus dans l'étude. Il s'agit de données :

– socio-démographiques (âge, sexe, profession, situation matrimoniale, adresse) ;

– cliniques, paracliniques et thérapeutiques pour le volet rhumatologique ;

– cliniques pour le volet odontologique (perte d'attache clinique).

L'anonymat et la confidentialité des informations recueillies ont été préservés. Les patients ont été informés de leurs besoins en traitements parodontaux et ont bénéficié d'un enseignement en hygiène bucco-dentaire et d'un détartrage.

Les analyses statistiques ont été effectuées avec les logiciels SPSS 20.0®. Les résultats descriptifs sont exprimés sous forme de fréquence, de pourcentage et de moyenne. Les comparaisons entre les variables qualitatives ont été effectuées par le biais du test d'indépendance de khi-deux. Les comparaisons de fluctuation des variables quantitatives par rapport à certaines variables qualitatives ont été réalisées par le test de comparaison de moyennes (test T échantillon indépendant). La corrélation entre des variables quantitatives a été réalisée par le test rho de Spearman. Une régression logistique a aussi été réalisée pour déterminer l'occurrence de risque relatif (OR) entre quelques variables. Pour tous les tests statistiques, le seuil de significativité est de 0,05.

Résultats

Dans cette étude, 117 patients ont été inclus, soit 58 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (cas) et 59 patients indemnes de polyarthrite rhumatoïde (témoins). Cas et témoins ont été appariés selon l'âge.

La moyenne d'âge de l'échantillon était de 41,3 ans ± 2,46. Les extrêmes étaient de 17 ans et 72 ans. La moyenne d'âge était de 45,8 ans chez les patients atteints de PR, et de 36,9 ans chez les témoins (p = 0,31). L'échantillon était constitué de 12,1 % de sujets de sexe masculin pour les cas, et 37,2 % pour les témoins.

L'évaluation de l'état parodontal en fonction de la présence ou l'absence de PR montre que, dans le groupe de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, 22,2 % (n = 26) des patients présentaient une parodontite, tandis que chez les témoins, 28,2 % présentaient une parodontite (fig. 1).

L'analyse de la répartition de la population d'étude en fonction du diagnostic parodontal a révélé que 11,5 % des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde avaient une parodontite agressive, et que 88,5 % étaient porteurs de parodontite chronique (tableau 1).

L'étude de la répartition de la population d'étude en fonction de la sévérité de la parodontite a montré que, chez les patients atteints de PR, 76,9 % présentaient des pertes d'attache ≥ 5 mm. Chez les témoins atteints de parodontite, 91 % ont présenté des pertes d'attache ≥ 5 mm (tableau 2).

En moyenne, les profondeurs de poche étaient plus importantes chez les témoins que chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (p = 0,03) (tableau 3). Ainsi, le pourcentage de sites avec perte d'attache clinique ≥ 5 mm était de 7,5 % chez les patients atteints de PR et de 11,12 % chez les témoins.

La sévérité de la maladie parodontale (PA : 1-4 mm ; PA ≥ 5 mm) a été corrélée aux paramètres cliniques (délai diagnostique, NAD, NAG) et aux paramètres biologiques (VS, CRP) chez les patients atteints de PR. La régression logistique ne montre aucune corrélation entre les variables rhumathologiques et la sévérité de la perte d'attache (tableau 4).

Discussion

Cette étude avait pour objectif de déterminer le lien entre la sévérité de la parodontite (PA ≥ 5 mm) et la polyarthrite rhumatoïde (PR). Les corrélations ont été effectuées indépendamment de certains facteurs de risque de la maladie parodontale, qui auraient pu entraîner des biais. Ainsi, les patients fumeurs et les femmes enceintes n'ont pas été inclus dans l'étude. En effet, il est actuellement prouvé que la consommation de tabac est fortement corrélée à la prévalence et à la sévérité des parodontites chez l'adulte (Albandar et Rams, 2002).

Les données biologiques chez les patients atteints de PR ont été obtenues à partir de leur dossier médical. Le caractère rétrospectif du recueil de ces paramètres a été à l'origine de données manquantes. Cela a pu entraîner les valeurs plus basses que nous avons retrouvées par rapport à la littérature. Notre échantillon a été divisé en 4 groupes afin de faire des comparaisons entre les patients atteints de PR et d'une parodontite (PR+ Paro+) et les témoins présentant une parodontite (PR- Paro+). Malgré ces limites, l'échantillon a permis d'effectuer des tests de comparaison et de corrélation.

Données socio-démographiques

Notre population d'étude comprenait 117 patients, dont 29 hommes pour 88 femmes. Dans le groupe de patients atteints de PR, on retrouve plus de femmes (87,9 %) que d'hommes (12,1 %). La prédominance féminine observée dans notre étude est conforme aux données de la littérature (Van Dyke et Sheilesh, 2005). Toutefois, le sex-ratio varie d'une région à l'autre du continent, allant de 0,9 au Nigeria à 3,7 en Afrique du Sud (Guillemin et al., 2005 ; Moen et al., 2006). Les études sont contradictoires quant à la prédilection des maladies parodontales pour un sexe ou un autre. Cependant, des sex-ratios de 2,5 à 3 ont été établis pour les parodontites agressives (Albandar et Rams, 2002).

La moyenne d'âge était de 41,3 ans ± 2,46 dans notre échantillon, et de 45,8 ans chez les patients atteints de PR. Cet âge moyen est supérieur à celui obtenu par Ka et al. (2000). Dans une autre étude réalisée au Sénégal, la moyenne d'âge retrouvée était de 40,29 ± 15,46 ans (Ndongo et al., 2011). Nos résultats sont en accord avec ceux-là. D'après la littérature, la PR débute principalement entre 45 et 50 ans (Ka et al., 2000). Cet âge, entre autres facteurs, correspond chez la femme à la préménopause. La diminution du taux des hormones stéroïdiennes qui survient à cette période explique en partie la survenue de la PR.

En Occident, l'âge moyen est nettement plus élevé (Schaeverbeke et al., 2012). Cette différence pourrait être le reflet de la démographie caractérisée par le vieillissement de la population occidentale par rapport à celle africaine. En Afrique occidentale, la prévalence de la PR est plus faible en zone rurale. Au Sénégal, Lekpa et al. avaient retrouvé la même prédominance de la PR en zone urbaine (2012).

Données rhumatologiques

Le délai entre la survenue des premiers symptômes et le diagnostic est en moyenne de 33,86 mois dans notre étude. Ce délai est inférieur à celui retrouvé par Ndongo et al. (2011). En France, le diagnostic de la PR est posé plus précocement comparé à nos résultats. En effet, dans une série de 813 patients, le diagnostic était certain chez tous les patients au bout de deux mois et demi (Lepka et al., 2012). Ce retard diagnostique important en Afrique pourrait être la résultante de différents facteurs parmi lesquels le retard à la consultation, la méconnaissance de la maladie par certains praticiens, et un plateau technique limité. À noter aussi que dans nos contextes africains, du fait du caractère évolutif par poussées et rémissions de la PR, les patients manquent parfois de confiance envers les médicaments modernes et s'adonnent au traitement traditionnel. Il convient d'insister sur l'éducation du patient et de son entourage.

Profondeur de poche et perte d'attache

Dans notre étude, le diagnostic de parodontite agressive a été posé chez 11,5 % des patients atteints de PR. 76,9 % des patients atteints de PR avaient présenté une perte d'attache ≥ 5 mm, soit une parodontite sévère. De plus, on retrouvait en moyenne 7,5 % des sites avec une perte d'attache ≥ 5 mm. Il n'y avait aucune différence significative pour la perte d'attache (PA) entre les groupes Paro (+) PR (+)/Paro (+) PR (-). En revanche, les profondeurs de poche étaient plus importantes chez les témoins (Paro (+) PR (+) : PP = 3,95 mm ± 0,56 versus Paro (+) PR (-) : PP = 4,42 mm ± 0,46) (p = 0,03). Nos résultats sont en accord avec ceux de Sjöström et al. (1989) et ceux de Yavuzyilmaz et al. (1992), qui ont montré que les profondeurs de poche et les scores d'inflammation gingivale étaient significativement plus importants dans le groupe de patients indemnes de PR et atteints de parodontite par rapport au groupe de patients atteints de PR et présentant une parodontite.

Les études sont discordantes quant à l'action d'anti-inflammatoires non-stéroïdiens sur la sévérité de la parodontite (Havemose-Poulsen et al., 2006). En effet, Heasman et Seymour n'ont trouvé aucune différence significative entre les indices cliniques et radiographiques de la maladie parodontale de patients suivis pour une arthrite rhumatoïde et traitér à l'aide d'anti-inflammatoires depuis de nombreuses années et un groupe de patients contrôle (Heasman et Seymour, 1990).

Les odds ratio montrant que les patients atteints de PR souffrent plus fréquemment et de façon plus sévère de parodontite varient entre 2,2 et 8,1, alors que d'autres études ne trouvent aucune association. Ces divergences de résultats pourraient être expliquées par des méthodologies différentes ainsi que par la diversité des substances anti-inflammatoires utilisées (Harifi et al., 2010). Malgré la médication anti-inflammatoire et antirhumatismale, nos résultats montrent que les patients atteints de PR présentent des profondeurs de poche importantes (PP moyenne = 3,95 mm ± 0,56). Ces patients doivent être sensibilisés par des visites systématiques à intervalles réguliers chez le dentiste, un contrôle de plaque renforcé et une prise en charge parodontale adaptée.

Corrélation entre la sévérité de la maladie parodontale et les variables rhumatologiques

La polyarthrite rhumatoïde est un rhumatisme inflammatoire caractérisé au plan biologique par un syndrome inflammatoire non spécifique qui se définit par une accélération de la vitesse de sédimentation (VS) et une augmentation des protéines inflammatoires, notamment la CRP (protéine C-réactive). Ces deux marqueurs participent donc à l'évaluation de l'activité et au pronostic de la maladie. Chez les patients atteints de parodontite, des taux élevés de la protéine C-réactive et de la vitesse de sédimentation ont été associés à l'activité de la parodontite. La mesure des taux de CRP et de la VS pourrait aider à identifier les groupes de patients susceptibles de développer des formes sévères des deux pathologies. Dans notre étude, la médiane de la CRP est de 10,3 mg/l et celle de la VS de 24,5 mm. La régression logistique réalisée afin de corréler les valeurs moyennes de la CRP, de la VS et la sévérité de la perte d'attache dans le groupe Paro+ PR+ ne montre aucune corrélation.

Le nombre d'articulations douloureuses est un reflet de la poussée de la PR. Dans notre étude, on notait en moyenne 12 articulations douloureuses (NAD). La douleur articulaire dans la PR est la conséquence de l'inflammation. Celle-ci est appréhendée en dehors de la douleur par le nombre d'articulations gonflées (NAG). En moyenne, le nombre articulations gonflées (NAG) était de 6,5. La régression logistique réalisée afin de corréler le nombre d'articulations douloureuses et gonflées à la sévérité de la perte d'attache dans le groupe Paro+ PR+ ne montre aucune corrélation.

Du fait des données manquantes pour le facteur rhumatoïde et anticorps anti-peptide cyclique citrulliné (ACPA), aucune corrélation n'a été faite. Le facteur rhumatoïde n'est pas spécifique de la PR, on le retrouve dans d'autres pathologies inflammatoires chroniques, et notamment dans la parodontite (Salvi et al., 1997).

Mercado, en 2003, a montré que, comparés aux patients séronégatifs pour le FR dans la parodontite, les patients séropositifs pour le FR présentaient des taux d'IgM et d'IgG plus élevés aux micro-organismes parodontopathogènes. Chez les patients atteints de parodontite, des taux élevés IgG ont été fréquemment retrouvés dans les tissus gingivaux. Ces mêmes taux ont été également retrouvés dans les cellules synoviales de patients atteints de PR. Ces variables peuvent être utilisées pour identifier les patients atteints de PR et à risque de développer une maladie parodontale (Mercado et al., 2003).

L'approche thérapeutique conventionnelle de la parodontite est d'abord basée sur un détartrage et un surfaçage radiculaire. Les patients inclus dans notre étude ont reçu un traitement parodontal, mais l'impact de ce traitement sur la PR n'a pas été recherché.

L'étude d'Al-Katma et al. en 2007 chez 38 patients atteints de PR et de parodontite chronique généralisée modérée à sévère a recherché les effets du traitement parodontal sur l'activité de la PR (DAS 28) (Al-Katma et al., 2007). Les résultats ont montré que les patients traités avaient montré une diminution de la sévérité de la PR mesurée par le DAS 28. Les études portant sur les effets du traitement parodontal sur la PR donnent des résultats encourageants, cependant d'autres études sont nécessaires pour prouver l'efficacité sur un nombre plus large de patients et pour étudier les effets du traitement parodontal en association avec les traitements de la PR.

Au vu des liens entre la parodontite et la PR, l'odontologiste et le rhumatologue doivent travailler en collaboration pour une prise en charge optimale des patients atteints de PR.

Conclusion

Les résultats de cette étude ne montrent pas de différence statistiquement significative entre le groupe des patients atteints de PR et de parodontite et celui indemne de parodontite. La sévérité de la perte d'attache (PA ≥ 5 mm) ne constituait pas un risque de survenue de la PR. Cependant, les patients atteints de PR doivent être sensibilisés par des visites systémiques à intervalles réguliers chez le dentiste, un contrôle de plaque renforcé et une prise en charge parodontale adaptée.

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