Implant_Hors Série n° 359 du 01/09/2017

 

PATHOLOGIE

Audrey LACAN*   Gil TEMAN**  


*Médecin radiologue
Exercice privé
Institut de Radiologie de Paris
**Radiologue,
Institut de Radiologie de Paris

Les sinusites d’origine dentaire sont fréquentes, la cause dentaire étant la première cause de sinusite maxillaire. Elles sont souvent méconnues par l’ORL et le chirurgien-dentiste en raison de la sensibilité diagnostique insuffisante des clichés standard tels que la radiographie panoramique dentaire, les clichés rétroalvéolaires et le Blondeau. Seule l’imagerie en coupe par tomodensitométrie (TDM) avec dentascanner ou CBCT permettra le diagnostic. On retrouvera le plus souvent une lésion osseuse péri-apicale ou parodontale venant au contact de la paroi sinusienne.

Modalités d’imagerie

Radiologie conventionnelle

Pour explorer une pathologie sinusienne, les clichés standard anciennement réalisés tels qu’une face haute (front-nez) ou un Blondeau (nez-menton) ne sont plus indiqués et doivent être substitués par une tomographique volumique à faisceau conique (CBCT, Cone Beam Computed Tomography) ou un scanner.

De même, la radiographie panoramique dentaire est insuffisante pour l’étude d’une sinusite d’origine dentaire qui nécessite une imagerie en coupe par scanner ou CBCT pour une exposition à peine supérieure.

Tomodensitométrie

La tomodensitométrie est l’examen de première intention pour explorer une pathologie sinusienne.

Seront réalisées une acquisition hélicoïdale sans injection de produit de contraste iodé en coupes millimétriques ou submillimétriques, sur les cavités naso-sinusiennes incluant l’arcade dentaire maxillaire supérieure, puis des reconstructions avec un logiciel spécifique dentaire, le Dentascan®.

CBCT

Selon les recommandations de La Haute Autorité de santé (HAS), le CBCT peut se substituer au scanner dans l’exploration des sinusites chroniques et, notamment, dans la recherche d’une cause dentaire.

Il existe de multiples CBCT avec une qualité d’image très variable d’un appareil à l’autre. Pour explorer une pathologie naso-sinusienne, il faut utiliser un appareil disposant d’un grand champ (> 15 cm) permettant une bonne résolution d’image avec une taille de pixels de 250 à 300 µm.

Les petits champs (< 10 cm) seront utilisés en complément uniquement pour la pathologie dentaire avec une possibilité de reconstruction de 150-200 µm, voire de 75-100 µm en haute résolution. Bien qu’il soit difficile de comparer les doses d’exposition entre un CBCT et une tomodensitométrie, la plupart des études concluent à une diminution de l’exposition du CBCT d’au moins deux fois et pouvant aller jusqu’à cinq fois par rapport au scanner selon les appareils et les régions étudiées. Avec un même appareil, les doses peuvent varier selon le volume exploré et selon les paramètres techniques retenus, les doses d’exposition en CBCT étant d’autant moins élevées que le champ exploré est réduit et les paramètres abaissés. À l’inverse, certains appareils programmés en mode haute résolution avec un champ maximal procurent des doses proches des scanners optimisés.

IRM

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est de plus en plus indiquée en pathologie sinusienne. Il s’agit d’un examen de deuxième intention, en complément d’un scanner ou d’un CBCT.

Concernant les sinusites d’origine dentaire, l’unique indication de l’IRM serait la confirmation de l’origine fongique de la sinusite lorsque le scanner (ou le CBCT) ne permet pas de conclure.

Sinusite d’origine dentaire

La sinusite localisée antérieure, touche comme son nom l’indique, le système antérieur, à savoir les sinus maxillaires, les cellules ethmoïdales antérieures et les sinus frontaux.

La première cause de sinusite localisée antérieure est dentaire. Les lésions inflammatoires débutent dans le fond du sinus maxillaire puis elles peuvent s’étendre par contiguïté vers l’ostium maxillaire, l’infundibulum, le méat moyen, les cellules ethmoïdales antérieures et le sinus frontal et, donc, elles peuvent entraîner une pansinusite antérieure.

On distingue :

• une sinusite aiguë qui se traduit par un comblement avec un aspect spumeux, c’est-à-dire la présence de bulles d’air au sein du comblement et/ou un niveau hydro-aérique (fig. 1) ;

• une sinusite chronique qui se traduit par des anomalies muqueuses avec épaississement muqueux en cadre ou comblement complet d’une cavité sinusienne et des anomalies des parois osseuses avec ostéosclérose (épaississement de la paroi) ou calcifications linéaires sous-muqueuses (fig. 2 et 3).

Toute cause dentaire touchant la paroi sinusienne peut être source de sinusite.

Lésion péri-apicale

Cette lésion se traduit par une zone d’ostéolyse péri-apicale. Lorsqu’elle vient au contact de la paroi sinusienne, elle peut être responsable d’une lyse ou de simples microperforations de la paroi, source d’infection sinusienne (fig. 4567 à 8).

Lésion parodontale

L’alvéolyse d’une lésion osseuse parodontale peut venir au contact du plancher sinusien qui peut être lysée et donc être à l’origine de sinusite par communication bucco-sinusienne (fig. 91011 à 12).

Migration de pâte dentaire

Le dépassement du produit d’obturation (pâte endodontique, cône) ou de préparation (instrument métallique, broche) du canal pulpaire au-delà de l’apex dentaire est fréquent, restant sous-muqueux. Il peut provoquer une réaction inflammatoire de la muqueuse au contact sans valeur pathologique.

La pathogénicité réelle n’intervient que lorsque le corps étranger migre en intra-luminal (en regard ou à distance de la dent obturée) (fig. 13 et 14).

Aspergillome

L’introduction de matériel d’obturation canalaire dans le sinus maxillaire prédispose, chez le sujet immunocompétent, au développement de sinusite fongique. On parle de sinusite fongique non invasive (ou balle fongique, aspergillome, truffe aspergillaire, mycétome).

Toutefois l’aspergillome peut se développer en l’absence de corps étranger d’origine dentaire.

Le CBCT ou le scanner montrent, outre le corps étranger d’origine dentaire, des calcifications de topographie plutôt centrale, fines et punctiformes (ou même linéaires) qui résultent des dépôts de phosphate de calcium et de sulfate de calcium dans le mycétome nécrotique (fig. 1516 à 17).

En cas de doute diagnostique, une IRM peut être réalisée, qui montrera un comblement en asignal T2 très évocateur et une muqueuse très inflammatoire (fig. 18).

Dans tous les cas, la confirmation diagnostique est apportée par le bilan mycologique, après exérèse de la truffe aspergillaire.

Migration d’une dent ou d’un reliquat radiculaire

L’extraction chirurgicale peut se compliquer d’une projection d’une dent (essentiellement dent de sagesse) ou d’un fragment radiculaire (prémolaire ou molaire proscidentes) dans le sinus maxillaire et être à l’origine d’un processus infectieux (fig. 19).

Complication d’une greffe osseuse sous-sinusienne

Une des complications peropératoires d’un soulevé de plancher sinusien est la perforation de la membrane sinusienne ce qui peut mener à une migration antrale de particules du matériau de comblement et, donc, d’une sinusite (fig. 20).

Il peut s’agir d’une sinusite aiguë dans les suites précoces immédiates du comblement ou d’une sinusite chronique de découverte tardive lorsque la perforation est passée inaperçue. La sinusite peut être due à d’autres complications de la greffe telles que l’ostéite du greffon avec nécrose (fig. 21).

Protrusion ou migration intrasinusienne d’un implant

Lors d’une chirurgie implantaire, un forage trop profond avec pénétration endosinusale de l’implant peut se compliquer de sinusite, surtout si l’épaisseur d’os n’a pas bien été évaluée dans le bilan pré-implantaire (fig. 22). L’implant peut aussi migrer secondairement, avant sa mise en fonction, dans le sinus maxillaire (fig. 23).

Aussi, la résorption tardive d’une greffe osseuse sous-sinusienne, parfois secondaire à une péri-implantite due à une mauvaise hygiène dentaire, peut être responsable d’une protrusion de l’implant dans le sinus et, ainsi, provoquer une sinusite (fig. 24).

Communication bucco-sinusienne

Une communication bucco-sinusienne peut se produire après avulsion dentaire, curetage d’un granulome ou d’un kyste ou encore perforation instrumentale. Cette communication non traitée rapidement peut être à l’origine d’une sinusite.

Les lésions kystiques

Les kystes apico-dentaires

Cette lésion radio claire peut soulever le plancher sinusien et se développer sans envahir la cavité sinusienne. Il persiste une limite visible à l’imagerie. Le plancher de sinus peut être repoussé très haut donnant une image en double coque. L’imagerie permet le plus souvent d’identifier la dent causale. Une sinusite n’est pas systématique, tant que la ventilation du sinus n’est pas entravée.

Les kystes folliculaires

Souvent en rapport avec une dent de sagesse maxillaire, ces kystes peuvent avoir un développement important du fait de la faible résistance des tissus environnants. Le diagnostic est évident devant la présence d’une dent incluse ectopique, entourée d’une image lacunaire, avec là encore l’aspect de double coque, sans notion de tentative d’extraction. Pour les mêmes raisons que le kyste apico-dentaire, la sinusite n’est pas toujours retrouvée.

Les kératokystes odontogènes

Rares au maxillaire, ils peuvent se développer dans les régions postérieures. Ils donneront l’aspect d’une lésion radio claire limité par une ligne de condensation osseuse qui les sépare de la cavité sinusienne. On peut les retrouver dans le syndrome de Gorlin.

Conclusion

Les progrès de l’imagerie en coupe avec protocole low dose en scanner et la qualité de l’imagerie CBCT permettent dorénavant de poser aisément le diagnostic d’origine dentaire d’une sinusite pour un faible niveau d’exposition. Si aucune cause dentaire n’est retrouvée, devant le caractère chronique d’une atteinte unilatérale, on jugera de l’indication d’une IRM à la recherche notamment d’une cause tumorale.

Bibliographie

  • [1] Haute Autorité de santé. Rapport d’évaluation technologique. Tomographie volumique à faisceau conique de la face. Saint-Denis-la-Plaine : HAS, 2009.
  • [2] Dahniya MH, Makkar R, Grexa E, Cherian J, al-Marzouk N, Mattar M et al. Appearances of paranasal fungal sinusitis on computed tomography. Br J Radiol 1998;71: 340-344.
  • [3] Lacan A. Scanner dentaire (1989).
  • [4] Lacan A. Nouvelle imagerie dentaire : scanner, dentascan, IRM. Paris : Cdp, 1993.
  • [5] Lacan A. Imagerie des sinus. Paris : Sauramps Médical, 2016.
  • [6] Teman G, Lacan A, Sarrazin L. Imagerie maxillo-faciale pratique Quintessence internationale, 2001