Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/09/2018

 

Article

Ahnoada AHNOUX-KOUADIO1 / Solange KAKOU-NGAZOA2 / Dramane KONE1 / Nadin Thérèse COULIBALY1 / Anzoumana KAMAGATE1 / Yaba Samson MOBIO1 / Aboubacar SYLLA2 / Mireille DOSSO2  

1- Université Félix Houphouët-Boigny, UFR odonto-stomatologie, service de parodontologie2- Institut Pasteur de Côte d'Ivoire, plateforme de biologie moléculaire

Résumé

RÉSUMÉ

Les données sur la flore des parodontites agressives au sein des populations africaines sont rares alors que ce type de parodontites touche plus fréquemment les sujets d'origine africaine et leur descendance. Les premières bactéries identifiées comme parodonto-pathogènes sont Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia. L'objectif de cette étude est de détecter la présence de ces bactéries chez des sujets atteints de parodontites agressives.

30 patients atteints de parodontites agressives, dont 7 parodontites agressives localisées et 23 parodontites agressives généralisées, ont été recrutés au Centre de consultations et de traitements en odonto-stomatologie (CCTOS) à Abidjan. 24 sujets sains ont servi de contrôles. La technique de la Polymerase Chain Reaction multiplex a été appliquée pour mettre en évidence les germes pathogènes.

Dans les parodontites agressives et chez les sujets sains, Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia ont été fréquemment retrouvées sans différence significative. Ces deux bactéries étaient présentes respectivement dans 69,5 % et 86,9 % des parodontites agressives généralisées et dans 85,7 % des parodontites agressives localisées. Aggregatibacter actinomycetemcomitans a été détectée dans 71,4 % des parodontites agressives localisées, 34,8 % des parodontites agressives généralisées et chez 41,6 % des sujets sains.

Summary

ABSTRACT

Studies on the microbiota of aggressive periodontitis are scare although these periodontitis more frequently affect subjects of African origin and their descendants. The first bacteria identified as periodontal pathogens including Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis and Tannerella forsythia. The purpose of this study was to investigate the presence of these putative periodontal pathogens in subgingival plaque samples of a group of patients with aggressive periodontitis in Côte d'Ivoire.

A total of 30 patients with clinical diagnostic of aggressive periodontitis including 7 localized aggressive periodontitis and 23 generalized aggressive periodontitis were recruited to the Centre de consultations et de traitements en odonto-stomatologie (CCTOS) in Abidjan. 24 healthy subjects were included as controls. Subgingival plaque samples were analysed for these putative pathogens with a multiplex polymerase chain reaction (PCR) technique.

The prevalence of Porphyromonas gingivalis and Tannerella forsythia was high in patients with periodontitis and controls without significant difference; these bacteria were respectively present in 69,5 % and 86,9 % of generalized aggressive periodontitis and in 85,7 % of localized aggressive periodontitis. Aggregatibacter actinomycetemcomitans was detected in 71.4 % of localized aggressive periodontitis, 34.8 % of generalized aggressive periodontitis and 41.6 % of healthy subjects.

Key words

Aggressive periodontitis, PCR, subgingival plaque, periodontal pathogens, Côte d'Ivoire.

Introduction

Les parodontites agressives (PA) constituent un groupe de parodontites sévères à évolution rapide qui se manifestent chez des sujets jeunes en bonne santé générale et qui ont une prédisposition familiale. Deux formes se distinguent : la forme localisée, ou parodontite agressive localisée (PAL), qui affecte essentiellement les 1res molaires et les incisives, et la forme généralisée, ou parodontite agressive généralisée (PAG) (Armitage, 1999). La prévalence des PA varie en fonction des populations. En Europe, dans les populations caucasiennes âgées de 14 à 17 ans, la prévalence des PA a été estimée de 0,1 % à 0,2 % (Saxén, 1980 ; Kronauer et al., 1986 ; Van der Velden et al., 1989) ; en Amérique du Nord, précisément aux USA, la prévalence variait de 0,4 % chez des élèves de 13 à 15 ans à 0,8 % dans le groupe des 16 à 19 ans (Albandar et al., 1997). En Amérique du Sud, des fréquences allant de 0,32 % chez des élèves chiliens dont l'âge était compris entre 15 et 19 ans (López et al., 1991) à 5,5 % chez des Brésiliens de 14 à 29 ans (Susin et Albandar, 2005) ont été rapportées. Sur le continent asiatique, au Japon, une prévalence de la maladie de 0,47 % a été estimée chez un groupe d'étudiants de 19 à 28 ans (Kowashi, 1988), tandis qu'en Israël, elle atteignait 5,9 % chez des militaires âgés de 18 à 30 ans (Levin et al., 2006). En Afrique, il a été rapporté des prévalences de 7,6 % chez des élèves de 14 à 19 ans au Maroc (Haubek et al., 2001) et de 6,5 % chez des élèves de 12 à 25 ans en Ouganda (Albandar et al., 2002).

Parmi les premières espèces pathogènes du parodonte identifiées que sont Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia (Slots, 1976 ; Consensus report, 1996), Aggregatibacter actinomycetemcomitans a été longtemps considérée comme l'agent bactérien principal des PA surtout dans sa forme localisée. En 1999, le rapport de l'American Academy of Periodontology (AAP) a indiqué qu'en plus de Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis pouvait dans certaines populations être un potentiel pathogène des PA (Lang et al., 1999).

Bien que les populations africaines soient plus touchées par les PA, la plupart des informations sur la flore de ces parodontites proviennent d'études réalisées en Europe et en Amérique. Cette insuffisance de données en Afrique est due au fait que les échantillons prélevés dans le microbiome parodontal devaient être transférés dans les laboratoires occidentaux pour analyse bactériologique, faute de laboratoires équipés sur le continent. Quelques travaux sur la flore des PA ont pu être ainsi réalisés dans certains pays africains (Ali et al., 1997 ; Haubek et al., 2001 ; Haubek et al., 2008 ; Elamin et al., 2011 ; Ennibi et al., 2012 ; Aberg et al., 2014 ; Elabdeen et al., 2015).

En Côte d'Ivoire, il n'existe aucune étude sur le microbiome des PA, alors que cette affection constitue l'une des causes principales de la mobilité et de la chute spontanée des dents définitives chez les jeunes gens.

La création, en 2010, d'une plateforme de biologie moléculaire à l'institut Pasteur de Côte d'Ivoire, permettant de réaliser les différents diagnostics moléculaires, a rendu possible cette étude dont l'objectif est de rechercher par la technique de la Polymerase Chain Reaction les principaux germes responsables des PA chez des sujets malades ou sains.

Matériel et méthode

Population d'étude

Les sujets ont été recrutés parmi les patients venus en consultation ou pour un traitement dans le service de parodontologie du Centre de consultations et de traitements en odonto-stomatologie (CCTOS) du CHU de Cocody de février 2016 à avril 2017. Chaque patient a été informé du protocole d'étude et a donné son consentement. En Côte d'Ivoire, le comité d'éthique accorde le droit d'utilisation des échantillons humains si le patient a donné son consentement et si l'anonymat des données personnelles est respecté.

Critères d'inclusion

Les sujets inclus dans cette étude ont été diagnostiqués sur la base de la classification des maladies parodontales décrite par l'American Academy of Periodontology (AAP) en 1999 (Lang et al., 1999). Les sujets devaient être sains au point de vue systémique, avoir au moins 20 dents en bouche et correspondre aux critères suivants :

– Pour la PAL, le sujet devait être âgé de 35 ans maximum et avoir des pertes d'attache proximales localisées aux 1res molaires et/ou incisives. Les pertes d'attache devaient être supérieures ou égales à 5 mm sur au moins deux dents, avec une lyse osseuse visible à la radiographie au niveau des dents atteintes. Deux autres dents en dehors des incisives et M1 pouvaient être touchées, mais pas plus que deux dents (fig. 1 à 4).

– Pour la PAG, le sujet devait avoir au plus 35 ans avec une perte d'attache clinique supérieure ou égale à 5 mm sur au moins trois dents en plus des incisives et M1, ainsi que des lésions osseuses au niveau des dents concernées (fig. 5 à 12).

Des sujets sains ou contrôles ont été recrutés parmi les étudiants. Ceux-ci devaient présenter moins de 10 % de sites saignant au sondage, une profondeur de sondage < 3 mm et aucune perte d'attache.

Critères de non-inclusion

Les femmes enceintes, les fumeurs et les sujets qui étaient sous traitement antibiotique dans les 3 mois précédents l'examen.

Examen clinique

Un examen clinique a été réalisé pour chaque sujet atteint de parodontites. Tous les paramètres cliniques suivants ont été enregistrés : la plaque visible annotée 0 si absente et 1 si présente, évaluée au niveau des 4 faces (V, Lou P, M, D) de toutes les dents ; le saignement au sondage (0/1) au niveau des six sites dentaires (MV, CV, DV, ML, CL, DL). La profondeur de poche parodontale et la perte d'attache ont été mesurées au millimètre près au niveau de 6 sites par dent (MV, CV, DV, ML, CL, DL) sur toutes les dents à l'exception des 3e molaires à l'aide d'une sonde parodontale Hu-Friedy par le même examinateur (A.K.A.). La radiographie panoramique a permis de confirmer le diagnostic de PA.

Prélèvement de la flore sous-gingivale

Quatre échantillons de plaque sous-gingivale ont été collectés pour chaque sujet, soit un prélèvement dans la poche la plus profonde de chaque cadran. Après avoir éliminé la plaque et le tartre sous-gingival, les sites de prélèvement ont été isolés avec des rouleaux de coton. Des pointes de papier stériles, Steriblue® de Prodentis, ont été introduits dans la poche et gardés en place 30 secondes. Ces pointes de papier ont été ensuite placées dans un tube d'Eppendorf contenant 1 ml de solution de Phosphate Buffer Saline (PBS). Chez les sujets contrôle, un prélèvement a été effectué par cadran au niveau des 1res molaires en proximal. Tous les prélèvements ont été faits par le même examinateur A.K.A.

Les échantillons ont été ensuite transportés à la plateforme de biologie moléculaire de l'institut Pasteur où ils ont été conservés à – 20 oC avant l'extraction du matériel génétique.

Procédures microbiologiques

Extraction du matériel génétique

Les bactéries des plaques ont été extraites à l'aide d'un automate (MagNA Pure Compact® de Roche) et d'un kit d'extraction (MagNA Pure Compact Nucleic Acid Isolation kit I®) selon les instructions du fabricant. L'ADN a été récupéré dans 50 μl de tampon d'élution.

La présence de l'ADN bactérien de Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia a été détecté en utilisant le protocole et la méthodologie de la nested multipex PCR décrite par Ready et al. (2008). Les primers ou amorces bactériennes utilisées dans cette étude sont listés dans le tableau 1. En bref, 5 μl d'ADN ont été ajoutés à un mélange réactionnel contenant 1,75 mm MgCl2, 1 U Taq-Polymerase, 0,3 mm dNTPs, 0,2 μm de chaque amorce et 1X Tampon 5X.

La PCR a été lancée à l'aide du thermocycleur GeneAmp® PCR system 9700 (Applied Biosystems) selon le programme suivant : la dénaturation ou dissociation de l'ADN à 95 oC pendant 10 min, suivie de 40 cycles de 95 oC pendant 1 min, 61 oC pendant 1 min et 72 oC pendant 5 min ; et enfin la dernière étape réalisée à 72 oC durant 10 min. À chaque PCR ont été associés un contrôle négatif et un contrôle positif pour chacune des trois espèces bactériennes.

10 μl de produit PCR ont été mis en évidence par électrophorèse sur un gel d'agarose à 1,5 % en utilisant comme intercalant le Sybr® safe DNA gel stain (INVITROGEN) et le Bench 1kb DNA Ladder (PROMEGA) comme marqueur de poids moléculaire. La lecture de la migration de l'ADN sur le gel d'agarose s'est faite avec un analyseur de gels : Gel Doc EZ Imager® (BIO-RAD).

Analyse statistique des données

Le test non paramétrique, le test exact de Fisher, a été utilisé pour comparer les fréquences de détection des différents pathogènes entre les groupes.

Les données cliniques et démographiques ont été calculées pour chaque sujet, puis pour chaque groupe, notamment leur moyenne.

Résultats

Dans cette étude, 30 patients atteints de PA ont été examinés dont 7 PAL et 23 PAG ; 24 sujets sains ont servi de contrôle. Les données cliniques ont été synthétisées dans le tableau 2 et les données bactériologiques dans le tableau 3.

La comparaison des formes localisées et généralisées des parodontites agressives a permis d'observer plus de sites avec plaque, plus de sites avec saignement et plus de dents absentes dans les PAG, mais il n'y a pas de différence significative entre les 2 groupes. La moyenne des poches parodontales au niveau des sites échantillons dans les PAL et les PAG est pratiquement identique ; elle est respectivement égale à 6,60 mm et à 6,75 mm.

La PCR multiplex a permis d'identifier les germes présents dans les échantillons de plaque (fig. 13). Dans les PA ainsi que chez les sujets sains, Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia ont été fréquemment retrouvées sans différence significative. Tannerella forsythia est la bactérie la plus fréquente, suivie de Porphyromonas gingivalis et de Aggregatibacter actinomycetemcomitans. En ce qui concerne les associations bactériennes, le couple Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia est plus fréquent dans les PAG de façon significative (p value = 0,075).

Aggregatibacter actinomycetemcomitans a été détectée dans 71,4 % des PAL et dans 34,8 % des PAG. Les résultats montrent que plus de 41 % des sujets sains ont également cette bactérie dans leur flore parodontale.

Discussion

Dans cette étude réalisée sur des patients venus en consultation dans le service de parodontologie, le nombre de sujets atteints de PAL est faible comparé à celui des PAG (7/23). De plus, la moyenne d'âge des patients atteints de PAL n'est pas différente de celle des PAG ; ce résultat pourrait être lié au contexte socio-économique de la Côte d'Ivoire.

En Côte d'Ivoire, la majorité de la population vit sans souscription à une assurance-maladie en raison de leur pouvoir d'achat limité ; les consultations chez le chirurgien-dentiste sont tardives et le plus souvent motivées par une urgence dentaire. Les PA touchent une population jeune non active qui dépend financièrement d'un parent ; le manque de moyens financiers fait que les patients ont parfois d'abord recours à la pharmacopée traditionnelle et à l'automédication avant de voir un chirurgien-dentiste. Lorsque les sujets atteints de PA viennent en consultation, les destructions parodontales sont déjà très avancées ; le motif de consultation est le plus souvent d'ordre esthétique en rapport avec la malposition ou la chute de dents antérieures, ou d'ordre fonctionnel lié à la mobilité accrue d'une ou plusieurs dents. Or, lorsque la PA est localisée, en l'absence de traitements elle se généralise quand, dans certains cas, elle pourrait se stabiliser ou évoluer lentement. C'est ce contexte social qui pourrait expliquer non seulement l'âge avancé des sujets atteints de PAL (au-delà de 25 ans) mais aussi la moyenne d'âge similaire entre sujets atteints de PAL et ceux atteints de PAG.

Le microbiote sous-gingival de sujets atteints de PAL et de PAG a été comparé à celui de sujets parodontalement sains. Les données ont montré que Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia étaient présentes non seulement dans les parodontites mais également dans le groupe contrôle ; et le pourcentage de porteurs sains ou malades des trois espèces testées n'était pas significativement différent. Ce résultat corrobore la thèse selon laquelle les parodontites seraient liées à des modifications de la structure communautaire microbienne plutôt qu'à des changements de membres au sein de cette communauté (Darveau, 2010), et que les parodontites seraient dues à l'émergence de nouvelles espèces dominantes qui auparavant étaient à un taux plus bas (Abuslesme et al., 2013). Aussi, le passage de la santé à la parodontite n'est pas nécessairement dû au remplacement des bactéries en rapport avec la santé parodontale par des micro-organismes considérés comme pathogènes, mais serait plutôt lié à la présence de communautés microbiennes complexes et variables en état de dysbiose avec l'hôte (Sanz et al., 2017).

Dans cette étude, les bactéries ont été retrouvées aussi bien dans les PAL que dans les PAG sans différence significative. Picolos et al., en 2005, ont abouti au même résultat : après avoir recherché 15 espèces bactériennes parmi lesquelles figuraient les pathogènes classiques, ils ont trouvé que les PAL et les PAG ne présentaient aucune différence en termes de présence bactérienne.

Tannerella forsythia et Porphyromonas gingivalis sont les bactéries les plus fréquentes. Elles ont été retrouvées à plus de 70 % aussi bien chez les sujets sains que malades, ce qui laisse suggérer que ces bactéries appartiennent à la flore sous-gingivale de la population ivoirienne. Plusieurs études ont également trouvé une fréquence élevée de ces deux bactéries dans la plaque de patients avec PA (Cortelli et al., 2005 ; Ishikawa et al., 2002 ; Takeuchi et al., 2003 ; Yano-Higuchi et al., 2000) ; elles en ont déduit que ces bactéries jouaient un rôle dans la destruction tissulaire des PA. Selon Socransky et Haffajee, (1991), il faut qu'il y ait un nombre suffisant de bactéries pathogènes pour initier la maladie. Ils ont mis en évidence une corrélation positive entre la sévérité des destructions tissulaires et les quantités de bactéries pathogènes de la plaque sous-gingivale (Haffajee et Socransky, 1994 ; Socransky et al., 1991). On peut supposer que si la présente étude avait quantifié les bactéries de la flore, elle aurait probablement trouvé des taux plus élevés de bactéries dans les PA que dans le groupe contrôle.

Les résultats ont permis d'observer que, dans les PA, Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia étaient plus fréquentes que Aggregatibacter actinomycetemcomitans. Au Japon et en Chine, des travaux ont également montré une fréquence plus élevée des deux bactéries dans les PA (Tomita et al., 2013 ; Li et al., 2015). Dans une étude réalisée au Soudan, Tannerella forsythia a été retrouvée plus fréquemment que Aggregatibacter actinomycetemcomitans mais Porphyromonas gingivalis n'a pas été détectée (Elabdeen et al., 2015). Les auteurs ont supposé que cette absence de Porphyromonas gingivalis pouvait s'expliquer par la faible sensibilité de la méthode d'analyse bactérienne qu'ils ont employée.

Aggregatibacter actinomycetemcomitans est un pathogène important dans les PAL en Côte d'Ivoire, étant donné sa forte prévalence par rapport aux sujets sains. Dans différentes populations, cette bactérie a été associée aux PA, notamment au Maroc où elle a été retrouvée dans 83 % des PAL et 69 % des PAG, avec une forte prévalence du clone JP2, un clone particulièrement virulent (Haubek et al., 2001). Ce clone a été également associé à la perte d'attache chez des adolescents au Ghana (Aberg et al., 2014). Haubek et al. (2008) ont montré dans une étude longitudinale chez des élèves marocains que la présence du clone JP2 était associée à un plus grand risque de développer des PA que la présence de Aggregatibacter actinomycetemcomitans non JP2. Aggregatibacter actinomycetemcomitans était présent chez 41,6 % des sujets sains dans la présente étude ; la majorité d'entre eux pourraient donc être porteurs des espèces non JP2 tandis que, dans les PA, le clone JP2 pourrait être plus prévalent. Des investigations futures sont nécessaires pour vérifier cette hypothèse.

Au Soudan, Elamin et al. (2011) ont montré que 70,6 % des PA et seulement 5,9 % des sujets sains avaient Aggregatibacter actinomycetemcomitans dans leur flore sous-gingivale. Une fréquence similaire (71,4 %) a été observée dans la présente étude chez les patients atteints de PAL. En revanche, plus de 41 % des sujets sains en Côte d'Ivoire ont cette bactérie. Cette différence importante dans la prévalence d'Aggregatibacter actinomycetemcomitans parmi les sujets sains entre les deux études pourrait être liée au choix des sites de prélèvement de la flore. Dans cette étude, les faces proximales des 1res molaires qui représentent les sites clés de la parodontite agressive ont été choisies pour sites de prélèvement chez les sujets sains. Il est possible que si les prélèvements avaient été effectués sur d'autres sites ou d'autres dents, une fréquence moins élevée de Aggregatibacter actinomycetemcomitans aurait pu être observée.

Aggregatibacter actinomycetemcomitans étant présent à l'état sain, cela prouve que la survenue de la maladie ne dépend pas seulement de sa présence mais plutôt du type, des taux et proportions de la bactérie, de la présence d'autres bactéries dans le microbiome, ainsi que de la susceptibilité de l'hôte.

Une corrélation entre la présence simultanée de Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythia et les PAG a été trouvée. Ce constat corrobore la notion de complexes bactériens de Socransky et al. (1991), qui ont montré que Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia constituent, avec Treponema denticola, un complexe bactérien, le complexe rouge qui est fortement associé aux signes cliniques de la maladie parodontale.

Conclusion

Cette étude est la première à avoir démontré la présence des bactéries parodonto-pathogènes en Côte d'Ivoire en utilisant les techniques de biologie moléculaire. Elle a établi que Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis et Tannerella forsythia étaient présentes dans les parodontites agressives, mais également à l'état sain. Ces résultats indiquent la nécessité de recherches futures sur les types ou clones de bactéries grâce aux nouvelles techniques de séquençage bactérien. Ceci permettrait de connaître les spécificités bactériennes du microbiome des parodontites agressives en Côte d'Ivoire.

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