Implant_Hors Série n° 360 du 01/09/2018

 

PARODONTIE

Ichai LANATI*   Laurent DETZEN**   Brice RIERA***   Marjolaine GOSSET****  


*Master de parodontologie,
AHU (Paris V), Exercice libéral
**DU de parodontologie
Postgraduate européen
en parodontologie et implantologie
Interne MBD
***Interne MBD
****PU-PH

Le praticien est régulièrement confronté à la réalisation de restaurations dentaires complexes, aux limites sous-gingivales, à proximité de l’espace biologique. Celui-ci a été largement étudié par Gargiulo et al. et Vacek et al. : il est constitué de l’attache épithéliale et de l’attache conjonctive. Sa hauteur est en moyenne de 2 mm (fig. 1). Les alternatives thérapeutiques face à ce type de...


Le praticien est régulièrement confronté à la réalisation de restaurations dentaires complexes, aux limites sous-gingivales, à proximité de l’espace biologique. Celui-ci a été largement étudié par Gargiulo et al. et Vacek et al. : il est constitué de l’attache épithéliale et de l’attache conjonctive. Sa hauteur est en moyenne de 2 mm (fig. 1). Les alternatives thérapeutiques face à ce type de situation clinique sont l’élongation coronaire, l’égression orthodontique ou, plus récemment, la remontée de marge.

La technique de la remontée de marge (Deep Margin Elevation – DME) (fig. 2 à 7), présentée par Dietschi et Spreafico en 1998, dispose d’un faible niveau de preuve comme le montre la dernière revue de la littérature sur le sujet [1]. Elle révélait jusqu’à très récemment l’existence de seulement 7 études in vitro et 5 cas cliniques.

Deux études princeps montrent, lors de la violation de l’espace biologique par réalisation d’une remontée de marge respectivement au bout de 1 et 12 ans, une bonne santé parodontale caractérisée par une absence d’inflammation, de perte d’attache ou de résorption osseuse visible radiologiquement.

La seule étude clinique à ce jour, parue en 2018, montre un indice de plaque et un indice gingival similaires entre les groupes lors du suivi de 35 restaurations sur 12 mois avec ou sans DME [2]. Les auteurs mentionnent une augmentation de l’inflammation dans le groupe avec la DME, mais non statistiquement significative. Le faible nombre de restaurations et les données statistiques peu concluantes nous incitent à la prudence, mais cette étude a le mérite d’initier un suivi parodontal sur le sujet.

Les matériaux de choix lors de la réalisation d’une DME sont les matériaux composites (fluides et micro-hybrides) et, dans une moindre mesure, les ciments verre ionomère modifiés par adjonction de résine (CVIMAR).

Présence d’un biomatériau sous-gingival sur la pérennité du parodonte

La réalisation d’une restauration sous-gingivale, même sans atteinte de l’espace biologique, montre une augmentation de la quantité de biofilm qui crée, à terme, une altération de la surface des biomatériaux (CVIMAR, résines composites…) ainsi que des micro-espaces favorisant l’infiltration, la colonisation et le développement bactérien.

Interactions biologiques entre les matériaux et l’environnement buccal

Pour les restaurations sous-gingivales, les biomatériaux sont en contact permanent avec la salive et le fluide gingival. Des échanges se créent, altérant le matériau (résines composites, CVIMAR) ainsi que les cellules parodontales par relargage de monomères, lesquels favorisent également la prolifération bactérienne, ce qui augmente le risque de lésion carieuse récidivante.

Nature de l’attache parodontale

Il n’existe pas d’étude histologique portant sur la remontée de marge. Il est cependant probable qu’un remaniement ponctuel à la suite d’une inflammation localisée entraîne un remodelage de l’os alvéolaire à distance de la limite apicale du matériau, dégageant une attache conjonctive fonctionnelle apicale au matériau et une attache épithéliale (épithélium de jonction long) sur le matériau. Le type d’attache lors de l’atteinte de l’espace biologique chez le chien suite à la réalisation de restauration en CVIMAR ou en composite a été étudié. Il a été constaté la présence d’un épithélium de jonction long à la surface du matériau, d’une attache conjonctive non fonctionnelle sur la restauration, suivie d’une attache conjonctive fonctionnelle jusqu’au niveau osseux (ayant subi une résorption apicale) (fig. 8).

Conclusion

La mise en œuvre de la technique de remontée de marge dans le respect de son protocole exigeant permet de diminuer l’impact tissulaire lié à la réalisation d’une chirurgie parodontale. Cette démarche s’inscrit dans le gradient thérapeutique permettant de différer les techniques invasives de plusieurs années. Cependant, comme pour toute restauration, un suivi approprié doit être mis en place prenant en compte le moins bon accès au nettoyage et le vieillissement du matériau.

Bibliographie

  • [1] Juloski J, Köken S, Ferrari M. Cervical margin relocation in indirect adhesive restorations: a literature review. J Prosthodont Res 2017;pii:S1883-1958.
  • [2] Ferrari M, Koken S, Grandini S, Ferrari Cagidiaco E, Joda T, Discepoli N. Influence of cervical margin relocation (CMR) on periodontal health: 12-month results of a controlled trial. J Dent 2018; 69:70-76.