Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2019

 

Article

Rawi ASSAD 1 / David POLAK 2 / Ron ELIASHAR 3* / Lior SHAPIRA 4*  

1- DMD
Department of Periodontology,
Hebrew University - Hadassah Faculty of Dental Medicine,
Jerusalem, Israel2- DMD, PhD,
Department of Periodontology,
Hebrew University - Hadassah Faculty of Dental Medicine,
Jerusalem, Israel3- MD
Professor and Chair,
Department of Otolaryngology / Head & Neck Surgery,
Hadassah-Hebrew University Medical Center,
Jerusalem, Israel4- DMD, PhD,
Professor and Chair,
Department of Periodontology,
Hebrew University - Hadassah Faculty of Dental Medicine,
Jerusalem, Israel* Contribution équivalente

Résumé

Résumé

Le sinus maxillaire représente un défi en termes de réhabilitation du maxillaire postérieur édenté. L'évaluation préopératoire est extrêmement importante pour le diagnostic et la planification du traitement, afin de réduire les complications pendant et après la chirurgie. Cet article décrit la physiologie et l'anatomie du sinus maxillaire ainsi que leurs conséquences sur la pratique de la chirurgie d'augmentation osseuse sous-sinusienne, en portant un intérêt particulier sur les signes (cliniques et radiographiques) qui pourraient concerner les oreilles, le nez et la gorge des sujets devant subir un protocole d'augmentation du plancher sinusien.

Summary

ABSTRACT

Maxillary sinus represents a challenge in rehabilitation of edentulous posterior maxilla. Pre-operative evaluation is extremely important for diagnosis and treatment planning in order to minimize complications during and after the surgery. The current manuscript reviews the maxillary sinus physiology and anatomy and their impact on practical application of sinus augmentation surgery, with a specific focus on ear, nose and throat findings in subjects elected to undergo sinus bone augmentation.

Key words

Sinus floor augmentation, anatomy, surgical consideration.

Introduction

Les prothèses sur implants sont devenues un traitement courant chez les patients partiellement ou totalement édentés, donnant des résultats fiables à long terme (Esposito et al., 2007). Au niveau du maxillaire postérieur, la mise en place des implants constitue un défi du fait de la pneumatisation du sinus (Sharan et Madjar, 2008) ainsi que de la faible qualité osseuse (Turkyilmaz et al., 2007). Les cas cliniques présentant une pneumatisation des sinus peuvent être traités par des protocoles d'augmentation du plancher sinusien (Polak et Shapira, 2013), des implants courts (Morand et Irinakis, 2007), des implants inclinés (Maló et de Araújo Nobre, 2011) ou des prothèses dentaires complètes fixes de petite portée (Wolfart et al., 2014).

Parmi ces différentes techniques, l'augmentation du plancher sinusien prédomine et peut être réalisée par abord latéral (Boyne et James, 1980) ou par abord crestal (Summers, 1994). L'augmentation du plancher sinusien, qui est « technique dépendante », est aussi considérée comme l'une des interventions les plus étendues en chirurgie dentaire. En tant que telle, l'étude préopératoire est extrêmement importante pour le diagnostic et le plan de traitement afin de réduire les complications et d'optimiser les taux succès. L'objectif de cet article est de décrire la physiologie et l'anatomie du sinus maxillaire et leurs conséquences sur le plan de traitement.

Physiologie et anatomie du sinus maxillaire

Les différentes théories sur la fonction physiologique du sinus maxillaire comprennent :

– la réduction du poids supporté par les muscles du cou et le maintien de l'équilibre de la tête ;

– l'isolation thermique des structures vitales ;

– un rôle secondaire dans la fonction de défense de la muqueuse nasale par humidification, dilution du mucus par sécrétion stérile, et accroissement des facteurs de défense (IgA, lysozyme) ;

– l'élargissement de la zone olfactive ;

– l'objectif de permettre une résonance vocale (Blanton et Biggs, 1969).

Le sinus maxillaire a une forme pyramidale et constitue le plus grand des sinus paranasaux. Sa base est située au niveau de la paroi nasale latérale. Il communique avec la cavité nasale par l'ostium, qui se draine dans le hiatus semi-lunaire situé au niveau du méat moyen, la cavité inférieure et latérale du cornet nasal moyen. Cette zone est appelée « complexe ostioméatal » (OMC). Le sinus maxillaire de forme pyramidale présente un sommet dirigé latéralement vers le processus zygomatique, alors que sa paroi antérieure correspond à la surface du visage. La paroi osseuse postérieure est en rapport avec la fosse ptérygo-maxillaire au niveau médian et avec la fosse infra-temporale au niveau latéral. Le toit du sinus maxillaire est constitué du plancher orbital. Le plancher du sinus maxillaire comprend le processus alvéolaire du maxillaire ainsi que le palais dur (Bell et al., 2011). La distance moyenne entre le point le plus inférieur du plancher sinusien et l'ostium est de 28,5 mm (Uchida et al., 1998).

On observe la présence de septa osseux provenant du plancher sinusien dans 28,4 % des cas. La majorité des septa (54,6 %) sont situés dans la région de la première ou de la deuxième molaire maxillaire (Pommer et al., 2012). En outre, la prévalence des septa est significativement plus élevée au niveau des crêtes édentées qu'au niveau des crêtes dentées. Dans leur grande majorité, les septa sinusiens (99,7 %) sont incomplets, alors que seulement 0,3 % divisent complètement le sinus en cavités distinctes (Pommer et al., 2012).

La vascularisation du sinus maxillaire provient de trois branches de l'artère maxillaire :

– l'artère infra-orbitaire ;

– l'artère nasale postéro-latérale ;

– l'artère alvéolaire postérieure et supérieure (Solar et al., 1999).

L'artère alvéolaire postérieure supérieure et l'artère infra-orbitale forment une anastomose au niveau de la paroi latérale sinusienne, permettant la vascularisation de la membrane de Schneider. La distance moyenne entre l'anastomose intra-osseuse et la crête alvéolaire est de 19 mm (Solar et al., 1999). Il existe, dans 44 % des cas, une anastomose extra-osseuse entre l'artère alvéolaire postérieure supérieure et l'artère infra-orbitaire, située en position vestibulaire par rapport à la paroi latérale sinusienne La figure 1 illustre le cas d'une anastomose extra-osseuse, observable aussi bien au CBCT (A et B, flèches) qu'au cours de la chirurgie (C et D, flèches) (fig. 1). L'anastomose extra-osseuse est située plus apicalement, à une distance moyenne de 23 à 26 mm de la crête alvéolaire (Solar et al., 1999).

Les parois internes du sinus sont recouvertes d'une membrane muqueuse (membrane de Schneider) constituée de cellules cylindriques ciliées, de cellules caliciformes et de cellules basales reposant sur la membrane basale (Bell et al., 2011). L'épaisseur de la membrane varie, avec une valeur moyenne de 0,3 à 0,8 mm (Tos et Mogensen, 1984), sachant que les manifestations pathologiques se caractérisent généralement par l'épaississement de celle-ci.

Le dysfonctionnement de l'homéostasie sinusienne se produit en présence de d'agents pathogènes, tels que des facteurs environnementaux (pollution, altération de l'air inhalé...), des maladies systémiques interférant avec la composition de la muqueuse ou la fonction ciliaire, ainsi que des variations anatomiques nuisant à la ventilation et au drainage physiologiques maxillaires (Pignataro et al., 2008).

Imagerie radiographique du sinus maxillaire et incidences sur les considérations chirurgicales

Les images radiographiques du sinus maxillaire comprennent le Cone Beam en tomographie volumique, la tomodensitométrie du sinus et les radiographies en deux incidences de Water (rarement réalisées de nos jours).

L'image d'un sinus maxillaire sain présente des limites osseuses claires, bordées par un tissu mou fin, presque invisible (membrane de Schneider), un ostium libre et ouvert, et l'absence d'anomalie radiographique au sein de la cavité sinusienne indiquant une cavité correctement ventilée (fig. 2 A). Cependant, il existe parfois des éléments radiographiques situés au sein du sinus maxillaire qui peuvent ne pas avoir d'incidence systématique sur la physiologie sinusienne (fig. 2 B et C).

Ces éléments peuvent correspondre à un épaississement de la muqueuse à la base ou le long des parois du sinus, à des polypes, des kystes, à une opacification totale de la cavité du sinus, à une obstruction du complexe ostioméatal (COM), à des corps étrangers, des racines dentaires ou des implants dentaires pénétrant la cavité sinusienne, ainsi qu'à un épaississement du tissu osseux indiquant une ostéite.

Les signes radiographiques présentés par les patients peuvent être symptomatiques ou asymptomatiques. Une petite image radiographique, qui ne bloque pas l'ostium, n'influence pas la physiologie des sinus et ne provoque pas de symptômes, et n'a par conséquent aucune incidence clinique. De tels cas ne nécessitent pas de traitement et peuvent faire l'objet d'un protocole standard d'augmentation du plancher sinusien. Cependant, les patients, qu'ils soient symptomatiques ou asymptomatiques, lorsqu'ils présentent des images radiographiques plus importantes, telles qu'une opacification complète du sinus maxillaire, peuvent être soumis à un traitement médical comprenant une prescription d'antibiotiques associée à un spray nasal d'anti-inflammatoire stéroïdien. La réalisation d'un examen endoscopique nasal et celle d'une radiographie tomodensitométrique de contrôle des sinus, effectués plusieurs semaines après la fin du traitement, sont indispensables pour confirmer la guérison. Les cas cliniques réagissant bien aux traitements, ce qui se traduit par une normalisation de la physiologie des sinus maxillaires, peuvent être soumis en toute sécurité à un protocole d'augmentation du plancher sinusien. Mais la persistance de lésions importantes du sinus maxillaire au niveau radiographique, malgré une prise en charge médicale adéquate, nécessite un traitement complémentaire avant qu'une chirurgie sinusienne puisse être envisagée. Les patients appartenant à ce sous-groupe et présentant de tels symptômes sont alors des candidats désignés pour une gestion chirurgicale de leur pathologie sinusienne (Boyne et James, 1980). Il n'existe, cependant, aucune preuve scientifique concernant le rôle de la chirurgie des sinus chez les patients asymptomatiques qui présentent une persistance d'images radiographiques de pathologies importantes des sinus maxillaires malgré un traitement médical non chirurgical adapté.

La chirurgie endoscopique des sinus (CES) est le traitement chirurgical de choix pour les pathologies du sinus nécessitant une intervention chirurgicale. La (figure 3) montre le scanner au niveau du sinus maxillaire d'une femme de 54 ans ayant subi par le passé une augmentation du plancher du sinus gauche et devant subir une augmentation du plancher osseux sous-sinusien droit (fig. 3 A). La pathologie sinusienne empêchant l'intervention chirurgicale n'ayant pas répondu au traitement médical, une CES a, par conséquent, été réalisée, assainissant le sinus (fig. 3 B) et permettant une réhabilitation prothétique dentaire.

Comme indiqué précédemment, les patients présentant des signes radiographiques significatifs au niveau des sinus doivent être adressés à un spécialiste ORL pour entreprendre une évaluation plus approfondie. Une bonne évaluation ORL doit inclure la prise en compte des antécédents médicaux, la rhinoscopie antérieure, l'endoscopie de la cavité sinuso-nasale et, si nécessaire, un scanner complet des sinus. Notre équipe a récemment réalisé une étude sur la présence de signes radiographiques au niveau du sinus maxillaire et leurs relations avec les symptômes ORL (Horwitz Berkun et al., 2018). Cette étude a révélé que, bien qu'ils semblent être asymptomatiques, la plupart des patients ont signalé des symptômes ORL, indiquant ainsi que ces symptômes étaient principalement subcliniques. Une corrélation significative a été trouvée entre la présence de polypes dans le sinus maxillaire et une diminution de l'odeur et du goût. L'obstruction du méat sinusien était associée à une toux ; le trouble était en outre associé à une congestion de l'oreille. L'épaississement de la membrane de Schneider a montré qu'elle était en relation avec la toux et la congestion de l'oreille. Le nombre moyen de dents postérieures manquantes était corrélé à un écoulement nasal postérieur ainsi qu'à une congestion nasale. La pathologie péri-apicale était associée à un écoulement liquide nasal important.

Considérations chirurgicales

Bien que la plupart des cas cliniques ne développent pas de troubles liés à une pathologie du sinus maxillaire après une chirurgie d'élévation du plancher sinusien, cette procédure comporte le risque de compromettre temporairement la physiologie du sinus (Timmenga et al., 2003). La muqueuse du sinus maxillaire peut cependant retrouver une physiologie normale après chirurgie d'augmentation du plancher sinusien, qui sera dépendante du drainage adéquat des sinus (Timmenga et al., 2003). Ce pouvoir intrinsèque de la muqueuse sinusienne de retrouver son état homéostasique après un traumatisme chirurgical est appelé « résilience sinusienne » : plus les conditions initiales sont favorables (résilience élevée), moins le risque de complications est important.

Par ailleurs, les sinus présentant des pathologies peuvent potentiellement constituer une source de risque excessif et doivent être considérés comme une contre-indication à la procédure chirurgicale d'élévation du plancher sinusien. Une gestion préopératoire minutieuse, comprenant une évaluation ORL, est donc très utile pour sélectionner les candidats destinés à une augmentation du plancher sinusien (Pignataro et al., 2008). Chaque patient doit subir un examen approfondi pour mettre en évidence l'existence d'éléments risquant d'accroître le risque de complications. L'augmentation du plancher sinusien n'est pas indiquée lorsque le patient présente les antécédents suivants (Pignataro et al., 2008) :

– radiothérapie récente au niveau du maxillaire supérieur ;

– maladies systémiques non stabilisées, telles que le diabète insulinodépendant ;

– les habitudes (abus d'alcool, grand fumeur) ;

– les pathologies dentaires (maladie parodontale non traitée) ;

– les pathologies ORL.

Ces dernières peuvent encore être divisées en contre-indications absolues, lorsque les pathologies sont irréversibles, et en contre-indications relatives, lorsque les pathologies sont réversibles après un traitement approprié.

Les contre-indications absolues comprennent :

– les altérations anatomiques et fonctionnelles permanentes interférant avec l'homéostasie naso-sinusienne, qui ne peuvent pas être corrigées chirurgicalement (par exemple, chez les patients à très hauts risques chirurgicaux) ;

– les phénomènes infectieux inflammatoires compromettant la fonction d'évacuation mucociliaire ;

– les maladies granulomateuses systémiques, telles que la granulomatose de Wegener, se manifestant spécifiquement au niveau du nez et des sinus ;

– les pathologies bénignes et malignes affectant le sinus maxillaire et les structures anatomiques adjacentes.

Parmi les contre-indications relatives se trouvent :

– l'altération anatomo-structurelle limitée des voies de drainage du sinus maxillaire (par exemple, la déviation septale) ;

– les phénomènes inflammatoires (par exemple la rhinosinusite chronique) ;

– les fistules bucco-sinusiennes non associées à une ouverture osseuse large et après une fermeture chirurgicale définitive ;

– les corps étrangers intra-sinusiens ;

– les lésions bénignes, telles que les très gros polypes ou kystes, altérant la voie de drainage du sinus maxillaire.

Lorsqu'elles sont traitées correctement, nombre de ces contre-indications relatives sont résolues rapidement avec un traitement médical ou avec une CES.

Lorsque le scanner révèle que la paroi inférieure ou la paroi latérale du sinus présente une fenestration osseuse, il est recommandé de réaliser un lambeau d'épaisseur partielle au niveau de la fenêtre osseuse. Cela évite de déchirer la membrane de Schneider lors de l'élévation du lambeau, en laissant une épaisseur de tissu conjonctif qui sera déplacé dans le sinus avec la membrane sinusienne attachée plus profondément.

La présence d'une anastomose vasculaire doit être étudiée pour éviter les complications hémorragiques, qui peuvent survenir si l'artère est coupée lors de la réalisation de l'antrostomie. La chirurgie piézo-électrique peut, à ce titre, être privilégiée lorsque les artères passent au niveau de la zone chirurgicale.

Les septa doivent, en outre, être pris en compte lorsqu'un protocole d'élévation du plancher sinusien à l'aide d'ostéotomes est envisagé, car il est difficile de fracturer le plancher sous-sinusien sous ces mêmes septa osseux. En leur présence, l'augmentation osseuse sous-sinusienne par abord latéral doit être privilégiée car elle offre un meilleur accès avec une plus grande visibilité. La présence de septa est associée à un risque accru de perforation de la membrane lors des chirurgies d'augmentation de la crête osseuse sous-sinusienne (Becker et al., 2008). Il est alors parfois nécessaire de modifier la conception de la fenêtre latérale osseuse en réalisant une fenêtre en forme de W ou deux fenêtres osseuses distinctes (fig. 4).

Conclusion

Cet article présente les aspects physiologiques et anatomiques des sinus maxillaires. Leur évaluation préopératoire constitue une étape cruciale pour le diagnostic et la planification du traitement, ainsi que pour la réduction des complications per- et postopératoires. Le rôle primordial du spécialiste ORL est, par ailleurs, mis en évidence de façon systématique lorsque des affections naso-sinusiennes sont suspectées, car leur intervention permet d'identifier les contre-indications à la chirurgie d'augmentation du plancher sous-sinusien et de résoudre les éventuels processus pathologiques ou les défauts anatomiques potentiels pouvant conduire à des complications chirurgicales.

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