CHIRURGIE
Philippe COLIN* Victorien VUONG**
*Docteur en chirurgie dentaire
Faculté d’odontologie de Montpellier
Exercice privé en implantologie et
parodontologie
Activité hospitalière, CHU Nîmes
**Docteur en chirurgie dentaire
Faculté d’odontologie Paris Descartes
Ancien AHU des Hôpitaux de Paris
Responsable Scientifique Geistlich
Pharma France
L’intégration esthétique de nos traitements implantaires constitue un défi majeur pour répondre aussi bien à la demande des patients qu’à nos propres visées thérapeutiques. Le succès ne se limite plus seulement à l’ostéo-intégration primaire d’un implant mais vise à obtenir une qualité et une stabilité des tissus mous dans le temps.
Différents auteurs ont montré l’importance de disposer d’une épaisseur péri-implantaire optimale de tissus mous : ainsi...
L’intégration esthétique de nos traitements implantaires constitue un défi majeur pour répondre aussi bien à la demande des patients qu’à nos propres visées thérapeutiques. Le succès ne se limite plus seulement à l’ostéo-intégration primaire d’un implant mais vise à obtenir une qualité et une stabilité des tissus mous dans le temps.
Différents auteurs ont montré l’importance de disposer d’une épaisseur péri-implantaire optimale de tissus mous : ainsi Suárez et al. (2016) et Linkevicius et al. (2015) établissent que les implants placés dans un environnement gingival favorable avec des tissus mous épais ont moins de perte osseuse marginale que s’ils sont placés dans des tissus fins [1, 2].
Dès lors, des procédures de greffes de tissus mous peuvent être recommandées pour améliorer la santé péri-implantaire et pour garantir le maintien du niveau osseux et l’esthétique dans le temps [3, 4]. Le tissu conjonctif reste actuellement le gold standard dans ces procédures de greffes de tissus mous bien que différentes matrices de collagène aient été utilisées (Alloderm®, Mucoderm®, Geistlich Mucograft®…).
Pour répondre plus spécifiquement aux besoins d’épaississement péri-implantaire, une matrice de collagène stable en volume (Geistlich Fibro-Gide®) a récemment été proposée en alternative au tissu conjonctif. Cette innovation dans le domaine de la dentisterie régénérative est le fruit de plusieurs années de recherche avec des études ayant confirmé l’intégration optimale de la matrice. Cette dernière est constituée d’un réseau poreux de collagène réticulé, résistant aux contraintes mécaniques et favorisant l’angiogenèse et, ainsi, la formation de nouveau tissu conjonctif [5-7].
Nous vous proposons de découvrir l’utilisation de cette nouvelle matrice collagénique à travers un cas clinique. Il s’agit d’un cas simple à but didactique pour montrer son intérêt dans les situations d’épaississement péri-implantaire.
Un patient de 21 ans, en bonne santé générale, se présente pour une réhabilitation implantaire en site de 22 liée à un édentement ancien pour cause de traumatisme 5 ans auparavant. L’examen intra-buccal montre un affaissement de la muqueuse consécutif à une perte osseuse horizontale modérée, habituelle en secteur antérieur après un édentement ancien (fig. 1 à 3).
Lors du plan de traitement, il est décidé d’épaissir la muqueuse simultanément à la pose de l’implant, la situation osseuse étant exploitable sans le recours à une augmentation de volume par ROG.
Un lambeau de plein épaisseur est effectué avec des décharges proximales afin d’obtenir une laxité tissulaire suffisante (fig. 4 et 5).
Un implant de 3,4 mm à connectique conique (Anthogyr) est positionné en respectant les critères tridimensionnels d’intégration esthétique optimale : 2 mm en deçà de la jonction amélo-cémentaire vestibulaire des dents voisines, à distance de la corticale vestibulaire, et avec une trajectoire permettant une émergence du puits d’accès à la vis de pilier entre le cingulum et le bord libre de la future couronne qui sera transvissée dans l’implant (fig. 6 et 7).
Pour des raisons pratiques, la matrice collagénique est découpée à sec en dehors du site, puis placée en regard de l’implant où elle est maintenue en position coronaire par une suture palatine. Nous pouvons noter l’épaisseur relativement importante de la matrice et sa capacité hydrophile (fig. 8 à 10).
Une fermeture primaire des berges sans tension a été obtenue par une incision périostée se prolongeant très superficiellement sous la muqueuse vestibulaire. Des sutures discontinues en fil résorbable 6/0 permettent de recouvrir complètement la matrice (fig. 11 et 12).
Cette fermeture provoque un déplacement coronaire du tissu kératinisé en raison du volume de matériau, ce qui doit être souvent compensé par la suite lors de la ré-entrée lorsque la hauteur de muqueuse kératinisée est insuffisante, ce qui n’est pas le cas ici. La cicatrisation du site est normale avec un maintien du volume muqueux les premiers mois (fig. 13 à 16). L’exposition de l’implant se fait 3,5 mois plus tard par une incision au sommet de la crête et une ouverture limitée à l’accès à la vis de couverture. Un pilier transitoire est fixé dans l’implant et la dent prothétique issue de la prothèse temporaire est raccordée au pilier directement au fauteuil (fig. 17 à 20).
L’empreinte avec un transfert est prise 2,5 mois plus tard et la couronne finale transvissée est mise en place 4 mois après la ré-entrée. L’intégration esthétique est positive, les tissus mous sont sains et la maturation papillaire est escomptée dans les prochains mois (fig. 21 à 24).
Geistlich Fibro-Gide® possède un réseau de collagène réticulé (types I et III d’origine porcine) permettant de conserver une stabilité de volume pendant son intégration, l’indiquant dans les épaississements de tissus mous, tandis que Geistlich Mucograft® ne présente pas les mêmes propriétés mécaniques et se destine au gain de tissu kératinisé [8, 9] et au recouvrement de récessions [10].
L’utilisation de Geistlich Fibro-Gide® s’est avérée relativement simple avec une bonne intégration biologique au sein des tissus mous, créant peu de réactions inflammatoires, ce qui est confirmé dans l’étude clinique de Thoma [11].
L’autre avantage est la disponibilité du matériau pour des interventions de grandes étendues et l’absence de prélèvement autogène pour le patient, pouvant engendrer un risque de morbidité et des suites opératoires douloureuses.
Bien que des études aient montré des résultats non inférieurs au tissu conjonctif, il a pu être observé une contraction de volume post-chirurgicale avec un maximum à 3 mois, qui aurait lieu en raison des limites biologiques [12].
Ainsi, il n’est pas encore établi s’il faut surcompenser l’épaisseur de la matrice, pour contrebalancer la contraction qui est généralement observée, ou si une épaisseur excessive génère de fait une contraction plus importante, avec finalement un gain plus limité.
D’autres cas cliniques plus complexes ont été également réalisés et nécessitent davantage de recul afin de se prononcer sur la stabilité de volume à long terme, en comparaison au tissu conjonctif qui reste le gold standard.
La bonne gestion des tissus mous péri-implantaires est indispensable à la pérennité des restaurations implantaires et au maintien de l’esthétique à long terme.
Les résultats de cette nouvelle matrice collagénique (Geistlich Fibro-Gide®) dans les indications d’épaississement péri-implantaire sont très prometteurs avec une simplicité d’utilisation, une tolérance biologique favorable et un confort pour le patient. Le volume de tissu mou obtenu jusqu’à présent paraît satisfaisant : cependant, davantage de cas cliniques complexes et de recul sont nécessaires afin d’objectiver la stabilité à long terme, qui est le fondement du succès de nos traitements.