Article
1- AHU en Parodontologie, UFR d'Odontologie, Aix-Marseille Université
Ancienne interne en médecine bucco-dentaire Université
Hôpital de la Timone AP-HM, Pôle Odontologie2- Docteur en Chirurgie-dentaire
Ancien AHU de la faculté d'Odontologie, Aix-Marseille Université
Exercice privé exclusif en parodontologie et implantologie orale, Marseille
Résumé
Introduction : Le programme de maintenance parodontale, encore appelé thérapeutique parodontale de soutien, débute une fois l'obtention d'un parodonte assaini et fait partie intégrante de la thérapeutique parodontale du patient.
Matériel et méthodes : Les auteurs expliquent, dans cet article, les objectifs de la maintenance parodontale, détaillent le déroulement d'une séance type et rappellent la fréquence des intervalles de suivi.
Conclusion : La maintenance parodontale est la clé de voûte du maintien de la santé des tissus parodontaux et péri-implantaires sur le long terme.
Introduction: The periodontal maintenance program, also called periodontium supportive therapy, begins once a healed periodontal is obtained and is an integral part of the patient's periodontal therapy.
Material and methods: In this paper, the authors explain the objectives of periodontal maintenance, detail the conduct of a typical session and recall the frequency of follow-up intervals.
Conclusion: Periodontal maintenance is the key to maintain the periodontal and peri-implant tissues health in the long term.
Le programme de maintenance parodontale, encore appelé thérapeutique parodontale de soutien, débute une fois l'obtention d'un parodonte assaini (Chapple et al., 2018). Ce programme fait donc suite au traitement de la parodontite par thérapeutique parodontale et fait partie intégrante de la prise en charge du patient (The American Academy of Periodontology, 2000). La littérature montre la nécessité d'une maintenance parodontale adaptée dans la prévention de la perte d'attache, de la perte dentaire et du risque de récidive des maladies parodontales (DeVore CH et al., 1986 ; Salvi GE et al., 2014 ; Wilson TG et al., 1987).
La prise en compte des facteurs de risque de chaque patient doit aboutir à l'établissement d'un programme de maintenance individualisé et sans cesse actualisé en fonction de l'évolution de l'état général et parodontal du patient. En cas de récidive de la maladie parodontale, ce programme de maintenance sera temporairement interrompu le temps de mettre en œuvre la thérapeutique parodontale (Cohen RE, 2003).
Les objectifs de la maintenance parodontale, définis par l'Académie Américaine de Parodontologie (The American Academy of Periodontology, 2000 ; Cohen RE, 2003), sont les suivants :
– Prévenir ou minimiser le risque de récidive et de progression de la maladie parodontale chez les patients précédemment traités pour une gingivite, une parodontite ou une maladie péri-implantaire ;
– Prévenir ou réduire l'incidence de perte dentaire ou implantaire via une surveillance des organes dentaires mais aussi de tout élément prothétique ;
– Intercepter et traiter le plus précocement possible toute autre pathologie de la cavité buccale.
Chaque séance de maintenance parodontale débute par une mise à jour de l'historique médical, chirurgical et dentaire du patient qui sera consignée dans son dossier (Wilson TG Jr, 1996a).
Un examen extra-oral visuel voir par palpation est ensuite entrepris afin de détecter toute éventuelle anomalie telle qu'un œdème, une coloration ou la présence d'adénopathies. L'examen intra-oral est dans un premier temps dentaire afin de s'assurer de l'absence de lésion carieuse ainsi que de l'intégrité et de la bonne adaptation des éléments restaurateurs et prothétiques éventuellement présents. L'occlusion est également contrôlée. Débute ensuite l'analyse du parodonte avec un examen visuel minutieux de la couleur, la texture, la forme et le volume des tissus parodontaux. L'indice de plaque, l'indice de saignement, les récessions, les valeurs de sondage et les mobilités sont relevés sur une fiche papier ou un logiciel informatique tel que celui mis à disposition sur le site internet de l'Université de Bern (fig. 1). Le relevé de la quantité de plaque dentaire et la présence d'éventuels dépôts tartriques assurent un suivi de la motivation du patient dans la réalisation d'un contrôle de plaque rigoureux, l'objectif étant de maintenir un indice de plaque ≤ 20 % (O'Leary et al., 1972).
La stabilité à long terme des résultats obtenus après thérapeutique parodontale n'est possible qu'à conditions que les patients maintiennent une hygiène parodontale optimale et une bonne compliance dans le suivi des séances de maintenance (Mombelli, 2019).
Une mise au point sur l'hygiène parodontale peut ainsi s'avérer nécessaire et le matériel d'hygiène est réadapté en fonction des remarques/retours du patient, de sa dextérité et des éventuels changements de l'architecture dento-parodontale (fig. 2).
Une revue Cochrane récente a conclu que l'utilisation de fil dentaire ou de brossettes inter-dentaires en plus du brossage pouvait être plus efficace dans le contrôle de plaque et la réduction de l'inflammation gingivale que le brossage seul (Worthington et al., 2019). Il semble que les brossettes soient plus efficaces dans le nettoyage des espaces inter-dentaires que le fil dentaire. Le praticien devra veiller au bon calibrage de ces brossettes tout au long du programme de maintenance. Concernant l'usage de bâtonnet ou d'hydropulseurs, les preuves disponibles concernant leur efficacité restent encore insuffisantes. La revue a toutefois souligné que ces résultats cliniques ont principalement été évalués à court terme et chez des sujets ayant un faible niveau d'inflammation gingivale initial.
Le sondage parodontal est mené en déplaçant la sonde parodontale dans le sulcus (ou la poche parodontale) tout en maintenant son axe parallèle au grand axe de la dent (fig. 3) (Wilson TG Jr, 1996a). Les mesures sont relevées en six points autour de chaque dent : mésio- et disto-vestibulaire, mésio- et disto-lingual (palatin) et au milieu des faces vestibulaires ou linguales (palatines). Tout saignement et/ou suppuration lors du sondage est relevé. Un indice de saignement ≤ 20 % est associé à un risque significativement plus faible de perte d'attache supplémentaire et de progression de la maladie (Joss et al. 1994). Les dimensions des éventuelles récessions sont comparées avec les valeurs relevées lors des précédentes séances de maintenance afin d'identifier une potentielle évolution.
La systématisation de ce relevé à chaque séance de maintenance permet un suivi objectif de la santé parodontale et ainsi prévenir le risque de récidive (tableau I).
Le même protocole est conduit chez les patients porteurs d'implants à l'aide d'une sonde adaptée. Une attention particulière est portée sur la structure prothétique supra-implantaire afin de détecter toute anomalie de fracture ou de dévissage.
Des examens complémentaires biologiques, microbiologiques ou radiographiques peuvent également être pratiqués pour permettre une comparaison avec les données initiales.
Des études ont suggéré que la présence de certaines espèces parodontopathogènes, telle que P. gingivalis, dans la plaque sous-gingivale après traitement parodontal pouvait indiquer une augmentation du risque de perte osseuse alvéolaire future (Chaves et al., 2000). La charge bactérienne semble cependant un critère plus déterminant que la présence ou l'absence de certaines espèces dans l'évaluation du risque de récidive. Dans une étude portant sur 50 patients en phase de maintenance parodontale. Charalampakis et al. ont montré que certaines espèces bactériennes telles que Porphyromonas gingivalis, Porphyromonas endodontalis, Prevotella intermedia, Prevotella tannerae, T. forsythia, Treponema denticola, F. nucleatum, Filifactor alocis et Campylobacter rectus étaient associées à la progression de la maladie, ces dernières étant retrouvées à des taux plus élevés (> 105 bactéries) au niveau des sites malades (Charalampakis et al., 2013). Toutefois, la valeur prédictive des tests microbiologiques dans le maintien ou non de la santé parodontale reste encore incertaine. Brochut et al. ont montré dans une étude longitudinale le potentiel limité de tests microbiologiques effectués après thérapeutique parodontale non chirurgicale dans la prédiction des résultats cliniques à 6 mois (Brochut et al., 2005).
Dans la mesure où les maladies parodontales sont des maladies du système d'attache et non des maladies osseuses, une imagerie dite « de routine » n'est pas toujours indiquée. La mise à jour des données radiographiques doit se baser sur les besoins diagnostiques du patient afin de permettre une évaluation optimale de l'état des structures dentaires, parodontales et implantaires (Cohen RE, 2003). Le jugement du clinicien et le degré de progression de la maladie peuvent aider à déterminer la nécessité, la fréquence et le nombre de radiographies (The American Academy of Periodontology, 2000). Par ailleurs, une surveillance radiographique des sites implantaires par cliché rétro-alvéolaire est préconisée tous les ans (Wilson TG Jr, 1996b).
Un nettoyage professionnel est ensuite entrepris afin d'éliminer le biofilm microbien et les éventuels dépôts tartriques supra- et sous-gingivaux (The American Academy of Periodontology, 2000). Il comprend un détartrage (fig. 4), et si nécessaire un surfaçage radiculaire, suivi systématiquement d'un polissage à l'aide de cupule en caoutchouc associée à une pâte à polir de granulométries décroissantes et éventuellement d'un aéropolissage en cas de présence de colorations (fig. 5 et 6).
L'instrumentation sous-gingivale est réservée aux sites présentant une augmentation ou une non-réduction de la profondeur de sondage, un saignement et/ou une suppuration mais aussi aux sites difficiles d'accès aux manœuvres d'hygiène tels que les zones de furcation ou les sites ayant une profondeur de sondage ≥ 4 mm (Allen E et al., 2008).
Il est toutefois important de noter que le détartrage/surfaçage radiculaire (DSR) répété des surfaces peut causer des dommages significatifs sur les tissus durs (Ritz et al., 1991 ; Kocher et al., 2001), d'où l'intérêt d'évaluer l'action de différentes alternatives antimicrobiennes dans l'élimination du biofilm et la désinfection des poches résiduelles. Toutefois, aucune étude n'a à ce jour évalué l'efficacité de thérapeutiques antimicrobiennes seules sur les poches résiduelles chez des patients en phase de maintenance parodontale. En raison de risque de résistance bactérienne, l'usage répété d'antibiotiques locaux n'est pas recommandé mais d'autres principes antimicrobiens pourraient être une alternative (Mombelli, 2019). Plusieurs études ont analysé les effets de différentes thérapeutiques adjuvantes au débridement mécanique face au débridement mécanique seul. Tonetti et al. ont évalué l'efficacité d'une application unique dans les poches parodontales d'un gel de doxycycline à 14 % à libération lente en complément d'une instrumentation sous-gingivale ultrasonique/sonique face à l'instrumentation seule chez 202 patients en phase de maintenance parodontale (Tonetti et al., 2002). Si les auteurs ont observé à 6 mois une réduction significative des profondeurs de sondage au niveau des poches de 6 mm pour le groupe expérimental, ces résultats n'étaient pas maintenus à 12 mois. De la même manière, l'application de microsphères de minocycline au niveau des poches résiduelles en complément du DSR ne semble pas apporter de bénéfices dans la réduction du saignement au sondage et le gain d'attache clinique comparé au DSR seul chez des patients en phase de maintenance parodontale à 12 mois (Killeen et al., 2016).
Récemment, la thérapie photodynamique, basée sur l'utilisation de molécules photoactivables à une certaine longueur d'onde et capables de tuer les bactéries, a été proposée comme thérapeutique adjuvante lors du programme de maintenance parodontale. Bien que des résultats encourageants aient été retrouvés par différents auteurs (Cappuyns et al., 2012 ; Müller Campanile et al., 2015 ), une revue Cochrane de 2018 conclut que l'utilisation d'une thérapeutique photodynamique adjuvante n'a pas montré de bénéfice comparé au débridement mécanique seul dans l'amélioration des paramètres cliniques des patients en maintenance parodontale (Manresa et al., 2018).
Une instrumentation spécifique non métallique est nécessaire au niveau des surfaces prothétiques afin d'éviter les rayures propices à la colonisation bactérienne. De la même manière, il est recommandé d'utiliser une instrumentation non métalliques (aéropolisseurs, curettes en plastique, en Téflon ou en carbone et cupule en caoutchouc) au niveau des surfaces implantaires car l'instrumentation métallique altère l'état de surface, favorisant ainsi la rétention de plaque bactérienne, le risque de corrosion et l'altération de la biocompatibilité de l'implant (Louropoulou et al., 2012) (fig. 6). Enfin l'application de vernis fluoré 3 à 4 fois par an sur les récessions gingivales de classe RT2 ou RT3 (Cairo et al., 2011) peut être une réponse à l'hypersensibilité dentinaire et au risque élevé de lésions carieuses radiculaires chez les patients en phase de maintenance parodontale (Petersson, 2013). Dans cette optique, des dentifrices ou bains de bouche fluorés peuvent également être prescrits au patient et seront préférés aux bains de bouche à la chlorhexidine dont l'utilisation prolongée est associée à un déséquilibre de la flore commensale, un développement de colorations extrinsèques et de dépôts tartriques, des altérations du goût et à une possible desquamation des muqueuses (James et al., 2017).
Le patient est informé des conclusions de l'examen clinique et, le cas échéant, de la nécessité éventuelle d'un traitement parodontal complémentaire ou d'une thérapeutique associée (Cohen RE, 2003). Une mise au point des facteurs de risque modifiables (tabac, stress, nutrition) est réalisée afin de suivre l'évolution de la motivation du patient et si nécessaire, l'orienter vers des praticiens spécialistes.
Concernant la fréquence de ces séances de maintenance, Lang et Tonetti (2003) proposent le Periodontal Risk Assessment (PRA) (Lang et Tonetti, 2003), qui est d'un diagramme d'évaluation du risque parodontal permettant d'adapter l'intervalle des séances de maintenance en évaluant le profil de risque de chaque patient afin de limiter le risque de récidive et d'augmenter la prédictibilité de réussite du traitement parodontal sur le long terme. Cette évaluation repose sur l'analyse de 6 paramètres :
– Le pourcentage de saignement au sondage ;
– La prévalence de poches résiduelles ≥ 5 mm ;
– Le nombre de dents absentes (sur un total de 28 dents) ;
– La perte du support parodontal en relation avec l'âge du patient ;
– La présence de pathologie systémique et la susceptibilité génétique ;
– La présence de facteurs environnementaux tels que le tabac.
Chez un patient à risque faible, tous les paramètres relevés lors de la séance de maintenance sont situés à l'intérieur de l'hexagone de premier niveau (fig. 7a). Un patient à risque modéré possède au moins 2 paramètres dans l'hexagone de deuxième niveau et au plus 1 paramètre dans l'hexagone de 3e niveau (fig. 7b) tandis qu'un patient à haut risque possède au moins 2 paramètres dans l'hexagone de 3e niveau (fig. 7c). La fréquence des visites conseillée est de 12 mois pour les patients à risque faible, 6 mois pour les patients à risque modéré et 3 mois pour les patients à risque élevé.
Une étude récente a suivi 100 patients précédemment traités pour une maladie parodontale durant une période moyenne de 18 ans et a montré que la durée du programme de maintenance ainsi que la fréquence des séances de maintenance étaient significativement associées à une réduction des sites avec PS ≥ 4 mm et du saignement au sondage (Müller Campanile et al., 2019). À la fin de cette étude, 265 dents sur 2 549 ont été perdues et seulement 16 d'entre elles pour raisons parodontales ou endo-parodontales. Cette faible incidence est en accord avec les résultats d'Axelsson et al. qui ont suivis 257 sujets dans un programme de maintenance sur une durée de 30 ans. Au total, 173 dents ont été perdues dont 108 pour cause de fracture radiculaire, les molaires étant les principales dents concernées (Axelsson et al., 2004). La présence de lésions inter-radiculaires a été identifiée comme facteurs de risque de perte dentaire au cours du programme de maintenance. Salvi et al. ont montré que les dents pluri-radiculées ayant une lésion inter-radiculaire de classe II et III (Hamp et al., 1975) avaient davantage de risque d'être perdues que celles ne présentant pas d'atteinte de furcation (Salvi et al., 2014). Une méta-analyse de 2016 a conclu que ce risque était en moyenne multiplié par 2 pour les molaires au cours d'une maintenance sur une durée de 10 à 15 ans tandis qu'il était multiplié par 3 à 4 lorsque le suivi devenait supérieur à 15 ans bien que les données relatives à ces résultats devaient être interprétés avec prudence en raison d'une forte hétérogénéité des études (Nibali et al., 2016). D'autres facteurs tels que l'âge, la consommation de tabac, le diabète, la présence d'un traitement endodontique, ou encore la mobilité dentaire ont été retrouvés comme positivement corrélés à la perte de molaires au cours du programme de maintenance parodontale (Graetz et al., 2015 ; Dannewitz et al., 2016). Plus généralement, si la consommation de tabac a depuis longtemps été identifiée comme facteur de risque des maladies parodontales, elle est aussi un facteur de risque de récidive de ces pathologies et ce de façon dose-dépendante. La durée de sevrage tabagique doit également être prise en compte par le praticien lors du programme de maintenance. En effet, le risque de récidive de la maladie parodontale diminue à mesure que le temps de sevrage tabagique augmente (Costa & Cota, 2019).
Concernant les attelles de contention, bien que largement utilisées en cas de mobilité dentaire et de support parodontal affaibli, peu d'études ont évalué les facteurs influençant le taux de survie des dents contenues en phase de maintenance. Graetz et al. ont montré que les dents contenues par des attelles composite ou en composite renforcé de fibre de verre ou d'un fil métallique n'avaient pas davantage de risque d'être perdues par rapport aux dents non contenues ayant des paramètres cliniques similaires (Graetz et al., 2019). Les auteurs ont rapporté 26 dents extraites sur 227 sur une période > 10 ans et ont conclu que les attelles de contention permettaient d'aider à la conservation des dents en réduisant leur mobilité bien qu'elles n'amélioraient pas le pronostic des dents atteintes sur le plan parodontal.
Ce protocole d'examen lors de la maintenance est associé systématiquement à l'information du patient sur les enjeux d'un suivi parodontal rigoureux qui se poursuivra tout au long de sa vie. Cette dernière conditionne son observance dans le maintien d'un contrôle de plaque efficace mais également dans le suivi du programme de maintenance.
La maintenance parodontale fait partie intégrante de la prise en charge parodontale du patient et est la clé de voûte du maintien de la santé des tissus parodontaux et péri-implantaires sur le long terme.