Implant_Hors Série n° 359 du 01/09/2017

 

CHIRURGIE

Jean-François MATERN*   Matthieu Schmittbuhl**  


*Médecin radiologue
**Ancien interne et assistant des Hôpitaux
***Ancien chef de clinique des Universités
****Exercice privé,
Bischwiller
*****DMD, M Sc, PhD
******Professeur titulaire de radiologie
Faculté de médecine dentaire
Université de Montréal
*******Chef du Département de Stomatologie,
Centre hospitalier de l’Université de Montréal
(CHUM)

L’exploration des dents incluses bénéficie largement du développement de l’imagerie par tomographie volumique à faisceau conique (Cone Beam Computed Tomography, CBCT), la radiologie conventionnelle ne donnant le plus souvent que des informations parcellaires sur la morphologie, la localisation et les rapports de ces dents avec les structures de voisinage.

Indications de l’imagerie CBCT

Ces indications sont le plus souvent motivées par des proximités suspectées avec les dents voisines ou encore avec les principaux obstacles anatomiques [1, 2]. Ces explorations concernent le plus souvent dents de sagesse, les canines.

Les critères radiologiques d’appel sont les suivants :

• dent de sagesse inférieure (fig. 1) :

– superposition des portions radiculaires avec le canal mandibulaire,

– déviation et/ou pincement du trajet du canal mandibulaire,

– suspicion d’une morphologie radiculaire complexe,

– contact avec la deuxième molaire et, donc, possibilités de résorption radiculaire,

– division précoce du canal mandibulaire ;

• dent de sagesse supérieure :

– molaire en situation haute et/ou disto-angulée,

– procidence des portions radiculaires dans le sinus,

– suspicion d’une morphologie radiculaire complexe ;

• canine supérieure :

– superposition avec l’incisive latérale ou encore l’incisive centrale,

– suspicion de résorption radiculaire au niveau des incisives,

– ectopie.

Modalités d’exploration

Choix du champ d’exploration

La taille du champ d’exploration est ajustée en fonction de la problématique clinique, de l’âge du patient et donc de sa taille :

• dents de sagesse : 8 × 8 cm ou 12 × 8 cm ;

• canine supérieure : 6 × 6 cm.

Résolution

Une résolution standard peut être choisie (0,2 mm). Toutefois, l’analyse des résorptions radiculaires, l’appréciation de l’espace ligamentaire ou encore la recherche de branches de division du nerf alvéolaire inférieur peut nécessiter l’utilisation de la haute résolution (≤ 0,15 mm).

Choix des plans de coupe

• Dent de sagesse inférieure (fig. 2) :

– série de coupes radiales (épaisseur de coupe : 0,5 mm ; espacement des coupes : 1 mm) ;

– au besoin, coupes obliques mésio-distales et bucco-linguales passant par le grand axe de la dent incluse ; coupe axiale centrée sur les portions apicales de la dent de sagesse.

• Dent de sagesse supérieure :

– coupe axiale centrée sur la portion coronaire de la dent de sagesse étudiée ;

– coupes obliques mésio-distales et bucco-linguales passant par le grand axe de 18 ou de 28 ;

– coupe axiale centrée sur les portions apicales de la troisième molaire.

• Canine supérieure :

– série de coupes axiales passant par l’arcade dentaire supérieure (épaisseur de coupe : 0,5 mm ; espacement des coupes : 1 mm) ;

– rendus volumiques de l’arcade dentaire supérieure en vue buccale et palatine ; si l’exploration concerne une seule canine incluse, les rendus volumiques sont ceux de l’hémi-arcade correspondante ;

– au besoin, coupe axiale centrée sur la portion coronaire de la canine incluse ; coupe verticale oblique bucco-linguale passant par le grand axe de l’incisive latérale ou de l’incisive centrale.

Points diagnostiques clés

• Détermination de la position de la dent incluse (mésio-angulée le plus souvent pour 38 et 48 ; en situation haute ou disto-angulée pour 18 et 28 ; mésio-angulée également pour les canines supérieures).

• Évaluation des proximités avec les structures de voisinage et les obstacles anatomiques :

– dent de sagesse inférieure :

– repérage du canal mandibulaire et de ses rapports avec les portions radiculaires de la dent de sagesse (fig. 2),

– détection d’éventuelles branches accessoires du nerf alvéolaire inférieur (fig. 3),

– estimation de la distance entre la zone de furcation radiculaire et le canal mandibulaire,

– contacts avec les deuxièmes molaires ;

– dent de sagesse supérieure :

– évaluation du degré de procidence des apex dans le récessus inférieur du sinus maxillaire (fig. 4),

– appréciation de la proximité de la dent de sagesse avec la paroi postérieure de la tubérosité du maxillaire et donc de la fosse infra-temporale,

– évaluation des proximités radiculaires avec le canal grand palatin (fig. 5) ;

– canine supérieure :

– recherche de contacts avec les portions radiculaires des incisives latérales ou centrales (fig. 6),

– proximité de la portion apicale avec le plancher des fosses nasales ou encore du récessus antérieur du sinus maxillaire.

• Analyse de la morphologie radiculaire (nombre de racines, courbures ou dilacérations radiculaires) (fig. 7).

• Recherche d’éventuelles résorptions radiculaires au niveau des dents voisines (fig. 8).

• Analyse de la régularité de l’espace ligamentaire parodontal ; une disparition partielle de la radio-clarté ligamentaire peut suggérer un processus d’ankylose (fig. 9).

• Recherche d’une possible hyperplasie du sac folliculaire ou encore d’une lésion associée, notamment une dégénérescence kystique (kyste dentigère).

Conclusion

L’imagerie par CBCT se trouve être un complément précieux dans l’évaluation des dents incluses. Sur la base de critères d’appel précis, cette modalité apporte des informations pertinentes aussi bien en termes de localisation que de caractérisation morphologique de la dent incluse. L’exploration CBCT contribue également à l’appréciation des rapports de la dent incluse avec les structures dentaires de voisinage et les obstacles anatomiques et permet de mettre en évidence d’éventuelles complications associées. Toutes ces informations seront des atouts pour une planification chirurgicale permettant de réduire d’autant les risques de complications per- et postopératoires.

Bibliographie

[1] European Commission (EC). Radiation protection no. 172: Evidence-based guidelines on cone beam CT for dental and maxillofacial radiology. Luxembourg: Office for Official Publications of the European Communities. 2012[2] Suomalainen A, Pakbaznejad Esmaeili E, Robinson S. Dentomaxillofacial imaging with panoramic views and cone beam CT. Insights Imaging. 2015; 6: 1-16