Article
1- Pratique privée, Strasbourg2- Pratique privée, Aumetz3- Pratique privée, Rabat, Maroc4- Laboratoire de méthodologie et de biostatistiques, Faculté de médecine, Strasbourg5- PU-PH, Parodontologie, Faculté de chirurgie dentaire, Strasbourg
Résumé
L'identification fiable des facteurs de risque locaux, systémiques et comportementaux pendant le traitement des parodontites est essentielle à la réussite de nos thérapeutiques. Le but de ce travail est d'évaluer et de préciser l'impact de l'âge et du tabagisme, ainsi que la valeur pronostique d'un score (PRAS) combinant différents facteurs de risque à l'aide d'une cohorte de patients suivis dans l'Unité Fonctionnelle de Parodontologie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Sur une période moyenne de traitement de 3 ans, les résultats montrent qu'à état parodontal initial équivalent, l'âge et ses conséquences interfèrent peu avec les résultats thérapeutiques. Chez les patients présentant des parodontites sévères, le tabagisme limite essentiellement la réduction des poches initialement profondes au maxillaire et augmente le taux de récidives. Les pertes dentaires pendant le traitement sont associées au score PRAS et non aux autres facteurs de risque. Ces résultats permettent plus précisément d'identifier les profils à risque et d'évaluer leurs impacts pronostiques. Ils devraient permettre de fournir une meilleure information au patient et d'adapter les modalités thérapeutiques, en particulier les rythmes de suivi.
The reliable identification of local, systemic, and behavioural risk factors during the treatment of periodontitis is essential to the success of our therapies. The aim of this work is to evaluate and specify the impact of age and smoking and the prognosis value of a score (PRAS) combining different risk factors, on a cohort of patients followed at the Department of Periodontology of Strasbourg. Over an average treatment period of 3 years, results showed that age and its consequences interfered little with therapeutic outcomes for patients with equivalent initial periodontal status. In patients with severe periodontitis, smoking essentially limited pocket depth reduction of initially deep pockets at the maxilla and increased periodontitis recurrence. Tooth loss during treatment was associated with PRAS score and not with other risk factors. These results allowed a more reliable identification of risk profiles and prognosis evaluation. Therefore, the clinician could provide better information to patients and adapt therapeutic modalities, especially follow-up rhythms.
Les maladies parodontales sont définies comme des maladies d'origine infectieuse entraînant, dans le cas des parodontites, la formation de poches parodontales et la destruction des tissus de support des dents, jusqu'à la perte des dents, ainsi que l'aggravation des problèmes systémiques (Pihlstrom et al., 2005 ; Martin-Cabezas et al., 2016). Les agents infectieux se présentent sous forme de biofilms supra- et sous-gingivaux dont la quantité comme la composition influencent le déclenchement et la progression des parodontites. La réduction des biofilms est l'élément essentiel des soins primaires en parodontologie. Elle s'effectue à l'aide des différents traitements anti-infectieux mécaniques, comprenant les techniques d'hygiène bucco-dentaire, le détartrage surfaçage radiculaire (DSR), ainsi que les traitements chimiques antiseptiques et antibiotiques (Heitz-Mayfield et Lang, 2013 ; Matthews, 2014 ; Graziani et al., 2017). Cependant, cette réduction des biofilms peut s'avérer insuffisante pour obtenir une résolution de l'inflammation parodontale et une réduction stable des profondeurs des poches parodontales (PPP) compatibles avec une bonne santé parodontale. En effet, de nombreux autres facteurs de risque, locaux, systémiques comme le diabète (Mealey et Ocampo, 2007), l'obésité (Bouaziz et al., 2015), le stress (Akcali et al., 2013), et comportementaux comme le tabagisme (Nociti et al., 2015), peuvent aggraver significativement les maladies parodontales et nuire à l'efficacité des thérapeutiques anti-infectieuses. Leur contrôle voire leur suppression sont associés à un meilleur assainissement des tissus parodontaux (Graziani et al., 2017). L'identification la plus précise possible de la valeur du risque et la prise en charge efficace des facteurs de risque pendant le traitement des parodontites s'avèrent donc essentielles à la réussite de nos thérapeutiques (Graziani et al., 2017).
Certains facteurs de risque sont par définition non modifiables, sexe (Mattout et al., 2006), âge (Trombelli et al., 2010), facteurs génétiques (Lang et al., 2015), et seules les modalités thérapeutiques peuvent être adaptées. D'autres facteurs aggravants comme le diabète (Mealey et Ocampo, 2007), certaines médications (Fardal et Lygre, 2015), le tabagisme sont par définition modifiables (Reynolds, 2014), mais en réalité leur suppression s'avère souvent difficile voire impossible. En effet, moins de 40 % des patients diabétiques traités en France sont équilibrés et près de 40 % présentaient un taux d'hémoglobine glyquée > 7 %, et 15 % un taux > 8 % (rapport HAS 2013 : « Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2 »). Plus de 50 % des patients présentant d'importants accroissements gingivaux liés à la prise d'inhibiteurs calciques n'arrêtent pas la médication (Fardal et Lygre, 2015). Moins de 10 % des patients arrêtent de fumer sous les conseils des chirurgiens-dentistes (Gordon et al., 2010). Cette persistance notable des facteurs aggravants pose la question d'une meilleure définition/évaluation de leur impact sur l'état parodontal (réduction des moyennes, des % de poches profondes, persistance/récidive des poches, et pertes dentaires). En effet, si un effet dose des facteurs aggravants est bien reconnu (Tsai et al., 2002 ; Matuliene et al., 2008 ; Nociti et al., 2015), il n'y a pas de consensus sur l'impact ni de recommandations précises associant un seuil d'un facteur de risque (local, systémique, environnemental) à un choix thérapeutique (antibiothérapie, chirurgie, modalités de suivi, extraction) (Cronin et al., 2008 ; Heitz-Mayfield et Lang, 2013). De plus, les associations de différents facteurs de risque, par exemple le diabète et le tabagisme, modifient l'impact respectif de chaque facteur pris individuellement (Costa et al., 2013).
Depuis les années 90, plusieurs méthodes d'évaluation de profils des patients à risque à l'aide de calcul de scores ont été proposées et testées (Leininger et al., 2010 ; Lang et al., 2015 ; Garcia et al., 2016). Elles sont basées sur la combinaison de différents facteurs de risque locaux, systémique et comportementaux, et de leur échelle de gravité. Ainsi le Periodontal Risk Assessement (PRA) de Lang et Tonetti est évalué en fin de thérapeutique initiale et combine sévérité de la maladie parodontale représentée par le nombre de poches ≥ 5 mm, les dents manquantes, le % de saignement, et la perte osseuse/âge, plus le tabagisme et l'influence systémique (diabète ou polymorphisme de l'Il-1) (Lang et Tonetti, 2003). Le but de ce travail est d'évaluer et de préciser l'impact, au niveau patient comme au niveau des sites, des facteurs de risque liés à l'âge et au tabagisme sur une cohorte de patients suivis à moyen terme dans l'Unité Fonctionnelle de Parodontologie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS). La pertinence d'un score pronostic dérivé du PRA (Leininger et al., 2010) calculé en tout début de prise en charge parodontale a elle aussi été évaluée.
Les études sont basées sur une cohorte rétrospective de l'Unité Fonctionnelle de Parodontologie (UF 8607) des HUS, conformément à la déclaration d'Helsinki de 1975, révisée en 2008. Le Comité d'éthique des HUS a approuvé les différents protocoles (AMK/BG/2015-78 et 2015-66). Les patients traités et suivis régulièrement pour des parodontites et dont les dossiers contenaient les informations nécessaires aux études ont été sélectionnés. Les patients vus pour un examen initial de 2002 à 2010 avec un suivi parodontal à l'UF 8607 supérieur à 1 an et inférieur à 6 ans et remplissant les conditions décrites ci-dessous ont été invités à participer à ces études. Les patients ont été informés sur les objectifs de l'étude et sa conception et ont donné leur consentement oralement ou par écrit.
À l'examen initial, l'anamnèse médicale, bucco-dentaire et parodontale a été effectuée. Le statut tabagique a été en particulier enregistré. L'examen parodontal initial comprenait la mesure du saignement au sondage (BOP), des PPP, des niveaux osseux objectivés sur un orthopantomogramme et le calcul du nombre de dents absentes. Les patients présentant des parodontites ont été classés en parodontite chronique légère, modérée et sévère ou agressive selon la classification de l'AAP (Armitage, 1999).
Les patients traités à l'aide de médicaments (cyclosporine) ou souffrant de maladies (diabète) pouvant influencer l'état parodontal, ainsi que les patients ayant reçu antérieurement des traitements spécialisés de parodontologie (DSR, chirurgie parodontale) et présentant moins de 11 dents ont été exclus.
Pour l'étude sur l'effet de l'âge, les patients présentant des parodontites agressives et les fumeurs ont été exclus.
Pour l'étude sur l'effet du tabagisme, les patients présentant des parodontites chroniques légères à modérées ont été exclus.
La thérapeutique non-chirurgicale comprenait l'enseignement des techniques d'hygiène bucco-dentaire et le DSR réalisé en deux à trois séances. Des antibiotiques (métronidazole 250 mg et spyramicine 1,5 millions UI, 2 fois par jour pendant 15 jours) ont été prescrits chez les patients souffrant d'une inflammation marquée des tissus parodontaux et/ou de parodontite agressive (Leininger et al., 2010).
Tous les patients ont été inclus dans un programme de suivi comprenant des visites de contrôle tous les 3 à 6 mois selon le diagnostic initial et les résultats du traitement (Leininger et al., 2010). La phase de suivi se mettait en place après l'obtention d'une réduction significative et stable des taux de plaque dentaire, des saignements au sondage et du nombre de sites ≥ 4 mm. Chaque séance du suivi comprenait un examen parodontal complet avec un contrôle de la plaque et le renforcement des techniques d'hygiène buccale. Les poches résiduelles ≥ 4 mm ont été systématiquement réinstrumentées. Dans certains cas, la chirurgie parodontale et l'administration d'antibiotiques ont été effectuées (Leininger et al., 2010). La chirurgie parodontale a été réalisée en cas de persistance ou d'aggravation des défauts parodontaux profondes (profondeur de poche > 7 mm associée aux dents multi-radiculées). Les examens et traitements ont été effectués par des parodontistes ou par des étudiants stagiaires contrôlés et supervisés par des parodontistes expérimentés (H.T., J.L.D., O.H.).
Tous les réexamens ont été effectués par les deux mêmes examinateurs (T.B., S.B.) à l'UF de Parodontologie de janvier 2009 à juin 2011. Le réexamen comprenait l'enregistrement des antécédents médicaux, des caractéristiques liées au vieillissement, des antécédents de tabagisme. Les patients étaient classés comme fumeur (patient fumant au moins 5 cigarettes/jour (cig/jour) pendant tout le traitement et suivi parodontal), et non-fumeur (n'ayant jamais fumé ou ayant arrêté depuis au moins 5 ans). Les modalités thérapeutiques ont été renseignées, l'antibiothérapie pour les formes sévères, la durée et la fréquence de suivi. La PPP a été mesurée à l'aide d'une sonde parodontale manuelle PCPUNC 15 (HuFriedy, Chicago, Il, USA) à six sites par dent. Le nombre et les raisons des dents perdues/extraites au cours de la période étudiée ont été notés.
Le calcul du score pronostique PRAS est basé sur l'évaluation du risque parodontal (PRA) de Lang et Tonetti (Lang et Tonetti, 2003). Un diagramme fonctionnel a été construit incluant les six paramètres suivants : BOP, PPP, perte dentaire (TL), perte osseuse (BL/âge), tabagisme, état systémique. La perte initiale d'os parodontal a été estimée dans le site molaire/prémolaire le plus affecté : la distance de la jonction émail-cément à l'os alvéolaire a été divisée par la longueur de la racine, multipliée par 100 et divisée par l'âge du patient. Chaque paramètre a sa propre échelle comme décrit dans le tableau 1. Le diagramme de risque peut être décrit comme un hexagone avec six vecteurs, dont chacun a une échelle de 0 à 10 (tableau 1).
Toutes les valeurs ont été saisies numériquement dans une base de données Microsoft Access et un programme développé au département. Le score de risque PRAS correspond à la surface du diagramme. Un score ≤ 20 a identifié des patients présentant un risque parodontal faible à modéré. Un score > 20 a identifié les patients présentant un risque parodontal élevé (Leininger et al., 2010).
La taille des échantillons pour les comparaisons intergroupes a été calculée en considérant une réduction des moyennes des PPP de 0,6 mm avec un écart-type de 0,3 mm (Heitz-Mayfield LJA, 2002), avec une différence ≥ 0,3 mm entre les groupes. Elle est aussi basée sur des études comparables sur l'effet du tabagisme (Wan et al., 2009).
Les sites s'aggravant ont été définis comme une augmentation de la PPP > 2 mm (Fisher et al., 2008) entre l'examen initial et final. La progression de la parodontite a été définie comme étant au moins 3 sites sur deux dents différentes avec une augmentation de la PPP > 2 mm, en s'adaptant de l'article de Tonetti & Claffey en 2005 (au moins 3 sites sur deux dents différentes avec augmentation de la perte d'attache > 2 mm) (Tonetti et al., 2005). La décision d'extraction des dents pour des raisons parodontales était basée sur l'incapacité fonctionnelle (perte d'attache terminale) ou la persistance/récurrence d'infection des tissus parodontaux dues à la parodontite. Les troisièmes molaires ont été exclues de l'analyse.
Les analyses statistiques par patient pour évaluer l'effet de l'âge ou la pertinence pronostique du PRAS ont été réalisées à l'aide de logiciels statistiques (XLSTAT, Addinsoft France, Paris, France). Les différences entre les groupes ont été évaluées à l'aide du test t de Student ou du test de Mann-Whitney pour la distribution non normale des données, les différences entre l'examen initial et le réexamen avec le test de Wilcoxon. Des analyses de régression linéaires et logistiques univariées ont également été réalisées afin d'évaluer les associations entre les différents facteurs de risque définis et l'évolution des paramètres parodontaux. Le niveau de significativité a été fixé à p < 0,05.
Les analyses statistiques multi-niveaux pour évaluer un effet par site du tabagisme ont été menées sous un paradigme bayésien (Meyer et al., 2009). Les calculs ont été effectués avec R 3.0.2 et WinBUGS 1,4 (MRC Biostatistics Unit, Cambridge, RU). Le paradigme bayésien donne la probabilité qu'un traitement ou qu'un effet est présent, compte tenu des données réelles, tandis que les méthodes fréquentistes donnent la probabilité que des données réelles suivent ou non une hypothèse nulle (effet absent) (Meyer et al., 2009). Les résultats bayésiens fournissent la probabilité que le paramètre étudié soit plus grand (ou plus petit) qu'une valeur de référence. Une valeur très élevée (plus grand que 0,95 ou 0,99) ou une très faible valeur (plus petite que 0,05 ou 0,01) de cette probabilité (pr) peut être considérée comme statistiquement significative. L'influence du tabagisme sur le traitement de la parodontite a été évaluée à l'aide d'une régression multiple à plusieurs niveaux, sites, dents et patients.
Après examen des dossiers et recueil des données, 80 patients ont été recrutés pour l'ensemble des différentes études.
Après l'application des critères d'inclusion et d'exclusion, 40 patients ont été sélectionnés. Les groupes plus jeune (moins de 55 ans lors de la visite de réévaluation) et plus âgé (plus de 55 ans lors de la visite de réévaluation) comprennent chacun 20 patients. À l'exception de l'âge, les données étaient comparables entre les groupes (tableau 2). Le groupe de patients plus jeunes avait un âge moyen de 47 ans, le groupe de patients plus âgés avait un âge moyen de 58,2 ans. Le nombre moyen de dents manquantes pour l'ensemble des patients était de 1,87. Le nombre de patients avec prothèse amovible et le nombre de prothèses fixes sont plus élevés dans le groupe plus âgé. Les habitudes d'hygiène-bucco-dentaire sont similaires. Les % des signes de vieillissement sont plus importants dans le groupe plus âgé, en particulier les limitations de mouvement, mais ce n'est pas significatif. La période de suivi est de 3,45 ans et est similaire entre les groupes. Toutefois, le nombre de visites/an était significativement plus élevé pour le groupe plus âgé (2,63 versus 2,06).
Après l'application des critères d'inclusion et d'exclusion, 40 patients ont été sélectionnés. Les groupes non-fumeur et fumeur comprennent 20 patients chacun. À l'exception du tabagisme, les caractéristiques démographiques et parodontales étaient comparables pour les deux groupes. Chez les fumeurs, le nombre moyen de cigarettes/jour (cig/jour) était de 13,4 (compris entre 5 à 20 cig/jour). Tous les patients sélectionnés souffraient de parodontites chroniques ou agressives sévères : 29 patients ont été classés en parodontite chronique, 11 patients en parodontite agressive. Le nombre moyen de dents manquantes pour l'ensemble des patients était de 3,45. Le nombre de patient ayant pris une antibiothérapie, la durée de la période de suivi et le nombre de visites/an sont comparables entre les groupes (tableau 3).
Après l'application des critères d'inclusion et d'exclusion, 59 patients ont été sélectionnés. Les groupes de patients ayant un PRAS faible à modéré et un PRAS élevé comprennent respectivement 37 et 22 patients. Les données démographiques sont comparables entre les deux groupes. Le pourcentage de parodontites chronique modérées est supérieur dans le groupe à PRAS faible à modéré (37 % versus 27 %), mais cette différence n'est pas statistiquement significative. Sur l'ensemble des patients, le nombre de dents manquantes est de 2,71. Les données parodontales sont statistiquement différentes entre les deux groupes sauf pour le nombre de poches ≥ 5 mm. Sur l'ensemble des patients, la période de suivi est de 3 ans et du nombre de visites/an de 2,23. Ils sont comparables entre les groupes (tableau 4).
La moyenne globale des PPP a été réduite de 0,44 mm. Les % de poches > 3 mm et de poches > 5 mm sont réduits de moitié et 3,5 fois, respectivement. Après traitement, on observe une réduction du BOP plus marquée dans le groupe plus jeune. À l'inverse, les réductions des moyennes des PPP sont plus marquées dans le groupe plus âgé. Cet impact positif de l'âge sur les réductions des PPP est confirmé par l'analyse univariée (p < 0,01). Les pertes dentaires sont plus marquées dans le groupe plus âgé, mais cette différence n'est pas significative (tableau 2). Le pourcentage de dents perdues pour raison parodontale est de 45 % pour le groupe plus âgé versus 34 % pour le groupe plus jeune (fig. 1 et 2).
La moyenne globale des PPP a été réduite de 1 mm. Une réduction de moitié et de 4 fois, respectivement, des % de poches > 3 mm et de poches > 7 mm a été observée. Les réductions sont significativement moins prononcées chez les fumeurs que chez les non-fumeurs (fig. 3 à 5). Le pourcentage de réduction des poches > 3 mm a été 1,4 fois plus élevé chez les non-fumeurs par rapport aux fumeurs, 2,5 fois pour les poches > 7 mm (tableau 3). L'analyse multi-niveaux bayésienne montre que les facteurs agissant au niveau du site (distribution des PPP initial) ont contribué à 72 %, 53 % et 36 % des variations de la réduction des moyennes des PPP, des % de poches > 3 mm et 7 mm respectivement, montrant la prédominance des facteurs patients dont le tabac sur la réponse des poches profondes. Le nombre total de sites qui s'aggravent (augmentation de PPP > 2 mm) a été de 2,02 (1,5 %). Le nombre de sites qui s'aggravent est 2 fois plus élevé chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. De plus, les fumeurs présentaient un risque 3 fois plus élevé de progression de la parodontite (RR = 3.33) (fig. 6 et 7). La moyenne des TL était de 0,30 et comparable entre les groupes. L'analyse multi-niveaux par site montre que les réductions des PPP sont plus faibles au maxillaire et pour les molaires chez les fumeurs, en particulier pour les % de poches > 7 mm (tableau 5).
Sur l'ensemble des 59 sujets, la réduction des PPP est de 0,71 mm. Les % de poches sont globalement réduits de moitié pour les poches > 3 mm, 4 fois pour les poches > 5 mm et 7 mm. Les taux de réduction de PPP sont statistiquement similaires entre les groupes, même s'ils sont supérieurs dans le groupe à risque élevé. Le nombre de site s'aggravant est plus important dans le groupe PRAS élevé (1,86 versus 1,13 dans le groupe PRAS faible à modéré). Le nombre de dents perdues/an est 3 fois supérieur dans le groupe PRAS élevé, proche de la significativité (p = 0,073). Près de 25 % des patients du groupe à PRAS faible à modéré perdent au moins une dent contre 45 % pour le groupe PRAS élevé (tableau 4). Les analyses univariées confirment que le PRAS influence fortement le taux de pertes dentaires. L'âge, le sexe, les % de poches profondes > 7 mm et les autres facteurs composant le PRAS (nombre de poches ≥ 5 mm, BL/âge, % de BOP, tabagisme) n'influencent pas ce taux à l'exception du nombre de dents manquantes initialement (tableau 6).
Les différentes analyses réalisées sur les sous-groupes de la cohorte évaluent et précisent l'impact des facteurs ou score de risque étudiés.
En ce qui concerne l'âge, les patients présentent à long terme des résultats thérapeutiques comparables dans les deux groupes d'âge. Cependant, on observe un effet positif de l'âge sur la réduction des moyennes des PPP, mais peu ou pas d'effet sur la réduction des % de poches > 3 mm et > 5 mm ou sur le nombre de sites se détériorant de plus de 2 mm. Ces résultats vont dans le sens des données des études antérieures qui n'ont montré aucune influence de l'âge sur l'évolution des PPP ou une influence faiblement négative sur le nombre de poches > 3 mm résiduelles (Trombelli et al., 2010), des PPP s'améliorant (Lindhe et al., 1985), et de sites progressant (Matuliene et al., 2008), que ce soit à court (6 semaines) (Trombelli et al., 2010), moyen (6 mois) et plus long terme (plus de 10 ans) (Lindhe et al., 1985). Cependant, dans ces études, la définition du seuil d'âge des groupes « plus jeunes » est beaucoup plus jeune, 34 ans en moyenne pour Trombelli et al. (2010) et moins de 30 ans pour Lindhe et al. (1985), contre moins de 55 ans et une moyenne d'âge pour le groupe plus jeune de 47 ans pour notre étude. Si bien que dans ces deux précédentes études, un grand nombre de formes dites « agressives » et donc à évolution rapide sont inclues dans les groupes plus jeunes (36 % pour Trombelli et al. (2010)). Le type ainsi que la sévérité initiale de la parodontite peuvent influencer le type du traitement et ses résultats à court et long termes, et modifier ainsi l'impact d'un effet âge (Deas et Mealey, 2010 ; Trombelli et al., 2010 ; Bäumer et al., 2011). Dans notre étude, le fait que l'association entre l'âge et la réduction des PPP calculée sur l'ensemble de notre cohorte de 80 patients regroupant formes chroniques et agressives n'est plus significative (données non montrées) va dans ce sens. Un seuil de 55 ans a été choisi dans notre étude pour le groupe plus âgé contre 58 ans (Trombelli et al., 2010), plus ou moins 40 versus plus 50 ans, et plus de 60 ans pour Lindhe et al. (1985). Ce seuil est basé sur le pic de prévalence des parodontites (Darby, 2015), ainsi que de la perte des dents pendant la maintenance (Costa et al., 2014). En outre, cet âge pourrait mieux refléter l'effet biologique du vieillissement. En effet, Lixie et al. (2015) ont signalé un vieillissement physiologique plus rapide vers l'âge de 55 ans (Lixie et al., 2015).
Au niveau inflammatoire, les études in vitro et in vivo ont montré que le vieillissement est associé à l'augmentation des cytokines pro-inflammatoires et des anomalies de la réponse immunitaire, pouvant ainsi entraîner au niveau parodontal des destructions plus sévères (Hajishengallis, 2014). Le même effet négatif, lié à l'augmentation d'enzymes protéolytiques de type métalloprotéase avec l'âge, pourrait s'observer pendant la cicatrisation (Domon et al., 2014). Cependant, l'augmentation observée des pertes d'attache pendant le vieillissement est considérée par beaucoup d'auteurs comme le reflet d'un effet cumulatif de l'exposition microbienne et autres facteurs de risque (Reynolds, 2014). Les facteurs de risque ayant un effet cumulatif avec l'âge, comme le tabagisme et le diabète, ont été exclus de la présente étude. Les autres facteurs associés au vieillissement ont été évalués, tels que la déficience auditive, les limitations de mouvement ou la perte de motivation (Persson, 2006). Ces facteurs, bien qu'augmentant avec l'âge, n'influencent pas les résultats du traitement. De même, les nombres de prothèses partielles et de prothèses fixes sont plus importants dans le groupe plus âgé que dans le groupe plus jeune. Cependant, les prothèses fixes semblent avoir peu d'effet sur les PPP à long terme (Knoernschild et Campbell, 2000). Le taux de pertes dentaires/an est plus important dans le groupe plus âgé, essentiellement les pertes dentaires pour des raisons parodontales et de fracture (Chambrone et Chambrone, 2006). Cette augmentation peut être liée à l'aspect cumulatif des atteintes parodontales et du vieillissement des dents restaurés (Matuliene et al., 2008 ; Costa et al., 2014). Enfin, la fréquence des visites de maintenance est plus faible pour le groupe plus jeune, l'âge étant un des facteurs le plus important pour la compliance des patients (Ojima et al., 2001 ; Ramseier et al., 2014).
À la lumière de ces résultats, il s'avère que l'assainissement parodontal est aussi efficace chez les patients plus jeunes que plus âgés, d'autant que ces derniers apparaissent plus compliants. Cependant, malgré cette bonne réponse, l'augmentation des pertes dentaires pour des raisons parodontales chez les plus âgés, due à l'aspect cumulatif des destructions parodontales, montre l'intérêt d'une information et d'une prise en charge la plus précoce possible (Reynolds, 2014).
Chez les patients fumeurs présentant des parodontites sévères, les réductions des PPP sont globalement plus faibles que chez les non-fumeurs, confirmant ainsi les résultats d'études précédentes (Nociti et al., 2015).
Peu d'études (König et al., 2002 ; Papantonopoulos, 2004) ont étudié l'effet du tabagisme sur l'ensemble du traitement parodontal, thérapeutique initiale et maintenance comprises comme dans l'étude présente. Cependant, la réponse au traitement est un processus continu et l'effet observé à court terme pourrait être modifié (aggravé/amélioré) ou non à plus long terme (König et al., 2002 ; Wan et al., 2009), ce qui sous-tend la pertinence clinique de considérer le traitement parodontal dans son ensemble. L'analyse multi-niveaux montre, comme d'autres études, que l'évolution des moyennes des PPP est peu (König et al., 2002 ; D'Aiuto et al., 2005 ; Wan et al., 2009) ou pas (Preshaw et Heasman, 2005 ; Rosalem et al., 2011) modifiée par le tabagisme. De plus, cette analyse suggère que les facteurs locaux, c'est-à-dire ici la sévérité et la répartition des PPP initiales, contribuent largement (environ 70 %) à la variance totale des changements des moyennes des PPP, comme observé précédemment avec la localisation linguale vs vestibulaire, l'accumulation de la plaque, et les PPP initiales (D'Aiuto et al., 2005 ; Wan et al., 2009). Cependant, cette influence du site est progressivement réduite pour les poches > 3 mm (53 %) et poches > 7 mm (27 %). Cela montre que les changements de poches modérées à profondes sont plus influencés par des facteurs agissant au niveau du patient, c'est-à-dire le tabagisme. Dans notre étude, les poches profondes > 7 mm se réduisent 2,5 fois moins chez les fumeurs (1,5 fois pour l'ensemble des poches pathologiques > 3 mm). Cette même amplification de l'effet négatif du tabagisme pour les poches profondes a déjà été décrite pour la fermeture des poches (poches devenant ≤ 4 mm) à 3 mois (Tomasi et al., 2007), et persiste donc à long terme. De plus, dans notre étude, 50 % des fumeurs (15 % pour les non-fumeurs) ont une progression de leur maladie, représentant la très grande majorité (77 %) des patients avec une progression de la parodontite sur l'ensemble des patients suivis. Cette association a été observée précédemment chez les fumeurs (Costa et al., 2012), mais pour d'autres études uniquement chez les gros fumeurs (plus de 19 cig/jour) (Matuliene et al., 2008).
L'analyse par site montre que les dents maxillaires sont plus sensibles à l'effet négatif du tabagisme. L'état parodontal des dents maxillaires versus dents mandibulaires est constamment plus mauvais chez les fumeurs que chez les non-fumeurs (Johnson et Guthmiller, 2007). Ces données suggèrent qu'il en est de même après traitement, avec l'existence d'un effet local en plus d'un effet systémique du tabagisme sur la sévérité de la parodontite (Haffajee et Socransky, 2001). De plus, les molaires répondent mal au traitement parodontal par rapport aux non-molaires, en particulier chez les fumeurs. Une tendance similaire a été décrite précédemment pour la fermeture des poches à court terme (Tomasi et al., 2007). La réponse du traitement parodontal est classiquement moins positive pour les molaires que pour les non-molaires (König et al., 2002 ; D'Aiuto et al., 2005 ; Tomasi et al., 2007 ; Saminsky et al., 2015). Ces données ont souligné l'importance de considérer la sévérité de la destruction parodontale molaire chez les fumeurs avant le début de traitement parodontal (Tomasi et al., 2007). Un effet dose du tabagisme n'a pas été observé dans notre étude contrairement à l'étude de Matuliene à long terme sur les récidives (Matuliene et al., 2008). Cette différence pourrait être due à l'absence de gros fumeurs (> 20 cig/jour) et à la relative petite taille du groupe fumeur. Cependant, l'absence de gros fumeurs pourrait refléter la réduction observée de la consommation du nombre de cigarettes en France au cours de la dernière décennie (Tilloy et al., 2010). Dans notre étude, le taux de dents perdues n'a pas été influencé par l'état de tabagisme comme montré précédemment dans d'autres études à plus long terme (Eickholz et al., 2008 ; Matuliene et al., 2008).
Les comparaisons entre fumeurs et non-fumeurs montrent que le tabagisme même modéré limite fortement l'assainissement parodontal, en particulier chez les patients présentant des poches profondes au maxillaire. Chez ces patients, il s'avère donc essentiel de prendre en charge le tabagisme via l'information sur le risque et les différentes possibilités/méthodes de sevrage (Gordon et al., 2010 ; Souffez et al., 2012).
Le PRAS est un score de risque qui prend en considération différents facteurs de risque, comme le tabagisme et l'âge, qu'il combine entre eux afin de valoriser leur valeur pronostique (Leininger et al., 2010). Les résultats des analyses univariées montrent que le taux de pertes dentaires augmente avec le PRAS. Pour l'évolution des moyennes des PPP, % de poches > 3 ou > 5 mm, on retrouve l'influence négative liée à l'augmentation du PRAS. L'évolution des PPP est classiquement fortement liée à la sévérité des PPP initiales des parodontites (Bouaziz et al., 2015), reflétée en partie ici par le PRAS. Chez les patients présentant un PRAS défini comme élevé avant traitement, le taux de dents perdues pendant l'ensemble du traitement parodontal est 3 fois supérieur à celui observé chez les patients avec un PRAS faible à modérée, comme montré précédemment à plus long terme (10 ans) (Leininger et al., 2010), même si la différence est statistiquement moins marquée. Les études évaluant la valeur pronostique de scores similaires au PRAS combinant différents facteurs de risque ont montré à plus moins long terme (3 à 10 ans) que les patients définis à haut risque perdaient plus de dents ou présentaient plus de récidives pendant la maintenance (Lang et al., 2015). La plupart de ces études utilisent des scores calculés à la fin de la thérapeutique initiale (Costa et al., 2012 ; Lang et al., 2015 ; Trombelli et al., 2017) et plus rarement, comme ici, en début de prise en charge (Martin et al., 2010). Les autres caractéristiques démographiques et parodontales initiales, en particulier celles composant le PRAS, comme le BOP et le nombre de poches ≥ 5 mm, n'influencent pas le taux de pertes dentaires, ou faiblement (nombre de dents manquantes). Les études sur les scores de risque mettent en évidence que les facteurs de risque composant les scores pris un par un ne sont pas le plus souvent prédictifs des pertes dentaires (Matuliene et al., 2010). Les autres facteurs de risque patients associés aux pertes dentaires ou à l'aggravation des conditions parodontales dépendent des études. On y retrouve l'âge > 55 (Costa et al., 2014) ou 60 ans (Saminsky et al., 2015), le tabagisme (Matuliene et al., 2008 ; Costa et al., 2012 ; Trombelli et al., 2017), la sévérité du diagnostic parodontal initial (Eickholz et al., 2008), plus de 10 % de poches de 4-6 mm (Costa et al., 2014), la présence de poches > 7 mm (Saminsky et al., 2015), et le sexe (Eickholz et al., 2008). La valeur pronostique de ces facteurs est souvent plus faible que celle du score de risque, avec 1,8 fois plus de chance de perdre des dents avec des parodontites sévères, versus 2,6 fois avec un haut risque PRA (Eickholz et al., 2008).
Les modalités thérapeutiques sont aussi des facteurs qui influencent les résultats des traitements parodontaux à long terme, comme les traitements chirurgicaux (Heitz-Mayfield et Lang, 2013), et surtout la compliance (Lee et al., 2015). Les études sur les scores de risque ont aussi montré que la compliance était un des facteurs majeurs de pertes dentaires et des aggravations de l'état parodontal pendant la maintenance (Eickholz et al., 2008 ; Matuliene et al., 2010 ; Costa et al., 2012). L'effet de la compliance souvent prédomine sur le score de risque avec un risque ratio de 3,6 versus 2,6 (Eickholz et al., 2008), si bien que l'impact de ces scores de risque sur les pertes dentaires est souvent plus limité, voire compensé, chez les patients compliants (Matuliene et al., 2010). Cet impact de la compliance sur les pertes dentaires ou récidives de la maladies parodontales montre l'importance pour le praticien à la fois d'augmenter et de faire respecter la fréquence des visites de maintenance par les patients présentant un haut risque (Leininger et al., 2010 ; Martin et al., 2010 ; Lang et al., 2015 ; Garcia et al., 2016).
En début de traitement, le score PRAS apparaît donc avoir une valeur prédictive supérieure aux autres facteurs cliniques pris individuellement pour les pertes dentaires. Son calcul basé sur des éléments objectifs du diagnostic peut, en complément de l'appréciation clinique propre à chaque praticien, servir de base à une communication « codifiée » pour les prises en charge (Garcia et al., 2016).
L'analyse de cette cohorte permet de mieux identifier différents profils de patient pour des risques pris individuellement ou combinés.
À parodontite et traitement comparable, l'âge n'apparaît pas comme un facteur limitatif de l'assainissement parodontal malgré les effets potentiels du vieillissement sur la réponse de l'hôte et l'aspect cumulatif de la destruction parodontale.
Le tabagisme persistant apparaît particulièrement nuisible au traitement des patients présentant un certain profil de destruction parodontale sévère, mais beaucoup moins pour les autres.
Le PRAS, par la combinaison et la pondération des impacts des facteurs de risque locaux (sévérité), systémiques (âge) et comportementaux (tabagisme), apparaît comme un outil pronostic performant. À l'heure actuelle, les conséquences thérapeutiques de leur évaluation sont avant tout une information apportée au patient par le praticien plus pertinente et ciblée sur le diagnostic étiologique et le pronostic, facilitant leur adhésion et leur compliance au traitement (Garcia et al., 2016). Les autres conséquences thérapeutiques sont essentiellement une adaptation des rythmes de maintenance, bien que la preuve de l'efficacité d'un rythme de maintenance basé sur des scores de risques reste à démontrer (Lang et al., 2015).