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Ancien assistant de prothèse, Paris V.
Attaché à la consultation du sourire de l'hôpital Rothschild
Les problèmes d'équilibre des prothèses réhabilitant un édentement complet du maxillaire inférieur ont amené les praticiens à chercher depuis de très nombreuses années des solutions pour améliorer la stabilité des prothèses amovibles complètes mandibulaires. Le développement des barres d'ancrage est une solution proposée dès les années 1950 [1, 2] par des auteurs qui...
Les problèmes d'équilibre des prothèses réhabilitant un édentement complet du maxillaire inférieur ont amené les praticiens à chercher depuis de très nombreuses années des solutions pour améliorer la stabilité des prothèses amovibles complètes mandibulaires. Le développement des barres d'ancrage est une solution proposée dès les années 1950 [1, 2] par des auteurs qui préconisaient la contention des éléments dentaires résiduels afin de distribuer, le plus favorablement possible, les contraintes exercées par la prothèse sur les supports radiculaires.
La limite des prothèses supraradiculaires vient de la présence et du maintien de racines dentaires résiduelles [3]. Le développement des systèmes implantaires permet d'apporter une solution fiable à long terme pour la stabilisation des prothèses complètes mandibulaires, quel que soit l'état de la denture. La zone symphysaire mandibulaire est l'emplacement le plus favorable en terme de qualité osseuse, de possibilité de pose et de pronostic, pour la mise en place d'implants [4].
Pendant très longtemps, il a été considéré que la barre d'ancrage, par opposition aux attachements axiaux indépendants, assurait la stabilisation des implants et, par là-même, diminuait les contraintes s'exerçant sur eux. Ainsi, plusieurs écoles ont réalisé de très nombreuses études montrant la fiabilité des restaurations supraimplantaires avec barres d'ancrage [5-10].
La sustentation des prothèses complètes est assurée par la fibro-muqueuse qui recouvre les crêtes édentées. La présence d'un élément fixe sur la crête, dentaire ou implantaire, limite l'enfoncement de la prothèse et engendre un axe de rotation. La présence d'une barre dans la partie antérieure de la mandibule doit prendre en compte cette différence de comportement des tissus d'appui. Idéalement, une barre doit être rectiligne et perpendiculaire à l'axe des crêtes (Fig. 1A et 1B), c'est la seule disposition qui permette de libérer la rotation de la prothèse autour de l'axe antérieur créé par la barre. La prothèse peut alors s'appuyer sur la fibro-muqueuse des crêtes édentées et la sustentation de la prothèse est assurée principalement par l'appui muqueux. Cette disposition permet de réduire considérablement la sollicitation des deux implants support de la barre, celle-ci n'ayant qu'un rôle de participation dans la stabilisation et dans la rétention de la prothèse amovible complète. Une barre en forme de V ou présentant des extensions postérieures bloque le mouvement de rotation de la prothèse et la barre prend alors en charge une grande partie de la sustentation, la sollicitation des implants est alors beaucoup plus importante. Ainsi, selon le nombre d'implants mis en place (deux ou trois et plus), deux types de construction peuvent être envisagées : une prothèse amovible mucco-implanto-portée (deux implants reliés par une barre rectiligne) ou une prothèse amovible implanto-portée (deux implants ou plus reliés par une barre en forme de V, de U ou présentant des extensions). La mise en place de deux implants permet de réaliser une barre rectiligne, l'emplacement retenu pour les implants doit permettre de superposer la barre avec la partie antérieure de la crête. Idéalement, l'écartement des implants se situe entre 15 et 20 mm pour permettre la mise en place d'un ou deux cavaliers (Fig. 1a). Les derniers piliers naturels présents en prothèse supraradiculaire sont, dans la plupart des cas, les canines dont la distance est généralement supérieure à 20 mm, et l'on conserve l'idée que la position des canines est l'emplacement de choix pour les supports de barre. Or, lors de la chirurgie de mise en place des implants chez un patient complètement édenté, le site des canines est situé, par approximation, 10 mm antérieurement à l'émergence du nerf dentaire inférieur au niveau du trou mentonnier. Ce repère est souvent beaucoup plus postérieur à la position des canines naturelles et empêche la superposition de la barre avec la crête antérieure. Il nous paraît préférable de situer l'emplacement des implants symétriquement par rapport à la suture médiane mandibulaire, avec une distance minimale de 7,5 mm de chaque côté et une distance maximale, variable pour chaque patient, permettant l'alignement de la barre et de la crête. Lorsque le profil de la partie antérieure de la crête édentée est curviligne ou trop étroit pour la mise en place des cavaliers, la barre ne pourra pas être rectiligne. Il est alors nécessaire de rajouter un ou deux implants, car la rotation de la prothèse étant limitée, la sustentation est prise en charge par la barre et les implants. L'équilibre de la prothèse amovible est alors plus proche de la prothèse fixe implanto-portée, que de la prothèse amovible complète mucco-supportée.
Plusieurs types de barres sont actuellement proposés (Ackermann, Dolder, Hader, etc.), leur profil varie et présente une section ronde, avec ou sans lame verticale ou ovale. Ces barres se présentent soit en éléments préfabriqués, qui seront soudés sur les embases prothétiques, soit sous forme de préformes calcinables qui seront coulées. Un avantage des barres réside dans le rattrapage de l'absence de parallélisme des implants jusqu'à environ 40°, limite rarement atteinte dans le secteur antérieur de la mandibule.
Notre choix s'est arrêté à deux systèmes.
C'est une barre de section ronde, qui supporte des cavaliers rétentifs en métal ou en téflon. Ce système est l'un des plus ancien décrit et il est largement utilisé. Il présente l'avantage de sa simplicité de mise en œuvre et de son ancienneté. Cependant, quelques inconvénients limitent son utilisation à des cas précis. L'un des premiers inconvénients provient du fait que la prothèse implantaire utilise, la plupart du temps, un pilier transmuqueux qui dépasse la muqueuse d'environ 1 à 2 mm pour assurer sa stabilité et éviter sa prolifération. La barre est reliée au pilier par une embase prothétique de 3 à 4 mm de hauteur et se trouve donc à environ 3 à 4 mm au-dessus de la fibro-muqueuse. Ceci tend à entraîner au cours du temps une prolifération gingivale sous la barre par un phénomène de succion, ceci malgré les conseils de nettoyage pour lesquels une compresse paraît être l'instrument de choix (Fig. 2). Cet inconvénient, bien connu des barres d'ancrage, ne peut être évité que par un contact sans pression de la barre sur la fibro-muqueuse de la crête lors de sa réalisation [11], ce qui est plus facile à obtenir avec des chapes sur dents naturelles dont la hauteur peut être réduite à 1 mm que sur des piliers implantaires dont la hauteur de l'accastillage fourni par le fabricant ne peut être modifié. D'autre part, la rigidité de cette barre est très relative dès que la distance entre les supports devient supérieure à 2 ou 3 cm. C'est pourquoi nous réservons ces barres aux cas simples, barre rectiligne courte avec mise en place de cavaliers en téflon. Nous préférons les cavaliers en téflon aux cavaliers métalliques, car ils donnent à notre avis plus de souplesse dans la connexion et réduisent d'après notre expérience la maintenance de ce type de restaurations.
C'est une barre de section ronde prolongée par une lame verticale qui supporte des cavaliers interchangeables en téflon, le berceau des cavaliers étant réalisé dans l'intrados métallique ou résine de la prothèse. Ce système, moins connu que le précédent, présente de nombreux avantages. D'une part, sa rigidité est très supérieure en raison du support apporté par la partie verticale de la barre, ceci quelle que soit la distance entre les piliers. D'autre part, l'aménagement de la lame verticale au contact de la crête, lors de sa réalisation au laboratoire, permet de réduire considérablement la diapneusie généralement constatée et les problèmes de maintenance associés. Ce contact de l'intrados de la barre avec la fibro-muqueuse nécessite de créer autour des piliers des embrasures permettant le passage de brossettes interdentaires (Fig. 3a et 3b), afin d'optimiser l'hygiène autour des implants. Autre avantage, le praticien, ou le patient, peut remplacer les cavaliers lorsque l'usure a diminué leur rétention. Un changement trop fréquent signe un déséquilibre de la prothèse et une sollicitation trop forte du système. Il est important, à ce moment-là, de diagnostiquer la cause du déséquilibre et d'y remédier afin d'éviter des complications plus graves. La simplicité de l'intervention de mise en place des cavaliers facilite également les rebasages, source de difficultés lors de l'utilisation de cavaliers métalliques.
Si la réalisation de la barre au laboratoire est bien codifiée et ne présente pas de difficultés particulières, la technique d'empreinte pour l'obtention du modèle de travail laisse souvent le praticien perplexe par sa complexité dans l'enregistrement d'une zone dépressible, la fibro-muqueuse et d'une zone incompressible, les implants. Nous utilisons indifféremment deux techniques pour la réalisation de la barre et de la prothèse adjointe complète [12].
L'empreinte fournie au laboratoire de prothèse tient compte de la différence de dépressibilité entre la fibro-muqueuse et les fixtures et permettra la réalisation de la barre et de la prothèse adjointe sur le même modèle de travail. Une empreinte primaire de repositionnement, à l'alginate, est réalisée transferts coniques d'empreinte en place. L'empreinte primaire à l'alginate peut être remplacée par un enregistrement piézographique. Après retrait du porte-empreinte, les transferts sont dévissés des piliers et reportés dans le matériau d'empreinte après vissage des répliques de piliers. L'empreinte est coulée et le porte-empreinte individuel est réalisé sur ce modèle primaire. Le porte-empreinte recouvre entièrement la surface d'appui : muqueuse et piliers. Chaque pilier est dégagé 3 mm autour de sa périphérie. Le porte-empreinte est essayé, contrôlé au niveau de son espacement et les bords sont réglés selon les principes des empreintes en occlusion de la prothèse adjointe complète [11]. Le joint périphérique est enregistré et l'empreinte secondaire est effectuée sous pression occlusale, sans les transferts de piliers. Après son retrait, le matériau d'empreinte au niveau de l'emplacement des piliers est découpé avec un bistouri pour permettre la mise en place de l'empreinte sans interférence des transferts. Les transferts d'empreinte carrés sont solidarisés aux piliers par des vis-guides, et l'empreinte est replacée en bouche pour la réalisation d'une empreinte de ramassage (pick-up) des transferts carrés. Le porte-empreinte est maintenu en appui maximum sur la muqueuse, par pression occlusale maximale du patient sur la partie supérieure du porte-empreinte aménagée à cet effet. L'espace autour des piliers est comblé par un matériau basse viscosité, injecté à l'aide d'une seringue. Après la prise du matériau, le porte-empreinte étant toujours fortement maintenu, les transferts sont solidarisés au porte-empreinte avec de la résine Duralay®. Le tout est ensuite retiré après dévissage des vis-guides. On peut alors noter sur l'empreinte une différence de niveau entre la muqueuse d'appui et celle entourant les piliers. Cette technique d'empreinte combinant l'empreinte secondaire en occlusion d'une prothèse amovible complète et une empreinte de ramassage des piliers implantaires permet d'obtenir une empreinte globale fonctionnelle enregistrant la dépressibilité de la surface d'appui fibro-muqueuse.
Le modèle issu de cette empreinte va permettre de réaliser directement la barre d'ancrage sur les répliques de pilier et la prothèse amovible complète avec solidarisation sur le modèle des cavaliers de rétention.
La réalisation prothétique est dissociée :
- dans un premier temps, l'empreinte des piliers implantaires est réalisée soit en technique indirecte par repositionnement des transferts coniques, soit en technique directe par ramassage des transferts carrés. Personnellement, nous préférons cette deuxième méthode. Le modèle de travail obtenu, après mise en place des répliques sur les transferts et coulée de plâtre dans l'empreinte, permet d'élaborer la barre d'ancrage en fonction d'un prémontage afin de la situer parfaitement, sans interférence avec le futur volume de la prothèse. Un porte-empreinte individuel est alors réalisé sur le modèle, barre en place ;
- dans un deuxième temps, la barre est positionnée à l'aide des vis en or sur les piliers implantaires, son ajustage est contrôlé et le porte-empreinte individuel est essayé, son espacement et la longueur des bords sont vérifiés. Le joint périphérique est enregistré. Les vis en or sont remplacées par des vis-guides dont la longueur permet leur dévissage à travers les ouvertures aménagées sur le porte-empreinte. L'empreinte secondaire est réalisée en simple mélange avec un silicone de moyenne viscosité ou en double mélange avec injection de silicone basse viscosité entre la barre et la fibro-muqueuse et autour des piliers. Le porte-empreinte en place est maintenu fortement sur la fibro-muqueuse par le patient en occlusion maximale sur la partie supérieure du porte-empreinte individuel. Après la prise du matériau, les vis-guides sont dévissées et le porte-empreinte est retiré emportant la barre d'ancrage. Le modèle obtenu tient compte de la différence de dépressibilité entre la fibro-muqueuse et la barre d'ancrage implanto-portée et permet de réaliser la prothèse amovible complète, en solidarisant les cavaliers sur le modèle.
Ces deux techniques d'empreinte réclament une certaine maîtrise des matériaux et des empreintes en occlusion, mais le respect de ces protocoles permet d'obtenir une prothèse fonctionnelle parfaitement stable sur les surfaces d'appui.
La prothèse amovible supraimplantaire suit en tous points les impératifs de la prothèse amovible complète, en particulier dans l'établissement du joint périphérique et dans le recouvrement des surfaces d'appui fibro-muqueuse. Le volume de la barre dans la zone antérieure de la mandibule nécessite un évidement plus ou moins important, qui parfois peut créer une zone de fragilité par l'amincissement excessif de la résine. Il faut alors envisager de réaliser un renfort métallique sous la forme d'un châssis stellite dans lequel on aménage l'emplacement des berceaux des cavaliers en téflon (Fig. 5A, 5B et 5C). La maquette du châssis métallique est réalisée sur un duplicata du modèle de travail avec la barre d'ancrage, en fonction d'une clé du montage des dents et de la forme de la prothèse, pour ne pas entraîner de surépaisseur. La maquette est ensuite coulée selon les procédures habituelles. Cette modification de la prothèse apporte une sécurité souvent nécessaire pour éviter les complications de fractures de la prothèse, délicates à éliminer lorsqu'elles se produisent en l'absence d'un renfort.
La restauration des édentements complets mandibulaires par des prothèses amovibles supraimplantaires est un traitement fiable, bien documenté par de nombreuses études réalisées par des équipes multidisciplinaires et dont le pronostic à long terme est très favorable. La présence de la barre d'ancrage améliore considérablement l'équilibre de la prothèse amovible et, par voie de conséquence, la fonction et l'efficacité masticatoire du patient. La difficulté d'élaboration de ce type de prothèse vient principalement de l'enregistrement de la différence de dépressibilité des tissus d'appui (fibro-muqueuse des crêtes édentées et implants ostéointégrés, supports de la barre) au moment de l'empreinte. Dès que la phase d'empreinte est correctement maîtrisée, la suite du traitement rejoint les étapes classiques de la réalisation d'une prothèse amovible complète conventionnelle. Comme tout traitement impliquant la mise en place d'implants, le traitement de l'édentement complet mandibulaire par une prothèse amovible mucco-implanto-portée représente un coût financier supérieur à celui d'une prothèse amovible complète mucco-supportée. Cependant, le bénéfice fonctionnel apporté par la prothèse sur barre ancrée sur deux implants compense largement le surcoût et justifie ce type de traitement.
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