Article
1- Institut de Radiologie de Paris2- Institut de Radiologie de Paris
Résumé
Avant une greffe osseuse sous-sinusienne, il est indispensable de réaliser une imagerie tridimensionnelle par scanner ou CBCT ; cette imagerie devra inclure la totalité du sinus maxillaire, y compris sa zone de drainage. Elle permettra de confirmer l'atrophie osseuse, de faire un bilan anatomique de la voie d'abord chirurgical et du site opératoire, de rechercher une éventuelle contre-indication (notamment une pathologie sinusienne à traiter médicalement ou chirurgicalement au préalable), et de s'assurer de la bonne perméabilité de la région infundibulo-méatique. Ainsi, une étroite collaboration entre le chirurgien-dentiste, le radiologue et l'ORL est importante.
En postopératoire, l'imagerie sera réalisée à 4-6 mois, en l'absence de complications, permettant de s'assurer de la qualité de la greffe et de planifier la pose des implants.
Before a sinus bone graft, it is essential to perform three-dimensional imaging by CTCT or CT; this imaging should include the entire maxillary sinus including its drainage area. This will allow to confirm the bone atrophy, to make an anatomical assessment of the surgical approach and surgical site, to search for a possible contraindication, in particular a sinus pathology to treat medically or surgically beforehand and to make sure the good permeability of the infundibular-meatic region. Thus, a close collaboration between the dentist, the radiologist and the ENT is important.
Postoperatively, imaging will be performed at 4-6 months, in the absence of complications, to ensure the quality of the transplant and to plan the placement of implants.
L'imagerie tridimensionnelle par scanner ou Cone Beam Computed Tomography (CBCT) est devenue un examen indispensable à réaliser dans le bilan pré- et postopératoire d'une greffe osseuse sous-sinusienne. Avec les nouveaux protocoles de scanner « low dose » (à irradiation réduite), l'une ou l'autre technique apporte, de façon équivalente, toutes les informations nécessaires, pour une faible irradiation.
Dans le cadre du bilan pré-implantaire, l'imagerie a pour but d'évaluer la qualité et la quantité d'os disponible. En cas d'atrophie osseuse, une greffe osseuse sera indiquée pour recréer le volume osseux et ainsi permettre l'implantation.
En préopératoire, avant tout comblement sinusien, il est aujourd'hui indispensable de réaliser une imagerie tridimensionnelle par scanner ou Cone Beam Computed Tomography (CBCT), le panoramique dentaire seul étant insuffisant. Le champ d'acquisition devra inclure la totalité du sinus maxillaire, y compris sa zone de drainage, la région du méat moyen.
En cas de suspicion de pathologie naso-sinusienne à l'interrogatoire, ou d'ATCD naso-sinusiens, a fortiori chirurgicaux, il est recommandé de prescrire d'emblée une imagerie permettant d'explorer toutes les cavités sinusiennes.
Le bilan d'imagerie devra être réalisé à distance d'un épisode rhino-sinusien aigu.
Plusieurs points seront étudiés :
Au niveau de la zone implantable, l'épaisseur et la hauteur d'os sous-sinusien seront mesurées, permettant de confirmer l'atrophie osseuse, et posant ainsi l'indication d'une greffe osseuse. Ces mesures se font sur des reconstructions coronales obliques, perpendiculaires à un axe de référence tracé sur le topogramme en vue occlusale (fig. 1).
Si l'imagerie est réalisée avec un guide chirurgical, les mesures sont faites dans l'axe des guides (fig. 2).
La technique de greffe et le choix d'une pose d'implant dans le même temps opératoire ou différé sont fonctions de la hauteur d'os disponible.
Il est important de dépister une pathologie sinusienne, qui serait éventuellement à traiter avant d'effectuer la greffe osseuse, et ce afin de limiter le risque de complications per et postopératoires (Chanavaz, 1990). Ainsi, une étroite collaboration avec un chirurgien ORL qui jugera des éléments à traiter est indispensable.
Quelle que soit la pathologie sinusienne identifiée, il faut s'assurer de la perméabilité de la région infundibulo-méatique (fig. 3). En cas d'obstruction de celle-ci, l'avis d'un ORL est recommandé pour décider de la nécessité ou non d'un traitement médicamenteux ou chirurgical préalable à la greffe.
– Épaississement muqueux : Tout épaississement de la muqueuse sinusienne ne traduit pas une pathologie infectieuse. Il n'existe pas de mesure limite d'épaississement pathologique, l'analyse de la muqueuse entre dans une étude clinique globale. Ainsi, chez un patient asymptomatique, en l'absence d'antécédents rhino-sinusiens, un discret épaississement muqueux ne constitue pas une contre-indication à la réalisation de la greffe ;
– les kystes sous-muqueux du sinus maxillaire (fig. 4) (visibles comme des opacités arrondies, convexes, bien limitées du bas-fond du sinus) ne sont pas à considérer comme pathologiques surtout s'ils sont de petite taille et ne gênent pas le drainage au niveau de l'infundibulum maxillaire ; asymptomatiques, ils sont souvent de découverte fortuite et peuvent disparaître spontanément sur des imageries successives ; les kystes sous-muqueux ne constituent pas non plus une contre-indication à la greffe osseuse. En cas de kyste volumineux, un avis ORL peut être souhaitable.
– Une sinusite aiguë se traduit par un épaississement muqueux avec un comblement liquidien déclive, voire un aspect spumeux, c'est-à-dire siège de petites bulles d'air (fig. 5). À noter que le niveau liquide sera visible sur les coupes coronales sur un CBCT, souvent réalisé debout, alors qu'il sera visible sur les coupes axiales sur un scanner, réalisé couché.
– Une sinusite chronique se traduit par un épaississement muqueux en cadre ou un comblement complet du sinus avec ostéosclérose réactionnelle des parois, c'est-à-dire un épaississement de la paroi osseuse (fig. 6). On distingue les sinusites localisées antérieures et postérieures. Le système sinusien antérieur (qui se draine dans le méat moyen) comprend les sinus frontaux, les cellules éthmoïdales antérieures et les sinus maxillaires ; le système sinusien postérieur (qui se draine dans le méat supérieur) comprend les cellules éthmoïdales postérieures et les sinus sphénoïdaux. La 1e cause de sinusite antérieure (donc maxillaire) est d'origine dentaire (fig. 7).
– Une sinusite d'origine fongique (fig. 8) se suspecte devant la présence de calcifications de topographie plutôt centrales, fines et punctiformes (ou même linéaires), qui résultent des dépôts de phosphate de calcium et de sulfate de calcium dans le mycétome nécrotique, associées ou non à un corps étranger métallique d'origine dentaire (dépassement de pâte dentaire). Ainsi, la découverte d'anomalies muqueuses accompagnées d'opacités calciques ou métalliques impose un avis ORL avant la chirurgie, pour juger de l'indication ou non d'un traitement chirurgical préalable.
La polypose naso-sinusienne est une maladie inflammatoire chronique, conduisant à la formation de polypes touchant les cavités nasales et sinusiennes.
Il s'agit d'une pathologie bénigne fréquente qui touche 4 % de la population générale. Elle se traduit en imagerie par une atteinte éthmoïdale diffuse, c'est-à-dire un épaississement muqueux éthmoïdal antérieur et postérieur de façon bilatérale, associé à des formations polypoïdes au niveau des fosses nasales (fig. 9).
Les tumeurs des fosses nasales et des sinus représentent environ 3 % de l'ensemble des cancers des voies aérodigestives supérieures, avec un pic d'incidence entre les 5e et 7e décades et une prédominance masculine.
Les tumeurs, bénignes comme malignes, sont souvent cliniquement silencieuses et donc de découverte fortuite et tardive devant une symptomatologie non spécifique de rhino-sinusite chronique.
Une tumeur est à suspecter en imagerie devant :
– une masse (fig. 10) ;
– une « sinusite maxillaire plus », c'est-à-dire un comblement complet du sinus maxillaire étendu dans la fosse nasale (fig. 11) ;
– un comblement unilatéral touchant les sinus antérieurs et postérieurs.
La polypose naso-sinusienne unilatérale n'existant pas, l'unilatéralité des anomalies muqueuses doit faire éliminer une pathologie tumorale par la réalisation d'une IRM complémentaire des sinus.
Certaines variantes anatomiques peuvent rétrécir l'infundibulum du sinus maxillaire ou bien directement le méat moyen et pourraient donc augmenter le risque postopératoire de sinusite.
On peut citer :
– l'hypertrophie de la bulle éthmoïdale ;
– la cellule de Haller ; il s'agit d'une cellule inconstante éthmoïdo-maxillaire, située à la partie inféro-latérale de l'infundibulum (en regard de l'angle inféro-médial de l'orbite) ;
– la latéro-déviation du processus unciné (le processus unciné étant la lamelle osseuse issue du cornet moyen qui limite en dedans l'infundibulum maxillaire) ;
– l'inversion de courbure du cornet moyen ;
– la déviation septale avec ou sans éperon osseux ;
– la pneumatisation du cornet moyen (ou concha bullosa).
Lorsqu'une voie latérale est envisagée, différents éléments seront étudiés, notamment pour limiter le risque de perforation de la membrane sinusienne :
– l'épaisseur de la corticale vestibulaire du sinus maxillaire, qui sera le siège de la voie d'abord chirurgicale ;
– la localisation du canal osseux de l'artère alvéolo-antrale (fig. 12) (Tehranchi, 2017). L'artère n'est pas toujours visible en imagerie. Soit elle chemine dans l'épaisseur de la membrane sinusienne, et sera donc difficilement visible ; soit elle chemine dans la partie latérale de l'os maxillaire, et, dans ce cas, elle sera facilement repérable sur les coupes, le risque étant un risque hémorragique peropératoire lors du volet latéral. La localisation de l'artère lors du bilan pré-opératoire est donc importante. Il faut localiser sa position par rapport à la crête osseuse et son trajet, intra-osseux ou intrasinusien.
– la présence de septa du sinus maxillaire (fig. 13) (Pommer et al., 2012). La majorité des septa sont situés dans la région de la première ou de la deuxième molaire maxillaire. La présence de septa est associée à une augmentation du risque de perforation de la membrane sinusienne.
Points clés à analyser :
– hauteur et largeur de l'os sous-sinusien : confirmer l'atrophie ;
– vérifier la perméabilité de la région infundibulo-méatique ;
– éliminer une infection ou une autre pathologie du sinus ;
– variantes anatomiques à risque de confinement ;
– présence de septa/cloison du sinus maxillaire : augmente le risque de perforation de la membrane ;
– localiser l'artère alvéolo-antrale : risque hémorragique ;
– épaisseur de la corticale vestibulaire.
L'imagerie de contrôle par scanner ou CBCT sera réalisée 4 à 6 mois après la greffe. Elle permettra de s'assurer de la qualité de la greffe osseuse et de planifier la pose des implants en fonction du nouveau cadre osseux disponible (Hernández-Alfaro et al., 2008 ; Moreno Vazquez et al., 2014 ; Schwartz-Arad et al., 2004 ; Wallace et al., 2012).
Une greffe satisfaisante apparaît dense, homogène, sans aucune résorption, avec une limite supérieure régulière (fig. 14 à 16).
Comme dans tout geste opératoire, il existe des complications per et postopératoires qui peuvent justifier de réaliser une imagerie plus précoce.
En peropératoire, un hémosinus peut survenir lors du volet latéral ou lors du soulèvement de la muqueuse secondaire à l'effraction de la membrane ou à une lésion de l'artère alvéolo-antrale.
Le risque principal de l'hémosinus est la surinfection, qui est majorée en cas d'obstruction préalable de la région infundibulo-méatique.
La migration peut être intrasinusienne (fig. 17 et 18) et secondaire à la perforation peropératoire de la membrane de Schneider ; la rupture de la muqueuse sinusienne peut également avoir lieu en postopératoire et être liée à un barotraumatisme (mouchage). La présence de greffons en endo-sinusien va entraîner une sinusite réactionnelle.
La migration peut être également vestibulaire (fig. 18), au niveau de la voie d'abord secondaire à un lâchage de suture, et peut se compliquer d'une cellulite vestibulaire.
La sinusite survient le plus souvent dans les 10 premiers jours. Elle peut être secondaire à plusieurs facteurs :
– œdème postopératoire entraînant une obstruction ostiale ;
– contamination sinusienne peropératoire ;
– décollement du volet gingival favorisé par une rupture des sutures ou de la muqueuse en l'absence de tissu kératinisé ;
– contamination sinusienne endonasale postopératoire ;
– migration de particules de biomatériaux ;
– infection du greffon ;
– surinfection d'un hémosinus mal drainé ;
– sinusite préexistante.
Elle peut avoir de multiples causes :
– une pathologie de confinement : le risque de sinusite tardive est nettement augmenté chez des patients qui présentent une pathologie rhino-sinusienne préalable à la greffe, avec le risque d'une obstruction de la région infundiblo-méatique. Le meilleur moyen de prévenir ces complications est donc la réalisation d'une imagerie sinusienne préopératoire permettant une analyse du sinus maxillaire et de la région infundibulo-méatique.
– une migration intrasinusienne de la greffe (fig. 19). La perforation de la membrane de Schneider peut passer inaperçue en postopératoire immédiat et ne se révéler que tardivement par l'apparition d'une sinusite sur migration intrasinusienne du greffon.
– une ostéite avec nécrose du greffon.
Des kystes sous-muqueux peuvent apparaître dans les mois suivant l'intervention. Ils sont généralement asymptomatiques et ne nécessitent pas de traitement.
La qualité et/ou la quantité du greffon peuvent être insuffisantes, et ne pas permettre l'implantation.
Malgré une greffe de bonne qualité, une fois les implants posés, il peut y avoir une résorption tardive de la greffe, souvent secondaire à une péri-implantite.
La réalisation d'une imagerie en coupe par scanner ou CBCT dans le bilan pré-opératoire d'une greffe osseuse est donc indispensable et permettra de réaliser un bilan anatomique complet afin d'éviter des complications per ou postopératoires. Certaines pathologies ORL seront à traiter au préalable. Dans le postopératoire, l'imagerie a également toute sa place, permettant de diagnostiquer des complications éventuelles et de guider leurs traitements. Ainsi, une étroite collaboration entre le radiologue, l'ORL et le chirurgien-dentiste paraît indispensable et essentielle dans la prise en charge globale du patient.