Article
Catherine MATTOUT
Brice HOUVENAEGHEL
Georges RACHLIN
Paul MATTOUT
Maria Cristina VAIDA
GEPI (Groupe d'étude en parodontologie et implantologie)
Marseille
Résumé
Une nouvelle classification des conditions parodontales et péri-implantaires saines et pathologiques vient d'être établie après une réunion de consensus organisée par la Fédération Européenne de Parodontologie et l'Académie américaine de Parodontologie.
Seul le chapitre concernant les parodontites sera détaillé ici.
Les parodontites sont désormais définies selon leur stade et leur grade.
Les maladies parodontales nécrotiques, l'abcès parodontal et la lésion endo-parodontale sont définies comme des entités distinctes.
A new classification for periodontal and peri-implant diseases and conditions has been adopted after a workshop organized by European Federation Periodontology and Academy American Periodontology.
In this paper we only describe the periodontitis chapter, classifited according to their stage and their grade.
Necrotizing periodontal diseases, periodontal abscess and endodontic – periodontal lesion are defined separatly
Une nouvelle classification des conditions saines et pathologiques en parodontologie et en implantologie vient d'être publiée (Caton et al., 2018).
Elle a été adoptée après la réunion mondiale organisée, en 2017, à Chicago par la Fédération européenne de parodontologie (EFP) et l'Académie américaine de parodontologie (AAP).
Des experts du monde entier ont travaillé depuis 2015 sur 19 publications de synthèse couvrant la parodontologie et l'implantologie. Leur but était d'actualiser, de compléter et d'étendre aux conditions péri-implantaires la classification de 1999 (Armitage 1999). Parmi les différences les plus importantes de cette nouvelle classification, on note que les maladies péri-implantaires sont reconnues pour la première fois et que la distinction parodontite chronique/parodontite agressive a été remplacée par un modèle reposant sur le stade et l'importance de la maladie.
Les conclusions générales établies définissent les conditions saines et pathologiques parodontales et péri-implantaires (tab. 1).
Quatre grandes catégories sont à retenir :
– le parodonte sain et les maladies gingivales ;
– les parodontites ;
– les autres atteintes parodontales ;
– les conditions péri-implantaires saines et pathologiques.
Il est acquis qu'un patient atteint de gingivite peut revenir à un état de santé parodontale. En revanche, un patient atteint de parodontite reste, durant toute sa vie, un patient atteint de parodontite même si son traitement est couronné de succès. Le patient devra suivre un programme de maintenance pour éviter la récidive.
– En 1989, après une réunion de consensus, on distinguait la parodontite pré-pubertaire, juvénile (localisée et généralisée), adulte et à progression rapide.
– En 1993, après un colloque européen, on parlait de deux formes distinctes : la parodontite adulte et la parodontite à progression rapide.
– En 1999, la parodontite a été re-classifiée en parodontite chronique, agressive (localisée et généralisée), nécrotique et manifestation d'une maladie générale.
– Depuis 1999, de nouvelles informations issues d'études prospectives des facteurs de risque environnementaux et généraux et d'études scientifiques sur l'étiologie et la pathogénie ont permis l'établissement d'une nouvelle classification.
– En 2018, les parodontites font partie d'un chapitre intitulé « Parodontite » aux côtés des maladies parodontales nécrotiques et des parodontites manifestations d'une maladie systémique (tab. 1).
Les parodontites sont classées en différents stades et différents grades.
Un cas de parodontite doit être défini selon 3 composants : l'identification du patient comme un cas de parodontite, l'identification du type spécifique de parodontite, la description des signes cliniques et des autres éléments qui peuvent affecter le traitement, le pronostic et la santé buccale et générale.
C'est pourquoi un système de stades et de grades a été proposé. Le stade dépend largement de la sévérité de la maladie et de la complexité de son traitement. Le grade donne des informations supplémentaires sur les aspects biologiques, la progression passée et future, le pronostic du traitement et le risque que la maladie ou son traitement affecte la santé du patient.
– Avec une perte d'attache, dans les sites les plus atteints, de 1 à 2 mm.
– Une perte osseuse radiographique ne dépassant pas 15 % du support osseux initial.
– Aucune dent perdue pour des raisons parodontales.
– Une profondeur de poche ne dépassant pas 4 mm.
– Avec une perte d'attache, dans les sites les plus atteints, de 3 à 4 mm.
– Une perte osseuse radiographique entre 15 et 33 % du support osseux initial.
– Aucune dent perdue pour des raisons parodontales.
– Une profondeur de poche ne dépassant pas 5 mm.
– Une perte osseuse surtout horizontale.
– Avec une perte d'attache, dans les sites les plus atteints, de plus de 5 mm.
– Une perte osseuse radiographique de plus de la moitié du support osseux initial.
– La perte de moins de 4 dents pour des raisons parodontales.
– Une profondeur de poche de 6 mm ou plus, des pertes osseuses verticales de plus de 3 mm et des atteintes de furcation de classe 2 ou 3.
– Avec une perte d'attache, dans les sites les plus atteints, de plus de 5 mm.
– Une perte osseuse radiographique de plus de la moitié du support osseux initial.
– La perte de plus de 5 dents pour des raisons parodontales.
– En plus des caractéristiques du stade 3, des mobilités importantes et des dysfonctions occlusales.
– Pas de perte osseuse les 5 dernières années.
– Un ratio perte osseuse/âge est calculé : il ne dépasse pas 0,25.
– Plaque bactérienne abondante avec un faible niveau de destruction du parodonte.
– Perte osseuse de moins de 2 mm les 5 dernières années.
– Un ratio perte osseuse/âge est calculé : il est compris entre 0,25 et 1.
– Plaque bactérienne présente et en relation avec l'avancée de la destruction du parodonte.
– Perte osseuse de plus de 2 mm les 5 dernières années.
– Un ratio perte osseuse/âge est calculé : il est supérieur à 1.
– Niveau de destruction du parodonte disproportionné par rapport à la quantité de plaque bactérienne.
– Le tabac : non-fumeur, fumeur ne dépassant pas 10 cigarettes par jour, fumeur de plus de 10 cigarettes par jour.
– Le diabète : non diabétique, taux d'hémoglobine glyquée inférieur à 7 %, taux d'hémoglobine glyquée supérieur à 7 %.
– Par un examen radiographique et clinique simple (radiographies, profondeur de poche parodontale et nombre de dents manquantes).
– Déterminer le stade :
- pour les stades 1 et 2 : déterminer le niveau de perte d'attache maximum et confirmer le type de lésions (horizontales ou angulaires) ;
- pour les stades 3 et 4 : noter le nombre de dents perdues, les atteintes de furcation, les profondeurs de poche parodontale, les dysfonctions occlusales...
– Déterminer le grade :
- historique du patient avec détermination du ratio perte osseuse/âge ;
- facteurs de risque ;
- anamnèse médicale (maladie inflammatoire ou systémique).
– Réaliser le plan de traitement selon le stade et le grade.
– Quels sont les traits principaux qui permettent d'identifier une parodontite (tab. 3) ?
La perte des tissus parodontaux de support due à l'inflammation est le trait principal d'une parodontite. Un seuil de perte d'attache clinique de 3 mm ou plus sur des dents non adjacentes est rapporté ; une perte osseuse inter-proximale radiographique y est associée. Des sites saignant au sondage sont observés.
– Comment définir un patient comme un cas de parodontite ?
- Une perte d'attache clinique est détectable sur au moins 2 dents non adjacentes.
- Une perte d'attache clinique de 3 mm ou plus avec une poche de 3 mm ou plus est détectable sur au moins 2 dents mais cette perte d'attache n'est pas imputable à une récession gingivale d'origine traumatique, à des caries dans la zone cervicale, à la malposition ou à l'extraction d'une 3e molaire, à une lésion endodontique ou à une fracture radiculaire verticale.
– Comment caractériser précisément une parodontite selon son stade et son grade ?
- Le stade dépend largement de la sévérité de la maladie lors de la première visite ainsi que de la complexité du traitement prévu et inclut une description de l'extension et de la distribution des lésions.
- Le grade fournit des informations supplémentaires sur les aspects biologiques, incluant une analyse sur le taux de progression passée, sur le risque de progression future, sur une possible mauvaise réponse au traitement et sur le risque que la maladie ou son traitement affecte la santé générale.
La nouvelle classification fait une place à part à la maladie parodontale nécrotique dans le chapitre des parodontites (tab. 4).
– Les lésions de gingivite nécrotique sont caractérisées par la présence d'ulcères dans l'épithélium squameux stratifié et dans la couche superficielle du tissu conjonctif gingival, entourés d'un infiltrat inflammatoire aigu non spécifique. Quatre zones ont été décrites : une zone superficielle bactérienne, une zone riche en neutrophiles, une zone nécrotique et une zone d'infiltrat de spirochètes.
– Les maladies parodontales nécrotiques sont fortement associées à un déficit de la réponse de l'hôte, sur des patients chroniques sévèrement compromis (AIDS, enfants souffrant de malnutrition, de conditions de vie défavorables ou d'infections sévères) et sur des patients temporairement ou modérément compromis (patients adultes fumeurs ou stressés socialement ou psychologiquement).
Quelles sont les définitions de ces maladies parodontales nécrotiques ?
– La gingivite nécrotique est une atteinte inflammatoire aiguë des tissus gingivaux caractérisée par la présence de nécroses ou d'ulcères dans la papille inter-dentaire, un saignement gingival et une douleur. D'autres symptômes sont associés comme la mauvaise haleine, des pseudo-membranes, une lymphadénopathie régionale, de la fièvre et, chez l'enfant, une sialorrhée
– La parodontite nécrotique est une atteinte inflammatoire du parodonte caractérisée par la présence de nécroses ou d'ulcères dans la papille inter-dentaire, de saignement gingival, de mauvaise haleine, de douleur et de perte osseuse rapide. D'autres symptômes sont associés comme la formation de pseudo-membranes, une lymphadénopathie et de la fièvre.
– La stomatite nécrotique est une atteinte inflammatoire sévère du parodonte et de la cavité buccale dans laquelle la nécrose s'étend au-delà de la gencive. La dénudation de l'os peut apparaître à travers la muqueuse alvéolaire avec de larges zones d'ostéite et la formation de séquestres osseux. Elle apparaît typiquement chez des patients sévèrement compromis sur le plan général. Des cas atypiques ont été rapportés dans lesquels cette stomatite nécrotique peut se développer sans lésion préalable de gingivite et de parodontite nécrotique.
Dans le chapitre des autres pathologies affectant le parodonte (tab. 1), l'abcès parodontal (tab. 5) occupe une place importante pour 3 raisons : il nécessite un traitement immédiat car il peut se traduire par une destruction parodontale rapide et car il a un impact négatif sur le pronostic de la dent.
Différentes étiologies peuvent expliquer l'apparition d'abcès dans les tissus parodontaux : la nécrose pulpaire, l'infection parodontale, la péri-coronarite, le trauma, la chirurgie ou l'impact d'un corps étranger.
C'est un abcès dentaire s'il est associé à une lésion endo-parodontale.
On définit l'abcès parodontal comme une accumulation localisée de pus dans la paroi gingivale d'une poche parodontale, entraînant une destruction tissulaire. Les signes détectables sont une élévation ovoïde de la gencive le long de la paroi latérale de la racine et un saignement au sondage. Il peut aussi être associé à une douleur, une suppuration, la présence d'une poche profonde et une mobilité dentaire. Une perte osseuse est habituellement visible à la radiographie.
Cette nouvelle classification distingue l'abcès parodontal apparaissant sur un patient atteint de parodontite ou sur un patient non atteint de parodontite.
– Sur les patients atteints de parodontite, l'abcès peut être le signe d'une exacerbation de la maladie en présence d'atteinte de furcation ou de lésion verticale, liée à une augmentation de la virulence bactérienne ou à une baisse des défenses de l'hôte. Cet abcès peut aussi apparaître après différents traitements, comme le détartrage, le surfaçage ou un traitement chirurgical (membranes ou sutures), ou après une prescription antibiotique sans traitement local.
– Sur les patients non atteints de parodontite, cet abcès peut survenir après l'impact d'un corps étranger, des habitudes vicieuses, un traitement orthodontique ou des altérations de la surface radiculaire.
Dans le chapitre des autres pathologies affectant le parodonte (tab. 1), la lésion endo-parodontale figure aux côtés de l'abcès parodontal. La lésion endo-parodontale (tab. 6) touche la pulpe et le parodonte et peut être aiguë ou chronique.
Les symptômes sont des poches parodontales profondes proches de l'apex et des tests de vitalité pulpaire négatifs mais aussi, par ordre de prévalence, une résorption osseuse dans la région de l'apex ou de la furcation, une douleur, un exsudat purulent, une mobilité dentaire.
Dans la classification de 1999, ces lésions étaient nommées « lésions parodontales combinées » sans distinction de patients avec ou sans maladie parodontale, de façon trop générique pour déterminer une logique de traitement.
Aujourd'hui, la classification repose sur les signes pouvant avoir un impact sur le traitement comme la présence de fracture, de perforation, de parodontite et d'extension de la destruction parodontale autour de la dent atteinte.
Parodontites, parodontite ulcéro-nécrotique, abcès parodontal et lésions endo-parodontales sont les premières atteintes parodontales décrites par le groupe de travail de Papapanou et al., 2018. Les autres groupes de travail ont défini les différents types d'atteintes parodontales (tab. 1).