Revue scientifique internationale
Responsable : Yves REINGEWIRTZ
F. FERRAROTTI, F. ROMANO, M.N. GAMBA, A. QUIRICO, M. GIRAUDI, M. AUDAGNA, M. AIMETTI Human intrabony defect regeneration with micrografts containing dental pulp stem cells: A randomized controlled clinical trial. Journal of Clinical Periodontology 2018;45:841-850.
F. FERRAROTTI, F. ROMANO, M.N. GAMBA, A. QUIRICO, M. GIRAUDI, M. AUDAGNA, M. AIMETTI Human intrabony defect regeneration with micrografts containing dental pulp stem cells: A randomized controlled clinical trial. Journal of Clinical Periodontology 2018;45:841-850.
Évaluer le potentiel de régénération de microgreffes contenant des cellules souches de pulpe dentaire (CSPD) dans le traitement de défauts humains infra-osseux.
Essai clinique randomisé portant sur 29 patients présentant d'une part une parodontite chronique et au moins un défaut infra-osseux profond, et d'autre part une dent de sagesse vitale présentant une indication d'extraction. Les défauts du groupe test (n = 15) sont traités à l'aide d'une éponge de collagène imprégnée de microgreffes riches en CSPD, ces dernières étant obtenues par dissociation de la pulpe dentaire de la dent de sagesse précédemment extraite. Les défauts du groupe contrôle sont traités par mise en place d'une éponge de collagène seule. L'approche chirurgicale dans les deux cas se fait par un lambeau minimalement invasif. Les paramètres cliniques et radiographiques sont enregistrés à 6 et 12 mois.
Les défauts du groupe test affichent des différences significatives par rapport à ceux du groupe contrôle en ce qui concerne la réduction de la profondeur de sondage (4,9 vs 3,4 mm), le gain du niveau d'attache clinique (4,5 vs 2,9 mm) et de comblement osseux des défauts (3,9 vs 1,6 mm). En outre, les auteurs notent plus fréquemment dans le groupe test une réduction des poches inférieure à 5 mm (93 % vs 50 %), et un gain d'attache supérieur à 4 mm (73 % vs 29 %).
L'utilisation et l'application de cellules souches de pulpe dentaire améliorent significativement la régénération parodontale un an après le traitement.
Nous sommes bien là en présence d'une étude clé établissant le lien entre, d'une part, les nombreuses études expérimentales ayant à ce jour démontré l'apport significatif des cellules souches mésenchymateuses à des microgreffons (éponge de collagène ou βTCP) dans le traitement des défauts infra-osseux parodontaux et, d'autre part, les études cliniques pour lesquelles le maximum de gain de profondeur d'attache semble avoir été atteint avec les nouveaux protocoles des chirurgies minimalement invasives (MIST). Les auteurs signent là une RCT remarquable avec toutefois une épine majeure au niveau des indications, celle d'avoir à disposition une dent de sagesse disponible et présentant une indication d'extraction... Mais il ne faut pas désespérer, d'autres études expérimentales ont mis en évidence la présence de ces cellules souches au niveau de la gencive marginale ou de l'os (de forage en chirurgie implantaire). La méthodologie pour isoler, multiplier ces cellules et enfin enrichir un vecteur à greffer est certes complexe et risque d'être coûteuse ; mais le futur devrait savoir résoudre ces difficultés matérielles.
Yves Reingewirtz (Strasbourg)X. JIA, L. JIA, L. MO, S. YUAN, X. ZHENG, J. HE, et al.
Berberine ameliorates periodontal bone loss by regulating gut microbiota. Journal of Dental Research 2018;8:107-116.
L'objectif de cette étude est d'évaluer l'impact d'un traitement par berbérine, un alcaloïde dérivé d'une plante médicinale chinoise (Berberis vulgaris, Hydrastis canadens, Berberis aquifolium), sur la perte osseuse induite chez un rat ovariectomisé. Cette molécule est utilisée dans le traitement de pathologies infectieuses digestives mais également dans le traitement de maladies métaboliques telles que le diabète de type 2 et l'obésité. Les mécanismes d'action reposent notamment sur l'action de la berbérine sur la flore microbienne digestive et la restauration de l'intégrité de la barrière intestinale.
Une parodontite expérimentale a été induite par mise en place de ligatures infectées par P. gingivalis chez des rats ovariectomisés. Un groupe a été traité par berbérine pendant 7 semaines et la perte osseuse, l'inflammation systémique ainsi que la composition de la flore intestinale ont été évaluées.
Le traitement par berbérine a réduit de manière significative la perte osseuse chez les rats traités mais également amélioré le métabolisme osseux. En parallèle, les effets sur l'intégrité de la barrière digestive mais également sur la flore intestinale ont pu être observés. Chez les rats traités, l'intégrité de la barrière intestinale était améliorée et la perméabilité intercellulaire diminuée, réduisant notamment la sécrétion d'endotoxine. Par ailleurs, un impact sur la réponse immune a également pu être mesuré, la réponse immune médiée par IL-17 étant réduite, avec comme corollaire une diminution des cytokines pro-inflammatoires plasmatiques. Enfin, une modification de la composition de la flore intestinale a été induite par le traitement, avec une augmentation de la quantité de bactéries productrices de butyrate.
Les résultats de cette étude mettent en évidence l'impact de la berbérine dans la prévention de la perte osseuse parodontale induite. Ces résultats sont encourageants dans la perspective d'une gestion pharmacologique des parodontites. Cependant, bien plus que les résultats obtenus avec la berbérine, cette étude met en évidence le rôle clé pouvant être attribué à la flore intestinale dans certaines pathologies inflammatoires et met en avant son rôle potentiel en tant que cible thérapeutique, comme cela est déjà le cas pour certains traitements du diabète ou du syndrome métabolique.
Olivier Huck (Strasbourg)T. SUGIMORI, M. YAMAGUCHI, M. SHIMIZU, J. KIKUTA, T. HIKIDA, M. HIKIDA, et al.
Micro-osteoperforations accelerate orthodontic tooth movement by stimulating periodontal ligament cell cycles. American Journal of Orthodontics and Dentofacial Orthopedics 2018;154:788-796.
Les auteurs ont voulu déterminer selon quels mécanismes les micro-ostéoperforations (MOP) accélèrent les mouvements dentaires et se sont donc plus particulièrement intéressés aux réactions inflammatoires, aux proliférations cellulaires et à l'apoptose des cellules du ligament alvéolo-dentaire. Ils ont recherché l'expression du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α), de l'antigène nucléaire de prolifération cellulaire (PCNA), ainsi que du nombre de cellules positives à la méthode TUNEL, durant le mouvement dentaire réalisé expérimentalement chez le rat.
Onze rats Wistar mâles d'une semaine ont été répartis en deux groupes : Le premier bénéficiant d'une force de 10 grammes appliquée sur la première molaire supérieure (TM), et le second associant en plus 3 microperforations de la corticale (TM + MOP). Les mouvements dentaires ainsi que la microstructure osseuse ont été observés aux 1, 4, 7 et 10e jours après l'application de la force. L'expression en TNF-α et en PCNA a été quantifiée par immuno-histochimie dans la zone de compression de ligament alvéolaire. Les cellules ayant subi une apoptose sont mises en évidence par la méthode TUNEL.
– Le mouvement orthodontique était significativement plus important dans le groupe TM + MOP que dans le groupe TM seul ;
– le groupe TM + MOP montre une diminution significative du ratio volume/densité osseuse ainsi que de la densité minérale de l'os ;
– les ratios en TNF-α augmentent dans le groupe TM + MOP par rapport au groupe TM ;
– les ratios en PCNA augmentent dans le groupe TM + MOP par rapport au groupe TM ;
– les ratios en cellules positives selon la technique TUNEL augmentent dans le groupe TM + MOP par rapport au groupe TM.
Les résultats de cette étude nous montrent que les MOP accélèrent le mouvement dentaire en activant la prolifération cellulaire et l'apoptose des cellules du ligament parodontal.
Il y a de plus en plus de patients adultes désireux de se faire aligner les dents, prenant conscience de l'impact esthétique, parodontal et fonctionnel de l'orthodontie en général. Un des critères de choix est la durée de traitement, influençant directement le patient dans sa motivation à débuter un traitement. Les cliniciens ont compris depuis quelques années que la création d'une inflammation clinique complémentaire à celle déjà engendrée par le traitement orthodontique en soi pouvait accélérer un traitement d'orthodontie pendant ce laps de temps. Différentes techniques ont déjà été éprouvées, comme la réalisation de corticotomies plus ou moins profondes, avec ou sans lambeau, associées ou non à des greffes osseuses, ou de simples microperforations comme celles décrites dans cet article. Le dénominateur commun à ces différents procédés est la difficulté de créer une inflammation suffisamment longue permettant de réduire significativement la durée d'un traitement. Il ne s'agit pas non plus de martyriser nos patients en perforant leurs corticales tous les 3 à 4 mois. Les voies de recherches actuelles faites sur le rat sont en train de révéler certains mécanismes indispensables dans la compréhension du turn-over osseux sous contraintes orthodontiques et en présence d'une inflammation thérapeutique volontaire. Il sera peut-être possible un jour de remplacer cette action mécanique traumatique par une thérapeutique médicamenteuse, topique ou générale, permettant ainsi d'agir très précisément sur une voie biochimique spécifique de l'accélération orthodontique.
Renaud Rinkenbach (Strasbourg)G. RASPERINI, R. ACUNZO, G. PELLEGRINI, G. PAGNI, M. TONETTI, G.P. PINI PRATO, P. CORTELLINI
Predictor factors for long-term outcomes stability of coronally advanced flap with or without connective tissue graft in the treatment of single maxillary gingival recessions: 9 years results of a randomized controlled clinical trial. Journal of Clinical Periodontology 2018;45:1107-1117.
Cette étude s'attache à comparer la pérennité des résultats cliniques obtenus 9 ans après le traitement chirurgical d'une récession maxillaire unitaire, ainsi qu'à identifier les facteurs prédictifs de la stabilité à long terme du recouvrement obtenu.
Vingt-cinq patients participent à cette étude clinique randomisée, en double aveugle sur 9 ans. Ils sont extraits d'une autre étude à court terme. Ils sont tous atteints d'une récession parodontale unitaire de classe I ou II de Miller située dans le secteur antérieur maxillaire. Une seule récession par patient est retenue. L'identification de la jonction amélo-cémentaire est un prérequis pour inclure les patients dans l'étude. Deux modalités de traitement sont comparées : le lambeau positionné coronairement seul (LPC) (13 patients) ou associé avec une greffe conjonctive (LP + GC) (12 patients).
Les mesures cliniques sont réalisées à l'aveugle par le même examinateur calibré. Pour chaque dent incluse dans l'étude, un guide en résine est réalisé pour permettre de repositionner la sonde de manière reproductible. La profondeur de poche, la hauteur de la récession, la présence d'une lésion non carieuse cervicale, la largeur de la récession parodontale au niveau de la jonction amélo-cémentaire, le niveau d'attache clinique, la hauteur de tissu kératinisé ainsi que l'hypersensibilité dentinaire sont mesurés avant la chirurgie, puis à 6 mois, 1 et 9 ans.
Tous les patients reçoivent, 4 semaines minimum avant la chirurgie, des recommandations d'hygiène orale incluant l'utilisation d'une brosse à dents électrique oscillo-rotative. Toutes les chirurgies sont réalisées par un chirurgien qui a plus de 10 ans d'expérience en chirurgie plastique parodontale. Le groupe test est traité par LPC + GC et le groupe contrôle par LPC uniquement. Le greffon conjonctif est positionné sur la surface radiculaire instrumentée juste en dessous de la jonction amélo-cémentaire et suturé au périoste avec un fil résorbable. Le lambeau est déplacé coronairement et suturé de façon à recouvrir complètement la jonction amélo-cémentaire et le greffon conjonctif. Après la chirurgie, les patients doivent éviter tout traumatisme mécanique sur le site traité pendant 2 semaines, ce qui inclut le brossage de la zone et les aliments durs. Les sutures sont enlevées 7 à 9 jours après l'opération. Des rendez-vous de contrôle, incluant une instrumentation si besoin, sont fixés 1, 2, 3 et 4 semaines puis 3 et 6 mois après la chirurgie, et enfin tous les 4 à 6 mois pendant 9 ans.
La hauteur initiale moyenne de la récession gingivale est de 2,4 mm dans les deux groupes traités. La probabilité d'obtenir un recouvrement complet de la récession et de le conserver pendant 9 ans est de 70 % dans les deux groupes. Les deux traitements présentent donc des résultats stables à 9 ans dans cette étude. Un gain de tissu kératinisé est noté uniquement dans le groupe test LPC + GC après 9 ans. La présence de lésions cervicales non carieuses est un facteur prédictif négatif pour obtenir et maintenir un recouvrement complet dans les deux groupes. Ceci pourrait être dû à la diminution du contact et de la stabilité du lambeau sur la surface radiculaire concave.
Cette étude est une des seules qui compare deux techniques de recouvrement radiculaire sur du long terme. Elle ne montre aucune différence statistiquement significative entre les deux groupes en ce qui concerne le recouvrement radiculaire complet, ce qui pourrait être dû à la petite taille de l'échantillon de cette étude et au type de récession très favorable (classe I de Miller chez plus de 80 % des patients). Le niveau de la gencive marginale a toutefois tendance à se déplacer en direction coronaire dans le groupe test, ce qui pourrait être facilité par l'épaisseur du tissu gingival, alors qu'il a tendance à se déplacer en direction apicale dans le groupe contrôle, ce qui pourrait indiquer une tendance à la récidive des récessions dans le groupe contrôle (dépourvu de conjonctif enfoui). Aucune différence n'est retrouvée entre les deux groupes en ce qui concerne le tabac en raison de la très faible proportion de fumeurs. Enfin, cette étude valide la stabilité des résultats obtenus après un LPC ou un LPC + GC à 9 ans.
Céline Gatti (Paris)