Revue scientifique internationale
Responsable : Yves REINGEWIRTZ
E. MAURI-OBRADORS, A. MERLOS, A. ESTRUGO-DEVESA, E. JANÉ-SALAS, J. LÒPEZ-LÒPEZ, M. VIňAS
Journal of Clinical Periodontology 2018;45:345-353.
L'association entre parodontite et diabète mellitus de...
E. MAURI-OBRADORS, A. MERLOS, A. ESTRUGO-DEVESA, E. JANÉ-SALAS, J. LÒPEZ-LÒPEZ, M. VIňAS
Journal of Clinical Periodontology 2018;45:345-353.
L'association entre parodontite et diabète mellitus de type 2 a été démontrée. Les auteurs de cette étude s'interrogent sur les conséquences au niveau des paramètres parodontaux et métaboliques du débridement parodontal réalisé chez des patients présentant un diabète mellitus de type 2.
Essai clinique randomisé en simple aveugle portant sur 90 patients sur une période de 6 mois et présentant une hémoglobine glyquée (HbA1c) de 7,7 % (61 mmol/mol +/-1,13 %). Ces patients sont divisés de façon aléatoire en deux groupes, test (instructions d'hygiène, curetage et surfaçage radiculaire à l'aide d'ultrasons et de curettes de Gracey) et contrôle (instructions d'hygiène, élimination de la plaque et du tartre supra-gingival à l'aide d'ultrasons). Les paramètres mesurés au début, à 3 puis 6 mois, sont : la profondeur de poche, les indices gingival et de plaque, le glucose plasmatique à jeun (fasting plasma glucose), et l'évaluation de certaines bactéries.
Le groupe test montre une amélioration significative (p < 0,5) des paramètres parodontaux et métaboliques alors qu'aucune amélioration n'est observée dans le groupe contrôle. Les mêmes résultats sont obtenus dans le comptage bactérien évalué par PCR.
Le traitement parodontal non chirurgical conduit à un état glycémique plus favorable chez des patients diabétiques de type 2 et démontre le rôle et l'importance de la santé orale sur leur état général.
Les études se succèdent et apportent les preuves de l'étroite connexion existant entre diabète de type 2 et parodontite. Le diabète a une action délétère sur le parodonte en altérant la réponse immune de l'hôte ainsi que les réponses inflammatoires (augmentation des cytokines pro-inflammatoires avec la sévérité de la parodontite). Les auteurs de cette étude démontrent le meilleur contrôle de la glycémie chez les diabétiques de type 2 par le traitement parodontal non chirurgical de la parodontite. Chapple et Genco ont également démontré en 2013 tout l'intérêt du traitement parodontal mécanique chez ces patients, en permettant à 3 mois une réduction de 0,4 % de HbA1c ; ce résultat a un impact non négligeable puisqu'il équivaut à la prise d'un second médicament pour réduire le diabète.
Chapple ILC, Genco R. Diabetes and periodontal diseases: consensus report of the joint AAP/EFP workshop on periodontitis and systemic diseases. J Clinic Periodontol 2013;40:106-112.
Yves Reingewirtz (Strasbourg)A. ALSHAMMARI, J. PATEL, J. AL-HASHEMI, B. CAI, J. PANEK, O. HUCK, S. AMAR
J Clin Periodontol 2017;44:1123-1132
Du fait des limites des traitements parodontaux, notamment dans certaines formes de pathologies sévères, de nombreuses stratégies de traitement pharmacologiques sont en cours de développement comme adjuvant au traitement mécanique. De nombreuses molécules ou composés anti-inflammatoires ont ainsi été développés. Cette étude a pour objectif d'évaluer les propriétés thérapeutiques d'un composé dérivé de Piper methysticum (kava), plante originaire du Pacifique, dans la prévention et le traitement des parodontites.
Une parodontite expérimentale a été induite par gavage de Porphyromonas gingivalis chez des souris prétraitées par anticorps anti-collagène 2. Les souris étaient préventivement ou concomitamment traitées par injection intra-péritonéale de kava-241, un composé isolé à partir de la kavaïne. Une évaluation histologique des effets induits a été effectuée.
Concernant l'induction de la parodontite, l'injection préalable d'anticorps anti-collagène 2 a amplifié de manière significative la destruction induite par Porphyromonas gingivalis. Le traitement préventif et curatif par le composé dérivé de la kavaïne a réduit de manière importante la destruction par rapport aux souris non traitées. Ces résultats au niveau osseux observés par analyse morphométrique ont été confirmés par analyse histologique puisqu'une réduction du nombre de cellules inflammatoires a pu être mise en évidence dans les groupes traités, confirmant ainsi les propriétés anti-inflammatoires du composé kava-241.
Les propriétés anti-inflammatoires du composé kava-241 dans la prévention de la destruction osseuse induite par Porphyromonas gingivalis représentent un intérêt pour la prise en charge pharmacologique future des parodontites. Ce composé anti-inflammatoire agit sur des voies moléculaires associées à la sécrétion de TNF-alpha mais est également capable d'agir sur certaines voies spécifiques activées par les LPS. Cependant, avant de pouvoir envisager une utilisation clinique, il est nécessaire de déterminer les voies d'administration potentielles, locales ou systémiques, présentant le moins d'effets secondaires mais également la meilleure délivrance au niveau des sites à traiter. Bien entendu, ces approches médicamenteuses ne pourront se substituer au traitement mécanique, pilier de la prise en charge anti-infectieuse.
Olivier Huck (Strasbourg)P.P. HUJOEL, P. LINGSTRÖM
J Clin Periodontol 2017;44(suppl. 18):S79-S84
Présenter une revue sur le rôle des macro et micro-nutriments dans la maladie carieuse, le saignement gingival et les parodontites.
Cette revue est fondée sur des revues systématiques et des études humaines comparatives sur ce sujet.
Les caries dentaires ne peuvent se développer sans la présence de glucides fermentescibles, en particulier le sucre. Ainsi, la susceptibilité de développer une carie en présence de glucides peut être influencée par la génétique et les micro-nutriments tels que la vitamine D.
Le saignement gingival ainsi que les parodontites sont évocateurs d'un déséquilibre tant au niveau des macro-nutriments (prise excessive de glucides ou de graisses poly-insaturées) que des micro-nutriments (vitamines C et B12). Afin de protéger nos dents, il est essentiel d'avoir une alimentation riche en minéraux, dont le calcium et le phosphate, ainsi qu'en vitamines D, K et B6. Il faut néanmoins faire attention aux compléments alimentaires qui, pris de manière excessive, peuvent avoir un effet délétère. Non seulement il faut bien définir ce que l'on mange mais, surtout, comment et à quel moment de la journée (pendant ou entre les principaux repas).
Il est à noter qu'une alimentation sans glucide (afin de prévenir la carie dentaire) mais riche en acide gras et en oméga 6 a été associée non seulement à la parodontite mais également aux infarctus du myocarde et même à la mortalité, conséquence de problèmes cardiovasculaires majeurs. Ceci accentue le lien qu'il peut exister entre les maladies parodontales et cardiovasculaires. Concernant les vitamines, une carence en vitamine C provoque un saignement gingival, quel que soit le niveau d'hygiène bucco-dentaire, alors que la vitamine D, associée au calcium, diminue le risque de perte dentaire.
Le plus important est un équilibre entre les facteurs favorisants et les facteurs protecteurs.
Les lésions carieuses ou les maladies parodontales sont des signaux d'alarme évidents d'une alimentation déséquilibrée, ce qui prédit l'apparition débutante des maladies de civilisation. De plus, une alimentation équilibrée, en lien avec une santé parodontale et générale idéale, est une alimentation faible en glucides, riche en graisses non végétales et en micro-nutriments et incluant suffisamment de protéines.
Cet article est très intéressant car il met en avant l'importance de l'alimentation au niveau de la santé bucco-dentaire et générale. En effet, les recommandations alimentaires ont beaucoup évolué durant ces dernières années et ne sont plus, à ce jour, en accord avec les dernières données acquises de la science.
Il est important de séparer les recommandations données pour les enfants et les adolescents de celles proposées pour les adultes ou même les femmes enceintes. De plus, il est également indispensable d'adapter les prises de macro et micro-nutriments en fonction des habitudes alimentaires spécifiques (omnivore, végétarien, végétalien, etc.).
L'alimentation équilibrée idéale, dans la prévention tant des lésions carieuses que des parodontites, et qui contribue à une bonne santé générale n'est pour l'instant pas en accord avec les recommandations fournies par les autorités. Il est donc indispensable d'informer non seulement nos patients mais également les décideurs politiques afin qu'ils modifient les recommandations alimentaires actuelles et mettent en place des campagnes d'informations.
N'oublions jamais qu'« on est ce qu'on mange » !
Brenda Mertens (Montpellier)J. ZHANG, A.M. ZHANG, Z.M. ZHANG, J.L. JIA, X.X. SUI, L.R. YU, H.T. LIU
Am J Orthod Dentofacial Orthop 2017;152:494-500
Les auteurs ont voulu connaître les effets d'un traitement ortho-parodontal sur des patients atteints de parodontite ainsi que ses effets sur les cytokines de l'inflammation.
Les auteurs ont sélectionné 117 patients atteints de parodontite, divisés de manière aléatoire en deux groupes : le premier appelé groupe de base (n = 58) composé de patients bénéficiant d'une thérapeutique parodontale seule, le second bénéficiant d'une thérapeutique combinée ortho-parodontale (n = 59). Le groupe témoin est composé de personnes saines sans atteinte parodontale (n = 52). La profondeur de poche, la mobilité dentaire, l'indice de plaque, la hauteur d'attache et l'index de saignement sulculaire ont été analysés. Un test Elisa a permis de détecter les cytokines de l'inflammation dans le fluide et le sérum gingival. Le suivi de ces marqueurs a été réalisé lors d'une étude clinique pendant 2 ans.
Avant le traitement, l'ensemble des paramètres parodontaux mesurés ainsi que le niveau des cytokines de l'inflammation dans le fluide et le sérum gingival étaient supérieurs dans le groupe de base et celui du traitement combiné ortho-parodontal, par comparaison au groupe témoin.
Après 6 et 18 mois de traitement, l'ensemble des paramètres parodontaux mesurés et le niveau des marqueurs de l'inflammation avaient diminué dans le groupe de base et dans celui du traitement combiné.
Au bout de 18 mois, on constatait que tous les marqueurs cliniques et biologiques de l'inflammation étaient inférieurs dans le groupe de traitement combiné à ceux du groupe de base.
Les auteurs ont montré que les marqueurs de l'inflammation avaient diminué dans le groupe présentant une prise en charge combinée ortho-parodontale. Par conséquent, on peut conclure qu'un traitement orthodontique mené en parallèle à une thérapeutique parodontale a un intérêt clinique et thérapeutique significatif.
Cet article nous démontre clairement qu'une thérapeutique orthodontique, dans un contexte de parodontite stabilisée, a pour conséquence une réduction de l'inflammation à l'origine de la destruction du parodonte. Un encombrement dentaire augmente de manière significative la difficulté de brosser correctement ses dents. Lorsqu'on rend l'arcade dentaire la plus homogène possible, la plaque dentaire devient facilement accessible et ne s'accumule plus. Cependant, il est nécessaire de rester vigilant lors de la proposition d'un traitement orthodontique dans un contexte infectieux actif. Dans ce cas de figure, l'orthodontie potentialise dramatiquement l'inflammation et devient carrément iatrogène pour la santé parodontale. Seule une prise en charge pluridisciplinaire permettra d'obtenir une amélioration notable de la santé du parodonte et un bon alignement dentaire gage d'une hygiène améliorée et facilitée.
Renaud Rinkenbach (Strasbourg)J.M. STEIN, C. HAMMACHER, M.S. SAID-YEKTA
Journal of Periodontology 2018;89:139-147.
Le but de cette étude est d'évaluer les effets cliniques d'un concept non chirurgical du traitement de la péri-implantite, combinant progressivement le débridement mécanique et une application de povidone-iodine, avec ou sans traitement antibiotique systémique.
Un groupe a été constitué par 45 patients ayant une parodontite chronique et 164 implants présentant une péri-implantite. La péri-implantite a été définie par une perte d'os radiographique > 2 mm, et une profondeur de poche > 5 mm avec saignement au sondage (BOP). Le traitement de ces implants a été réalisé successivement par ultrasons, curetage des tissus mous, aéropolissage d'une poudre de glycine et application sous-muqueuse répétée de povidone-iodine. Les poches présentant une profondeur > 4 mm ont été traitées suivant le même protocole, sans curetage des tissus mous mais avec un détartrage-surfaçage en profondeur. Dans le cas de parodontite sévère (n = 24), un complément d'amoxicilline/métronidazole (AM) a été prescrit en complément pendant une semaine.
Après 12 mois, les implants traités sans AM ont montré une réduction significative (p < 0,05) de la profondeur de poche (1,4 +/- 0,7 mm), d'attache clinique (CAL) (1,3 +/- 0,8 mm) et de BOP (33,4 +/- 17,2%). Dans les poches > 6 mm, les modifications de profondeur (2,3 +/- 1,3 mm), CAL (2,0 +/- 1,6 mm) et BOP (44,0 +/- 41,7) étaient plus prononcées.
La prise d'AM n'a pas influencé les paramètres de façon significative. En revanche, au niveau des implants ayant des poches > 4 mm, leur réduction et celle de BOP étaient plus prononcées avec que sans AM (31,8 +/- 12,6% contre 20,08 +/- 14,7% ; p < 0,05).
La combinaison du débridement par ultra-sons, du curetage des tissus mous et de l'aéropolissage à la poudre de glycine avec comme adjuvant de la povidone-iodine a entraîné une amélioration significative sur les implants. Les antibiotiques systémiques ont eu un effet limité sur les paramètres mesurés au niveau des implants.
Cette étude a le mérite de montrer qu'une péri-implantite débutante peut être prise en charge avec succès par un traitement non chirurgical sans avoir besoin d'un complément antibiotique. Malheureusement, l'utilisation de valeurs non paramétriques pour les statistiques relatives indices de plaque et gingival (valeurs ordinales, c'est-à-dire que l'indice de plaque 1 est simplement inférieur à 2 qui simplement est inférieur à 3 ; cet indice ne permet par conséquent pas de réaliser une moyenne ou une addition alors que le temps est une valeur paramétrique permettant ce type de statistiques. En principe les valeurs non paramétriques sont traitées par des tests comme l'analyse de variance, ce n'est pas le cas dans cet article.) et le manque d'information sur le mode de mesure de la perte d'attache au niveau des implants laissent planer un doute sur la qualité des résultats obtenus.
Jean-Nicolas Hasson (Mulhouse)A. INSUA, A. MONJE, H.L.WANG, M. INGLEHART
J Periodontol 2017;88:1153-1162
Les patients recevant un traitement dentaire ont une compréhension approximative des implants dentaires et de leurs complications. Les buts de cette étude sont l'estimation des critères suivants : le niveau de connaissance, de conscience et d'attitude relatif aux péri-implantites ; l'information qui a été délivrée par le dentiste/spécialiste qui réalise le traitement ; la perception, le niveau de satisfaction et l'impact du traitement sur la qualité de vie du patient.
Un groupe de patients ayant reçu un traitement comprenant une restauration prothétique sur implant et suivant une thérapeutique de soutien a été constitué. Les participants ont rempli un questionnaire anonyme comprenant des généralités sur le pronostic incluant notamment : la péri-implantite, l'étiologie, la prise de conscience, l'attitude, le traitement, la prévention, les facteurs de risque, la qualité de l'information, le niveau de satisfaction du patient, la qualité de vie. Certaines associations des paramètres étudiés ont été identifiées en utilisant des analyses statistiques à variable unique ou multiple.
Un groupe de 411 implants posés chez 135 patients a été créé. La fréquence de péri-implantite dans le groupe étudié était de 17,8 % en prenant les participants comme base statistique. Ce groupe a exprimé un niveau de satisfaction post-chirurgicale de 70 %. Par contre, le niveau d'inquiétude était de 64 % et 32 % des patients ont rapporté que la vie avec cette maladie était éprouvante. La majorité des patients (74,1 %) n'avait aucune connaissance des pathologies péri-implantaires. Les patients présentant des péri-implantites ont montré une meilleure compréhension du traitement implantaire (p < 0,001) et en étaient plus préoccupés (p < 0,004).
Les patients ont en général une faible compréhension et une faible perception de la péri-implantite et de son impact. La présence d'une pathologie péri-implantaire induit une influence négative sur la qualité de vie du patient et sa satisfaction du traitement. Il devient donc important de mettre au point des brochures d'information standardisées pour améliorer la connaissance des patients sur les facteurs de risque et sur les symptômes de la maladie et pour améliorer la prévention de la péri-implantite.
La perception et l'appréciation de nos traitements par nos patients sont des éléments essentiels à leur succès qui dépend de la compréhension et de la coopération de ces derniers. Cette étude montre notre incompétence à ce sujet. Les moyens de communication (brochures, vidéos, liens internet, etc.) à trouver pour améliorer ces éléments restent à trouver. Ils seront intéressants pour la péri-implantite mais aussi pour d'autres aspects parodontaux. Il restera alors à étudier lesquels seront les plus performants par indication thérapeutique.
Jean-Nicolas Hasson (Mulhouse)