Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2019

 

Éditorial

Laurent Ohayon  

Rédacteur en chef invité

Les techniques chirurgicales d'augmentation de la hauteur osseuse sous-sinusienne, souvent présentées à tort comme des greffes sinusiennes, bénéficient de plus de 40 ans de recul depuis leur première présentation par H. Tatum en 1977 ; celles-ci ont fait l'objet de multiples études parmi les plus pertinentes en matière de preuves scientifiques, démontrant leur fiabilité dans le traitement des atrophies maxillaires postérieures.

Nous observons cependant beaucoup...


Les techniques chirurgicales d'augmentation de la hauteur osseuse sous-sinusienne, souvent présentées à tort comme des greffes sinusiennes, bénéficient de plus de 40 ans de recul depuis leur première présentation par H. Tatum en 1977 ; celles-ci ont fait l'objet de multiples études parmi les plus pertinentes en matière de preuves scientifiques, démontrant leur fiabilité dans le traitement des atrophies maxillaires postérieures.

Nous observons cependant beaucoup d'inexactitudes concernant les chirurgies des sinus maxillaires, diffusées à grand renfort de publicités, afin de promouvoir les traitements qualifiés de « graftless », faisant appel aux implants inclinés ou aux implants zygomatiques. Rappelons que les techniques chirurgicales d'augmentation de la hauteur osseuse sous-sinusienne ne sont pas mutilantes puisque reconstructrices, qu'il est scientifiquement prouvé qu'elles n'altèrent en aucune façon la physiologie du sinus, que les taux de survie des implants après chirurgie des sinus sont équivalents à ceux obtenus dans le tissu osseux, qu'il ne faut attendre qu'un mois pour obtenir la cicatrisation complète de la membrane de Schneider et réintervenir en cas de perforation importante de celle-ci et, enfin, que la mise en place des implants et les comblements sinusiens sont généralement effectués simultanément par les chirurgiens expérimentés, quelle que soit la hauteur de osseuse sous-sinusienne résiduelle, permettant un délai de mise en charge de la prothèse d'usage à 4 ou 5 mois postopératoires.

Nous assistons par ailleurs avec inquiétude à la multiplication d'extractions multiples intempestives, parfois sur les patients les plus jeunes, au prétexte de parodontites non traitées, sans prendre le temps d'un traitement parodontal initial préalable, dans le seul et unique but de mettre en place un protocole chirurgico-prothétique par l'utilisation d'implants inclinés ou d'implants zygomatiques.

Il n'en demeure pas moins que toute extraction dentaire est une mutilation, l'édentation complète restant une forme d'invalidité, quelle que soit la nature du projet de réhabilitation prothétique. Cette petite piqûre de rappel, destinée à réveiller les consciences, est l'occasion d'insister sur notre mission de santé publique, dont un des devoirs majeurs est la préservation de l'intégrité physique de nos patients.

Le professeur P-I Brånemark, souvent cité à mauvais escient comme caution morale pour justifier ces chirurgies dites « graftless », n'avait pourtant recours aux implants zygomatiques qu'à l'occasion de traitements des maxillaires sévèrement atrophiés, parfois lorsque les tentatives de reconstructions osseuses avaient échoué, et contre-indiquait de façon catégorique la mise en charge immédiate préconisée lors de l'utilisation des implants inclinés dans les techniques « All-On-Four® ». La mise en place d'implants inclinés lors des traitements d'édentations complètes est, par ailleurs, à l'origine de phénomènes de flexion et de torsion délétères dus à la présence de bras de leviers, sur lesquels se concentre l'essentiel des forces masticatoires au niveau de la prothèse sus-jacente. L'utilisation d'axes implantaires extrêmes, dans les cas d'édentements partiels, par la recherche systématique d'os résiduel pour éviter les cavités sinusiennes, ainsi que l'exploitation des septa intrasinusiens malgré leur faible épaisseur ont aussi montré leurs limites et sont, de surcroît, à l'origine de malpositions fréquentes des piliers prothétiques.

En outre, l'implant zygomatique, recommandé pour ces mêmes chirurgies « graftless », alors qu'il représente le dispositif médical le plus invasif en implantologie orale, constitue une source de complications per- et postopératoires particulièrement sévères, rarement évoquées, face auxquelles le chirurgien se retrouve totalement désarmé.

En tout état de cause, les études épidémiologiques prospectives s'accordent à démontrer que les cas cliniques d'édentements totaux tendent à disparaître pour laisser la place aux édentements postérieurs, le plus souvent au maxillaire, nécessitant le recours aux chirurgies d'augmentation de la hauteur osseuse sous-sinusienne qui, faut-il le rappeler, sont tout autant indiquées pour la pose d'implants unitaires que pour le traitement des édentations partielles ou complètes maxillaires ; celles-ci sont et demeureront, par voie de conséquence, un élément incontournable de l'implantologie orale.

Je tiens à remercier Paul Mattout de m'avoir confié la direction de ce numéro spécial sinus ainsi que les auteurs, nationaux et internationaux, qui m'ont fait l'amitié de consacrer le temps nécessaire à la rédaction des articles sur les sujets que je leur ai proposés.

Les thèmes abordés dans ce numéro sont destinés à proposer aux lecteurs un tour d'horizon des différents éléments de connaissances indispensables à acquérir avant toute chirurgie des sinus.

Ce numéro spécial du JPIO s'adresse à tous nos confrères, chirurgiens et omnipraticiens, afin qu'ils puissent, en toute connaissance et toute conscience, apporter la solution thérapeutique la plus adaptée aux atrophies maxillaires postérieures présentées par leurs patients.

Bonne lecture à toutes et à tous !