Article
Teodora STEFANESCU1 / Viorel MICLAUS2 / Stefan VASILE STEFANESCU3 / Aranka ILEA4
1- Université d'Oradea, Medical College, 10 December 1st sq., 410073 Oradea, Roumanie2- Université of Agriculture Sciences et de médecine vétérinaire, Faculté de médecine vétérinaire, 3-5 Manastur Av., 400372 Cluj-Napoca, Roumanie3- Clinique dentaire Prestige Dent, 37 Aluminei strt., 411313 Oradea, Roumanie4- Département of Oral Rehabilitation, Oral Health and Dental Office Management, Faculty of Dentistry, « Iuliu Haţieganu » Université de médecine et de pharmacie, Cluj-Napoca, Roumanie, 15 V. Babes strt., 400012 Cluj-Napoca, Roumanie
Résumé
Les lésions péri-apicales sont fréquentes dans notre pratique quotidienne.
Il existe deux classes majeures de lésions péri-apicales :
– Le kyste péri-apical ;
– Le granulome péri-apical.
Radiographiquement, il serait quasiment impossible de différencier une lésion de l'autre.
Description de cas :
Une femme âgée de 51 ans se présente à notre cabinet se plaignant d'une douleur sourde, une paresthésie de la partie droite du menton, signe de Godet + à la palpation en regard de la 44 qui présente une lésion carieuse très étendue avec une chambre pulpaire ouverte répondant négativement aux différents tests de vitalité.
La dent ne présentait aucune fistule ni mobilité, une poche de 5 mm en distal est à noter.
Durant l'extraction de la dent, une formation kystique d'approximativement 9 mm de long et 5 mm de large a été observée attachée à l'apex de la dent.
Implications pratiques :
La différenciation entre ces deux pathologies reste essentielle. Le kyste radiculaire, contrairement au granulome, résiste au traitement endodontique et nécessite une intervention chirurgicale au pronostic plutôt discutable.
Background:
Apical lesions are very common in dentistry practice. There are two major root related apical lesions: periapical granuloma and radicular cyst. Radiographically, it's virtually impossible to differentiate one to another.
Case description:
A 51-years-old female patient referred to our dental office accusing a dull pain, paraesthesia in the right area of the chin, tenderness to pressure located at tooth 44 with extensive carious lesions, open pulp chamber and inert during pulp sensitivity tests, no fistula and no pathological mobility, a 5 mm pocket on the distal wall of the tooth. During extraction, a cystic formation of approximately 9 mm long/5 mm wide was noticed attached to apex.
Practical implications:
Differentiation between these two pathologic lesions is essential, considering that cyst, unlike granuloma, is ``immune'' to orthograde endodontic treatment due to its particular histologic features, requiring surgical intervention with questionable success.
Les lésions péri-apicales sont très routinières dans la pratique dentaire.
Il existe principalement deux types de lésions apicales : le granulome péri-apical et le kyste radiculaire, appelé aussi kyste péri-apical.
Ces deux entités peuvent se développer en réponse aux contenants antigéniques intra-canalaires par des mécanismes immuno-pathologiques (Soares et Queiroz, 2001).
1. Le granulome péri-apical est une inflammation localisée au niveau de la région apicale de la dent ou en regard d'un canal endodontique secondaire ouvert au parodonte profond. C'est une collection de cellules immunitaire appelées histiocytes (macrophages). La formation des granulomes apparaît lorsque le système immunitaire se trouve face à des substances étrangères incapables de les éliminer. Parmi ces substances on trouve des organismes infectieux incluant des bactéries, des champignons, ainsi que d'autres substances telles que des fragments de kératine...
Le traitement varie du simple soin endodontique au curetage ou encore à l'apicectomie (Mukhopadhyay et al., 2012 ; Woodard et al., 1982 ; Hunter et Logie, 1988 ; Chen et al., 1978).
2. Les kystes touchant les maxillaires sont classés en odontogéniques ou non odontogéniques selon le type de tissus à partir duquel l'épithélium est dérivé. Toutes les pathologies kystiques présentent trois caractéristiques saillantes : un tissu épithélial, une lumière centrale, et une paroi conjonctive environnante. Les kystes odontogènes sont également classés comme étant inflammatoires ou se développant en fonction de leur cause sous-jacente (Arce et al., 2016). Les kystes radiculaires font partie des kystes maxillaires odontogènes, délimités par de l'épithélium d'origine inflammatoire. Ils résultent essentiellement d'une nécrose pulpaire causée par une carie ou un traumatisme. La nécrose pulpaire provoque la libération de toxines à l'apex de la dent, entraînant une inflammation péri-apicale. Cette inflammation conduit à l'apparition d'un granulome péri-apical.
Par ailleurs, la nécrose et les lésions qu'elle entraîne stimulent les cellules épithéliales de Malassez se trouvant au niveau du desmodonte, provoquant la formation d'un kyste qui peut être infecté ou stérile. L'épithélium subit ainsi une nécrose et le granulome se transforme en kyste. Ces lésions peuvent évoluer aux dépens de l'os, et causer des résorptions osseuses.
Les toxines libérées par la dégradation du tissu de granulation sont l'une des causes les plus fréquentes de la résorption osseuse. Le traitement peut varier de la simple énucléation du kyste au curetage, jusqu'à la résection apicale. Les kystes radiculaires de taille réduite peuvent aussi disparaître après un traitement endodontique de qualité. Généralement, le kyste péri-apical est asymptomatique, cependant une infection secondaire peut être à l'origine d'une douleur. La radiographie montre une image radio-claire autour de l'apex de la dent (DelBalso, 1995 ; Harris, 1974 ; Ramachandran Nair et al., 1996).
Une patiente âgée de 51 ans a été référée à notre cabinet dentaire. Elle se plaignait d'une douleur sourde avec une paresthésie dans la région du menton, une sensibilité à la pression localisée en regard de la 44, une lésion carieuse étendue et profonde, une chambre pulpaire ouverte répondant négativement aux tests de vitalité (électrique et thermique). Ni fistule ni mobilité n'ont été observées.
Un sondage parodontal a été effectué rapportant une profondeur de poche de 5 mm en distal de la dent.
La radio révèle une large image radio-claire de 8 mm au niveau de la région du menton s'étendant de l'apex de la 35 mésialement jusqu'à la 43 distalement (fig. 1).
La 45 et la 43 ne présentent aucune cavité carieuse et répondent positivement aux tests de vitalité pulpaire.
Le diagnostic d'une nécrose pulpaire, avec une parodontite s'étendant à l'apex et due à une carie, a été posé. Suite à un pronostic jugé mauvais et à une importante destruction de la dent, l'extraction a été proposée. Au moment de l'extraction, la formation kystique appendue à l'apex a été retirée.
Après l'extraction, la dent a été immergée dans une solution de Stieve pendant 24 heures, puis dans une solution de Formalin à 10 % pendant 7 jours.
La pièce histologique ainsi conservée, puis déminéralisée dans de l'acide trichloracétique à 5 % pendant 21 jours. La solution a été renouvelée tous les 3 jours.
Ensuite, l'échantillon a été découpé en plusieurs pièces de 4 mm d'épaisseur et déshydraté à l'aide d'une solution d'alcool éthylique avec des concentrations croissantes (70 %, 95 %, 100 %), clarifié avec du N-butanol et inclus dans de la paraffine.
L'échantillon a été ensuite coupé en pièces de 5 μm d'épaisseur et colorés à l'hématoxyline-éosine. Les coupes histologiques obtenues ont été examinées sous un microscope Olympus B*41 (Olympus Corp., Tokyo, Japon) muni d'un appareil photo numérique pour la capture d'images Adobe Photoshop CS2 (Adobe system software).
L'analyse histologique montre une formation kystique importante s'étendant de la région disco-cervicale jusqu'à la région apicale entourant l'apex.
Cette lésion large au niveau de la région apicale est limitée par la surface radiculaire et la couche d'épithélium (fig. 2)
La cavité est bordée par un tissu d'épithélium non kératinisé stratifié, constitué de cellules épithéliales squameuses (aplaties) disposées en couches à partir desquelles divergent des prolongements épithéliaux de longueur variable (fig. 3).
Le desmodonte localisé auparavant au niveau du site du kyste a été complètement détruit, la cavité se trouve donc bordée par un épithélium qui la tapisse d'un côté et par le tissu dur de la racine de l'autre côté (cément/dentine) (gradient de dégradation).
C'est au niveau de la région cervicale que la cavité ne contient pas de débris résiduels, ce segment étant très étroit et occupant principalement la zone ou était localisé le ligament parodontal.
Plusieurs fissures peuvent également être observées dans les parois de la dentine, perpendiculairement au grand axe de la dent (fig. 4).
La cavité en s'élargissant encapsule les débris des cellules épithéliales qui entouraient la cavité et engendre la nécrose des tissus durs et mous (fig. 5).
La paroi kystique est constituée à sa partie interne d'un épithélium, d'une couche de tissu conjonctif relativement lâche comparée à celle de la périphérie qui sera plutôt dense (fig. 6). L'épithélium entourant le kyste semble plus ou moins affecté d'une région à l'autre. Dans certaines zones, on peut remarquer des parties compactes mais dans la plupart des zones, des cellules de la surface ne sont pas aplaties, mais plutôt d'un aspect globuleux. Sur la surface de l'épithéliale, les cellules se détachent de l'épithélium et finissent en débris dans la lumière des lésions.
Dans d'autres régions, l'épithélium est totalement différent, à cause d'un œdème intercellulaire prononcé, présent dans toute l'épaisseur de l'épithélium.
Les cellules épithéliales semblent être espacées, individualisées et beaucoup d'entre elles changent leur forme polyédrique en une forme plutôt étoilée similaire aux cellules réticulaires (fig. 7).
Cet aspect est retrouvé au niveau de l'épithélium qui tapisse la cavité ainsi que le long du canal étroit qui s'étend de l'apex à la partie cervicale, mais aussi dans les extensions épithéliales à l'intérieur du tissu conjonctif.
Le tissu conjonctif qui forme la couche intermédiaire de la paroi kystique semble être bien vascularisé et plus encore au niveau de la couche sous-épithéliale. Beaucoup de ces vaisseaux ont l'aspect d'une néoformation due à une dilatation vasculaire avec congestion. Le tissu conjonctif est fortement infiltré de cellules mononucléaires, les plus nombreuses étant les plasmocytes (fig. 8).
La couche de tissu conjonctif externe, composée de fibres de collagène épaisses et de quelques cellules conjonctives ayant tendance à une transformation fibreuse (fig. 9).
Radiographiquement, il est quasiment impossible de différencier un kyste d'un granulome.
Il est généralement accepté qu'une lésion excédant les 10 mm de large est un kyste péri-apical. Les lésions plus petites seraient considérées comme des granulomes (Lalonde, 1970 ; Morse et al., 1973).
Le granulome et le kyste apparaissent tous deux radio-claires appendus à l'apex des dents non vitales (Nair, 1998).
Seul un examen histopathologique sera en mesure de différencier une lésion d'une autre.
Les proportions de ces deux pathologies sont très variables. L'incidence rapportée des kystes parmi les lésions apicales varie de 6 à 55 % (Paduano et al., 2013). Alors que Paul et al. (2014) ont rapporté que 92 % des lésions ressemblant à des kystes sont des kystes réels.
Ramachandran Nair et al. (1996), après analyse, ont trouvé que 15 % d'un échantillon de 265 lésions péri-apicales étaient des kystes, dont environ 50 % étaient de vrais kystes apicaux ; l'autre moitié est classée comme kystes de poches péri-apicales et est plus susceptible de disparaître sans intervention chirurgicale.
Shear et Speight (2007) ont réalisé une revue rétrospective de 2616 kystes (dans la population générale) au sein des mâchoires et ont trouvé que 80,1 % étaient des kystes radiculaires, des kystes dentinogènes, ou des tumeurs odontogènes /kératokystiques.
En cas de gros défaut, la décompression de la cavité kystique peut être une approche thérapeutique efficace (Freedland, 1970 ; Neaverth et Burgh, 1982 ; Rees, 1997).
L'énucléation du kyste est une autre option de traitement pouvant être réalisée avec ou sans greffe osseuse d'augmentation (Chiapasco et al., 2000 ; Pradel et al., 2006). L'avantage de cette approche est la réadaptation immédiate réalisée au travers de quelques rendez-vous de contrôle, ce qui en fait le traitement de choix pour les patients les moins assidus (Giuliani et al., 2006).
Les dommages possibles des structures adjacentes en raison de la procédure chirurgicale constituent les inconvénients majeurs de cette approche. De plus, il existe un risque assez élevé d'infection de la plaie (Sakkas et al., 2007) comparé à la technique non chirurgicale moins invasive (Lux et al., 2010).
De nos jours, le kyste radiculaire est considéré comme ayant une étiologie mixte, combinant un mécanisme immunologique et inflammatoire, avec seulement une origine supposée.
Malgré une même origine microbienne, le kyste radiculaire, s'il est volumineux, ne guérit pas après un simple traitement endodontique non chirurgical. Alors que kystes et granulomes sont formés dans une zone de parodonte apical et ne peuvent pas se former par eux-mêmes, le granulome diminue de taille peu après le traitement canalaire, tandis que le kyste volumineux nécessite un traitement chirurgical. Cela est dû au fait que ces deux lésions sont très différentes histologiquement, contrairement à leur aspect radiologique. Alors que les granulomes sont constitués d'éléments du tissu conjonctif impliqués dans la cicatrisation des tissus qui limiteront l'inflammation, les kystes eux sont des cavités osseuses remplies de liquide, de débris et limitées par des cellules épithéliales. Bien que les mécanismes liés à la formation de la cavité kystique et de la muqueuse épithéliale ne soient pas clairs, ces cellules semblent empêcher la guérison, après une thérapie endodontique.
Dans le cas où la dent avec atteinte kystique n'est pas vitale, le diagnostic clinique est orienté vers le kyste radiculaire. Si la dent causale est vitale, le diagnostic peut être facilement faussé.
Le diagnostic différentiel devra se faire avec : kyste parodontal, tumeur odontogénique kératokystique, granulome à cellules géantes, kyste calcifié odontogénique et myxome odontogénique.
Sur le plan histologique, la paroi kystique est un tissu de granulation et sa surface interne est recouverte d'une couche épithéliale squameuse de forme irrégulière, ce qui confirme son origine inflammatoire. Généralement, les kystes apicaux sont des cavités fermées, bordées de cellules épithéliales.
Dans le passé, on pensait que les cellules épithéliales de la muqueuse arrivaient dans le parodonte en migrant le long du système endodontique nécrotique.
En revanche, les kystes sans ouverture du canal radiculaire sont formés à partir des débris épithéliaux de Malassez.
Face à ce genre de cas, nous pouvons émettre deux hypothèses liées à la formation des kystes :
1. Par des cellules épithéliales marginales envahissant le parodonte le long d'une fine ligne de fracture invisible à l'œil nu ;
2. Après le drainage d'un prélèvement de pus apical à travers un tractus sinusal formé à partir de cellules épithéliales, où la résistance des tissus environnants était la plus faible, par exemple le ligament parodontal, tractus sinusal qui a servi de voie pour l'invasion des cellules épithéliales.
Il est bien connu que les kystes non inflammatoires peuvent tapisser de cellules épithéliales, l'os et les racines des dents sans compromettre leur vitalité. Par conséquent, dans les deux cas, une inflammation apicale préexistante peut être responsable d'un granulome ou d'un kyste. Ainsi notre travail confirme-t-il les résultats de Maruyama et al. (2015), qui ont également souligné dans leur étude l'origine épithéliale marginale du kyste. Un tel épithélium bien soutenu d'une membrane basale ne peut provenir du tissu conjonctif ou des débris épithéliaux de Malassez. Ainsi, une invasion épithéliale enveloppant un granulome existant est plus probable.
Il est possible que les fractures dentaires et les fissures n'aient pas été mentionnées par les cliniciens dans leurs rapports de cas. Les fissures facilitent l'élimination des toxines de l'intérieur de la dent, au moment où le système endodontique est naturellement étanche. Ces toxines pourraient favoriser l'invasion épithéliale dans et le long du desmodonte, jusqu'à l'apex.
En fait, nous savons très peu sur les antécédents de cette dent et la mémoire du patient est floue sur ce sujet.
Ce cas est particulier en raison d'une caractéristique individuelle qui pourrait changer les concepts sur les kystes, à savoir le canal épithélial qui relie la lésion apicale à la zone cervicale de la dent.
Sur la base de nos constatations, nous pourrons conclure que :
1. L'épithélium de la paroi kystique ressemble à celui de l'épithélium sulculaire de la gencive ;
2. Le kyste radiculaire est un kyste inflammatoire formé par inclusion de l'épithélium gingival ;
3. Il y a une continuité entre la lumière kystique et la poche parodontale ;
4. La pathogenèse suggère un mécanisme de poche parodontale ;
5. Ni les débris épithéliaux de Malassez, ni les restes de l'épithélium adamantin réduit ne peuvent former à eux seuls une membrane basale et un épithélium bien organisé d'un kyste sans inclusion d'épithélium sulculaire ;
6. Les caractéristiques de l'épithélium varient d'une région à une autre en fonction des conditions locales, par exemple l'inflammation de la cavité kystique due à des débris, des germes...
Une étude plus approfondie des dents avec des poches parodontales associées à des kystes est nécessaire pour une conclusion ferme et incontestable en ce qui concerne les kystes radiculaires.
Le praticien doit considérer qu'une poche parodontale profonde peut communiquer avec la lésion péri-apicale autour de la racine. La question à laquelle il faut répondre est de savoir si la lésion péri-apicale a trouvé une voie de drainage dans l'espace parodontal grâce à la poche parodontale, ou si la lésion s'est formée à cause de l'approfondissement apical de la poche parodontale.
Les investigations radiologiques bidimensionnelles peuvent mener à des confusions dans l'interprétation des données cliniques et dans la décision thérapeutique.
Afin de décider si une dent peut être conservée ou non, un examen CBCT est nécessaire.